Pierre Pontvianne nous avait laissé un étrange impression lors du Festival Montpellier Danse en 2023 avec sa création oe, un titre aussi mystérieux que le spectacle qu'il nous avait proposé cette année-là. Cette année, il revient avec une création mondiale dont le titre La Liesse est un mot très peu usité, qui le plus souvent d'ailleurs apparait dans l'expression "une foule en liesse". Et l'on se demande au vu du générique il va bien pouvoir amener sur le plateau avec cinq interprètes cette foule débordante, et ses explosions de joie. Mais c'est mal connaître le personnage qui travaille sur l'intuition et une intime proximité avec ses interprètes pour nous offrir cet étonnement et cette surprise qui vont déclencher en nous sens et sensation.
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Montpellier Danse - Pierre Rontvianne - La Liesse - Photo: Laurent Philippe |
Ainsi, grâce à un stratagème du décor, une rangée de miroirs suspendus, alignés sur le rideau noir de fond de scène, il projette le public sur la scène pour l'habiter. Puis, alors qu'un premier personnage arrive sur scène, il est vite rejoint par les quatre autres et ils marquent par des embrassades et des effusions leur joie de se retrouver et d'être ensemble. Cela tourne et virevolte, à deux, à trois ou cinq, les figures se forment, s'entrelacent, tournoient et s'enroulent les unes dans les autres, puis en se suivant dans des courbes magnifiques et se transmettent de l'énergie sans fin. Dans des habits noirs flottants, une chemise, blouse bleue (sauf une, noire) qui flotte également dans le mouvement, les corps semblent flotter d'un bout à l'autre de la scène, dans une rythme qui semble perpétuel. D'une manière très subtile, presqu'imperceptiblement la lumière da la salle baisse, et nous sommes happés par la scène comme dans un grand zoom avant, effet renforcé quand les projecteurs en douches s'éteignent et que ce sont de subtils éclairages en biais qui isolent les danseuses et les danseurs. La musique, une vague électronique montante, quelquefois saupoudrée de craquements nous emmène dans un cocon absorbant. Une hésitation, une arrêt, un moment d'hésitation, une immobilité, mais cela repart de plus belle dans cette dynamique d'inclusion et de fusion. Comme dans un mouvement permanent, immuable. Et même qund les danseurs s'arrêtent de courts moments, les miroirs placés en fond de scène, qui sont eux aussi entrés dans des balancements divers non seulement multiplient les interprètes que l'on aperçoit sur scène mais les fait aussi bouger dans leur immobilité. Un autre stratagème scénique pour ne pas dire magie de la lumière, ce sont les effets de mouvements de la lumière dans des subites explosions rouges ou blanches qui perturbent l'espace. Autre décalage d'ambiance, lorsque la chanteuse performeuse Sandy Chamoun interprète le poème en arabe classique mais un poème pas très classique du poète Libanais contemporain Paul Chaoul, en mots tissés.
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Montpellier Danse - Pierre Rontvianne - La Liesse - Photo: Laurent Philippe |
La liesse, tout comme les communautés des hommes n'est pas une expérience monotone ni uniforme. L'énergie elle aussi quelquefois vient à manquer de carburant ou de motivation et les exultations peuvent trouver leur contrecoup, et nous avons donc aussi des flottements ou des moments de dépit. La démarche put se faire chaloupée, l'un ou l'autre pourra être mis à l'écart un moment et ce sera d'ailleurs l'effet de chute finale où, encore par un dernier et très subtil effet d'éclairage, une danseuse, abandonnée de tous, mise à distance symboliquement même par le public répète un geste typé que chacun interprètera à sa guise. d
Cependant, rétrospectivement nous ne pouvons qu'être époustouflés par la performance incroyable, une bonne heure durant de ces cinq interprètes qui, sans relâche nous ont présentés les variations subtiles sur les sentiments et les issues à quoi peut mener ce phénomène rare et débordant. Un très grand moment de spectacle tout en subtilité et en empathie que nous a offert Pierre Pontvianne.
La Fleur du Dimanche.
A Montpellier - Théâtre de la Vignette - du 24 au 26 juin 2025
Compagnie Parc
Chorégraphie : Pierre Pontvianne
Assistante, collaboratrice,
complice : Laura Frigato
Avec Jazz Barbé, Louise Carrière, Thomas Fontaine, Héloïse Larue, Clément Olivier
Conception sonore, costume : Pierre Pontvianne
Lumière : Victor Mandin
Décor, accessoires : Pierre Treille
Production : Compagnie PARC
Coproduction : Festival Montpellier Danse 2025, Comédie de Saint-Étienne, CDN, La Place de la Danse – CDCN Toulouse, Le DÔME Théâtre à Albertville
Résidence et apport en industrie : Montpellier Danse à l’Agora cité internationale de la danse, spectacle répété à La Comédie de Saint-Etienne, CDN, Le DÔME Théâtre à Albertville, BELLEVUE – Lieu d’inventions artistiques, La Comète à Saint-Étienne, Viadanse / CCN de Bourgogne Franche-Comté à Belfort
Construction décor : Atelier de La Comédie de Saint-Étienne.
La compagnie PARC est conventionnée par la Ville de Saint-Étienne, avec le soutien du Département Loire et la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes en 2023-2024-2025 et soutenue par la Région Auvergne-Rhône-Alpes en 2024
Crédit photo © Cie Parc
Avec le soutien de la Fondation BNP Paribas pour l’accueil en résidence à l’Agora, cité internationale de la danse