mardi 24 juin 2025

Au Festival Montpellier Danse, Pierre Pontvianne et La Liesse - Entre le lien et l'allégresse, la joie se multiplie

Pierre Pontvianne nous avait laissé un étrange impression lors du Festival Montpellier Danse en 2023 avec sa création oe, un titre aussi mystérieux que le spectacle qu'il nous avait proposé cette année-là. Cette année, il revient avec une création mondiale dont le titre La Liesse est un mot très peu usité, qui le plus souvent d'ailleurs apparait dans l'expression "une foule en liesse". Et l'on se demande au vu du générique il va bien pouvoir amener sur le plateau avec cinq interprètes cette foule débordante, et ses explosions de joie. Mais c'est mal connaître le personnage qui travaille sur l'intuition et une intime proximité avec ses interprètes pour nous offrir cet étonnement et cette surprise qui vont déclencher en nous sens et sensation.


Montpellier Danse - Pierre Rontvianne - La Liesse - Photo: Laurent Philippe


Ainsi, grâce à un stratagème du décor, une rangée de miroirs suspendus, alignés sur le rideau noir de fond de scène, il projette le public sur la scène pour l'habiter. Puis, alors qu'un premier personnage arrive sur scène, il est vite rejoint par les quatre autres et ils marquent par des embrassades et des effusions leur joie de se retrouver et d'être ensemble. Cela tourne et virevolte, à deux, à trois ou cinq, les figures se forment, s'entrelacent, tournoient et s'enroulent les unes dans les autres, puis en se suivant dans des courbes magnifiques et se transmettent de l'énergie sans fin. Dans des habits noirs flottants, une chemise, blouse bleue (sauf une, noire) qui flotte également dans le mouvement, les corps semblent flotter d'un bout à l'autre de la scène, dans une rythme qui semble perpétuel. D'une manière très subtile, presqu'imperceptiblement la lumière da la salle baisse, et nous sommes happés par la scène comme dans un grand zoom avant, effet renforcé quand les projecteurs en douches s'éteignent et que ce sont de subtils éclairages en biais qui isolent les danseuses et les danseurs. La musique, une vague électronique montante, quelquefois saupoudrée de craquements nous emmène dans un cocon absorbant. Une hésitation, une arrêt, un moment d'hésitation, une immobilité, mais cela repart de plus belle dans cette dynamique d'inclusion et de fusion. Comme dans un mouvement permanent, immuable. Et même qund les danseurs s'arrêtent de courts moments, les miroirs placés en fond de scène, qui sont eux aussi entrés dans des balancements divers non seulement multiplient les interprètes que l'on aperçoit sur scène mais les fait aussi bouger dans leur immobilité. Un autre stratagème scénique pour ne pas dire magie de la lumière, ce sont les effets de mouvements de la lumière dans des subites explosions rouges ou blanches qui perturbent l'espace. Autre décalage d'ambiance, lorsque la chanteuse performeuse Sandy Chamoun interprète le poème en arabe classique mais un poème pas très classique du poète Libanais contemporain Paul Chaoul, en mots tissés. 



Montpellier Danse - Pierre Rontvianne - La Liesse - Photo: Laurent Philippe


La liesse, tout comme les communautés des hommes n'est pas une expérience monotone ni uniforme. L'énergie elle aussi quelquefois vient à manquer de carburant ou de motivation et les exultations peuvent trouver leur contrecoup, et nous avons donc aussi des flottements ou des moments de dépit. La démarche put se faire chaloupée, l'un ou l'autre pourra être mis à l'écart un moment et ce sera d'ailleurs l'effet de chute finale où, encore par un dernier et très subtil effet d'éclairage, une danseuse, abandonnée de tous, mise à distance symboliquement même par le public répète un geste typé que chacun interprètera à sa guise. d

Cependant, rétrospectivement nous ne pouvons qu'être époustouflés par la performance incroyable, une bonne heure durant de ces cinq interprètes qui, sans relâche nous ont présentés les variations subtiles sur les sentiments et les issues à quoi peut mener ce phénomène rare et débordant. Un très grand moment de spectacle tout en subtilité et en empathie que nous a offert Pierre Pontvianne.


La Fleur du Dimanche.


La Liesse

A Montpellier - Théâtre de la Vignette - du 24 au 26 juin 2025

Distribution / Production
Compagnie Parc
Chorégraphie : Pierre Pontvianne
Assistante, collaboratrice,
complice : Laura Frigato
Avec Jazz Barbé, Louise Carrière, Thomas Fontaine, Héloïse Larue, Clément Olivier
Conception sonore, costume : Pierre Pontvianne
Lumière : Victor Mandin
Décor, accessoires : Pierre Treille
Production : Compagnie PARC
Coproduction : Festival Montpellier Danse 2025, Comédie de Saint-Étienne, CDN, La Place de la Danse – CDCN Toulouse, Le DÔME Théâtre à Albertville
Résidence et apport en industrie : Montpellier Danse à l’Agora cité internationale de la danse, spectacle répété à La Comédie de Saint-Etienne, CDN, Le DÔME Théâtre à Albertville, BELLEVUE – Lieu d’inventions artistiques, La Comète à Saint-Étienne, Viadanse / CCN de Bourgogne Franche-Comté à Belfort
Construction décor : Atelier de La Comédie de Saint-Étienne.
La compagnie PARC est conventionnée par la Ville de Saint-Étienne, avec le soutien du Département Loire et la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes en 2023-2024-2025 et soutenue par la Région Auvergne-Rhône-Alpes en 2024
Crédit photo © Cie Parc
Avec le soutien de la Fondation BNP Paribas pour l’accueil en résidence à l’Agora, cité internationale de la danse

lundi 23 juin 2025

Au Festival Montpellier Danse, Akram Khan & Manal AlDowoyan : Thikra - Dans les méandres de la mémoire et du désert

Akram Khan est sans doute l’un des chorégraphes les plus fascinants de sa génération. Né à Londres en 1974 dans une famille bangladaise, il commence dès l’enfance l’apprentissage du kathak, une danse classique du nord de l’Inde, exigeante et rythmique. Dans son parcours, il mêle avec virtuosité tradition indienne et danse contemporaine. Et depuis plus de vingt ans, il explore les thèmes de l’exil, de la mémoire et des mythes dans des création mondialement reconnues de Kaash (avec un décor d'Anish Kapoor) à son solo Xenos. Il collabore autant avec Sylvie Guillem, Kyllie Minogue que Sidi Larbi Cherkaoui ou Juliette Binoche et s’impose comme une figure majeure de la scène chorégraphique internationale. Avec Thikra, il poursuit son travail de mémoire, en dialogue sensible avec l’artiste saoudienne Manal AlDowayan.


Montpellier Danse - Thikra - Akram Khan & Manal AlDowoyan


La pièce Thikra est une commande pour mettre en valeur le site exceptionnel d'AlUla dans le désert Wadi AlFann (« la vallée des arts »), en Arabie Saoudite. Le site sur lequel ont eu lieu des fouilles archéologiques et découverts des vestiges de civilisations anciennes et devenu à la fois le lieu de dialogue antre ce passé et l'art contemporain, et doc aussi le lieu de création de cette pièce comme "commémoration" (autre sens de Thikra). L'artiste pluridisciplinaire (Photographie, installations, etc.) Manal AlDowayan, (elle a représenté son pays à la 60 Biennale de Venise en 2024), collabore avec Akram Khan autant pour le décor que pour les costumes et la scénographie. Elle a également développé la trame de cette histoire qui fait le lien entre le présent et le passé en convoquant quatorze interprète, que des femmes dans de magnifiques costumes réalisés selon les méthodes artisanales ancestrales pour faire le lien entre le présent et la passé. 


Montpellier Danse - Thikra - Akram Khan & Manal AlDowoyan - Photo: Maxime Dos


Le lieu, AlUla, qui était un carrefour, un territoire de rencontre et d'échange a aussi inspiré l'univers sonore et la musique d'Aditya Prakash qui convoque autant la musique traditionnelle de l'Inde, du Moyen-Orient que les voix de femmes haut perchées d'Europe Centrale. Les rythmes marqués nous emportent dans un état de demi conscience et les danses avec leur mouvement hypnotique et le mélange de voix, de percussions de cordes et de vents, puissants nous emmènent presque dans une transe cathartique, tout comme les danseuses, certaines danseuses traditionnelles indiennes et d'autres de formation contemporaine. 


Montpellier Danse - Thikra - Akram Khan & Manal AlDowoyan - Photo: Maxime Dos


Dans un clair-obscur baigné d'une lumière dorée, un récit de passation se joue sur la scène pour laquelle le décor (une escalier, une caverne et des rochers) a été adapté par Manal AlDowayan, ponctué par la présence sobres et puissante de ces quatorze femmes qui avancent et bougent comme une seule entité, entrecoupés par le récit mythique de passation du pouvoir. Les gestes se répètent, les pas deviennent trace. Ce qu’on voit, ce sont des mémoires de femmes, des voix qu’on n’a pas écoutées, des silences qui, ici, se font danse. Plus qu'une épopée spectaculaire, l'émotion se transmet par cette démarche intérieure, à la fois intime et universelle. Et l'on en sort enveloppé d’un silence habité, chargé d’une force ancienne. Un mythe qui resurgit du passé ancien. Un voyage dans l'espace et le temps. 


Montpellier Danse - Thikra - Akram Khan & Manal AlDowoyan



La Fleur du Dimanche


P.S. Une des force du projet c'est aussi d'avoir permis au public - et pas seulement aux femmes auxquelles sont réservées ce type de danse "en cheveux" de pouvoir y assister (dans le lieu aussi).


Thikra


A l'Opéra Comédie de Montpellier du 22 au 24 juin 2025


Distribution / Production
Akram Khan Company
Direction et chorégraphie : Akram Khan
Directrice visuelle, costumes et scénographie : Manal AlDowayan
Concept narratif : Manal AlDowayan, Akram Khan
Compositeur et univers sonore : Aditya Prakash
Conception sonore : Gareth Fry
Création lumière : Zeynep Kepekli
Associé créatif, coach : Mavin Khoo
Dramaturge : Blue Pietà
Répétitrices : Angela Towler et Chris Tudor
Avec 14 interprètes : Pallavi Anand, Ching-Ying Chien, Kavya Ganesh, Nikita Goile, Samantha Hines, Jyotsna Jagannathan, Mythili Prakash, Azusa Seyama Prioville, Divya Ravi, Aishwarya Raut, Mei Fei Soo, Harshini Sukumaran, Shreema Upadhyaya, Kimberly Yap, Hsin-Hsuan Yu, Jin Young Won
Commandé par Wadi AlFann, Vallée des Arts, AlUla


Premier partenaire de coproduction : Bagri Foundation
Adaptation en salle coproduit par : Festival Montpellier Danse 2025, Berliner Festspiele, Brown Arts Institute at Brown University, Pina Bausch Zentrum, Sadler’s Wells, Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre de la Ville Paris
Avec le soutien par l’Arts Council England 

Au Festival Montpellier Danse, Armin Hokmi avec Of the heart - An Etude: Le coeur varie

 Pour Armin Hokmi, tout est une question de trajectoire. Arriver à Montpellier Danse, parti d'Iran comme danseur et performeur, passé par la Suède et Berlin, ayant côtoyé de nombreux chorégraphes en étant interprète lui-même, en particulier avec Hooman Sharifi dans Sacrifice while lost in salted earth dans lequel il a dansé un solo lors de l'édition de Montpellier Danse 2022. Et puis il a crée son spectacle Shriraz pour le Festival l'année dernière, spectacle qui a été fort bien accueilli et qui est en train de tourner dans la monde entier. Et tout en étant artiste associé au Festival jusqu'en 2026, où il va créer son prochain spectacle Répertoire (Bazm) où il essaie de créer un répertoire imaginaire. Répertoire dont cette pièce serait une première étude.


Festival Montpellier Danse - Armin Hokmi - Of the heart - An Etude


Il nous présente donc Of the heart - An Etude, un solo où il va se concentrer sur le langage gestuel en focalisant sur le coeur, qui pour lui est le siège de toutes les émotions et sensations. Son objectif est d'aller à l'essentiel, le corps n'étant qu'une prothèse, un outil lui permettant de creuser - jusqu'à l'os pourrait-on dire - cette émotion qui se confronte à la musique et à ses variations. Dans une économie de moyens, la danseuse Aleksandra Petrushevska qui avait déjà dansé dans Shiraz, va incarner une soixantaine de variations de gestes autour du coeur et de la poitrine, cherchant les axes et les directions, les orientations, dans une intériorité concentrée, réagissant ou pas à la musique. Celle-ci, rencontre de l'électronique et de la guitare de EHSXN et de HEICH, se présente dans une forme minimaliste et répétitive. 

Ce que recherche Armin Hokmi avec cette pièce, c'est d'interroger ces gestes, cette variété de variations se frottant avec la musique. Et de montrer ce corps dansant, reprenant des pistes ouvertes auparavant dans une premier temps de création par d'autres pour les faire porter Aleksandra Petrushevska, plus ou moins habitées ou distanciées. A l'image de Shiraz où le mouvement, le rythme, la pulsation installait un univers, une atmosphère, ici, les multiples pistes explorées par sept danseuse et danseurs (dont certain(e)s ont participé à Shiraz) sont reprises et incarnées par l'interprète unique qui les fait sienne, et les expose dans un dévoilement presqu'intime, balançant entre harmonie et dissonance. La mouvement comme sentiment.


La Fleur du Dimanche


Of the heart - An Etude

A Montpellier du 23 au 25 juin 2025

Distribution / Production
Concept et chorégraphie : Armin Hokmi
Conçu avec et interprété par Katherina Jitlatda Horup Solvang
Créé avec Aleksandra Petrushevska, Emmi Venna, Daniel Sarr, Charlotte Utzig, Johanna Ryynänen
Costumes : Cecilio Orozco
Recherche sur les costumes avec
Création musicale : ehsan & HEiCH
Espace : Felipe Osorio Guzman
Direction technique : Vito Walter
Consultation: Dana Michael Luebke, Emmi Venna
Coproduction : Festival Montpellier Danse 2025, Tanzhaus NRW
Durée prévisionnelle : 40’
Crédit photo © Armin Hokmi
Avec le soutien de Nationales Performance Netz Coproduction Fund for Dance, qui est financé par Federal Government Commissioner for Culture and the Media.

Au Festival Montpellier Danse, Eric Minh Cuong Castaing présente Forme(s) de vie : Le corps augmenté... par l'humain

 S'il fallait trouver un mot qui puisse qualifier le spectacle Forme(s) de vies d'Eric Minh Cuong Castain, ce serait assurément "collaboration", dans tous les sens du terme, surtout en proximité et en fidélité. Déjà, au départ, pour ce projet chorégraphique que l'on va nommer ainsi parce que c'est aussi le but, qualifier ainsi ce travail , ce spectacle, cette performance de chorégraphie, c'est justement donner la vraie valeur au résultat de de cet acte d'inclusion, d'intégration: donner corps - et mouvement - à celles et ceux à qui on le donne que trop peu. 


Montpellier Danse - Eric Minh Cuong Castaing - Forme(s) de vie - (c) Shonen


Au départ donc ce n'est pas un travail solitaire, c'est une collaboration entre Eric et Aloun Marchal et Marine Relinger. Cette collaboration a débuté il y a longtemps et avait abouti à L'Age d'Or (2018), une performance et un film avec des enfants atteints de trouble moteur. Aloun Marchal lui-même étant co-chorégraphe avait créé en Suède SPINN, la première compagnie de danse inclusive à partir des années 2012. A côté d'eux, Marine Relinger, dramaturge et cinéaste, venue de la philosophie et du journalisme apporte son regard via le média vidéo - elle a d'ailleurs fait un film portrait Un corps à soi (2025) sur l'interprète danseuse Elise Argaud, l'une des deux interprètes en perte de mobilité. Le deuxième étant Kamel Messalleka. C'est d'ailleurs sur des images de lui en plan rapproché, retrouvant les gestes de son ancien métier de boxeur que démarre le spectacle, laissant le spectateur dans une forme d'interrogation sur ses capacités physiques. 


Montpellier Danse - Eric Minh Cuong Castaing - Forme(s) de vie - Photo: Laurent Philippe


Mais après nous être fait symboliquement assommer par lui sur l'écran, nous le voyons arriver en vrai, et toujours en boxeur, partant du côté de l'écran et nous offrant son corps, limité dans ses jambes, dans son souffle mais non dans sa volonté, heureusement - et fortement soutenu par deux danseurs, Nans Pierson et Aloun Marchal. L'énergie de Kamel grandit au fur et à mesure de la pièce et des "Gauche - Droite - Gauche - Droite..." assénés et soufflés. Même si le souffle s'épuise parfois. Mais pas la volonté. Ni surtout la proximité, car les trois interprètes prennent littéralement un "bain de foule" heureux et chaleureux.


Montpellier Danse - Eric Minh Cuong Castaing - Forme(s) de vie - Photo: Laurent Philippe


Le versant féminin de ce travail d'approche, avec Elise Argaud, se fait en contrepoint, dans une belle et sensible lenteur qui, à l'opposé nous rend attentif à la fragilité de la position debout et à la maîtrise des gestes, où l'on devine des efforts immenses de concentration et de coordination, avec l'aide ici principalement de Yumiko Funaya, toute en attention et en guidance. Cette proximité et cette rencontre avec ces deux corps qui nous deviennent familiers, qui vivent leur vie propre et arrivent quelquefois à s'affranchir des prothèses humaines nous amènent à basculer notre vision, notre attention, notre écoute et notre ap-préhension des corps - qui ne répondent pas aux critères que notre société bardée de règles, de normes, de standards et de prescription - vers une nouvelle approche sensible des êtres et de leurs corps. Jusqu'à prendre plaisir et joie dans le jeu et le balancement, quand Elise et son partenaire se mettent à danser, virevolter et s'envoler, en se moquant de la gravité et de la gravitation.


Montpellier Danse - Eric Minh Cuong Castaing - Forme(s) de vie - (c) Shonen


C'est aussi en quelque sorte l'expérience "vécue" dans le dernier extrait de film où le corps d'une autre femme expérimente avec bonheur - presque jusqu'à l'extase - dans une symbolique montée au ciel ("une dernière fois") qui pourrait nous faire croire au surpassement de nos limites charnelles et physiques si les voix en commentaire (de cette belle équipe qui ose tout cela) dans le film ne tempéraient et et mettaient un frein au rêve de libération en exprimant doute et hésitation devant de ce qu'ils ont réussi à faire et du résultat de leur "performance". 

Cependant, le sourire des interprètes, en vrai sur la scène, et le bonheur qu'ils nous ont transmis pendant une heure, à nous spectateurs et de nous avoir permis d'avoir un nouveau regard, lavé de couches de présupposés, vaut bien quelques doutes, d''autant plus que ce genre d'expérience est bien rare. En espérant de tout coeur qu'elle puisse essaimer plus largement. En tout cas la graine est semée.


La Fleur du Dimanche   


Forme(s) de vies


Montpellier - le 23 et 24 juin 2025


Distribution / Production

Pièce chorégraphique d’Eric Minh Cuong Castaing en collaboration artistique avec Aloun Marchal et Marine Relinger
Avec Elise Argaud, Yumiko Funaya, Aloun Marchal, Kamel Messelleka, Nans Pierson
Et la présence à l’écran de Martial Bucher, Soizic Carbonnel, Jeanne Colin, Yoshiko Kinoshita, Eric Minh Cuong Castaing, Annie Ode et Bruno Santili
Chorégraphie : Éric Minh Cuong Castaing, Aloun Marchal
Dramaturgie : Marine Relinger
Direction technique : Virgile Capello
Scénographie : Anne-Sophie Turion, Pia de Compiègne
Création sonore : Renaud Bajeux
Création lumière : Nils Doucet
Costumes : Silvia Romanelli
Films : Victor Zébo (image), Renaud Bajeux (création sonore), François Charrier et Samuel Poirée (son), Lucie Brux (montage), Scarlett Garson (direction de production), Samuel Tuleda (direction régie), Alexis Lambotte – Label 42 Studio (étalonnage)
Production : Compagnie Shonen
Coproduction : Festival de Marseille, Ballet National de Marseille, Pôle Arts de la Scène -Friche Belle de Mai, Prix le BAL de la Jeune Création – Adagp 2020, Vooruit Gand, Points Communs Scène nationale de Cergy Pontoise, Tanzhaus NRW Düsseldorf, Fonds Transfabrik, Carreau du Temple, Charleroi Danse, Le Vivat-Armentières, Les Ballets CdelaB, Ministère de la Culture Délégation à la Danse, C.N.C. DICRéAM, département des Bouches du Rhône – «Ensemble en Provence», Région Sud – Carte Blanche aux Artistes 2020, DRAC PACA & ARS PACA – «Culture et Santé», Fondation Porosus, Fondation Handicap et Société
Avec le soutien de ICK Dans Amsterdam
Mise à disposition de studios : Lieux Publics – CNAREP – Pôle Européen de Production – Marseille, K.L.A.P. – Maison pour la Danse – Marseille, Marseille Objectif Danse, Pôle 164 Marseille, Friche Belle de Mai
Partenariats Santé : La Maison – Gardanne, Hôpital Sainte Marguerite – Marseille, Hôpital Bretonneau – Paris

dimanche 22 juin 2025

Au Festival Montpellier Danse, Camille Boitel et Sève Bernard présentent « » - Tout et dit dans l'immédiat et "sauve qui peut"

 Les artistes sont quelquefois des visionnaires et dans le contexte actuel, comment ne pas faire le parallèle entre l'état du Monde et ce qui se joue sur la scène. Mais on peut aussi se dire que tout cela n'est qu'une grande parade de cirque et qu'il suffit d'un "entracte" pour refaire le ménage.

En tout cas sur la grande scène du Théâtre de l'Agora, le spectacle «       »  de Camille Boitel et Sève Bernard pousse les murs et déborde la scène. Les surprises arrivent par charretées et cela semble ne pas s'arrêter. C'est l'accumulation et quelquefois on se demande si les comédiens-danseurs-circassiens n'en font pas un peu de trop. Mais le déséquilibre est aussi dans le jeu et l'imprévu dans la mécanique.


Festival Montpellier Danse - Camille Boitel & Sève Bernard - «       » - Photo: L'immédiat


Car dès le départ, tout a tendance à chuter, tomber, se détacher, se plier, se désarticuler, ne pas tenir debout et se retrouver au sol ou en déséquilibre instable. Une longue chaîne d'interactions autodestructrices du genre maison catastrophe ou hantée ou réaction en chaîne à la Fischli et Weiss, qui dans une accumulation délirante et des effets de répétition quoiqu'angoissantes nous font balancer entre terreur et rire. A se demander quand cela va finir. Et effectivement la mi-temps est sifflée très tôt et l'on assiste ensuite à un ménage de la scène qui ne semble pas finir car il en apparaît chaque fois plus à ranger.

Et suite à cela, la catastrophe et les cataclysmes s'étendent jusqu'autour et au-dessus de la scène, prenant une ampleur inédite.

Et l'on part dans une nouvelle phase dans laquelle la problématique va plutôt travailler la question de la gravitation, l'attraction, l'impossibilité de quitter le sol, le poids du corps et sa masse impossible à faire tenir debout ou en équilibre, ou à l'inverse la tendance à s'envoler. Egalement l'impossibilité à se mouvoir, à garder sa place ou son trajet, à se retrouver projeté dans un espace temps où le présent, le passé et le futur se confondent, se superposent ou glissent l'un sur l'autre grâce à un habile jeu de panneaux mobiles noirs qui se livrent un ballet époustouflant avec apparitions disparitions dans un jeu de cache-cache où l'un est surpris d'être confronté à l'autre quelquefois dans une terreur paralysante.


Festival Montpellier Danse - Camille Boitel & Sève Bernard - «       » - Photo: L'immédiat


Tout cela donne un grand désordre brinquebalant où rien n'est sûr et stable, même les éclairages sont à l'avenant et l'homme (et la femme), dans une chute continue et sans fin n'arrive à construire qu'une tour de Babel instable et inutile. Heureusement que du public des voix apaisantes s'élèvent, on espère qu'elle sauveront le Monde. Alors, à vous de jouer!


La Fleur du Dimanche 

 

«       » de Camille Boitel et Sève Bernard  

Montpellier le 22 et 23 juin 2025

Distribution / Production

Compagnie L’immédiat

Camille BOITEL : écriture, mise en scène, jeu et manipulations

Sève BERNARD : écriture, mise en scène, jeu et manipulations

Étienne CHARLES : regard complice

Clémentine JOLIVET, en alternance avec Pascal LE CORRE : jeu et manipulations

Étienne CHARLES, en alternance avec Michael BOUVIER : jeu, régie lumière et plateau

Benoît KLEIBER : jeu, portés et manipulations

Kenzo BERNARD : jeu, régie son et manipulations

Construction : Étienne CHARLES avec l’aide d’Adrien MAHEUX et Michael BOUVIER

Construction additionnelle : Paulo DUARTE

Confection costumes : Nathalie SAULNIER

Confection des pendrillons : Nathalie SAULNIER avec l’aide de Lara MANIPOUD, Clara STACCHETTI, Lucie MILVOY, Cécile QUILTU, Anaé BARTHELEMY

Conseil technique son : Gaëtan PARSEIHIAN

Régie générale : Stéphane GRAILLOT

Administration : Elsa LEMOINE

Production, diffusion : Coralie GUIBERT

Chargée de production : Agathe FONTAINE

Remerciements : Elsa BLOSSIER, Julie RIGAULT, Marion FLORAS, Yann MARITAUD, Nicolas BERTEYAC, Pierrot USUREAU, Thomas DENIER


Production : Compagnie L’immédiat

Coproductions (en cours) : Montpellier Danse, résidence de création à l’Agora, cité internationale de la danse, avec le soutien de la Fondation BNP Paribas / Bonlieu, scène nationale Annecy / Équinoxe – Scène Nationale de Châteauroux / Le Théâtre, scène nationale de Saint-Nazaire / Le Canal théâtre du Pays de Redon, scène conventionnée d’intérêt National art et création pour le Théâtre / Théâtre Durance, scène nationale – Château-Arnoux-Saint-Auban / Archaos – Pôle National Cirque / théâtre Garonne, Scène Européenne – Toulouse / Théâtre la Vignette, scène conventionnée, Université Paul-Valéry Montpellier / TRIO…S – EPCC – Hennebont – Inzinzac-Lochrist, Scène de territoire pour les arts du cirque / Le PALC pôle national cirque de Châlons-en-Champagne – Grand Est / Le Manège, scène nationale – Reims / Le Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence / Bain Public, Saint Nazaire / Malraux, Scène nationale Chambéry – Savoie / Théâtre de Grasse, scène conventionnée d’intérêt national art et création / Carré Magique, Pôle national Cirque de Bretagne, Lannion / L’Avant-Scène, Cognac / Le CENTQUATRE-PARIS / Théâtre Victor Hugo, scène des arts du geste – Bagneux

Apport collectif : Les 3T-scène conventionnée de Châtellerault / Le Champ de Foire, Saint André de Cubzac / Odysca, Biscarrosse / Les 4A, Saint Jean d’Angély / CREAC la Cité Cirque, Bègles

Soutiens : La Martofacture, Sixt-sur-Aff / Compagnie en résidence et création avec le soutien du Théâtre National de Nice – CDN Nice Côte d’Azur, La Brèche, Pôle National Cirque de Normandie – Cherbourg-en-Cotentin,

Avec le soutien de l’Adami

Avec l’aide à la création de la DGCA – Ministère de la Culture

La compagnie L’immédiat est conventionnée par le Ministère de la Culture – DRAC Île-de-France et reçoit le soutien de la Région Île-de-France au titre de l’aide à la permanence artistique.

La compagnie L’immédiat bénéficie du soutien de la Fondation BNP Paribas pour le développement de ses projets.

jeudi 19 juin 2025

Sweeney Todd à l'Opéra National du Rhin: La vengeance du barbier de Fleet Street se déguste chaud avec délice

 Comment peut-on qualifier Sweeney Todd, l'oeuvre de Stephen Sondheim présentée actuellement à l'Opéra National du Rhin à Strasbourg ? On peut parler d'opéra, d'opérette, de comédie musicale, et de théâtre musical. De théâtre dans le théâtre même puisque la scène encadre une autre scène comme décor, représentant ce qui pourrait être un théâtre élisabéthain avec rideau rouge qui se lève. C'est d'ailleurs un peu de cela parce que la pièce commence curieusement par des sonorités d'orgue qui impulsent un ton gothique à l'ouverture, suivi d'une sonnerie un peu grêle de vieille salle de théâtre ou de sifflet d'usine. Et le rideau s'ouvre sur un choeur puissant, qui, comme dans une tragédie antique, nous conte l'histoire du retour du héros après une longue absence, sur fond de vengeance longuement murie.

 

Sweeny Todd - Stephen Sondheim - Opéra National du Rhin - Photo: Klara Beck


Cela continue comme une pièce de Shakespeare pleine de bruit et de fureur, puis s'engage dans une comédie musicale avec chanteurs sonorisés qui nous donnent une réelle impression de spectacle de Brodway - où la pièce a d'ailleurs été créée en 1979. Et tout au long, nous allons balancer entre une très belle variété de modes de jeu, avec grand orchestre, chansons populaires, récitatifs, leitmotivs, chants et duos, textes parlés et airs qui, lancés par un ou plusieurs interprètes sont repris en puissance par le choeur au complet. Qualifiant Sweeney Todd d'"opérette noire", Stephen Sondheim dit même que c'est un film conçu pour la scène. 


Sweeny Todd - Stephen Sondheim - Opéra National du Rhin - Photo: Klara Beck


Et cela en prend effectivement la forme, avec cette mise en scène qui fait penser à un studio de cinéma avec les "fonds de décors" qui sont des photographies "d'époque" et qui nous projettent dans une ville qui oscille entre le film noir et blanc et l'expressionisme de la ville des "temps modernes", avènement du capitalisme. Les autres éléments de décor - en l'occurrence la boutique de Mrs. Lovett et le salon de barbier qui la surplombe - procèdent de la même intention, réduits à l'essentiel et dont les déplacements (simulations de travelling et champs-contrechamps induits par ces déplacements sur roulette) apportent une dynamique de points de vue que les éclairages surlignent en intensité ou en concentration sur les détails et les focales. La musique d'une certaine manière prend cette même fonction, dynamique ou d'emphase, soulignant ou accompagnant, ou renforçant les sentiments ou les actions pendant le déroulé de la pièce.


Sweeny Todd - Stephen Sondheim - Opéra National du Rhin - Photo: Klara Beck


Elle peut-être très changeante, laissant s'étirer des airs ou les chansons, valorisant le personnage de Adolfo Pirelli et son numéro de bonimenteur de foire (Paul Curievici ténor vif et expressif, prenant), ou le bedeau Bamford (Glen Cunningham ténor bien posé) dans son catalogue de chansons populaires un peu naïves, ou le couple Sweeny Todd et Mrs. Lovett dans leur longue litanie gastronomique et comique sur le qualité gustatives des métiers à la fois critique et comique. Cormac Diamond, dans le rôle de Tobias Ragg, en plus de la très belle qualité de son jeu qui bascule d'une exubérance extravertie à une angoisse rentrée, nous offre également un très beau moment d'émotion presque surnaturel dans la scène de la cuisine où il est enfermé. Zachary Altman assure avec sa voix de baryton-basse en Juge Turpin et nous ne pouvons que regretter que le personnage de Marie Oppert qui incarne la fille de Sweeny Todd n'apparaisse pas plus souvent tant sa voix est pleine de grâce et son timbre de soprano clair et lumineux éclaire cette sombre histoire. 


Sweeny Todd - Stephen Sondheim - Opéra National du Rhin - Photo: Klara Beck


N'oublions pas Jasmine Roy qui incarne avec fougue et engagement le rôle énigmatique de la mendiante. Scott Hendricks dans le rôle titre impose sa forte présence scénique et porte le rôle de ce vengeur en série avec toute les nuances et la détermination qui conviennent à ce personnage. Et Nathalie Dessay, très à l'aise dans le personnage apparemment un peu allumé de la cuisinière, parvient à incarner ce personnage à double faces (voir la transformation, pas seulement dans le passage du noir et blanc à la couleur dans le deuxième acte) pas si simple qu'elle n'en a l'air. Elle assure pleinement un rôle assez conséquent avec brio et ses fans le lui signifient avec éclat.


Sweeny Todd - Stephen Sondheim - Opéra National du Rhin - Photo: Klara Beck


Barrie Kosky nous offre ici une mise en scène dynamique, arrivant à nous faire tenir en haleine parmi les multiples rebondissement de l'action et les surprises - autant dans la mise en scène que dans le décor - et s'appuyant sur une scénographie mobile qui nous permet de plonger au coeur de l'action et au plus près des sentiments de personnages et de leur trajectoire. Il nous emmène entre observation pointue et traits d'humour à nous interroger sur le caractère humain et les travers de la société tout en gardant la tension qui monte ou rebondit dans la succession des événements bien amenés. Il nous prend par les sentiments tout en nous laissant juge de la conclusion qu'il laisse ouverte. 


Sweeny Todd - Stephen Sondheim - Opéra National du Rhin - Photo: Klara Beck


Il faut bien sûr saluer la maîtrise du chef, Bassem Akiki avec l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg et les Choeurs de l'Opéra National du Rhin ainsi que les artists de l'Opéra Studio de l'Opéra National du Rhin, pour la qualité d'interprétation de la musique et la cohérence et l'accompagnement musical presque constant des interprètes et au plus près de leur écoute. Et ce d'autant plus que des airs s'entrechoquent et s'opposent et que la plus douce des chansons accompagne le plus violent des actes. En somme une superbe performance, réunion des extrêmes que ce soient les sentiments ou les personnages, les événements et leurs conclusions. Un opéra qui se transforme en film d'horreur.


La Fleur du Dimanche


Sweeney Todd


Du 17 au 24 juin à l'Opéra du Rhin à Strasbourg

Le 5 et 6 juillet à la Filature à Mulhouse


Distribution
Direction musicale
Bassem Akiki
Mise en scène
Barrie Kosky
Reprise de la mise en scène
Martha Jurowski
Décors, costumes
Katrin Lea Tag
Lumières
Olaf Freese
Chef de Chœur de l’Opéra national du Rhin
Hendrik Haas
Les Artistes
Sweeney Todd
Scott Hendricks
Mrs. Nellie Lovett
Natalie Dessay
Anthony Hope
Noah Harrison
Johanna Barker
Marie Oppert de la Comédie-Française
La Mendiante
Jasmine Roy
Tobias Ragg
Cormac Diamond
Judge Turpin
Zachary Altman
Adolfo Pirelli
Paul Curievici
Beadle Bamford
Glen Cunningham
Solistes de l’ensemble
Camille Bauer, Dominic Burns, Sangbae Choï, Alysia Hanshaw, Bernadette Johns, Michał Karski, Pierre Romainville
Chœur de l’Opéra national du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg


vendredi 6 juin 2025

Au TNS Une Ville ... en état d'urgence

La saison 2024-2025 du TNS se clôt avec le spectacle de sortie du Groupe 48 des élèves qui ont travaillé avec Noëmie Ksicova, Une Ville. La pièce est basée sur le roman La Mélancolie de la résistance de l'écrivain hongrois László Krasznahorkai paru en 1989 et qui décrit l'ambiance de malaise qui plane sur un petite ville du sud-est de la Hongrie où la venue d'un cirque et la présentation d'une baleine sèment le trouble et plonge la ville dans la violence. La comédienne, écrivaine et metteuse en scène Noëmie Ksicova a travaillé à partir de ce texte en étroite relation avec les comédiennes et comédiens mais aussi toutes les sections techniques de l'école - lumière, son, vidéo, scénographie, costumes et maquillages, cadre vidéo et régie générale. Son intervention a été un challenge, devant répondre (d'urgence) au pied levé à l'abandon du précédent projet qui était inscrit dans le programme. 


Une Ville - Noëmie Ksicova - Groupe 48 TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Ainsi tout prend forme et avance en même temps, le choix des séquences, des textes, l'adaptation, le jeu, la mise en scène et le dispositif scénique, dans une  certaine urgence qui est en phase avec le fond de ce roman qui est imprégné de l'atmosphère de fin de l'ère communiste juste avant la chute du mur. 
Cette ambiance se retrouve dans le choix de la scénographie où de nombreuses séquences se déroulent dans des lieux clos, plus ou moins cachés à notre vue mais dont les images sont projetées sur deux écrans à droite et à gauche de la scène. Et souvent le cadre de ces images reste fixe, donnant aux acteurs une pose figée, un peu distante et un jeu détaché. Les épisodes installent la violence ordinaire qui sourd des situations, que ce soit dans le wagon brinquebalant où, même entourée, Madame Pflaum (convaincante Maria Sandoval) n'est pas à l'abri de la violence et peut ainsi cultiver son pessimisme qu'elle soigne dans son petit appartement. 


Une Ville - Noëmie Ksicova - Groupe 48 TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Appartement qui de retraite défensive devient lieu de négociation pour Mme Etzer (agile Blanche Plagnol) qui porte l'idéologie "ordre et propreté" et contribue au chaos, la manigance avec son ex-époux ne marchant pas. Ce dernier essaie de retrouver de l'ordre (naturel) via la musique en opposition entre autre à la théorie de Werckmeister*. Mais le chaos, l'apocalypse guette. Il est d'ailleurs beaucoup question de regards et de manières de voir dans cette pièce. A l'image de ces personnages, silhouettes sombres qui attendent dans le noir de voir cette fameuse baleine, ou de ces militaires qui sont en faction et surveillent le théâtre des opérations. 


Une Ville - Noëmie Ksicova - Groupe 48 TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


A se poser la question de ce que l'on voit - même nous spectateurs à qui on occulte ce qui se passe, ne laissant visibles que les images choisies et cadrées - ou ne voit pas (ce qui se passe aussi dans le noir, cette violence-là). Et la scène entre le Capitaine (Martial Ömer Alparslan Koçak) et Janos (bien campé par Aurélie Debuire) qui pose bien la différentes perceptions - et finalités - de la vision, en particulier entre "surveiller" (pour le policier et "observer" pour l'âme curieuse et un peu naïve de Janos, celui qui voit la "beauté". 


Une Ville - Noëmie Ksicova - Groupe 48 TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Ce dernier incarne à la fois l'âme pure et poétique, portant l'optimisme, voir entre autres sa démonstration de l'éclipse - sorte de fin du monde, mais avec l'espoir d'un retour à la lumière et la vie - ou sa relation avec les "enfants" dont on imagine qu'il les envoie sur le bon chemin. Cela semble être le point de vue de cette pièce où, alors que l'on passe "imperceptiblement" à la guerre - qui, un moment, éclate et c'est violence et carnage - mais il est temps de faire le ménage et une nouvelle page semble s'écrire, un espoir semble luire. Et qui annonce l'immortalité.
Un sujet en pleine résonnance avec l'actualité.


La Fleur du Dimanche

* Les harmonies Werckmeister est le deuxième chapitre - le plus important (2/3) du livre La Mélancolie de la résistance - et c'est aussi le titre d'un film de Béla Tarr (2000) qui adapte ce chapitre - Je vous mets le lien vers le début du film, un plan-séquence de 10 minutes avec la présentation de l'éclipse par Janos :






An TnS du 4 au 7 et du 10 au 11 juin 2025

[Adaptation de La Mélancolie de la résistance de Laszlo Krasznahorkai] Noëmie Ksicova avec les acteur·rices et créateur·rices du Groupe 48
[Mise en scène] Noëmie Ksicova
[Collaboration artistique] Sarah Cohen, Elsa Revcolevschi
[Dramaturgie] Louison Ryser, Tristan Schinz

Avec
Miléna Arvois - La Postière / La Femme du train  
Aurélie Debuire - Janos 
Mamadou Judy Diallo - Monsieur Etzer 
Ömer Alparslan Koçak - Le Capitaine 
Thomas Lelo - Le Militaire / Le Prince / Notable  
Steve Mégé - Enfant 
Gwendal Normand - Directeur du cirque / L'Homme au long manteau / Notable 
Blanche Plagnol - Tünde Etzer 
Nemo Schiffman - L'Homme du train / Le Factotum / Szabo 
Bilal Slimani - Karsci /  Notable 
Maria Sandoval - Madame Pflaum 
Ambre Sola Shimizu - Enfant 
Apolline Taillieu - Madame Harrer 

[Lumière] Corentin Nagler 
[Son] Paul Bertrand, Macha Menu 
[Vidéo] Mathis Berezoutzky-Brimeur 
[Scénographie] Mathilde Foch, Salomé Vandendriessche
[Costumes et maquillage] Nina Bonnin, Noa Gimenez 
[Cadre Vidéo et Plateau] Marie-Lou Poulain 
[Régie générale] Clément Balcon

Remerciements à Nicolas Doremus, Marie-Christine Soma, Frédéric Minière, Simon Drouard, Elwir Poli, Benjamin Moreau, Laurence Magnée, Hélène Wisse, Linda Souakria pour leurs regards précieux.

Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TnS

Production Théâtre national de Strasbourg
Création le 4 juin 2025 à l’Espace Grüber, TnS