mardi 31 mai 2016

Orages d'acier... dans une cave - tout un festival... souterrain

Le Festival des Caves entre déjà dans sa onzième année et étend son territoire un peu plus chaque année, bien qu'il rayonne de Besançon où il est né, on peut y assister à Bordeaux, Douai, et même Neuchatel en Suisse. A Strasbourg, après quelques représentations en mai il est revenu pour deux jours avant d'aller à Saint-Louis, Saint-Martin-le-Beau, Villeurbanne, Saint-Michel-sur-Orge, Montpelier ou Noizay, et bien d'autres villes...


Festival des Caves - Orages d'Acier - Ernst Jünger - Photo: lfdd


Ce 31 mai 2016, ce fut le texte d'Ernst Jünger "Orages d'Acier" qui fut joué dans une cave restée secrète jusqu'au dernier moment.
Le texte qu'Ernst Jünger écrivit alors qu'il avait à peine une vingtaine d'année relate son expérience de lieutenant lors de la Première Guerre Mondiale dans les tranchées et sur les champs de bataille tristement célèbres et dont les commémorations de centenaire essaient de ne pas nous faire oublier toute l'atrocité.

Cependant, ce texte de Jünger, magnifiquement - et sobrement - mis en scène par Guillaume Dujardin et interprété sans emphase aucune par Maxime Kerzanet nous plonge dans cette histoire au plus près de l'expérience humaine, personnelle d'un très grand écrivain. 


Festival des Caves - Orages d'Acier - Ernst Jünger - Guillaume Dujardin - Maxime Kerzanet


Le texte nous fait toucher du doigt le quotidien de la guerre vécue dans le détail le plus minuscule en nous le rendant tangible, comme la variété des munitions qui se déversent sur les soldats tout en leur donnant un caractère, un son, une couleur et une forme particulière (un ananas, une grenade, une tripode, une fusée descendante, du gaz jaunâtre,...) sont les notes que Ernst Jünger a prises dans son carnet de guerre. 


Festival des Caves - Orages d'Acier - Ernst Jünger - Guillaume Dujardin - Maxime Kerzanet


De même, les noms de villes, de villages et de lieux-dits, égrenés comme une incantation nous mettent en présence de ces lieux de souvenir. Des scènes de montée au combat avec leurs détails dérisoires (par exemple la recherche de la Croix de Fer par Jünger et son aide de camp lors d'un assaut relativisent ces événements historiques. Le final - la dernière bataille et la mort symbolique, mais réellement vécue par Jünger est une impitoyable plaidoirie contre toute guerre et semble être pour lui à la fois un moment de bonheur incommensurable et une prise de conscience de l’effroyable horreur de cet événement.


Festival des Caves - Orages d'Acier - Ernst Jünger - Guillaume Dujardin - Maxime Kerzanet


Et nous sommes heureux qu'Ernst Jünger ait quand même pu nous en transmettre le récit, qu'il ait pu vivre jusqu'à 103 ans et que le Festival des Caves nous ait proposé ce texte magnifique. De plus, le parti-pris de jeu qui tend vers la "confession intime", dans ce lieu confiné qui rapproche les spectateurs du comédien nous touche au plus profond de nos sens. Bravo! 


Le 1er juin, le spectacle "Perséphone 2014" de Gwenaëlle Aubry, mise en scène de Anne Montfort, avec Léopoldine Hummel et Léa Masson est complet (liste d'attente). 
Le 2 juin ,à Saint Louis, il reste des places pour le spectacle "On voudrait revivre", une proposition de Léopoldine Hummel et Maxime Kerzanet

La suite du programme est là: Festival de caves


Bons Spectacles

La Fleur du Dimanche
   

lundi 30 mai 2016

Au secours, les corbeaux.... Episode 3

Corbeau vole, volé envolé, tombé, ramène, raven, royal dansé...

Résumé des épisodes précédents: un petit corbeau s'envole d'une poche et se retrouve sur un mur, un étourneau se prend la tête dans une vitre, les corbeaux sont sur la toile et en gravure, en musique classique ou de ballet ou en choeurs de l'armée russe, en coeur de chanson canadienne pirate ou en chants des partisans, en Pelpag, ou en Ferré (ça c'était le dernier épisode avec Verlaine, poème et animation...)

Mais tout d'abord, le coquelicot (qui continue aussi son feuilleton..):

Corbeaux et coquelicots - Episode 3 - Photo: lfdd

Episode 3: un voyage qui continue sur les murs.

Les corbeaux se sont envolés, mais apparemment pas pour longtemps, dès le lendemain matin, sur un bout de mur, une silhouette noire attire mon attention.
En m'approchant, je distingue.... un corbeau collé là comme un écho de l'étourneau mort, hommage à sa mémoire.


Corbeaux et coquelicots - Episode 3 - le corbeau sur le mur - Photo: lfdd


Mais un corbeau au mur ce n'est pas assez, le surlendemain, levant les yeux, quelle n'est pas ma surprise quand je vois encore un corbeau "collé" au mur: un disque découpé, muet à jamais:
 
Corbeaux et coquelicots - Episode 3 - le corbeau-disque sur le mur - Photo: lfdd


En écho à ces corbeaux, d'autres sur les murs, oeuvres d'Art de Loustal, Missy, Ronchi ou Tomi (Ungerer) vous saluent:



Corbeaux et coquelicots - Episode 3 - le corbeau de Loustal - Photo: lfdd

Corbeaux et coquelicots - Episode 3 - le corbeau de Missy - Photo: lfdd





Corbeaux et coquelicots - Episode 3 - le corbeau de Ronchy - Photo: lfdd




Corbeaux et coquelicots - Episode 3 - le corbeau de Tomi Ungerer - Photo: lfdd


Et pour finir en chanson, un corbeau "oublié" qui vous en rappellera peut-être une autre, celui de Ringo (Willy Cat ex. Guy Bayle ):
Qui est ce grand corbeau noir:






Bonne visite et bonne suite... à bientôt

La Fleur du Dimanche
   

dimanche 29 mai 2016

Au secours, les corbeaux sont de retour - 2.... Les coquelicots aussi... Oh Oh Oh

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? 
Oh oh oh oh oh oh oh....

Suite de l'épisode précédent...
Rappel: un petit corbeau farceur s'est "envolé" de mes poches, mais retrouvé, s'est trouvé accroché sur le mur de l'appartement...

Et la suite des coquelicots:


Corbeaux et coquelicots - Episode 2 - Photo: lfdd


Episode 2: un voyage inachevé - ou dangereux.

Le petit corbeau imprimé sur tissus de Samia Kachkachi accroché au mur, entre trophée et veilleur de bureau, prêt à s'envoler cependant, je pars le lundi matin au bureau et découvre au pied de l'immeuble, par terre, un étourneau.


Corbeaux et coquelicots - Episode 2 - l'étourneau mort -  Photo: lfdd

Il a dû dans son vol, se cogner dans la vitre tellement fort que c'en était son dernier vol. Pour éviter à des âmes sensibles qui allaient me suivre à l'entrée de l'immeuble, j'ai éloigné le corps de l'oiseau en le cachant dans un coin discret. 

Au même moment, sur le toit voisin, deux corbeaux me hélèrent de leur croassement grave.
Le temps de prendre mon appareil photo, un des deux corvidae s'est déjà envolé tandis qu l'autre me salue une dernière fois avant de partir lui aussi... 



Corbeaux et coquelicots - Episode 2 - les corbeaux sur le toit - Photo: lfdd


Que va nous réserver la suite?
    
En attendant, les TVA.... et quelques corbeaux de la "série" Art avec un extrait de la production de Raymond-Emile Waydelich. D'abord l'hommage à Lydia Jacob:


Corbeau et plante grasse sedum - R.E. Waydelich - Photo: lfdd


Et les souvenirs canadiens de Haïda:



Corbeau "Raven Haïda" - R.E. Waydelich - Photo: lfdd


Pour rester au Canada, (comme dans l'épisode 1) une chanson de Coeur de Pirate: Corbeau



Corbeau

Et deux par deux sans compter nos morts
Qu'on laisse derrière des ébauches fanées
Des secrets de carrière
Et trois par trois nos coeurs essoufflés
Des secousses folles on réfléchit plus tard
Maintenant il faut rêver
Et je ne sais plus à quoi penser
C'est dur d'être libre comme toi
Et je ne sais plus à qui penser
C'est fini rhabille-toi
Et deux par deux on avale nos mots
C'est dur d'oublier ce que l'on connait et ce qui imprègne nos peaux
Et trois par trois, nos coeurs de la partie
On joue aux couteaux et on peut partager le même lit
Et je ne sais plus à quoi penser
C'est dur d'être libre comme toi
Et je ne sais plus à qui penser
C'est fini rhabille-toi
Et je ne sais plus à quoi penser
C'est dur d'être libre comme toi
Et je ne sais plus à qui penser
C'est fini rhabille-toi
Et deux par deux
On avale nos mots
C'est dur d'oublier ce que l'on a connu qui a imprégné nos peaux
Et trois par trois, nos coeurs de la partie
On joue aux couteaux et on peut partager le même lit


Pour ceux qui connaissent leurs classiques, une version du poème d'Arthur Rimbaud "Les corbeaux" interprété par Léo Ferré, avec une animation de Pablo Pares.

 


Encore plus classique, le célèbre chant cosaque "Le noir corbeau" ou "L'oiseau de malheur" - Novorossia.





Et en parlant de classique, on ne peut plus classique, pour une fidèle lectrice amatrice de danse (pas classique) qui se demandait si à part, Jorge Donn, il y avait des corbeau dans les ballets (en dehors du Lac des Cygnes), voici une version la bande annonce du Ballet "Raven Girl" au Royal Ballet chorégraphié par Wayne McGregor, sur une musique de Gabriel Yared, avec une femme-corbeau interprétée par Sarah Lamb:



A Suivre...

Bon Lundi

La Fleur du Dimanche

Au secours, les corbeaux sont de retour.... Les coquelicots aussi...

Les corbeaux sont des oiseaux farceurs, en plus d'être intelligent.
Il m'ont donné rendez-vous tout un long de la semaine, dans un hasard bizarre....

L'occasion pour moi de vous rendre la pareille. L'occasion aussi de vous alléger la lecture de ce billet du dimanche en le découpant en tranches moins indigestes (un lecteur m'ayant fait la remarque qu'il n'est pas arrivé au bout du billet - il ne doit pas être le seul!).
Je vous propose donc un feuilleton:
Le feuilleton du corbeau et du coquelicot.

Episode 1: un voyage mouvementé.


Corbeaux et coquelicots - Episode 1 - Photo: lfdd



Dimanche dernier, dans l'atelier de Sophie Bassot à Wilwisheim, parmi les nombreux artistes qu'elle accueille dans sa grange (voir mon billet du 20 mai 2016), sur le mur de "Serrànadas" de Samia Kachkachi (voir photo), je vois un petit corbeau que je lui achète, qu'elle m'emballe dans du papier de soie et que je mets dans la poche de ma veste. 
Et il s’est envolé (la preuve sur la photo)....

Je ne le trouvais plus, et l’ai cherché partout !
J’ai remué ciel et terre - j’ai même recontacté Sophie Bassot qui se protégeait de l’orage du soir. Je suis retourné à la voiture garée à 500 mètres pour voir où il avait "sauté"...
Et finalement, le farceur, il avait juste changé de poche. 
Il faut dire qu’il a capacité à se faire tout petit et le papier de soie ne lui a pas donné plus d’épaisseur.

En tout cas ,j'étais rassuré, également rassuré sur son caractère... de corbeau
Et content qu’il ait accepté d’être de nouveau avec moi. 
Le voilà:


Corbeau - Samia Kachkachi - Photo: lfdd

Mais l'histoire n'est pas terminée et je vais vous en conter la suite bientôt... revenez demain sur cette page et vous verrez

D'autant plus que les corbeaux, je les aime bien...
La preuve par l'image:
Parmi les corbeaux de la collection privé, celui de Anne Wicky, sur un "Taeffele"

Corbeau - Anne Wicky - Photo: lfdd


Et un livre de Fred, "L'histoire du corbac en basquet" à qui j'avais rendu hommage le 6 avril 2016 lors de sa disparition.

Je vous rappelle également les deux billets où je parlais de corbeaux le 21/02/2016:
Le Livre et la Rose sont des ondes fractales. Echo d'Eco et corbeau.
et le 28/02/2016:
Le corbeau croasse encore, et moi ?

Pour finir avec en TVA sur le corbeau, je vous offre les paroles et la chanson de Chloé Pelgag (une chanteuse canadienne) et son clip:





Klô Pelgag - Les Corbeaux

Au clair de la brume, j'ai pris ta photo 
Comme la nuit brûle ton ombre dans l'eau 
Offre-moi l'écume de ces jours au port 
Où les bateaux fument tes cendres au départ 

J'ai pris la pilule celle qui fait dormir 

Changé ma cellule en un point de mire 
D'où je vois les monstres lentement mourir 
Revenir au monde, les entends-tu dire ? 

La lune est pleine ! La lune est pleine ! La lune est pleine ! 

La lune est pleine, elle est remplie de corbeaux 
Et l'archipel ! et l'archipel ! et l'archipel découpé par mes ciseaux 

Le jour est noir comme la nuit, je m'oublie, je m'oublie 
Mange mon coeur et prie 
Pour que toutes les abeilles sentent mon sang qui gèle 
Changent ma mort en miel 

Moi, j'ai cherché le confort des années-lumière 

J'ai regardé la vie des autres mais à l'envers 
Et j'ai trouvé la pluie dans le désert: 
Me réveiller dans le ventre de la mer 

La lune est pleine ! La lune est pleine ! La lune est pleine ! 
La lune est pleine, elle est remplie de corbeaux 
Et l'archipel ! et l'archipel ! et l'archipel découpé par mes ciseaux 

Je vois la peine, je vois la peine 

Je vois la peine du secret dans le tombeau 
Je vois la peine, je vois la peine 
Je vois la peine dans les pores de ta peau


Pour ceux à qui cette est trop décalée des corbeaux habituels, je renvoie d'une part à Gaston Coué que vous pouvez non pas écouter, mais lire sur mon billet du 26 avril 2016.
Et je vous offre le "classique" des corbeaux par Marc Ogeret:




Le Chant Des Partisans:

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? 
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ? 
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme. 
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes. 

Montez de la mine, descendez des collines, camarades ! 
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades. 
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite ! 
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite... 

C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères. 
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère. 
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rèves. 
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève... 

Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe. 
Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place. 
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes. 
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute... 

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne ? 
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? 

Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh...


A Suivre...

Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche

vendredi 27 mai 2016

Les Percussions de Strasbourg, Live@Home #7: La percussion interprétée sur scène par un jongleur

La musique s'écoute et se regarde, la percussion, souvent se regarde, cependant, pour ce concert, ce qui se regardait, se rendait visible, c'était essentiellement le silence, le silence musical, ou le geste du jongleur, le jonglage sonore.

Parce pour leur septième soirée à domicile, dans leur maison de Hautepierre, les Percussions de Strasbourg ont proposé à leur public un dialogue entre la musique et l'art du jonglage.

Percussions de Strasbourg  - live@home #7 Photo: lfdd

Thomas Guérineau, jongleur mais également musicien percussionniste, après une courte résidence avec l'ensemble strasbourgeois nous a proposé un dialogue  entre des pièces de répertoire (Georges Aperghis, François Sarhan, Carlos Roque Alsina) et ses compositions "jonglées". Le corps du jongleur se regarde, tout comme celui du percussionniste, très souvent dans le geste qui se transforme en son... Car, à part quelques accessoires "de bouche" (sifflets ou autres appeaux), c'est la main, le bras du musicien qui va produire le son. Ici, cependant, la scénographie avait plutôt tendance à mettre en lumière le geste du jongleur qui concentrait sur lui la tension et forçait l'attention. 
Sauf pour les deux pièces de geste de Thierry de Mey (Silence must be et Pièce de Geste), magnifiquement interprétée dans un silence où la musique - et le rythme - naissaient dans notre tête, ou dans le ciel !
Avec Home Work (in the garage), de François Sarham, nous avons aussi pu voir que le corps pouvait aussi être un instrument de percussion et que le percussionniste pouvait aussi être comédien...

Percussions de Strasbourg  - live@home #7 Photo: lfdd


Thomas Guérineau a eu la délicatesse de faire écho à ce presque silence avec son jonglage horizontal sur timbale avec de petites billes qui permirent de concrétiser un monde imaginaire.

Percussions de Strasbourg - live@home #7 Photo: Sandrine Rouxel


Il a également prouvé au cours de cette soirée, que même non écrite et résultat de gestes à priori non destinés à être musicaux, une partition pouvait s'écrire et faire musique contemporaine. Et plaire au public, même - et peut-être surtout aux enfants* présents dans la salle.

La Fleur du Dimanche 

* Le mercredi 25 mai eut lieu le concert de Percustra, concert avec présentation des oeuvres travaillées lors d'ateliers avec les élèves en 2016.

Les Percussions de Strasbourg, Live@home #7
27/06/2016 
Au Programme:

Silence / Thomas Guérineau (solo) – 2013
Kryptogramma / Georges Aperghis – 1972
Molettes / Thomas Guérineau (solo) – 2013
Home work solo / François Sarhan – 2011
Silence Must Be / Thierry de Mey – 2002
Eloignements / Carlos Roque Alsina – 1987
Pièce de geste / Thierry de Mey - 2008

Mailloche / Thomas Guérineau (solo) – 2013

jeudi 26 mai 2016

CLØWNS & QUEENS : Le cirque en plus mieux qui fait tache - trash

Il était une fois une belle équipe de jongleurs qui étaient magnifiquement rodés à jongler en choeur. Ils étaient beaux et virtuoses et ils ont osé jouer à contre-courant.


Cløwns and Queens de Gandini Juggling - Maillon - Photo: Jacques Langlois

Ils ont donc commis un spectacle, toujours dans la veine du cirque, avec de l'humour, mais où progressivement les jongleurs, rois et reines, un peu clowns, vont se transformer en loups et cochons - et pas petits....


Cløwns and Queens de Gandini Juggling - Maillon - Photo: Jacques Langlois


Le spectacle de Gandini Juggling "CLØWNS & QUEENS" est magnifique, les mouvements d'ensemble, jongleries qu'elles soient réalisées assis, debout ou couchés sont d'une synchronisation et d'une harmonie époustouflante (on pense à la précision du spectacle de Liz Santoro et de Pierre Godard "Relative Collider" que l'on a vu ici-même le 12 mai).


Cløwns and Queens de Gandini Juggling - Maillon - Photo: Ludovic des Cognet


Les pas de danse baroque sur une musique originale nous baignent dans une joie de vivre jusqu'à l'irruption d'un décalage qui est d'ailleurs marquée dans la musique par un collage "sampling" de haute volée.



Cløwns and Queens de Gandini Juggling - Maillon - Photo: Jean-Christophe Bordier


La maîtrise totale devient fausse hésitation, l'assurance devient déséquilibre terriblement assumé. La belle ordonnance se détraque, la ronde joyeuse et ordonnée devient désarmante et agressive et la gentillesse (de façade) se mue en agressivité rixe et humiliations.

Le spectacle, super bien rythmé nous emmène dans une belle sarabande, et les magnifiques costumes de Gemma Banks, pleins d'inventivité, dont les 9 magnifiques comédiens-jongleurs-danseurs changent à tout bout de champ nous font croire qu'ils sont deux fois plus nombreux. 

Cløwns and Queens de Gandini Juggling - Maillon - Photo: Ludovic des Cognet


Au final, nous assistons à quelque chose qui va plus loin que le cirque et dont la programmation commune du Maillon avec les Migrateurs trouve toute sa justification.


Cløwns and Queens de Gandini Juggling
Jusqu'au 28 mai au Maillon,
Présenté  avec les Migrateurs

Bon Spectacle

La Fleur du Dimanche



mercredi 25 mai 2016

Le Grand Palais pour Empire ou l'art de compter les heurts

Monumenta, c'est forcément monumental: au Grand Palais, il faut "remplir"...

Huang Yong Ping a rempli sa mission et propose, après quelques autres "grands artistes" qui on fait dans le monumental, de combler l'espace vide du Grand Palais et de vous écraser de l'énormité du sujet et du sens de l'art au service de la réflexion et du symbole.
Les symboles sont réduits au nombre de quatre, même s'il font dans le gigantisme: un serpent, un bicorne et des conteneurs et une grue...


Monumenta - Grand Palais - Huang Yong Ping - Empire - Photo: lfdd


Les conteneurs, symbole de la mondialisation, de l'échange et du commerce, forment la majeure partie de l'oeuvre, et en sont la partie imposante: 305 conteneurs, de différentes tailles sont disposés en plusieurs "îles" qui vont nous rappeler les pays, les continents, les déplacements, entre autres entre la Chine et la France, d'où viennent à la fois les marchandises, mais aussi l'artiste qui a définitivement quitté son pays pour s'installer en France. Ces conteneurs nous parlent de fabrication, de sous-traitante, mais aussi des déplacements humains et d'habitat - plus ou moins précaire, servant aussi quelquefois de logement.


Monumenta - Grand Palais - Huang Yong Ping - Empire - Photo: lfdd


Le serpent nous reporte tout à la fois aux cycles (la mue, le serpent qui s'enroule sur lui-même,...) et à la force - le serpent est gigantesque et fait front au bicorne - mais aussi aux mythes, à la culture des peuples et également fait écho à la structure même du Grand Palais.


Monumenta - Grand Palais - Huang Yong Ping - Empire - Photo: lfdd


La grue, elle, est le lien et le soutien du serpent, également le moyen de transborder et déplacer les conteneurs. Par sa forme et sa position, elle complète l'Arc de Triomphe servant de socle au bicorne géant.


Monumenta - Grand Palais - Huang Yong Ping - Empire - Photo: lfdd


Ce bicorne est une réplique immense du chapeau que portait Napoléon lors de la bataille d'Eylau. Cette bataille fut un véritable carnage (dix mille tués ou blessés chez les Français, douze mille morts et quatorze mille blessés, dont beaucoup mourront faute de soins chez les Russes), fit dire au Maréchal Ney "Quel massacre! Et tout cela pour rien!" et affecta Napoléon au point qu'il resta huit jours sur le champ de bataille pour superviser les secours et qu'il en conclut: 
"Cette boucherie passerait l'envie à tous les princes de la terre de faire la guerre."


Monumenta - Grand Palais - Huang Yong Ping - Empire - Photo: lfdd


Le bicorne de l'empereur est cependant aussi chargé d'une autre symbolique. Justement celui de la puissance de l'empire et d'une "reconnaissance" ou une renommée mondiale - un collectionneur sud-coréen - Kim Hong-kuk, le roi du poulet - a acheté en 2014 un bicorne de Napoléon 1,884 millions d'euros pour l'exposer au siège de son entreprise, vaste empire industriel et commercial.


Monumenta - Grand Palais - Huang Yong Ping - Empire - Photo: lfdd


MONUMENTA

Depuis 2007, des artistes contemporains de renommée internationale investissent la Nef du Grand Palais avec des oeuvres magistrales conçues pour l’occasion. Après Anselm Kiefer, Richard Serra, Christian Boltanski, Anish Kapoor**, Daniel Buren* et Ilya et Emilia Kabakov, Huang Yong Ping relève le défi en 2016. 


Monumenta - Grand Palais - Huang Yong Ping - Empire - Photo: lfdd

Bonne visite

La Fleur du Dimanche

* La Fleur du Dimanche vous avait présenté le 13 juin 2012 le "Monumenta" de Daniel Buren.

** Pour Anish Kapoor, dont je vous ai présenté les oeuvres exposées à Versailles l'année dernière (24 juin 2015), je vous avais proposé le 1er juin 2011 un "Minimenta" sculpture minimaliste éditée à l'occasion de la manifestation "La Beauté" à Avignon en l'an 2000.

dimanche 22 mai 2016

Coquelicot fleuri ou fragile

Dans les champs, les coquelicots, ces "mauvaises herbes" fleurissent.
Je vais vous en offrir version "citadine":


Coquelicot - Photo: lfdd


Et également vous en montrer les deux aspects, plutôt gai avec Robert Desnos et plus critique avec John McCrae..

Le Coquelicot 

Le champ de blé met sa cocarde 
Coquelicot. 
Voici l'été, le temps me tarde
De voir l'arc-en-ciel refleurir. 
L'orage fuit, il va mourir, 
Nous irons te cueillir bientôt,
Coquelicot.

Robert Desnos


Coquelicots fanés - Photo: lfdd


Pour le poème de John McCrae "In Flanders fields" (Au champ d'honneur), c'est un poème de guerre que ce lieutenant-colonel canadien a écrit pendant la Première Guerre mondiale à l'occasion des funérailles d'un ami de l'auteur, tombé lors de la deuxième bataille d'Ypres. La bataille d'Ypres qui nous revoie à une autre bataille, celle d'Eylau dont nous allons parler très prochainement à propos d'Empire.

In Flanders Fields 

In Flanders fields the poppies grow
Between the crosses row on row,
That mark our place; and in the sky
The larks, still bravely singing, fly
Scarce heard amid the guns below.

We are the dead. Short days ago
We lived, felt dawn, saw sunset glow,
Loved and were loved and now we lie
In Flanders fields.

Take up our quarrel with the foe:
To you from failing hands we throw
The torch; be yours to hold it high.
If ye break faith with us who die
We shall not sleep, though poppies grow
In Flanders fields.

John McCrae

Au champ d'honneur, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix; et dans l'espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.
Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encor'
À nos parents, à nos amis,
C'est nous qui reposons ici
Au champ d'honneur.
À vous jeunes désabusés
À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d'honneur.


Ce poème me ramène aussi à Michael J. Sandel don j'ai parlé récemment (le 1er mai) et qui, dans son livre qui vient de sortir dit: "La cupidité est un vice, une manière d'être condamnable, en particulier lorsqu'elle a pour effet de rendre insensible à la souffrance d'autrui."
Ce philosophe dit de son sujet: "Certaines personnes croient que la philosophie habite les hautes sphères célestes. Ma conviction est qu'elle est chez elle dans la cité. (...) On doit Pouvoir éprouver les questions qu'elle nous pose. Socrate concevait la philosophie de cette manière. Il marchait dans les rues d'Athènes et interrogeait des gens ordinaires. C'était une philosophie de dialogue, et non de la prédication ou de l'énonciation de principes immuables."


Coquelicots - Photo: lfdd

Pour terminer, je vous renvoie à la chanson du coquelicot connue que je vous avais proposée le 6 juillet 2014. En fait il y a deux versions de la chanson, la première de Mouloudji, l'autre, moins connue, est une interprétation de Leila Bekti dans le film de Philippe Claudel "Avant l'hiver". 
Je vous renvoie au billet sur le site parce que les chansons sont comme les fleurs, sur internet, elles se fanent ou disparaissent: les vidéos peuvent être retirées ou supprimées pour diverses raisons.
Une page qui n'a pas encore été retirée, c'est la page de La Fleur du Dimanche du 3 juillet 2011 qui a déjà été vue plus de 1200 fois. Merci à vous chers lecteurs, chères lectrices, de me suivre.

Et en parlant de fidèle lectrice, en voila une qui vient de m'offrir un autre bouquet de coquelicots de la campagne, c'est la version chantée par les Quat'Jeudis du poème de Desnos. Je vous l'offre volontiers:





Coquelicots - Photo: lfdd


Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche