jeudi 12 mai 2016

Relative Collider: La poésie des chiffres et des mots, dansée en rythme

Savez-vous compter jusqu'à huit ?  Oui ?
Savez-vous compter jusqu'à huit pendant quarante cinq minutes ? 
Savez-vous compter jusqu'à huit et faire des gestes en rythme et également à contretemps ?
Savez-vous faire des gestes coordonnés avec les main et en désynchronisant vos pieds ?
Savez-vous compter jusqu'à huit à trois en faisant des gestes synchronisés pendant qu'un quatrième larron vous récite des textes en rythme et en arythmie ?

Si vous ne savez pas le faire, allez prendre exemple en regardant le magnifique spectacle de Liz Santoro et de Pierre Godard "Relative Collider" qui passe au Maillon à Strasbourg jusqu'à samedi 14 mai, c'est époustouflant.



Relative Collider - Liz Santoro & Pierre Godard - Photo:Ian Douglas 


Cela commence sur un air de métronome très minimaliste et les trois interprètes, Liz Santoro, Cynthia Koppe et Stephen Thompson, de face, bougent discrètement, mais en rythme leurs genoux tandis qu'à son pupitre de chef d'orchestre, Pierre Godard dirige la musique sur son ordinateur.
Et de variation minimaliste, d'abord sans les bras, puis dans une parfaite unisson, en harmonie d'une gestuelle sobre de soixante quatre positions des bras, une danse qui s’additionne sans se répéter nous emmène dans un voyage cathartique.


Relative Collider - Liz Santoro & Pierre Godard - Photo:Ian Douglas


Du côté de la musique, si l'on peut dire, le rythme quelquefois perturbé du métronome prend forme dans une variation de numération (one, two, three, four, five, six, seven, eight) dans lequel s'intercale un "and" addictif ou une respiration soustractive.

Bien sûr, comme le dit le texte du livret: "une ampoule est plus chaude après quarante minutes de fonctionnement", la pièce n'est pas "froide" et la musique va nous emporter vers une plus grande empathie alors que le "chef d'orchestre", Pierre Godard, va nous déclamer de plus en plus fort, non plus des chiffre, mais des mots qui comptent, eux aussi.



Relative Collider - Liz Santoro & Pierre Godard - Photo:Ian Douglas

Et la danse prend ses libertés et nous propose une très belle unisson dans la diversité de la variation, dans ces trois corps.
Nous sentons ces trois corps incroyablement à l'écoute d'eux-même et des autres, avec un sens, même une incarnation physique du rythme impressionnante.



Relative Collider (excerpts) from Liz Santoro on Vimeo.


Et bien sûr, la chorégraphe, le chef d'orchestre comédien-musicien et les danseurs ne pouvaient pas nous abandonner dans cette transe-danse. Ils nous ramènent sains et saufs et rassurés de ce beau voyage dans la salle de spectacle.
Et l'on se surprend à être assis sur nos fauteuils.
Et à rentrer chez nous parce que tout a une fin.
Mais heureux d'avoir fait ce beau voyage...

Et pour vous faire prendre conscience de ce que vivent les interprètes, je cède la parole à Liz Santoro: "Quand le système nerveux de l’interprète est en relation avec le public et est affecté par l’attention que ce dernier lui porte, on commence à avoir une boucle rétroactive entre la scène et la salle, et inversement. Une fois que vous savez que vous êtes vu en train de faire une action, cela change la façon dont vous vous percevez, et l’action que vous exécutez, il est impossible d’en faire abstraction."

Et concernant la structure-construction des séquences de la pièce:


Notations "Relative Collider" - Liz Santoro


"Pour nous, il y a un intérêt autant esthétique que politique à tenter de déstabiliser nos hiérarchies perceptives. Je regarde une séquence, je ne perçois pas de changement, et pourtant le corps entier du danseur a subi une profonde altération de son régime de fonctionnement. Nous tentons de déplacer le spectaculaire et de questionner la valeur que nous lui conférons."

Bon spectacle

La Fleur du Dimanche

"Relative Collider
au Maillon à Strasbourg 
jusqu'à samedi 14 mai 2016, 20h30



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