vendredi 30 septembre 2022

Musica voyage à Nancy avec Different Trains et Seb Brun au CCAM à Vandoeuvre

Le Festival Musica dès l'origine avait la bougeotte. La première année, le public et les musiciens sont allés à la rencontre du public et des musiciens amateurs des nombreux orchestres locaux, surtout les ensembles d'harmonie et les chorales, en prenant le train vers le nord et le sud de l'Alsace. Et le voyage et la découverte a toujours fait partie de l'ADN du Festival, en bateau, en bus ou en train, en Alsace, en Allemagne (la Lorelei, Karlsruhe ou Freiburg) et en Suisse (Bâle). Cette année, pour clôturer un festival renouvelé, c'est à Nancy que Musica prend ses quartiers d'automne avec un week-end équilibré entre tourisme et musique. Et il y a matière et variété: pas moins de sept lieux pour des propositions allant d'un "concert à table" à un opéra contemporain et écologique en passant par un concert performance en plein air, Place Stanislas avec mapping sur la façade de l'Opéra, ou un duo électro et bien sûr des concerts d'ensembles de musique contemporaine. 


Different Trains - Seb Brun


Le voyage commence à Vandoeuvre, la commune la plus peuplée de la Métropole du Grand Nancy, située au sud-ouest de Nancy et disposant de nombreuses infrastructures (Technopôle, université, remarquable Jardin Botanique Jean-Marie Pelt,,..) et d'un Centre Culturel, le CCAM, Scène Nationale depuis 2000 avec son festival Musique Action depuis 1984. Une raison valable de s'y faire rencontrer le Quatuor Diotima et le quatuor autour de Seb Brun qui nous prend par surprise avec Horns après un passage dans un étrange dédale souterrain. 


Musica 2022 - CCAM Vandoeuvre- Seb Brun - Photo: lfdd


Le public patiente dans une salle austère et bétonnée au centre de laquelle trônent des instruments de percussions et des équipements électroniques, claviers, synthés, quelque bric-à-brac: couvercles avec fils électriques et avec des pièces de monnaie et une nuée d'enceintes. Les lumières sont au minimum et les tabourets des musiciens sont vides... Comme un bruit de pas tourne autour de la salle, les musiciens semblent s'être fondus dans la foule. On sent monter une certaine inquiétude et une femme se sent obligée d'applaudir pour conjurer l'attente. Hasard, synchronisation des pensées, c'était le moment que les musiciens avaient choisi pour retrouver leur place centrale et prendre en main leurs instruments. 


Musica 2022 - CCAM Vandoeuvre- Seb Brun - Photo: lfdd


Les bruits de pas entendus se révèlent être des micromouvements des fils et objets sur les couvercles disposés au sol, et qui maintenant frissonnent, alors que les musiciens commencent à triturer leurs boutons et que des sont discrets se mélangent. Un souffle, des crépitements, des sons électroniques, un rythme qui sourd, l'espace se peuple d'une vie mystérieuse. 


Musica 2022 - CCAM Vandoeuvre- Seb Brun - Photo: lfdd


Les quatre musiciens, disposés en rond se font face, chacun sur son petit établi, Clément Verceletto et Julien Baudart avec leurs synthétiseurs en modules, Seb  Brun derrière sa batterie qu'il commence à caresser et également ses appareils et Thimotée Quost, équipé d'une trompette avec laquelle il souffle alternativement avec ou sans embout dans un micro qu'il coiffe avec le pavillon et dont il frappe le corps au rythme d'un bruit de rail. 


Musica 2022 - CCAM Vandoeuvre- Seb Brun - Photo: lfdd


Dans l'imaginaire de la nuit, des séquences de train de passage surgissent, des ambiances variées se projettent dans la pénombre, l'oeil et l'oreille écoute et invente les images suscitées par les quatre compères. Le rythme s'accélère, le son devient plus dense, plus touffu, les lumières clignotent et éblouissent, des ultra-basses nous prennent au corps, nous basculent à la limite de la sensation et nous emmènent dans une expédition étrange. Le bruit de roulement, les sifflements s'intensifient, Une montée en puissance s'opère, les machines respirent, ahanent, des sirènes dans la nuit, et le rythme s'accélère jusqu'à l'acmé finale. Le public libéré respire.... Il vient d'expérimenter une performance entre John Cage, la Bête Humaine et un voyage vers l'inconnu.


Musica 2022 - CCAM Vandoeuvre- Seb Brun - Photo: lfdd

Musica 2022 - CCAM Vandoeuvre- Seb Brun - Photo: lfdd


Different Trains - Quatuor Diotima


Suite est donnée dans la salle de spectacle du Centre Culturel André Malraux avec le Quatuor Diotima pour un programme en deux volets, avec deux compositeurs György Ligeti et Steve Reich qui auront marqué avec ces deux pièces phares pour quatuor l'histoire de la musique de la fin du XXème siècle.


Musica 2022 - Quatuor Diotima- Ligeti - Photo: lfdd


Nous avons d'abord avec le Quatuor à corde N°2 de Ligetti ( 1968) une pièce qui bouscule l'écoute. Dès le départ, un silence marqué introduit un état de suspension pour l'auditeur. Et tout au long de la pièce, des pauses laissent le silence s'installer. La pièce commence par des moments joués très léger, une suspension, un souffle nous fait nous aiguiser les oreilles et retenir la respiration. Et puis un éclat, fort. Les modes de jeu varient, entre ces touchers délicats et des accélérations vigoureuses et rapides. Des pizzicatos - on dirait des métronomes qui s'emballent - alternent avec des moments calmes tout en douceur avant un nouveau déferlement d'énergie. Les modes de jeu alternent et s'opposent. Des vibrations rapides avec des archets qui tirent et tiennent la note. L'interprétation du Quatuor et précise et le geste habité. La concentration est impressionnante et nous fait entrer au coeur de cette oeuvre étrange et surprenante, d'une délicatesse extrême.


Musica 2022 - Quatuor Diotima- Steve Reich - Different Trains - Photo: lfdd


L'autre pièce de la soirée qui donne son nom au programme est l'oeuvre de Steve Reich Different trains (1988), une pièce qui intègre à la fois de la musique enregistrée - il sample la partition qui se retrouve en quatre couches superposées dans lesquelles il intègre également des bruitages divers, sifflets, sirènes, bruits de trains, et bouts d'enregistrements de voix qu'il a effectués lui-même (sa gouvernante, un porteur de bagages du train New-York-Los Angeles et des rescapés de la Shoah).  La pièce est en trois parties, America – Before the War, Europe – During the War et After the War et s'appuie sur ses souvenirs d'enfance quand il devait faire le voyage entre ses parents séparés, de New-York à Los Angeles. 


Musica 2022 - Quatuor Diotima- Steve Reich - Different Trains - Photo: lfdd


Ce voyage en train le fait se projeter pendant la guerre aux trains de la Shoah et rappelle cet épisode douloureux, constatant aussi que, selon où l'on vit et habite, le destin n'est pas le même. La composition est bien sûr répétitive et les cordes reprennent également les intonations des extraits de voix de la bande son pour les souligner ou les rappeler. Des paroles qui remettent en mémoire cet épisode et rappellent que si les trains sont plus rapides, "one of the fastest trains" - il y en a eu qui, alors que la guerre était finie "the war is over" - "are you sure?" n'en sont pas revenus "they are all gone". Une performance très émouvante.


La Fleur du Dimanche

mercredi 28 septembre 2022

Music in the Belly de Stockhausen revu par Simon Steen-Andersen et joué par les Percussions de Strasbourg: viscéralement bien

 La pièce Musique in the Belly de Karl-Heinz Stockhausen a été jouée pour la première fois en 1975 par les Percussions de Strasbourg au Festival de Royan. Elle avait été composée pour eux, l'idée ayant surgi  Stockhausen lors d'un épisode drôle - et inquiétant - qu'il a vécu avec sa fille Julika quand elle avait 2 ans. Alors que son ventre gargouillait et que son père lui a dit "Mais, Julika, tu as de la musique dans le ventre", elle est partie dans un fou rire irrépressible et même un épisode inquiétant, ne cessant de rire et de répéter les mots "Musik im Bauch" - "Musique dans le ventre" sans parvenir à se calmer. Sept ans plus tard, il fait un rêve relatif à cet épisode qui lui revient et il le retranscrit dans une partition presque minimaliste mais remplie de didascalies et d'annotations. Sur la scène du Théâtre de Hautepierre, scène de proximité pour les Percussions de Strasbourg, nous assistons à la recréation de cette pièce dans une nouvelle mise en scène et une conception adaptée de Simon Steen-Andersen suite à la demande de l'orchestre, lors d'une soirée du Festival Musica.


Musica 2022 - Karlheinz Stockhausen - Simon Steen-Andersen - Percussions de Strasbourg - Photo: lfdd


Après une projection d'images qui ressemblent à un passage de grosses pattes d'éléphants sur un fond de ciel rouge, avec en bande son ce qui pourrait être des gargouillements d'estomac et même des battements de coeur. Dans le noir arrivent six percussionnistes - que des jeunes femmes: Lou Renaud-Bailly, Olivia Martin, Vanessa Porter, Léa Koster, Hsin-Hsuan Wu, Yi-Ping Yang - sur des planches à roulettes électriques éclairées de leds. Elles se positionnent en cercle sur la scène. L'une, à gauche devant des cloches plaques, trois en fond de scène derrière des petites cymbales et deux à droite devant un marimba. A la cloche plaque, la percussionniste joue sur l'écho et les résonnances avec un micro qu'elle dirige vers les plaques. 


Music im Bauch - Stockhausen - Percussions de Strasbourg - Photo: Christophe Urbain


Les percussionnistes du fond jouent des mélodies à des rythmes différents et à droite, des baguettes sont inlassablement accrochées et lâchées sur le marimba, construisant une mélodie étirée au maximum. De temps en temps l'une des musiciennes se dirige avec sa planche à roulette vers un téléphone qui sonne et d'où émerge la voix de  Karl-Heinz Stockhausen qui nous expose une partie de sa philosophie ou certaines anecdotes, par exemple la prière qu'il a inventée pour ses enfants en hommage à l'univers, les étoiles, les cellules et la lumière. La composition jouée est d'ailleurs issue du cycle du Tierkreis - le Zodiaque où il a composé 12 mélodies (de mi bémol - le Verseau à ré - le Capricorne), dont les musiciens choisissent trois mélodies qu'ils vont interpréter. Et cela donc pour chaque instrument avec sa spécificité et à des rythmes différents, les cymbales étant le plus rapide. Le tout menant vers un état presque hypnotique et cathartique. A certains moments, selon l'éclairage, on se rend compte que le plateau est recouvert d'une mince couche d'eau. Une percussionniste fait le tour des micros suspendus et les fait balancer comme des pendules. 


Musica 2022 - Karlheinz Stockhausen - Simon Steen-Andersen - Percussions de Strasbourg - Photo: lfdd


Du ciel, un homme à tête d'oiseau, couvert de grelots descend et les trois femmes en fond de scène remuent une baguette avec un bout luminescent et fouettent l'air puis en frappent le personnage. D'un coup de scalpel, l'une d'elle lui ouvre la chemise et le ventre qui rougeoie et elles en sortent à tour de rôle chacune une boite à musique qu'elles posent à l'avant-scène. L'une après l'autre, elles mettent en marche la mécanique, accompagnant la mélodie sur un petit marimba qu'elles posent sur le même socle. 


Music in the Belly - Stockhausen - S. Steen-Andersen - Percussions de Strasbourg - Photo: Christophe Urbain


La musique se meurt doucement, les boites à musique s'épuisent et l'homme oiseau rejoint les limbes tandis que dans une sorte de rencontre du troisième type, les trois dernières percussionnistes sortent par le fond de la scène au travers d'un rai de lumière aveuglant. Et dans le silence quelques dernières notes s'échappent encore des boites.


La Fleur du Dimanche  


28.09.2022 — 60' — Festival Musica - Théâtre de Hautepierre, Strasbourg

Composition : Karlheinz Stockhausen (1975)*
Concept, mise en scène, électronique : Simon Steen-Andersen

Interprètes : Léa Koster, Olivia Martin, Vanessa Porter, Lou Renaud-Bailly, Hsin-Hsuan Wu, Yi-Ping Yang.

Régie : Claude Mathia, Etienne Démoulin, Raffaele Renne
Construction des décors : Albane Aubin
Durée : 60’
Production déléguée et commande : Les Percussions de Strasbourg
Coproduction : Festival Musica, La Muse en circuit

Une production réalisée dans le cadre du programme de soutien à la création artistique Mondes nouveaux.

*Pièce originale créée en 1975 au Festival de Royan, commandée et interprétée par les Percussions de Strasbourg
Éditeur : Stockhausen Verlag
Première le 28 septembre 2022 à 20h30 au théâtre de Hautepierre, Strasbourg dans le cadre du Festival Musica

mardi 27 septembre 2022

Avec Musica et le Maillon: La Femme au Marteau, le fossile est dans le lit...

Galina Ustvolskaja ou Galina Oustvolskaïa a traversé le XXème siècle de Leningrad à Saint-Pétersbourg. En fait elle était née à Saint-Pétersbourg en 1919, c'est juste que la ville a changé de nom entre 1924 et 1991. Et à sa mort en 2006 le nom était redevenu celui de la ville de sa naissance. C'est dire qu'elle vécu en plein dans le régime communiste. Elle fut par ailleurs, à partir de 1949, l'élève de Dimitri Chostakovitch. Mais que l'on ne s'y trompe, elle n'a pas été influencée par son style, d'ailleurs il lui dit: "Ce n'est pas toi qui es influencée par moi, au contraire, c'est moi qui le suis par toi." Et c'est vrai qu'il cite quelques thèmes d'elle dans ses composition. Par contre il la défend auprès des collègues de l'Union des compositeurs soviétiques. Son style, très reconnaissable dans la pièce La Femme au Marteau contient des blocs de sons homophoniques répétés (très violents, d'ailleurs, à la limite du supportable quelquefois) qui lui valent d'ailleurs ce surnom que lui a attribué le critique néerlandais Elmer Schönberger. 


Musica 2022 - La Femme au Marteau - Galina Ustvolskaja - Sylvia  Costa - Photo: Simon Gosselin

Mais elle ne manie pas que le marteau - heureusement pour le pianiste Marino Formenti qui pour cette pièce interprète les six sonates pour piano (écrites entre 1947 et 1988) et s'en sort sûrement épuisé sinon en sueur. Les pièces sont assez ressemblantes et il n'y a pas une énorme différence de composition entre les anciennes et les dernières, la composition étant déjà très moderne dès le départ. Elle nos sont pas totalement dans la force et vont des registres extrêmes. Il y a des moments d'une douceur et d'une délicatesse, à la limite de l'audible presque tant le clavier n'est qu'effleuré. Les pièces naviguent entre cette brutalité et un calme très réparateur. Un challenge pour le pianiste qui doit passer d'un doigté de fée à des appuis renforcés de tout l'avant-bras sur le clavier. A propos de cette musique, le pianiste dit"

"La musique est une vilaine bête. On ne peut pas l'interpréter et il ne suffit pas de la jouer. Mais de toutes les bêtes, Galina est la plus vilaine. Ici, nous ne tentons pas de mettre en image sur cette musique: nous essayons de l'imaginer". 

 

Musica 2022 - La Femme au Marteau - Galina Ustvolskaja - Sylvia  Costa - Photo: Simon Gosselin

Et a Silvia Costa, metteuse en scène et scénographe, de nous faire imaginer cette musique. Pour cela elle nous plonge dans un univers sombre, d'où émergent des silhouettes de femmes autour de lits - il y en a quatre successifs, dont un à baldaquin - peuplé de personnages étranges. Tout au début une chauve-souris famélique issue d'une gravure de Goya ou d'Arnold Böcklin, des femmes liées à ces lits comme à un cordon ombilical, les déplaçant, les enjambant, se glissant dedans et dessous, les quittant pour faire un tour du monde ou accueillir une petite fille et son cerceau.


Musica 2022 - La Femme au Marteau - Galina Ustvolskaja - Sylvia  Costa - Photo: Simon Gosselin


Et puis toute une panoplie de vêtements, que ce soient ceux, dans une valise,  pour un voyage, une robe de mariée ou des vêtements intimes ou de nuit. Cet univers entre le léthargique et le cathartique, complété par la musique qui nous envahit au plus profond font de cette pièce un voyage au coeur des sensations.


La Fleur du Dimanche


La Femme au marteau


Au Maillon - présentée avec le Musica - le 27 et 28 septembre


Galina Ustvolskaja Sonate no 1 à 6
interprétées par Marino Formenti
mise en scène et scénographie | Silvia Costa
avec Hélène Alexandridis, Marief Guittier, Anne-Lise Heimburger, Rosabel Huguet Dueñas, Pauline Moulène ainsi que la participation de Bruneau Rousseau et pour la petite fille Maya Quintes (le 27) et Nava Kunz (le 28).
costumes | Laura Dondoli
création sonore | Nicola Ratti
lumière | Marco Giusti
textes | Umberto Sebastiano
assistanat | Rosabel Huguet Dueñas

lundi 26 septembre 2022

Joelle Léandre à Musica: La contrebasse m'est tombée dans les mains à l'âge de neuf ans... Elle ne l'a jamais plus quittée

 Les femmes ne sont pas très nombreuses à jouer des instruments "non nobles" comme le constate Joëlle Léandre lors de sa "performance" au TJP dans le cadre du Festival Musica avec Jazzdor. Encore moins à l'époque où elle a commencé à se faire un chemin dans la musique, et encore moins pour des personnes qui, comme elle, viennent d'un milieu modeste.

 

Musica 2022 - Joëlle Léandre - TJP - Photo: lfdd


Dans cette performance musicale où elle occupe la scène - qu'elle partage un peu avec des musicien.ne.s ami.e.s et deux jeunes élèves contrebassistes de l'école des Arts de Schiltigheim, Aude Muller et Ambre Rogez, pour donner la mesure de ce qu'elle aurait pu être à ses neuf ans, quand sur les conseils d'une enseignante de musique, elle a pu s'inscrire dans un conservatoire - un évènement exceptionnel pour une jeune fille de sa condition, Joëlle Léandre nous passe en revue et à cent à l'heure son parcours et sa curiosité, son travail et sa persévérance, et surtout sa force de caractère et son indépendance. C'est "l'invention de soi" surtout, son ouverture d'esprit et sa curiosité et à la base, ce travail, ce travail mille fois recommencé sans lequel elle n'y serait jamais arrivé. Egalement le fait de "désapprendre", de ne pas se satisfaire des certitudes, de se questionner et de rechercher de nouvelles voies, de nouvelles pistes, quitte à aller à l'étranger, à New York par exemple ou en Allemagne, à dire oui à l'ouverture, à la surprise, aux challenges, comme d'accepter de jouer avec des musiciens qu'elle ne connait pas et de faire le nécessaire pour que cela fonctionne, d'être à l'écoute et d'accepter le dialogue, de le rechercher. 


Musica 2022 - Joëlle Léandre - TJP - Photo: lfdd


Sa vie, bien remplie sera une succession de rencontres, que ce soit avec des musiciens et des compositeurs classiques, ou contemporains, avec qui elle se lie et quelle sollicite pour composer des pièces pour contrebasse. Que ce soient des musiciens de Jazz, surtout ceux qui "libèrent" le Jazz "Free Jazz" ou tout simplement des musiciens prêts à tenter l'expérience de la rencontre sur des territoires nouveaux. Comme par exemple l'exemple qu'elle nous présente avec Lauren Newton à la voix et Edward Perraud à la batterie, magnifique exemple de ce que l'improvisation et l'écoute réciproque peuvent produire.


Musica 2022 - Lauren Newton - Edward Perraud - Joëlle Léandre - Photo: lfdd


Ou également quand avec Serge Teyssot-Gay à la guitare électrique ils inventent un duo intime, doux et inspiré.


Musica 2022 - Joëlle Léandre - Serge Teyssot-Gay - Photo: lfdd

Musica 2022 - Joëlle Léandre - Serge Teyssot-Gay - Photo: lfdd

Musica 2022 - Joëlle Léandre - Serge Teyssot-Gay - Photo: lfdd


On en redemande encore, mais raconter sa vie bien remplie, ses multiples anecdotes hautes en couleur ((le piano poussiéreux de Darius Milhaud,...) et en faire un commentaire critique et engagé (féministe, oui aussi), d'interroger "le" politique et non "la"politique, et faire la démonstration de ce que cela peut donner concrètement en musique pourrait nous amener au bout de la nuit.... 


Musica 2022 - Joëlle Léandre - TJP - Photo: lfdd


Et des nuits comme cela, il en faut d'autres aussi, remplies du bonheur de la rencontre et du partage...  Alors, nous disons "Merci Joëlle" et lui souhaitons encore des beaux moments à venir.


Musica 2022 - Joëlle Léandre - TJP - Photo: lfdd


La Fleur du Dimanche  

dimanche 25 septembre 2022

Musica au TNS avec le Groupe 46: Donnez-moi une raison de vous croire: On croit en leur avenir même si on doute en général

 Pour le spectacle Donnez-moi une raison de vous croire créé (à tous les postes) et joué par les élèves du groupe 43 de l'école du TNS dont c'est le spectacle de sortie, les spectateurs sont également enrôlés dans la pièce dès leur arrivée. Il s'agit du recrutement de comédiens pour le Grand Théâtre d'Oklahoma et dès la descente des marches de la salle Gignoux, nous sommes accueillis - et triés "à droite,... à gauche" et archivés "attention la photo!" - par l'hôtesse à la voix suave et aimable (Pauline Vallé). 


Musica - TNS - Donnez-moi une raison de vous croire - Mathieu Bauer - Marion Stenton - Photo: Jean-Louis Martinez


La pièce se déroule dans l'univers kafkaïen de ce théâtre-cirque hors du temps. Marion Stenton qui en a écrit le texte à la demande de Mathieu Bauer s'est beaucoup inspirée de l'univers de Kafka et de son roman inachevé L'Amérique dans lequel le héros (ou plutôt l'antihéros) embarque vers cette aventure avec d'autres comédiens. C'est l'occasion de dénoncer à la fois l'absurdité du fonctionnement des entreprises (même un théâtre) et le peu de cas que l'on peut faire des individus (qui se confondent les uns les autres dans leur existence niée et leur demande non entendue). 


Musica - TNS - Donnez-moi une raison de vous croire - Mathieu Bauer - Marion Stenton - Photo: Jean-Louis Martinez


La pièce nous présente dans une folle chorégraphie les multiples péripéties oscillant entre comique et tragique de ces personnes, véritables pions interchangeables - tous s'appellent Karl - qui essaient de trouver un sens ou une reconnaissance dans la vie à travers ce travail qu'on leur promet: "Chacun a sa place". Sauf que les places ne sont pas définies ni stables, à part peut-être le "portier" (Kadir Ersoy). Mais même lui se fait reprocher de ne pas jouer son rôle de recruteur par "celui qui savait tout jouer", l'acteur suicidaire (Gulliver Hecq). L'absurde se niche dans les différentes situations rencontrées par les individus aux caractéristiques surprenantes tout comme dans la scénographie où l'on devine des couloirs labyrinthiques où l'on peut se perdre - et perdre son dossier - et les escaliers qui empêchent d'arriver aux archives au sous-sol et aux bureaux de la direction dans des étages inaccessible. 


Musica - TNS - Donnez-moi une raison de vous croire - Mathieu Bauer - Marion Stenton - Photo: Jean-Louis Martinez


Ces escaliers qui mènent aussi au bureau de la cheffe de personnel (Emilie Lehureau) et à l'administration (une machine à écrire crépite, au milieu de l'orchestre. Parce que dans ce monde kafkaïen, c'est un orchestre qui mène aussi le bal, donnant le rythme et l'ambiance, ambiance qui est quelquefois au blues (avec de très belles reprises dont Nobody Knows You When You’re Down and Out qui nous permet de confirmer que Pauline Vallé a une très belle voix), et quelquefois dans un univers plus électrique. Le metteur en scène Matthieu Bauer mène le rythme à la batterie et son complice Sylvain Cartigny qui a composé la musique est à la guitare et aux claviers, soulignant quelquefois très discrètement le texte des comédien.ne.s et c'est Jean-Philippe Gross qui s'est chargé de faire le reste des sons d'ambiance. Il faut aussi saluer Aurore Lévi qui pousse sa chansonnette de la "soupe silencieuse" et Kadir Ersoy qui slamme The Last Poets. et l'ensemble de la troupe qui reprend la chanson finale: "Les choses ont changé...non  En attendant rêvons."


Musica - TNS - Donnez-moi une raison de vous croire - Mathieu Bauer - Marion Stenton - Photo: Jean-Louis Martinez


L'idée de départ de Mathieu Bauer d'adapter le film documentaire de Fred Wiseman Welfare, tourné dans un bureau d'aide sociale, finalement abandonné se retrouve très bien assumée dans l'esprit. Et le côté fictionnel, les différents situations inventées par Marion Stenton et que les jeunes comédiens en devenir incarnent totalement tout en apportant une charge symbolique et forte, atteint son objectif à la fois de marquer les esprits et de de faire prendre conscience des travers de l'organisation et de l'inhumanité du système. Et cela fait un spectacle bien enlevé et sans temps morts avec de beaux moments de poésie. Et une touche de plus à la palette du Festival Musica.


La Fleur du Dimanche





du 23 septembre au 1er octobre au TNS Strasbourg

Texte et dramaturgie Marion Stenton
Mise en scène Mathieu Bauer, Sylvain Cartigny
Avec l'ensemble des artistes issu·e·s du Groupe 46 de l'École du TNS
En Jeu
Carla Audebaud
Yann Del Puppo
Quentin Ehret
Kadir Ersoy
Gulliver Hecq
Simon Jacquard
Émilie Lehuraux
Aurore Levy
Pauline Vallé
Cindy Vincent
Sefa Yeboah
et les musiciens
Mathieu Bauer
Sylvain Cartigny
Orchestre Sylvain Cartigny (guitare, claviers), Mathieu Bauer (batterie et trompette), Jessica Maneveau (euphonium), Antoine Hespel (claviers), Ninon Le Chevalier (saxophone alto), Thomas Cany (trombone), Foucault de Malet (basse)
Collaboration artistique et composition Sylvain Cartigny
Lumière Zoë Robert
Création sonore Jean-Philippe Gross
Regard chorégraphique Thierry Thieû Niang
Assistanat à la mise en scène Antoine Hespel
Scénographie, costumes Clara Hubert, Ninon Le Chevalier, Dimitri Lenin
Son Foucault de Malet
Régie lumière Thomas Cany
Régie plateau Clara Hubert
Régie son Margault Willkomm
Régie générale Jessica Maneveau
Joséphine Linel-Delmas (Jeu) et Antoine Push (Régie-Création) ont également participé à la création du spectacle.
Production Théâtre National de Strasboug
Production exécutive en tournée Compagnie Tendres Bourreaux - Mathieu Bauer
Coproduction Festival Musica
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Toutes les équipes du théâtre et de l’École ont accompagné l’ensemble du Groupe.
Création le 14 juin 2022 au Théâtre Public de Montreuil.

samedi 24 septembre 2022

Musica, même pour les petits et que pour soi, c'est toujours Musica

 Le Festival Musica, en plus de proposer des concerts - plus ou moins classiques - de musique contemporaine, c'est également toute une série de manifestations et d'événements qui sortent des sentiers battus, autant de par leur localisation - un Parc à Schiltigheim, des lieux privés ou insolites, leur public - les tout-petits ou des concerts juste pour une personne ou des (très) petites formes, ou les liens avec d'autres domaines comme la littérature. Nous avons bien sûr aussi eu droit à l'humour, à des églises plongées dans le noir ou à  des conférences parlées ou des concerts déconstruits pour ne prendre que deux exemples: Joëlle Léandre et Eve Risser.

Dans ce billet, je vais vous faire faire un petit tour du reste des réjouissances en quatre étapes.... (à suivre)


Expérience du futur rêvée au Parc des Oiseaux


L'expérience est immersive dans un quartier de Schiltigheim où l'on n'a pas l'habitude d'aller. Un Parc qui jouxte l'autoroute (et son grondement incessant) et, après le pont, l'aventure de rues qui nous dépaysent. C'est Sébastien Dicenaire, pour l'histoire, Gaetan Gromer et Antoine Spindler pour le son et la musique et Pauline Leurant et Milan Moretti pour la voix qui nous emmènent avec Oniropolis dans un voyage fantastique à la recherche de licornes et autres secrets à résoudre dans ce quartier jouxtant le Parc des oiseaux. Le voyage sous forme de jeu vidéo se fait avec un smartphone et en toute interactivité. Le projet monté par l'Ensemble 2.2 a été réalisé en collaboration avec plusieurs établissements scolaires de la ville de Schiltigheim et a mobilisé les élèves pour contriber à l'écriture des histoires qui sont à découvrir in situ et en mobilité. Le dispositif reste en place et des bornes seront installées pour améliorer la connexion. 

Petite invitation au voyage:


Musica 2022 - Oniropolis - Ensemble 2.2 - rue de l'étoile - Photo: lfdd

Musica 2022 - Oniropolis - Ensemble 2.2 - Parc des oiseaux - Photo: lfdd

Musica 2022 - Oniropolis - Ensemble 2.2 - L'oiseau près du parc - Photo: lfdd



Un récital sous casque pour un anniversaire déroutant

 La performance de Genevieve Murphy I don't want to be an individual all on my own qu'elle nous propose "sous casque" au Centre Chorégraphique de Strasbourg oscille entre la confession intime et le concert personnel. Installé sur les gradins face à la scène où elle oeuvre avec ses machines et ses accessoires divers - des objets: un ballon, un sifflet un mirliton, une "vache en boite" qui appuient visuellement et avec des sons typés son récit d'une fête d'anniversaire "Quand elle avait neuf ans", elle nous raconte et nous joue à la fois son propre rôle et celui de sa mère tout en ayant un discours surplombant sur la journée qui l'a beaucoup marqué et intriguée, en particulier Trancosie, artiste performeur.

 

Musica 2022 - Genevieve Murphy - I don't want to be an individual all on my own - Photo: lfdd


Nous nous trouvons à la fois dans une grande fête disco et dans les délires qui peuvent s'immiscer dans la tête d'une petite fille de neuf ans, qui maîtrise - ou pas - le monde, et qui essaie de s'en sortir entre les adultes et les enfants de son âge et les surprises de la journée. La mise en scène est inventive, simple mais efficace et Geneviève Murphy, femme orchestre qui maîtrise à la fois le récit, la musique, les "entertainments" et les intermèdes musicaux variés très bien écrits et superbement interprétés tient la scène - et le public en haleine - sur presqu'une heure de spectacle plein de fraîcheur. 


Musica 2022 - Genevieve Murphy - I don't want to be an individual all on my own - Photo: lfdd


De plus, le dispositif avec les casques stéréo accentue l'implication des spectateurs auditeurs - les chuchotements à l'oreille, les effets de spatialisation "bricolés" en direct font leur effet. Et les quelques chansons qui ponctuent le récit gagnent en qualité d'écoute.


Musica 2022 - Genevieve Murphy - I don't want to be an individual all on my own - Photo: lfdd



Il se trouve que les oreilles n'ont pas de paupières


Cette phrase de Pascal Quignard tirée de son livre "La Haine de la Musique" - c'en est d'ailleurs le titre d'un chapitre - est l'occasion pour Pascal Dupré de concevoir un spectacle avec le comédien Pierre Baux et l'altiste Garth Knox qui s'appuie sur des extraits de ce livre. 


Musica 2022 - Les oreilles ... -  Garth Knox - Pierre Baux - Benjamin Dupré - Photo: lfdd


L'exercice, entre le concert et le théâtre, est réussi. Pierre Baux, d'une manière très convaincante nous déclame ou nous susurre des réflexions sur le silence, le son, la musique et les mythes rassemblés par Quignard dans ce livre qui analyse d'une manière très encyclopédique les origines du son et de la musique et les déviations qui lui ont fait subir les nazis dans les camps d'extermination. Pour la pièce, le texte se concentre sur la question du silence et de l'origine de la musique. "Le bruit de ses propres pas est la première strate du silence". 


Musica 2022 - Les oreilles ... - Garth Knox - Pierre Baux - Benjamin Dupré - Photo: lfdd


Le dialogue est fécond entre le comédien et l'altiste Garth Knox, que nous avions déjà pu entendre à l'époque où il faisait partie du Quatuor Arditti, improvisant et proposant des boucles sonores ou des effets électroniques variés. Tout comme Pierre Baux qui nous offre une belle variété de mises en situation de ce texte très intelligent.


Un concert pour soi, rien que pour soi !


Le concept de concert pour soi développé par le Festival Musica a de quoi intriguer le festivalier lambda. Assister tout(e) seul(e) à un concert dans un lieu inconnu et original, une vraie expérience à vivre, pour happy few qui ont réussi à s'inscrire sur un des créneaux disponibles du 16 au 29 septembre. Le résultat? Un lieu en tout cas original et une demi-heure en tête à tête avec un musicien interprète rien que pour soi dans un programme surprise. L'expérience est surprenante et unique, elle aussi. Les lieux, inconnus au préalable ont "fuité" au fur et à mesure, mais la surprise et surtout la découverte était déjà un choc. Cela pouvait être, entre autres, le bureau de la maire de Strasbourg (quel sentiment de puissance pour ces quelques instants...), un appartement sur les quais Saint Nicolas avec vue sur la cathédrale (une auditrice m'a avoué ne même pas l'avoir vue - ou regardée - tant elle était impressionnée par le "concert pour soi"), un autre tout aussi impressionnant sur d'autres quais, des ateliers de la Fondation de l'Oeuvre Notre-Dame, et d'autres tout aussi originaux. En ce qui concerne les interprètes, il y avait des artistes invités, dont Garth Knox (voir plus haut), et une spectatrice a eu le plaisir de voir le directeur artistique (qu'elle ne connaissait pas) remplacer au pied levé un percussionniste empêché. 


Musica 2022 - Concert pour soi - Ancien Conservatoire Strasbourg - Photo: lfdd


En ce qui me concerne, la surprise s'est transformée en plaisir et en machine à remonter le temps: La salle Stravinsky de l'ancien Conservatoire de Strasbourg encore "dans le jus" dans les bâtiments du TNS. Le lieu où dans les années 70 j'assistais à mes premiers concerts (il y en avait aussi à l'auditorium de l'ORTF à l'époque (France 3 aujourd'hui).  Se retrouver dans cette salle, sur la scène carrément, face aux fauteuils rouges est toujours impressionnant pour un spectateur, même fidèle et assidu de concert de musique en général et de Musica en particulier depuis les débuts. L'entré dans la salle de l'altiste (Joachim Angster) qui se place en bas des fauteuils à quelques mètres de ma chaise est elle aussi impressionnante et intimidante. Et le plaisir peut commencer. Un concert où il n'y a personne d'autre, cela signifie pas de bruit pas de présence autre que l'interprète et soi... Une intense concentration, une écoute décuplée, un lien fort qui nous unit à travers l'instrument. 


Musica 2022 - Concert pour soi - Joachim Angster - Ancien Conservatoire Strasbourg - Photo: lfdd


Pour commencer, Joachim Angster joue un extrait de Inside (1980) de Pascal Dusapin, une pièce contemporaine tout en doigté où le toucher et le jeu entre les cordes est parfaitement visible et maitrisé et qui installe une belle douceur. Suivent les deux premiers mouvements de la Sonate pour alto (1991) de Ligeti: Hora Lungâ, comme un chant traditionnel, presque romantique et tendre qui finit en s'éteignant dans les aigus et Loop quicomme le titre l'indique va se construire sur une série de répétitions. 


Musica 2022 - Concert pour soi - Joachim Angster - Ancien Conservatoire Strasbourg - Photo: lfdd


Le dernier extrait sera de György Kurtag avec Signes, jeux et messages (1998-2005), une pièce écrite en hommage à la fois à John Cage et Samuel Beckett, pleine d'humour et dont la partition est pleine de didascalies et d'indications de jeu et d'interprétation. Joachim Angster se fait un plaisir d'expliquer à la fois ses choix de programme - surtout une belle complémentarité de style des oeuvres) et de présenter de manière plus détaillée les trois extraits sur pièce, à la fois via les partitions mais aussi les types de jeu, les difficultés ou les caractéristiques de chaque pièce. 


Musica 2022 - Concert pour soi - Joachim Angster - Ancien Conservatoire Strasbourg - Photo: lfdd


On ne peut que le féliciter de ce choix et de s'être frotté à ces pièces, qu'il a travaillé pour notre grand plaisir. Il faut préciser que Joachim Angster, natif de Strasbourg a fait ses études au Conservatoire et qu'il a eu le Prix "Pierre Pflimlin" et a continué ses études à Paris puis en Suisse où il a commencé à jouer comme soliste puis s'est installé aux Etats-Unis, avant de revenir en France et d'occuper le poste d'altiste co-soliste à l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg en 2020. Et sa passion de la musique est contagieuse. On le remercie de ce très beau cadeau, cette demi-heure d'intimité avec la musique.



La construction du monde, un jeu pour petits et grands


Le monde c'est tout et c'est pas grand chose. Avec La Construction du Monde de Georges Aperghis une création pour le Festival Musica, d'abord présenté à l'espace Aedaen le 17 et 18 septembre puis, dans le cadre des mini-Musica, à Pôle Sud le 24 et le 24 septembre, nous avons un autre aspect de sa création, une forme beaucoup plus intime, miniature pour ne pas dire minimaliste, comparée à Migrants qui a fait l'ouverture du Festival. Cette courte pièce se déroule à une table, spécialement conçue et scénographiée par Nina Bonardi: à la fois petite boite à malice et castelet de Guignol à vue.


MUSICA 2022 - La Construction du Monde - Georges Aperghis - Richard Dubelski - Photo: lfdd


Elle dévoile au fur et à mesure ses secrets, par des apparitions-disparitions surprenantes, des plumes qui tournent et qui volent, des clapets colorés qui s'ouvrent, des doigts qui apparraissent, d'autres qui tapent la mesure, des mains même, cajoleuses. Tout cela bien sûr émettant des bruits drôles ou bizarres et animés en direct par le comédien et percussionniste, compagnon de route d'Aperghis, Richard Dubelski, qui nous offre dans sa très belle diction quelques allitérations ou jets de mots saccadés, essayant de faire sens, en français ou en italien. 


MUSICA 2022 - La Construction du Monde - Georges Aperghis - Richard Dubelski - Photo: lfdd


Mais qu'importe, c'est le rythme, la musique qui nous emporte dans cette déferlante ou nous berce dans ses psalmodies et prières chamaniques. Entre chorégraphie et poésie sonore, percussion et théâtre d'objet, une histoire secrète se tisse et se construit, et les toupies tournent, tout comme le monde. Et nous rêvons de voyages immobiles.



La Fleur du Dimanche