dimanche 20 janvier 2019

Ecouter Jankélévitch à la limite du dicible

En ce dimanche de janvier sans vraie fleur à poster, l'hiver n'est pas encore fini, le temps du renouveau non advenu. Les fleurs sommeillent au profond de la terre, sauf chez les fleuristes et quelques ellebores noirs. Nous attendons la couleur du printemps.

Le blanc s'est couché sur les toits, et, souvenir amical, derrière quelques bibelots, une "rose de Jéricho" sommeille...

C'est le moment de la raviver pour célébrer l'amitié d'un bout à l'autre de la France.

Voici le réveil en images de la Selaginella lepidophylla, cette plante du désert de Chihuahua, à la frontière entre le sud des États-Unis et le Nord du Mexique. Elle se moque des murs et ne vient pas de Jéricho même si on l'appelle par erreur en la confondant avec une autre plante "Rose de Jéricho" (Anastatica hierochuntica).


Selaginella lepidophylla - Photo: lfdd

Selaginella lepidophylla - Photo: lfdd

Selaginella lepidophylla - Photo: lfdd

Selaginella lepidophylla - Photo: lfdd

Selaginella lepidophylla - Photo: lfdd

Selaginella lepidophylla - Photo: lfdd

Selaginella lepidophylla - Photo: lfdd


Pour le TVA associé, un gros plan sur le philosophe du "presque-rien" Vladimir Jankélévitch, dont un "pavé" de 1174 pages et regroupant sept livres et intitulé "Philosophie morale" vient de paraître chez Flammarion. L'occasion de creuser un peu sa pensées, ses écrits et ses paroles - parce qu'il faut aussi l'entendre, en direct, et voir que, selon lui  "la philosophie ne sert à rien"....

En extraits, pris dans la supplément du Monde des Livres du 18 janvier, à côté d'un article de Roger-Pol Droit sur son livre et d'un entretien de Jean Birnbaum avec Laure Barillas qui vient de soutenir une thèse sur le philosophe, et qui dit, entre autres:
"Chez lui (Jankélévitch), l'écriture ne retombe pas, elle refuse le style lourd, sentencieux, ce mouvement perpétuel de la phrase est lié à son mode d'enseignement, si bien que sa voix s'entend dans le rythme de l'oeuvre."
... "Le mouvement de sa morale est celui d'une indignation et d'une résistance à ce qui atteint la dignité de l'autre. C'est donc une pensée qui invite sans cesse à l'inquiétude."


Extrait -Jankélévitch - L'imprescriptible

Extrait -Jankélévitch - Le pur et l'impur

Vous avez un exemple frappant de ce "style" particulier dans ce cours à la Sorbonne sur "L'immédiat"




Je ne vous oblige pas à écouter la totalité de l'heure, mais le rythme y est donné dès le départ, comme son humour l'est, pour cet élève de Bergson, lors d'un hommage à ce philosophe, également à la Sorbonne:




Vous apprécierez sa désinvolture et son humour dans l'émission de Bernard Pivot à la télévision en 1980 quand Bernard Pivot lui demande "A quoi servent les philosophes" :




La désinvolture qui est un peu le fondement de sa philosophie, entre le "Presque-rien" et le "Je ne sais quoi" dont il parle de manière moins désinvolte comme à la télévision à la radio, à l'occasion de la sortie de son livre dont le titre lie les deux concepts :




En contrepoint, une question de Michel Serres à Vladimir Jankélévitch - question plus longue que la réponse...



En résumé: "Le presque rien c'est la philosophie elle-même, ... il s'en faut de rien pour qu'elle ne soit plus rien du tout. .... Ce presque rien est tout ! "    

Pour clore en chanson, un poème d'Aragon "Maintenant que la jeunesse" chanté par Hélène Martin:




"Maintenant que la jeunesse
S'éteint au carreau bleui
Maintenant que la jeunesse
Machinale m'a trahi
Maintenant que la jeunesse
Tu t'en souviens souviens-t-en
Maintenant que la jeunesse
Chante à d'autres le printemps
Maintenant que la jeunesse
Détourne ses yeux lilas
...,"

Une autre chanson, poème de Louis Aragon, chanté par Hélène Martin "Le feu", au gala de la Chanson Française en 1967






Et un de ses "tubes" "Je t'aime par les chemins noirs"





Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche

jeudi 17 janvier 2019

Winterreise de Hans Zender avec l'OPS au Maillon: Un voyage à rebours, un aller sans retour

Le cycle des Lieder de Schubert Winterreise, contait en son temps l'errance du vagabond, version pré-romantique. 
De nos jours, les vagabonds traversent de multiples frontières... et ce n'est pas forcément romantique
Kornel Mondruczo nous en donne une version très actuelle à partir de la version orchestrale de 1993 de Hans Zender revisitée.
Nous n'avons pas oublié le sujet du "voyageur", de l'étranger, qui sera le fil conducteur de cette soirée, mais dans une approche très humaine et de proximité sensible:
"Fremd bin ich eingezogen,
Fremd zieh’ ich wieder aus.

Étranger je suis venu,
Étranger je repars."

Winterreise - János Szemenyei - Kornél Mundruczo - Photo: Bálint Hrotko


Nous nous attendons à voir surgir sur l'écran en fond de scène, derrière la petite troupe des musiciens de l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg*, le "Voyageur" de Caspar David-Friedrich, mais le canapé déplumé, en lambeaux posé dans un blanc de neige immaculée, avec, d'un côté une cuvette de WC et une bassine en métal et de l'autre un chariot de supermarché renversé nous laissent augurer d'une toute autre histoire.
Cependant la poésie sera au rendez-vous quand doucement, la musique nous appelle avec quelques frottements, genre pas dans la neige et une mélodie qui se construit et prend de l'ampleur, doucement , en se répétant, et quand les uns après les autres, les instruments entrent dans le jeu et que surgit le jeune vagabond qui commence à s'installer au sens propre dans son espace en s'emparant de la mélodie et chantant ce monument du Lied allemand dans sa claire voix bien marquée de son accent franchement des pays de l'Est.
Sur l'écran la vidéo de Kornél Mundruczo éclaire le texte du poème de Wilhelm Müller d'un sens nouveau. Une fois que l'on a passé la barrière fermée qui s'ouvre, nous errons dans des rues désertes d'un quartier pauvre, pas âme qui vive, mais "l'ombre de la Lune - Mondenschatten" s'incarne en un chat, qui devient proie et gibier, avec quelques "chiens errants":

"Und auf den weißen Matten
Such ich des Wildes Tritt.

Quand, à travers les prairies toutes blanches,
Je vais suivant les traces du gibier."  


Winterreise - János Szemenyei - Kornél Mundruczo - Photo: Bálint Hrotko


Ce voyage d'hiver, comme on pourra le constater, va prendre quelques libertés autant par l'interprétation du chanteur, qui ne chantera pas en Hochdeutsch, mais avec la richesse de son accent hongrois, que par l'interprétation de l'orchestre qui intègre une guitare, une harpe, un accordéon et dont les interprètes vont oser quelques pointes d'humour.
Mais le voyage se continue, avec les 24 stations, qui vont passer des étapes de la journée, le lever, le petit déjeuner, un peu de sport, le repas et qui seront l'occasion de se familiariser avec des individus que nous allons côtoyer grâce aux images projetées en fond pour se rapprocher de leur intimité, au point d'en devenir presque (amis) intimes. Et l'hiver se continue, de prairie en girouette, d'arbre (tilleul - Lindenbaum) en fleuve (Auf dem Flusse) et en débâcle, de givre en vent. Sans poteau indicateur, le voyage se poursuit, de chemin en vilage et en cimetière, avec comme compagnon les corbeaux (die Krähe), les feux follet (Irrlicht) et les soleils triples (Die Nebensonnen), mais toujours dans le froid glaçant, le blanc de l'hiver et la solitude. Et le désespoir de la mort pour finir (Der Leiermann), à moins que, à force de souffrance et d'errance sur les routes, on décide de se révolter et de se défendre. 
Et donc de chanter au son de la vielle la tragique histoire du déracinement et de témoigner de cette dure réalité du "purgatoire des migrants" comme le dit Kornél Mundruczo. Et de rajouter: "Pour moi, Winterreise représente parfaitement ce que c'est d'âtre sur la route, d'être constamment en mouvement, d'attendre on ne sait quoi..." 


Winterreise - János Szemenyei - Kornél Mundruczo - Photo: Bálint Hrotko


Et à propos des images qu'il a tournées dans un camp de réfugiés en Hongrie: Ca a été une expérience incroyable de passer du temps avec eux et quelques scènes fortes auxquelles j'ai assistées m'ont pleinement fait prendre conscience des difficultés auxquelles sont confrontées de si nombreuses personnes pour simplement subvenir à leurs besoins essentiels.
La pièce et le film nous permettent d'approcher un peu de cette réalité, et d'y être sensible. C'est le pari réussi de ce projet:
Grâce à la relecture d'une oeuvre que nous pensions connaître, nous approcher de sa vérité profonde et actuelle.




La Fleur du Dimanche 


Winterreise

Le Maillon Strasbourg -  17 et 18 janvier 

Musique : Schuberts Winterreise de Hans Zender
Orchestre : Orchestre philharmonique de Strasbourg
Direction : Thierry Fischer
Chanteur : János Szemenyei
Mise en scène : Kornél Mundruczó
Scénographie et costumes : Márton Ágh
Dramaturgie : Kata Wéber
Assistante mise en scène : Anna Fehér
Productrice : Dóra Büki
Directrice de production : Zsófia Csató
Directeur technique : András Éltető
Régie lumière : Zoltán Rigó
Régie son : János Rembeczki
Coproduction : CAFé Budapest Contemporary Arts Festival / Danubia Orchestra Óbuda / FILC – Fischer Iván Lakásszínháza
D’après : une production originale de 2014 de l’Opera Ballet Vlaanderen
Proton Theatre

mercredi 16 janvier 2019

The Falling Stardust d'Amala Dianor: La danse des cygnes électriques sous les étoiles

Amala Dianor, danseur et chorégraphe, venu du hip-hop, n'a pas peur de se frotter à d'autres domaines de la danse. Il a dansé avec de chorégraphes aussi divers que Régis Obadia, Roland Petit, Abou Lagraa et Emanuel Gat. Il est passé par le CNDC d'Angers et a travaillé en tant que chorégraphe autant avec des amateurs, de jeunes professionnels que des danseurs de hip-hop ou contemporains ou des gens en dehors de la danse. Et il s'est également mis en scène dans un solo "Man Rec".

Le travail qu'il présente en première au Théâtre de Hautepierre dans la programmation de Pôle Sud ce 16 janvier 2019, "The Falling Stardust" est une création où il confronte la danse classique, avec 9 danseuses et danseurs dont la plupart en sont issu(e)s, au monde de la danse contemporaine.
C'est une coproduction ambitieuse dont nous avions pu assiter précédemment à une présentation de "chantier" lors d'un atelier "Travaux Publics" où nous avions découvert le projet en germe.


Amala Dianor - The Falling Srradust 


Le résultat en est époustouflant. Un vrai voyage intergalactique dans l'univers de la danse classique.
La scène s'ouvre sur une grande sculpture (création de Clément Debras) qui se révèle être un "lustre d'opéra". La sculpture ressemble plus à une station spatiale ou à un corps céleste intergalactique et héberge en son sein les danseuses et les danseurs. L'obscurité dévoile au fur et à mesure les corps sculptés par la lumière fractale, qui finiront par prendre leurs marques sur le plateau et s'organiser en entités vivantes et mouvantes. Ils vont s'organiser par trois trios, dans un faux désordre, sorte de chaos pré-historique. Ces mouvements, tantôt soubresauts, frictions saccadées ou épileptiques, tantôt essais de structurations d'un mouvement d'ensemble en réorganisation de mouvements coordonnés, font passer une belle énergie. La bande son créée par Awir Léon soutient avec force percussions, battements et nappes sonores cette dynamique. Et l'on se demande si ce n'est pas une armée d'extraterrestres qui ont très bien appris la danse classique, - entre autres le Lac des Cygnes - qui sont en train de nous construire une chorégraphie classique restucturée. Les costumes noirs assez futuristes créés également par Clément Debras participent à cette atmosphère.


Amala Dianor - The Falling Srradust 


Après une première partie dédiée au nombre trois, la deuxième partie bascule plus dans un mouvement d'ensemble avec quelques mises en avant de solos qui mettent en relief la qualité de mouvement et la personnalité des différent(e)s interprètes et de leurs styles.
Ils - il faudrait dire elles puisque pour la troupe il y a deux danseurs et sept danseuses - sont tous/toutes magnifique dans leurs mouvements, leurs gestes qu'Amala Dialor a su magnifier et mettre en valeur: du style classique parfait mais totalement intégré dans un style contemporain post-classique à quelques expressions qui font ressurgir de la danse de rue ou presque de l'acrobatie.
Ce déferlement d'énergie atteint un climax puis, après un ressac, dans un réveil plus romantique et serein se clôt dans un tableau d'ensemble qui célèbre chacune et chacun dans un groupe réunifié.

Grâce à la qualité de l'ensemble des interprètes, le spectacle est à la hauteur de l'ambition du chorégraphe et la relecture très moderne et décomplexée du vocabulaire classique justifie l'engagement de l'ensemble des structures qui ont soutenues le projet.


Amala Dianor - The Falling Srradust 


Et les représentations et la tournée permettra à un large public de découvrir un talent en train d'émerger pour ceux et celles qui n'en étaient pas encore convaincu(e)s.

La Fleur du Dimanche


The Falling Stardust
CRÉATION / PREMIÈRES

Avec Pôle Sud au Théâtre de Hautepierre: du 16 au 18 janvier 2019
Tourné en France... 

Chorégraphie : Amala Dianor
Avec : Mourad Bouayad, Lucie Dubois, Baptiste Lenoir, Charlotte Louvel, Sandra Mercky, Keyla Ramos, Yukie Spruijt, Jeanne Stuart, Elena Thomas
Scénographie : Clément Debras
Lumières : Xavier Lazarini
Musique : Awir Léon
Coproduction : Théâtre de la Ville de Paris, La Villette, POLE-SUD CDCN Strasbourg, CNDC d’Angers, CCN Nantes, Maison de la danse de Lyon, Montpellier danse, Viadanse-CCNBFC de Belfort, scène conventionnée Scènes de pays dans les Mauges (49), Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne / Compagnie Käfig direction Mourad Merzouki dans le cadre de l’Accueil Studio, CCM de Limoges scène conventionnée danse, L’Onde théâtre centre d’art.
Avec le soutien de la Caisse des dépôts, la Région Pays de la Loire, la Ville d’Angers.
La compagnie Amala Dianor est conventionnée par la Drac Pays de la Loire, soutenue par la Ville d’Angers et la Région Pays de la Loire.
Amala Dianor est artiste associé à POLE-SUD , CDCN de Strasbourg (2016/2019), artiste compagnon de la scène conventionnée Scènes de pays dans Mauges.



mardi 15 janvier 2019

I am Europe de Falk Richter au TNS: La performance de l'être ensemble

Une fois que l'on a dit "I am Europe" que peut-on dire encore?
Parler de frontière, de langue, d'histoire, de nations, de migrations, de mariage, d'amour et de sexualité, de religion, de guerre, de politique....
C'est effectivement de tout cela que va parler le spectacle qui démarre par un tir groupé à table avec les huit "performeurs" comme les appelle Falk Richter, comédiens, danseurs, chanteurs, auteurs, qui vont en une salve mitrailleuse soulever toutes ces questions, poser toutes les pierres qui délimitent le concept de la pièce:
"Qu'est-ce qu'être un "individu" européen aujourd'hui dans la mouvance des dernières années."
Et c'est vrai que tout au long des quatre années d'ateliers avec des individus divers et variés - plus de cent cinquante participants pour une série de workshops à Venise, Berlin, Madrid, Paris, Tel-Aviv,... - le monde, l'Europe a changé, s'est transformé.
La pièce sera un peu le révélateur, le sismographe de cette évolution, tout en étant une mise en perspective de la vision de ces jeunes artistes - leur plus vieux souvenirs c'est le début des années 60 avec un triste épisode qui s'ancre dans une histoire encore plus ancienne...


I am Europe - Falk Richter - TNS Strasbourg - Photo: Jean-Louis Fernandez


Une fois que cette dynamique lancée, la pièce ne faiblit pas, entre une musique dynamique de Matthias Grübel qui booste les corps, dans une chorégraphie-mise en mouvement de Nir de Volff. Nous sommes entrainés dans des flots de "statements", de récits, de discours, d'informations, de points de vues, de démonstrations ,avec quelquefois des récits d'expériences calment le jeu.
Les différents protagonistes dans leur singularité et leur diversité nous déploient une mosaïque riche de vécu. Falk Richter s'étant nourri des échanges avec chacun met cela en forme avec le bon équilibre. Il met le doigt là où cela coince ou nous propose des moments émouvants. Il force le public à réagir (quelques spectateurs prennent parti lors de l'épisode des Gilets Jaunes), à s'émouvoir - par exemple devant le récit poignant de la "Yougoslave" apatride qui au fur et à mesure du récit de son expérience de la guerre va se retrouvée littéralement emmurés dans son malheur.
Les moments d'humour alternent avec les témoignages humains, les rappels historiques ou les sujets à débat.
La diversité et la richesse des personnes, des individus, quatre femmes et quatre hommes aux origines géographiques, culturelles, et aux parcours divers, qui participent à fond dans ce projet nous permettent de nous rendre compte de la situation de l'Europe, du Monde, de ce qui bouge, des solutions ou des avancées qui devraient se construire ou des dangers qui pointent.


I am Europe - Falk Richter - TNS Strasbourg - Photo: Jean-Louis Fernandez

A travers le constat de Falk Richter que "L'Europe se trouve dans une situation particulière - on dirait qu'elle est sur le point de se désagréger", les discours semblent déconstruire des certitudes mais cherchent à reconstruire un nouvel avenir avec une "pluralité des voix". 
Et c'est aussi cela qui fait la richesse de la pièce, que l'auteur et metteur en scène n'oblitère aucunement. Les frictions et les oppositions sont visibles et montrées, exprimées. Nous ne vivons pas dans un monde de bisounours, mais le danger ne vient pas de l'autre, mais plutôt de la sourde et inoxérable montée du nationalisme et de l'extrême droite. 
Nils Haarman, le dramaturge qui a accompagné Falk Richter dans cette aventure a raison de noter que l'endroit idéal pour travailler ce sujet c'est le théâtre: C'est l'endroit où "un public se réunit, qui ne partage pas forcément la même opinion, mais qui s'ouvre au dialogue et est prêt à partager, à discuter. Avec une pluralité de perspectives et de voix par rapport aux questions actuelles: où allons-nous, sommes-nous en mouvement, sommes-nous dans un effondrement total, comment nous comportons-nous vis-à-vis de notre famille, de nos relations, de notre héritage colonial, de notre héritage chrétien? Tenter d'y répondre, même si c'est de manière incomplète, rend cette tentative tout à fait originale."

Et le choeur antique final qui nous assène tout une liste de réflexions et de fragments de discours alimente notre réflexion pour l'après-spectacle.


I am Europe - Falk Richter - TNS Strasbourg - Photo: Jean-Louis Fernandez


Mais une chose est sûre, ce qui a été dit sur scène a été entendu, incarné par des femmes et des hommes qui y ont mis toute leur conviction, leurs tripes et leurs émotions pour partager avec nous des expériences de vie et nous ouvrir un peu les yeux sur ceux que nous croisons quelquefois sans deviner ces destins uniques. 

La Fleur du Dimanche

I Am Europe

Au TNS Strasbourg jusqu'au 24 janvier 

Tournée:
Hambourg | 1 - 3 fév 19 | Thalia Theater
Bologne | 9 et 10 mars 19 | Emilia Romagna Teatro Fondazione – VIE festival
Stockholm  | 5-6 avril 19 | Dramaten - Royal Dramatic Theatre of Sweden
Sarrebrück Juin 19 | Festival Perspectives
Groningen  Août 19 | Noord Nederlands Toneel
Weimar     29 août 19 | Kunstfest Weimar
Paris      18 sept - 11 oct 19 | L’Odéon – Théâtre de l'Europe
Genève     20-23 nov 19 | La Comédie de Genève
Liège      Nov 19 | Théâtre de Liège
Zagreb     Janv 20 | HNK Croatian national theatre

Luxembourg Mai 20 | Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg


CRÉATION AU TNS

PRODUCTION
Spectacle en français et en langues étrangères surtitrées 

Texte et mise en scène: Falk Richter
Traduction française: Anne Monfort
Avec: Lana Baric, Charline Ben Larbi, Gabriel Da Costa, Mehdi Djaadi, Khadija El Kharraz Alami, Douglas Grauwels, Piersten Leirom, Tatjana Pessoa
Chorégraphie: Nir de Volff
Dramaturgie: Nils Haarmann
Scénographie et costumes: Katrin Hoffmann
Musique: Matthias Grübel
Vidéo: Aliocha Van der Avoort
Lumière: Philippe Berthomé
Assistanat à la mise en scène: Christèle Ortu
Assistanat à la scénographie et aux costumes: Émilie Cognard
Stagiaire assistanat à la mise en scène Barthélémy Fortier

Production Théâtre National de Strasbourg
Coproduction Odéon - Théâtre de l'Europe, Comédie de Genève, Thalia Theater - Hambourg, Noord Nederlands Toneel (NNT) - Groningen, HNK - Croatian National Theatre in Zagreb, Théâtre de Liège et DC&J Créations, Dramaten – The Royal Dramatic Theatre of Sweden, Emilia Romagna Teatro Fondazione
Avec le soutien du Goethe – Institut Nancy / Strasbourg dans le cadre du projet Freiraum
Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique et d‘Inver Tax Shelter
Avec le soutien de l'Institut français dans le cadre de son programme Théâtre Export

Falk Richter est auteur associé au TNS
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Falk Richter est représenté par L’Arche, agence théâtrale

Création le 15 janvier 2019 au Théâtre National de Strasbourg

jeudi 10 janvier 2019

Le lac des cygnes de Radhouane El Meddeb déborde d'émotion

Le Lac des Cygnes est à la fois un monument de la danse classique, joué de multiples fois, et une pièce chorégraphiée et interprétée par de prestigieux noms de la danse à travers le XXème - et le 21ème - siècle, mais également un rêve qui a nourri l'imaginaire de milliers de jeunes et d'adultes qui, encore aujourd'hui y trouvent une porte d'entrée pour la danse et un objet à leur quête d'amour et du désir.
C'était bien sûr le cas pour Radhouane El Meddeb qui, jeune à Tunis y a trouvé le ferment de ses rêves d'amour et de changement... Et déjà un penchant vers la danse qui, à l'époque n'était nullement une voie prévisible.
Et quand l'occasion s'est trouvée, invité par Bruno Bouché de participer au projet de questionner les enjeux du ballet contemporain en Europe au XXIème siècle avec cette pièce, il fut à la fois comblé et impressionné d'avoir à se frotter à ce monument, en même temps qu'à un corps de ballet de 32 membres: le Ballet de l'Opéra National du Rhin, fortement ancré dans une culture classique mais qui a balayé toutes les formes de la danse, du baroque au contemporain.


Le Lac des Cygnes - Radhouane El Meddeb - Ballet de l'Opéra National du Rhin - Photo: Agathe Poupeney


Le résultat est à la hauteur de l'enjeu, le mélange des genres fonctionne à plein. Les 24 danseuses et danseurs qui vont partager le plateau pendant une heure et demie vont nous transporter vers des hauteurs d'envol de la poésie et de la danse avec bonheur.

Le spectacle est bien sûr surprenant, car, après une "prise de plateau" dans le silence, mais dans un constant dialogue de regards avec la salle et leurs partenaires, occupent la scène. Les danseuses, non pas en tutu, mais dans des jupettes tombantes légères et transparentes (sauf deux en short blanc) et en presque robes de mariée, en soie blanche, et les danseurs, eux en short blancs (sauf un, barbu, en jupette), et en maillot en soie transparente.
Et ils vont, toujours dans le silence commencer à danser.


Le Lac des Cygnes - Radhouane El Meddeb - Ballet de l'Opéra National du Rhin - Photo: Agathe Poupeney

Ce silence, qui, tout au long de la pièce va faire respirer la musique, prouve que la danse et le mouvement préexistent. Et cela va encore mieux nous permettre d'entendre la musique composée par Piotr Illich Tchaïkovski jouée en direct par l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg dirigé avec une très belle sensibilité par Hossein Pishkar.
L'on entend et voit donc doublement ce qui se joue devant nos yeux et les airs qui pourraient être des tubes deviennent un vrai moteur d'émotion. 


Le Lac des Cygnes - Radhouane El Meddeb - Ballet de l'Opéra National du Rhin - Photo: Agathe Poupeney

La scénographie d'Annie Tolleter - qui fait varier le décor d'un studio de répétition, à un musée, un palais, un espace nocturne ou un lac concentre l'attention sur le plateau. Et la discrète mise en lumière d'Eric Wurtz fait passer des vagues argentées sur le rideau de fond, puis un soleil doré, ou met en relief le magnifique lustre princier ou le tutu majestueux inclus dans le fond du décor.
Les protagonistes perturbent les hiérarchies, se donnent le relai de l'un à l'autre sans exclusive affichée ou interprètent des mouvements d'ensemble empathiques, soit en petits groupes, (des fois même cachés derrière une haie de danseurs immobiles), soit dans de grandes envolées collectives mais où chacun garde son individualité. A ce sujet, il faut noter la grande diversité des membres du Ballet, que ce soit en terme de physique que d'origine. Et également la collaboration réussie entre le chorégraphe, les Maitres de ballet Claude Agrafeil et Adrien Boissonnet, et la troupe.


Le Lac des Cygnes - Radhouane El Meddeb - Ballet de l'Opéra National du Rhin - Photo: Agathe Poupeney



Cela donne un spectacle frais et détonnant, plein d'énergie et d'espoir qui dépousière énergiquement le ballet, même si Radhouane El Meddeb dit qu'il s'est appuyé sur la version de Rudolf Noureev en la posant clairement dans le 21ème Siècle.
Et la fin, surprenante dans sa rupture stylistique va nous faire fondre d'émotion, comme le Lac des Cygnes se doit de le faire avec le duo de Cécile Nunigé et Riku Ota, mais nous n'oubliouns pas tous les autres interprètes qui vont nous "saluer" individuellement. 
Bravo les artistes !

La Fleur du Dimanche
  
Je vous conseille, pour avoir un bon aperçu du spectacle de regarder la vidéo sur la page du ballet que l'on ne peut malheureusement pas partager pour je ne sais quelle raison et c'est bien dommage, ici:
https://www.operanationaldurhin.eu/fr/spectacles/saison-2018-2019/dance/schwanensee
  

Le lac des cygnes


A Strasbourg du 10 au 15 janvier 2019
A Colmar du 24 au 25 janvier
A Mulhouse du 1er au 3 février 2019


Et le spectacle sera présenté à Paris au Théâtre National de la Danse Chaillot

du 27 au 30 mars 2019 

Chorégraphie : Radhouane El Meddeb
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski
Direction musicale : Hossein Pishkar
Décors : Annie Tolleter
Costumes : Celestina Agostino
Lumières : Eric Wurtz

Orchestre philharmonique de Strasbourg

mercredi 9 janvier 2019

Exposition à Baden Baden: die Brücke et Bansky chez Burda - Busch au LA8

La Musée Burda à Baden-Baden propose en ce moment une très riche exposition autour du mouvement "Die Brücke" né à Dresde en 1905 avec comme membres Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Fritz Bey et Karl Schmidt-Rottluff et qu'ont rejoint par la suite Emil Nolde et Max Pechstein.
C'est une exposition très importante qui montre les similitudes et les dialogues entre ces différents artistes.
Je vous propose d'ailleurs un jeu: Deviner quel est l'artiste qui a peint chaque tableau avant de lire les cartels....
Je vous laisse vous entraîner avec quelques apperçus


Mais le scoop c'est l'annonce de l'exposition prévue à partir du 4 février et jusqu'au 3 mars 2019 de l'oeuvre de Bansky "Love is in the Bin" qui a non seulement fait couler beaucoup d'encre et fait parler d'elle et de ce qu'est une oeuvre d'art, mais également a singulièremetn augmenté de valeur en s'autodétruisant à l'instant précis où elle était adjugée pour 1.040.000 Livres chez Sotheby's à Londres:


Bansky - Love is in the Bin - Musée Burda

  


L'exposition de l'oeuvre de Bansky sera accompagnée d'un syposium autour de la question de l' "OEUVRE D'ART" et de son accès public (en dépit du marché) comme le dit Henning Schaper, directeur du  Museum Frieder Burda - et auquel participent  Elke Buhr, rédactrice en chef de  la revue MONOPOL, l'historien d'art Wolfgang Ullrich et l'expert de Banksy Ulrich Blanché.

Et maintenant à vous de jouer:


Musée Burda - Die Brücke - Karl Schmit-Rottluff - Photo: lfdd


Musée Burda - Die Brücke - Emil Nolde - Photo: lfdd

Musée Burda - Die Brücke - Erich Heckel - Photo: lfdd - Photo: lfdd

Musée Burda - Die Brücke - Max Pechstein - Gelbe Maske - Photo: lfdd - Photo: lfdd

Musée Burda - Die Brücke - Max Pechstein - Tanz - Photo: lfdd - Photo: lfdd


Et pour finir, quelle est cette oeuvre, de qui ? 


Exposition Musée Burda - Photo: lfdd

L'exposition de l'oeuvre de Bansky sera accompagnée d'un syposium autour de la question de l' "OEUVRE D'ART" et de son accès public (en dépit du marché) comme le dit Henning Schaper, directeur du  Museum Frieder Burda - et auquel participent  Elke Buhr, rédactrice en chef de  la revu
e MONOPOL, l'historien d'art Wolfgang Ullrich et l'expert de Banksy Ulrich Blanché.

Si vous allez à Baden-Baden, ne ratez pas l'expositions au Musée de la Culture et des techniques du 19ème siècle LA8 - au fond de la cour juste avant le Musée Burda - consacrée à Wilhelm Busch, le Père de Max und Moritz (qui a donné Pim, Pam, Poum en France) et découvrez son talent à la fois de peintre et son magnifique travail d'illustration qui peut être considéré comme le précurseur de la bande dessinée.

En voici deux exemples:


LA8 - Baden-Baden - Wilhelm Busch - Max und Moritz - Photo: lfdd

LA8 - Baden-Baden - Wilhelm Busch - Photo: lfdd

Belles expositions 

La Fleur du Dimanche




mardi 8 janvier 2019

20 mSv - Tu n'as rien vu à Fukushima, ni à La Hague...

Vous souvenez-vous de Fukushima? Le 11 mars 2011... Sûrement
Et Tchernobyl? 26 avril 1986, peut-être moins... 
Et Hiroshima? C'est une très vieille histoire.... 
La catastrophe de Fukushima, vous l'avez sûrement vue, à la télévision, les chaines d'information, sur le moment, le feuilleton quotidien, et puis après.....   
Après la catastrophe, Bruno Meyssat, lui y est allé, il a vu, il y est allé avec les comédiens qui, avec lui ont créé 20 mSv. Ils ont vu les lieux, ils ont interrogé les personnes, ils ont lu des livres, ils ont fouillé les documents..... 
Et ils nous présentent 20 mSv, cette pièce au titre mystérieux, codé, au TNS du 8 au 18 janvier 2019.
Et ce titre est en fait le niveau de la dose de rayonnement - en Millisievert - qui est maintenant la norme à Fukushima pour accepter - et même obliger - le retour de la population dans une zone habitable - et cela devient la norme en Europe (pour Tchernobyl, on en était à 4 mSv).


20 mSv - Bruno Meyssat - TNS Strasbourg

Malgré son titre à l'allure scientifique, 20 mSv n'est pas un exercice de calcul, cela commence plutôt comme un poème:
"Tout jour gagné sera un jour gagné, 
mais aucun jour gagné 
ne garantira 
que le lendemain sera lui aussi 
un jour gagné.
Nous n'en aurons jamais fini.
Ce qui nous attend, 
c'est donc une incertitude
infinie.
Notre tâche infinie
consistera à faire au moins
que cette incertitude
ne prenne jamais fin."

Mais cette "poésie", de Günther Anders, est grave, comme sera grave et posée la parole qui débute la pièce. Des témoignages, non un procès, mais des constatations, des faits, que nous entendons dites d'une voix calme et grave par les comédiens ou en off, ou projetées, fugaces sur le fond de scène et qui décrivent des situations ou des énoncés, quelquefois énormes, et qui vont nous guider dans ce monde secret où l'on peut nous répondre quelquefois que par "la réponse est dans la question".
Parce que nous n'en savons rien et personne, sûrement n'en sait rien... Parce que nous ne l'avons pas vécu.
Alors Bruno Meyssat va nous permettre de le vivre, de rentrer dans cette expérience - qu'il avait, dans un décor étrangement similaire déjà présenté dans sa pièce "Observer" à propos du bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki. Un cube espace de simili laboratoire, le sol recouvert de plastique et également entouré de rideaux de plastique qui vont dévoiler des parois de plomb. 


20 mSv - Bruno Meyssat - TNS Strasbourg

Dans ce cube - boite de Pandore - nous allons passer de Fukushima à Tchernobyl, à La Hague et à l'EPR de Flamanville, à des catastrophe, mais également à la situation quotidienne vécue par les employés des sous-traitants de l'industrie nucléaire en France, à la part "officielle" et à la part "souterraine", et surtout, à la part "imaginaire" qui va prendre corps devant nous avec les comédiens et les objets, vêtements et accessoires (un grand aquarium, un tricycle d'enfant, des vêtements de plomb, une "piscine",...) qui vont nous faire construire des images et des imaginaires, faire ressurgir ou appeler des liens, des relations, des représentations qui ne remplaceront jamais la réalité, et qui surtout ne vont ni nous prouver quoi que ce soit, soit nous convaincre d'une quelconque position. 


20 mSv - Bruno Meyssat - TNS Strasbourg

Juste nous emmener vers l'imaginaire, vers ce qu'il est impossible de voir, interdit de regarder, comme la femme de Loth.  


La Fleur Du Dimanche


au TNS jusqu'au 18 janvier 2019 

20 mSv

COPRODUCTION
Un projet de Bruno Meyssat
Collaboration artistique Patrick Portella
Assistanat à la mise en scène Mathilde Aubineau
Avec Philippe Cousin, Élisabeth Doll, Yassine Harrada, Julie Moreau, Mayalen Otondo, Jean-Christophe Vermot-Gauchy
Scénographie Pierre-Yves Boutrand, Bruno Meyssat
Son David Moccelin assisté de Patrick Portella
Costumes Robin Chemin
Lumière Romain de Lagarde

Production Théâtres du Shaman
Coproduction MC2: Grenoble – Scène nationale, Théâtre National de Strasbourg, MC93 — Maison de la Culture de Seine Saint-Denis, Théâtre National de Bretagne / Rennes, Théâtres du Shaman (Compagnie à Rayonnement national et international) reçoit le soutien du ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Auvergne − Rhône-Alpes, de la Région Auvergne − Rhône-Alpes et de la Ville de Lyon
Avec le soutien de l’Institut Français et de la Ville de Lyon
Avec le soutien de la SPEDIDAM, société de perception et de distribution qui gère les droits des artistes interprètes en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des prestations enregistrées
Avec le soutien de l'ADAMI


Création le 6 novembre 2018 à la MC2: Grenoble–Scène nationale