mercredi 23 février 2022

Alice, Création dansée de Philip Glass: ne serait-ce qu'un rêve, c'est merveilleux

 La composition d'une musique par Philip Glass pour le ballet chanté Alice est une création mondiale par le Ballet de l'Opéra National du Rhin, d'abord à la Filature, à Mulhouse où il est installé,  puis à Strasbourg dans le théâtre historique. 


Alice - Philip Glass - Hosseinpour et Lunn - Ballet de l'ONR - Photo: Agathe Poupeney

Basé sur une partition qui joue l'alternance d'un piano intimiste et vivifiant et des parties orchestrales plus répétitives ou puissantes, les chorégraphes Amir Hosseinpour (dont on a déjà pu voir, entre autres la chorégraphie de Maghagonny en 2018) et Jonathan Lunn revisitent l'héroïne créé par Lewis Caroll dans un voyage de rêve qui assemble à la fois les livres de ce dernier mais aussi la référence à la supposée inspiratrice du personnage Alice Liddel dans une scène inaugurale qui lui fait rêver les épisodes qui vont se dérouler et à laquelle Lewis Carrol s'adresse également dans une lettre finale. 


Alice - Philip Glass - Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn - Ballet de l'ONR - Photo: Agathe Poupeney

Ce personnage, interprétée avec bienveillance par l'actrice suisse Sunnyi Melles va revenir de temps en temps pour relancer l'histoire ou réciter des poèmes jaberwokyeskes avec ses mots-valises, tout comme Lewis Carrol (Marwik Schmitt) se retrouvera dans une scène loufoque de salle de classe surréaliste et bégayante. Les décors (la maison, l'appareil photo géant, les portes multiples,...) et les costumes inventés et crées par Anne Marie Legenstein sont à mignons à croquer. Et les créations vidéo de David Haneke sont enchanteuses, et bien pensés, de l'oeil voyeur qui surveille la scène aux effets de chute du début ou des images sous-marines à l'univers de la forêt, tout participe à la féérie d'ensemble de la pièce. 


Alice - Philip Glass - Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn - Ballet de l'ONR - Photo: Agathe Poupeney


Les différents personnages, des trois "Alice" (Susie Buisson, Monica Barbotte et Noémi Coin), sans compter la "petite" Alice (Juilette Michel), le Lapin Blanc (Pierre-Emile Lemieux-Vienn), le Chat du Cheshire (Ryo Shimizu) ou le Chapelier Fou (Cauê Frias, également magnifique en Drag-queen Alice qui sème de l'or) mais encore la Reine (Ana Enriquez), Le Prince (Marin Delavaud, la Duchesse (Alice Pernao) et le Cuisinier (Pierre Doncq), et les autres sont tous magnifiques et les tableaux filent allègrement. 


Alice - Philip Glass - Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn - Ballet de l'ONR - Photo: Agathe Poupeney


Alice - Philip Glass -Hosseinpour et Lunn - Ballet de l'ONR - Photo: Agathe Poupeney


Les mouvements d'ensemble avec les danseurs du Ballet de l'Opéra National du Rhin, sous la direction artistique de Bruno Bouché, que ce soient la danse des fleurs virevoltant avec entrain, le ballet des tasses dansé avec aisance, l'hommage à Pina Bausch ou les affrontements entre les footballeurs cartes à jouer Coeur (de la Reine) et Pique (Prinsesse) ou la vengeance des homards, amènent une dynamique plus puissante, soutenue par l'Orchestre Symphonique de Mulhouse sous la direction de Karen Kamensek. 


Alice - Philip Glass - Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn - Ballet de l'ONR - Photo: Agathe Poupeney


Bruno Anguera Garcia au piano insuffle au récit à la fois son dynamisme et le côté un peu mélodique et romantique des parties instrumentales. En somme un beau voyage dansé et chanté orchestré de part et d'autre du miroir, même si la lune devient rouge.


La Fleur du Dimanche



Ballet sur une musique originale de Philip Glass d’après le roman de Lewis Caroll (1865) / Création mondiale.

Mulhouse - La Filature: du 11 au 13 février 2022
Strasbourg - Opéra du Rhin: du 18 au 23 février 2022


Musique Philip Glass
Chorégraphie, dramaturgie Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn
Direction musicale Karen Kamensek
Scénographie, costumes Anne Marie Legenstein
Lumières Fabrice Kebour
Vidéo David Haneke
Peintures Robert Israel
Actrice Sunnyi Melles 
Ballet de l’OnR
Orchestre symphonique de Mulhouse
Musique et chorégraphie en création mondiale.
Pièce pour l’ensemble de la compagnie.

mardi 22 février 2022

Après Jean-Luc Godard au TNS: Le Cinéma est mort disait Godard, et le théâtre, qu'en dit D'aranjo ?

 Jean-Luc Godard, après avoir oeuvré à mettre le cinéma dans la rue avec la Nouvelle Vague puis à le rendre éminemment politique, déjà avant mai 68 (sa participation au film du film Loin du Vietnam avec l'épisode Caméra-œil), et encore plus avec le groupe Dziga Vertov a annoncé la mort du cinéma. Eddy D’aranjo travaillant sur le projet de pièce Après Jean-Luc Godard ne pouvait que se poser la question de savoir si le théâtre lui-même n'était pas mort, et alors, comment rendre à la fois hommage au vieux Godard et la réflexion qu'il porte dans ses films. Ce n'est donc pas en rejouant en copier-coller de certaines scènes emblématiques et ultra-culte de ses premiers films avec Jean Seberg, Anna Karina, Jean-Paul Belmondo, Brigitte Bardot, et le moins connu Bernard Noël, piste qui a été vite abandonnée par l'équipe de production, ni de faire un "balayage" résumé en couches multiples de l'évolution artistique et politique de ce que l'on peut considérer comme un "maitre", sauf bien sûr pour ses détracteurs.


Après Jean-Luc Godard - Eddy D'aranjo - TNS - Photo: Willy Vaiqueur


L'idée serait donc plus de déconstruire, entre Brecht et Beckett et de reconstruire un semblant de "représentation" pour com-prendre, partager des idées, des sensations, des réflexions et avancer ensemble dans cette construction-déconstruction. Et il y aura donc un texte, pas forcément de Godard, même s'il y en a, aussi de ses films, textes qu'il utilise mais qui ne sont pas forcément de lui (un texte sur la beauté, par exemple de Hermann Broch)  mais on le sait bien, Godard est auteur en dévorant les oeuvres des autres, en se les appropriant. C'est aussi le cas dans cette pièce. Des textes que l'on ne comprend "pas forcément, c'est aussi cela le plus beaux" disent les deux "actrices" Clémence Delille, scénographe et créatrice des costumes et Edith Biscaro qui introduisent la pièce face à nous, assises sur des chaises rouges devant un écran de la largeur de la scène sur laquelle Edith va filmer sa consoeur puis l'arrivée de Jeannot dans une double mise en abyme.


Après Jean-Luc Godard - Eddy D'aranjo - TNS - Photo: Willy Vaiqueur

La pièce se déroule en deux parties 

La première partie Pleurer Jeannot commence par un appartement avec fantôme - qui pourrait ressembler à l'intérieur d'un photographe ou d'un cinéaste -  et joue sur à la fois sur des retrouvailles et des souvenirs, mais aussi à la fois sur l'intime et la mise à distance. Au fur et à mesure d'un certain effacement, la déconstruction, le dé-rangement et le vide qui s'installe distille une angoisse sourde et une mélancolie certaine. Un interlude expérimentant avec force l'empathie va nous mettre en face la fragilité de notre avenir d'humain (Godard a 91 ans). Et la déconstruction du théâtre, au sens propre par le retournement du décor agit en force, tandis que les textes deviennent plus poétiques (réflexions sur le temps, la beauté,..) jusqu'à la disparition volontaire du protagoniste qui s'enferme dans une armoire jaune.


Après Jean-Luc Godard - Eddy D'aranjo - TNS - Photo: Willy Vaiqueur

La deuxième partie, Un spectacle en train de disparaître reprenant par la mécanique brechtienne de l'apostrophe au public, la présentation de soi et l'exposition des pistes non retenues, ainsi que des point de vues opposés entre l'acteur et le metteur en scène nous valent un "digest" de la vie et de l'oeuvre du cinéaste et des étapes importantes de son parcours (selon ces deux protagonistes) pour aboutir à un questionnement, plutôt que l'engagement politique (de  Godard, mais aussi en général, sur la Guerre du Vietnam, justement noeud de cette explication)  vers l'imprégnation d'un état d'esprit, ou plutôt d'un sentiment, un cheminement vers la tristesse. Et la pièce s'achève par une nouvelle mise en abyme avec la "révélation" commentée et documentée des rares photos de l'horreur ultime, des quatre images prises clandestinement au crématoire V d'Auschwitz en août 1944 par un des membres du Sonderkommando un juif grec dont on ne connaît que le prénom, Alex. Photos dont parle Georges Didi-Hubermann dans son livre "Images malgré tout"  et qui font dire à Maurice Blanchot, "l'invisible s'est à jamais rendu visible" et à Georges Bataille : "L'image de l'homme est inséparable, désormais, d'une chambre à gaz.".  Ce "montage" signifierait la "mort" du cinéma, la mort "ultime" et ce récit met fin à la pièce de théâtre. 



La Fleur Du Dimanche



Au TNS-Théâtre National de Strasbourg 
du 22 février au 2 mars 2022

La Commune – Centre dramatique national d’Aubervilliers
du 10 au 20 mars 2022

Théâtre de la Cité Internationale, Paris
du 4 au 19 avril 2022


RE-CRÉATION AU TNS 
COPRODUCTION

Texte, conception et mise en scène Eddy D'aranjo *
Avec
Majda Abdelmalek - Camille
Nans Merieux - Adrien
Volodia Piotrovitch d'Orlik - Jeannot
Bertrand de Roffignac - Jack
Léa Sery - Anna
et Édith Biscaro, Clémence Delille
Scénographie et costumes Clémence Delille
Collaboration technique Édith Biscaro
Collaboration artistique Volodia Piotrovitch d’Orlik
Lumière Anne-Sophie Mage
Son Saoussen Tatah
Vidéo Typhaine Steiner
Régie générale, plateau et cadre Édith Biscaro
Accompagnement tournée lumière et vidéo Benjamin Trottier 
Accompagnement tournée son Enzo Patruno Oster

Production déléguée Prémisses
Coproduction La Commune - Centre dramatique national d’Aubervilliers, Théâtre National de Strasbourg, Théâtre de la Cité internationale

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
Avec le soutien du Fonds d’Insertion Professionnelle destiné aux jeunes comédien·ne·s dîplomé·e·s de l’ESAD – PSPBB, de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Île-de-France, de la Région Île-de-France.

Remerciements à la compagnie Si Vous Pouviez Lécher Mon Cœur

samedi 19 février 2022

Le problème Lapin aux Metallos: Le lapin pose un problème et le problème est là, peint par Ferrer

 De ses études de géographie (il en est agrégé en 1991) Frédéric Ferrer a dû garder une tendance à une rigueur plus ou moins scientifique et l'amour des cartes. Son spectacle Le problème lapin est d'ailleurs le septième opus de sa série de l'Atlas de l'anthropocène, série où il interroge les effets de l'humain sur la nature et le monde qui nous entoure en général. Par exemple la fonte des glaces polaires avec À la recherche des canards perdus, cartographie 1 (les canards sont des canards en plastiques perdus dans la banquise par la NASA) ou avec De la morue, cartographie 6, cette histoire de morue dont on attend le retour comme Pénélope, ou encore l'invasion du moustique tigre au rythme des autoroutes dans Les Déterritorialisations du vecteur, cartographie 3. Ce moustique, vecteur de maladies tropicales arrivé chez nous en France et qui a un point commun avec le lapin, c'est qu'il se déplace par lui-même que dans un rayon limité, mais il se voyage en camion, alors que le lapin prend le bateau. Mais ça c'est une autre histoire, que nous conte d'ailleurs Frédéric Ferrer avec sa - nouvelle - complice Hélène Schwartz. Parce que pour circonscrire le lapin, et son problème, il fallait bien être deux. Comme pour essayer de résoudre le problème lapin, il faut adopter la stratégie "terrier": de multiples points d'entrée pour traiter de ce vaste sujet aux 164 questions.


Le problème Lapin - Frédéric Ferrer - Hélène Schwartz- Vertical Détour - Maison des Métallos


Rassurez-vous, les 164 questions ne seront pas traitées dans ce spectacle d'un peu plus d'une heure, rythmé comme un jeu télévisé et qui passe avec agilité - comme le lapin - du coq à l'âne ou plutôt de lapin au lapin, sous toutes ses formes: sauvage, en élevage, et en fourrure pour nos petits chéris,... mais qui se transforme en micro-plastiques dans nos machines à laver pour nous retomber dessus sous forme de pluie pour boucler le circuit (une très belle chute qui nous rappelle à la réalité concrète). La fausse-vraie conférence, powerpoint et illustrations - et vidéos - à l'appui, sur le lapin - ici en l'occurrence le problème, c'est uniquement le lapin de garenne, ou lapin européen (qui ne le reste bien sûr pas, sinon ce ne serait pas un problème) nous fait voyager dans l'histoire, l'archéologie, l'étymologie, l'agriculture, la géographie, la conquête spatiale, la sexualité, les sciences naturelles (SVT), les mathématiques et bien d'autres domaines.

Oryctolagus cuniculus - Lapin de garenne, Lapin commun, Lapin d'Europe


Du Sud de l'Espagne où est apparue cette espèce de mammifère - Oryctolagus cuniculus - au Sud de la France où est prouvée sa domestication (225 squelettes de lapins datant de 70.000 ans trouvés dans la grotte de Tourrettes-sur-Loup), en passant par les garennes (chasses) des seigneurs du Moyen-Âge, jusque dans les lointaines îles lointaines Kerguelen ou encore le continent-île Australie qui se sont vues colonisées par ce prédateurs sans prédateur indigène, au point de déséquilibrer totalement les équilibres naturels, nous suivons cet animal à la trace - mais il faut courir vite, il peut faire du 40 km/h. Et nous assistons à des grands écarts de l'homme censé remettre un peu d'équilibre dans cette nature qu'il a modifiée, au risque de bouleverser encore plus ce fragile écosystème (quand il joue à l'apprenti sorcier avec des maladies importées - la myxomatose dans les années 1950, en Australie quand le pays comptait 600 millions de lapins...) et nous rendons compte que le lapin est effectivement un marqueur phare de l'anthropocène. Le lapin, tout comme l'homme bouleverse les règles et  peut-être en l'étudiant un peu mieux serons-nous capable de mieux gérer les futurs bouleversements climatiques, géographiques, sociaux, politiques, auxquels nous allons être confrontés.  Mais, à l'instar de Fibonacci  qui a inventé sa "Suite" en s'appuyant sur le cycle de reproduction du lapin, sachons prendre de la distance et  ne pas toujours prendre exemple sur lui. D'autant plus qu'il vaut mieux prendre du recul pour plus de beauté, la suite de Fibonacci le prouve aussi en accouchant du Nombre d'Or (le rapport entre deux termes successifs de la suite tend vers 1.6180339887...).

Le problème Lapin - Frédéric Ferrer - Hélène Schwartz - Vertical Détour - Maison des Métallos

Tous ces mystères et bien d'autres faits bien réels sont donc présentées avec beaucoup d'à propos et de docte sagesse, et de pince-sans-rire pour notre plus grande joie et notre plus grand bonheur, et également une peu de connaissance, si nous arrivons à le retenir.... Il nous faut donc remercier notre duo de conférenciers au terme du temps imparti de nous avoir éclairé et rendu attentifs aux limites de notre monde, même si aucune réponse ne pourra nous rassurer bien longtemps. Il faut aussi remercier la Maison des Métallos qui a favorisé la gestation de ce spectacle.


La Fleur du Dimanche 


Le problème lapin
Cartographie 7 de l’Atlas de l’anthropocène

03 > 19 février 2022

de Frédéric Ferrer avec la complicité d’Hélène Schwartz pour mener l’enquête et penser lapin
avec Frédéric Ferrer et Hélène Schwartz
régie générale et construction Paco Galan
accessoires - scénographies Margaux Folléa
costumes Anne Buguet

production Vertical Détour
co-production La Maison des métallos, Paris
avec le soutien du Département de la Seine et Marne
partenaires Le Vaisseau – fabrique artistique au Centre de Réadaptation de Coubert (77)

compagnie Vertical Détour est conventionnée par la Région Île-de-France et la DRAC Île-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication. Elle est accueillie en résidence au Centre de Réadaptation de Coubert – établissement de l’UGECAM Île-de-France.

vendredi 18 février 2022

Le Festival Everybody au Carreau du Temple: tous les corps sont permis

 Le Carreau du Temple, un lieu, un bâtiment à l'architecture industrielle, rénové en 2014 et qui,depuis, accueille des manifestations culturelles, artistiques  et sportives prouve sa grande ouverture par la diversité de sa programmation ou la gamme des manifestations hébergées. Le Festival Everybody qui s'y tient du 18 au 23 février est de cet ordre-là. L'on pourrait d'ailleurs le traduire par "tous les corps" en se basant sur le contenu de la programmation. Ce festival qui interroge la place du corps dans la société contemporaine propose donc autant un bal voguing, des ateliers de danse, des rencontres, des projections de films, des rencontres, des installations d'art contemporain, des lectures et un certain nombre de spectacles qui questionnent le corps avec les chorégraphes européens Chiara Bersani, Rébecca Chaillon, Annabel Guérédrat, Cherish Menzo, Mickaël Phelippeau et Trân Tran.

La soirée du 18 février était particulièrement riche, comme il se doit pour un festival, avec trois propositions diverses et complémentaires en termes d'angle d'approche des problématiques soulevées et de leur mise en oeuvre.


Festival Everybody - de Francoise à Alice - Mickaël Phelippeau - Photo: Philippe Savoir

C'est Mickaël Felippeau avec "De Francoise à Alice" qui ouvrait le bal, à la fois un portrait et une dédicace de l'une, Françoise (Davazaglou) à Alice (Davazaglou) et en même temps une carte blanche à cette dernière qui avait annoncé à Mickaël Phelippeau "Je veux le faire pour que les gens sachent qui on est." Nous assisterons donc à une lente et progressive occupation du plateau par les deux femmes, tout en tendresse et en relation, le toucher, la caresse, le contact étant important entre elles. Quelques airs rock de Patti Smith et diverses versions de la chanson Perfect Day seront l'occasion de chorégraphies en dialogue entre celle qui se révèlera être la mère et  sa fille, avant qu'elle ne raconte avec à la fois avec pudeur et émotion son "perfect day", le jour où Alice est né, avec son handicap et le bouleversement que l'évènement a induit dans sa vie. Alice de son côté va pouvoir occuper la scène en paillettes et habit de lumière, libérant son corps après avoir également justifié son envie de reconnaissance, pas seulement individuelle, mais pour l'ensemble des personnes touchées par la trisomie 21. Et puis on va ranger les paillettes et on essaie de vivre dans le monde réel, pleinement assumé, tout en pensant aussi au futur.


Festival Everybody - Jezebel- Cherish Menzo - Photo: Bas de Brouwer

Dans une toute autre ambiance, dans la salle de spectacle, Cherish Menzo, la danseuse et chorégraphe d’Amsterdam présente la performance Jezebel, titre en référence à l’un des trois archétypes de la femme noire dans l’histoire de l’esclavage: son côté hyper-sexualisé. Dans une ambiance de boite de nuit branchée, elle arrive dans un ralenti somnambulique, enveloppée dans un grand manteau de fourrure blanc qui la fait ressembler à un ours blanc. Sur une bicyclette surbaissée tout en longueur elle fait un long tour de plateau. La musique de Michael Nunes faite de battements, de pulsations de basses, enveloppées de nappes sonores qui s’étirent, et l’éclairage bleuté avec quelques rayons mauves de Niels Runderkamp participent à installer une ambiance intime. Cherish Menzo se positionnant près des spectateurs devant une caméra nous gratifie d’une danse assez impressionnante de la langue et de la luette projetée en gros plan sur l’écran en fond de scène. Puis, avec ses faux ongles extra-longs, déconstruisant les schémas dominants de l’image de la femme dans les clips, surtout dans le rap ou le R&B, et s’inspirant des vidéos "Vixen", elle nous entraîne dans quelques danses de séduction. Elle continue avec des chansons qu’elle interprète d’une voix magnifique pour finir en ours bidendum qui déambule sur la scène avec son rythme toujours aussi ralenti. Une performance qui plait au public d’afficionados présent ce soir.


Festival Everybody - Anabel Guérédrat - I’m a Bruja - Photo: DR

Pour clore la soirée, la martiniquaise Anabel Guérédrat nous fait participer avec I’m a Bruja à une performance en cinq tableaux. Elle arrive du fond de la salle sur ses hauts talons et dans son manteau pour s’arrêter à deux pas du public. Elle ôte son manteau et se retrouve ainsi nue face à nous. Elle chante en play-back une chanson de Nina Hagen, première sorcière de la soirée dont elle endosse la première peau. Puis, quittant ses chaussures à talon, elle se place dans un cercle de lumière et de bougies. Elle fait sa cérémonie psychopompe et se fait un masque de ses cheveux. La troisième sorcière sera l’urbaine, en short et maillot, masquée d’une cagoule. Sur un air de Vivaldi, coiffée d’un casque qui diffuse une autre musique, elle danse un krump énergique et habité. Pour le tableau suivant, elle se retrouve nue sur talons et arrange et réarrange des lignes de néons. Pour le dernier tableau, elle va s’oindre le corps d’huile pour ensuite s’arroser de paillettes dorées, noires et multicolores dans le cercle de lumières pour réincarner la somme des sorcières. Il faut préciser que la sorcière doit être entendue à la fois comme celle qui connait et exerce les rituels, mais également celle qui invente, crée des liens, prend soin d’elle-même et des autres et aussi de la nature.

Cette riche soirée aura permis de traverser différentes approches et engagements vis-à-vis du corps, surtout féminin et surtout de donner voix à ces corps souvent brimés, exclus ou cachés.

La fleur du Dimanche

jeudi 17 février 2022

Le jour se rêve de Gallotta au Rond-Point : "Tribute" à Merce Cunnnigham d'une Tribu des Mammames revisitée

Cela commence comme une déambulation d'une tribu de Mammames qui occupent le plateau en balançant leur démarche un peu animale et saugrenue et l'on se dit que Jean-Claude Gallotta n'a pas changé. Mais à y regarder de près, si, même si la démarche est là, même s'il y a ici et là un short qui traîne, celui-ci à une certaine classe et le reste des costumes ont fière allure, justaucorps et vestes noires et même cagoules avec masques associé qui donnent à ces dix danseurs un air inquiétant et étrange. 

Le jour se rêve - Jean-Claude Gallotta - Théâtre du Rond-Point - Photo: Joseph Caprio


C'est Dominique Gonzales-Foerster qui signe les "textiles et les couleurs", un bel arc-en-ciel qui remplit la scène d'un éblouissement et d'un foisonnement de coloris. L'artiste plasticienne créatrice d'ambiance et d'univers joue avec la palette que le chorégraphe met en mouvement, alternant des chorégraphies d'ensemble et des duos simples ou multiples, des solos, tour à tour virtuoses et emportés ou alors tendres et délicats. Une belle harmonie s'en dégage et l'on sent la volonté de Jean-Claude Gallotta de rendre hommage au grand maître Merce Cunningham, qui aurait cent ans et qui lui a fait découvrir "l'esprit de la danse" à la fin des années 70 à New York, dans le foisonnement créatif et le creuset de rencontres de l'époque. Gallotta raconte, et rejoue d'ailleurs cet épisode dans le premier des interludes qu'il nous offre et où il danse aussi, avec son style singulier, un hommage au poète Dada Kurt Schwitters. 

Le jour se rêve - Jean-Claude Gallotta - Théâtre du Rond-Point - Photo: Joseph Caprio


Le jour se rêve - Jean-Claude Gallotta - Théâtre du Rond-Point - Photo: Joseph Caprio


Dans le deuxième "event" où les danseurs changent de costumes, toujours aussi colorés, mais où les corps et les visages, l'on arrive à mieux appréhender la diversité des interprète qui viennent de tous les continent et jouent de leurs différences corporelles. Après l'élévation un peu mystérieuse et mystique du premier "event", nous entrons dans un univers plus social, contemporain avec des échanges plus sensuels et enlevés. Le dernier "event" sera, lui, encore plus près du corps; les danseuses et les danseurs, en sous-vêtements, emportés dans une série de duos virevoltant jusqu'à l'ivresse et l'apothéose finale. Entre temps, Jean-Claude Gallotta aura encore fait un petit interlude sur la scène, toujours de noir vêtu et dansant sa gestuelle saccadée sur des compositions nostalgiques de Rodolphe Burger - dont deux en Allemand, Eisbär - Ich möchte ein Eisbaer sein - je voudrais être un ours blanc) chansons du groupe cold wave-punk suisse Grauzone dans lequel oeuvrait Martin Eicher, et Holde Lilli, poème d'amour romantique de Goethe.

Le jour se rêve - Jean-Claude Gallotta - Théâtre du Rond-Point - Photo: Joseph Caprio


Ce sont d'ailleurs les compositions de Rodolphe Burger, guitarre, synthétiseur et voix,  qui parcourent et donnent une très belle unité d'ensemble à ce spectacle. Et tout comme Dominique Gonzales-Foerster pour la partie visuelle, l'univers sonore particulier de ce musicien un peu hors du temps habille nos rêves de danse de ses rythmes envoûtants et de sa voix grave et reposante. Les judicieux choix des collaborations artistiques de Jean-Claude Gallotta permettent à cette danse presqu'intemporelle mais néanmoins ancrée dans notre présent de trouver leur pleine expression et nous toucher au coeur et aux sens.


Le Fleur du Dimanche



Chorégraphie : Jean-Claude Gallotta
Musique : Rodolphe Burger
Avec : Axelle André, Naïs Arlaud, Ximena Figueroa, Ibrahim Guétissi, Georgia Ives, Fuxi Li, Bernardita Moya Alcalde, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger, Jean-Claude Gallotta
Assistanat à la chorégraphie : Mathilde Altaraz
Dramaturgie : Claude-Henri Buffard
Textiles et couleurs : Dominique Gonzalez-Foerster
Assisté de : Chiraz Sedouga, Anne Jonathan
Lumière : Manuel Bernard

Même de Pierre Rigal au Rond-Point: C'est pas pareil à chaque fois, ça change, même si c'est la même chanson

En fait ce n'est pas une chanson, au départ, c'est un air dansé qui se répète, que les neuf moins un interprètes (alors qu'on nous en a annoncé neuf) répètent - ou font semblant de répéter dans une construction déconstruite qui se répète. D'ailleurs, l'air est aussi une boucle répétitive fabriquée en direct. On l'aura donc compris, Même de Pierre Rigal est une variation sur la répétition. Et nous en aurons des multiples, des répétitions, et des variations...  Poussant au comique, ou à ses limites ce processus, le comique de répétition ou la répétition comique du même avec ses variations. Au point de devoir recommencer du début. Ce qui arrive très vite, même avec la boucle musicale que, par inadvertance l'un des interprètes remet à zéro. L'occasion pour nous de comprendre sa construction, faite de quelques sons, de phrases apparemment - mais cette apparence est trompeuse - improvisées et de sons divers. 

Même - Pierre Rigal - Photo: Pierre Grosbois

Le spectacle va, à partir du moment où le retardataire est arrivé, nous proposer, en danse, en musique, en paroles et en chansons de multiples déclinaisons de ce que qui pourrait ressembler à une répétition: que ce soit, comme cela a commencé, la reprise et la répétition d'une même scène - ou phrase chorégraphique ou musicale - dans le même rythme, au ralenti ou en accéléré, ou à l'envers, même en effet larsen sonore ou vidéo (une belle invention chorégraphique et esthétique, - ou avec des variantes, par exemple pour des scènes déjà jouées, qui se rejouent avec un glissement des voix de l'un(e) à l'autre personnage, donnant à la scène un air un peu étrange, d'inquiétante étrangeté, de dissociation de soi. Un peu comme si je deviens un autre, tout en étant moi-même. Les moments d'échanges, entre le brûle-pourpoint et le bâton-rompu sont également des moments de bravoure. 

Même - Pierre Rigal - Photo: Pierre Grosbois


La pièce est également très souvent ponctuée par de la musique, le groupe Microréalité qui prend les mêmes comme musiciens, et de très beaux moment chantés, en particuliers avec Mélanie Chartreux. La musique est tout aussi déconcertante que la danse, entre le rock et le punk bruitiste. L'orchestre au grand complet avec guitare, basse, piano-synthétiseur, batterie et voix donnent l'élan et le rythme à cette folie délirante et ne laissent pas de répit dans ce rythme endiablé où l'on perds se repaires et où le même n'est jamais pareil. Au point  que quand on arrive à la fin, on se demande si cela ne ressemble pas à un début et que l'on a envie de rejouer la pièce au jeu des sept erreurs. 

Même - Pierre Rigal - Photo: Pierre Grosbois


Mais non, on va plutôt se la rejouer, plutôt qu'en blanc dans ce décor blanc et plat, en noir sur fond de montagne, dans une version "négative" mais toujours avec humour et en gardant la banane. Et en se remémorant quelques passages de franc délire et rire. 


La Fleur du Dimanche


Même


Création de Pierre Rigal pour le Festival Montpellier Danse les 6, 7 et 8 juillet 2016
Sur une musique en direct de Microréalité
Avec Pierre Cartonnet, Mélanie Chartreux, Antonin Chaumet, Gwenaël Drapeau, Julien Lepreux, Pierre Rigal, Denis Robert, Juliette Roudet, Crystal Shepherd-Cross
Collaboration artistique et costumes Roy Genty
Collaboration à l’écriture des textes Serge Kribus
Lumière Frédéric Stoll
Sonorisation George Dyson

mardi 8 février 2022

Le Dragon au TNS: Un dragon à trois têtes qui en a mille mort

 Thomas Jolly, a mis en scène le spectacle-fleuve Henri VI dont il présente l'intégrale à Avignon en 2014 et qui lui vaut leMolière du Théâtre Public en 2015. Il est artiste associé au TNS depuis 2016 - il a dirigé la mise en scène de la pièce créée par le Groupe 42 - promotion des étudiants de l'école en 2017 "Le Radeau de la Méduse," également présenté au Festival d'Avignon et est revenu avec la mise en scène de Thyeste en 2018 et est également comédien - entre autres "Mithridate" mis en scène par Eric Vignier vu au TNS en 2021.


Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard


Il nous revient avec une pièce du Russe Evgeni Schwartz écrite en 1943-44 
Le Dragon.

C'est un conte fantastique et moral où la machinerie et les effets spéciaux sont spectaculaires. La scénographie et les décors de Bruno de Lavenère est efficace et nous plonge dans une belle ambiance fantastique, d'abord dans la maison de Charlemagne, un vieil archiviste dont la fille Elsa est promise au Dragon qui met la ville sous sa domination, puis dans les différents lieux où va se dérouler l'action. L'ambiance est sombre et oppressante quand débarque le "héros professionnel" Lancelot qui apprend cette nouvelle de la bouche du chat, un beau personnage, qui nous embarque dans ce conte de fée qui n'en est pas un. La mise en scène est entraînante, pleine de rebondissements et cette histoire bourrée d'humour et de comédie aussi, de danse même, nous présente les mécanismes cachés de la soumission et d'opposition au changement à l'ouvre dans nos sociétés. La pièce d'Evgeni Schwartz ciblait bien sûr à la fois le fascisme en Allemagne et le régime communiste (la pièce d'ailleurs été censurée), mais également la soumission ordinaire.  


Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard


Thomas Jolly nous dit dans le programme de salle:

"Un tyran, même s’il s’est d’abord imposé par la force, ne peut pas dominer et exploiter une société sans la collaboration plus ou moins consciente de cette société-même. C’est une philosophie politique extrêmement fine mais connue, dont parle La Boétie dans le Discours de la servitude volontaire. Ce que montre Schwartz, c’est que tout pouvoir qui s’impose − pas forcément d’ailleurs par la force des armes − a forcément besoin, pour asservir et oppresser une société durablement, de la collaboration servile ou de l’inconscience ou de la résignation d’une partie conséquente de ses membres. La pièce interroge la différence entre la liberté − incarnée, dans un premier temps, par Lancelot − et la servitude, volontaire ou involontaire, portée par les habitants."


Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard


La pièce ne s'arrête pas à la fin de l'Acte II à la mort du Dragon, mais nous montre la sournoise mise en place d'une dictature et d'un "Etat d'urgence" par le bourgmestre, alors qu'un début d'autonomie émergeait et qu'une partie de la population avait participé au combat contre le Dragon. Peine perdue: 

"Les codes comportementaux sont restés exactement identiques : les gens retombent dans les mêmes travers et le processus d’asservissement est reproduit − le système n’a pas changé. "


Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard


Et  les trois têtes du Dragon sont bien tombées, mais comme le dit Elsa:

"Je savais que Lancelot allait mourir pour rien. Il a tué le dragon et c’est pire qu’avant. Le dragon avait trois têtes, il en a cent, cent mille maintenant, toutes plus humaines les unes que les autres. Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas voir vos vraies têtes, vos têtes de tigres, de chacals, de vautours, vos têtes de crocodiles et de serpents ? Avec des cœurs de pierre."

A méditer... chacun de son côté... ou ensemble.


La Fleur du Dimanche


Tournée 
Charleroi (Belgique), Palais des Beaux-Arts de Charleroi, du 18 au 19 février
Martigues, Les Salins - Scène nationale, du 10 au 11 mars 
Grenoble, MC2:, du 23 au 25 mars 
La Rochelle, La Coursive - Scène nationale, du 30 au 31 mars 
Rouen, Centre dramatique national, du 8 au 9 avril 
Paris, Grande Halle de la Villette, du 14 au 17 avril 
Lille, Théâtre Du Nord – Centre dramatique national, du 27 au 30 avril

COPRODUCTION

Texte Evgueni Schwartz
Texte français Benno Besson

Mise en scène Thomas Jolly*

Avec Damien Avice, Bruno Bayeux, Moustafa Benaïbout, Clémence Boissé, Gilles Chabrier, Pierre Delmotte, Hiba El Aflahi, Damien Gabriac, Katja Krüger, Pier Lamandé, Damien Marquet, Théo Salemkour, Clémence Solignac, Ophélie Trichard
et un enfant en alternance Mathis Lebreton, Adam Nefla, Fernand Texier
Collaboration artistique Katja Krüger
Scénographie Bruno de Lavenère
Lumière Antoine Travert
Musique originale et création son Clément Mirguet
Costumes Sylvette Dequest

Consultante langue russe Anna Ivantchik
Accessoires Marc Barotte, Marion Pellarini
Maquillage et régie maquillage Catherine Nicolas
avec la collaboration d’Élodie Mansuy
Régie générale Jérôme Marpeau
Régie lumière Antoine Travert, Doriane Genet
Régie son  Marion Laroche
Régie plateau Pascal Da Rosa
Régie accessoires Judith Lanjouere

Décors réalisés par les ateliers du Théâtre Royal des Galeries, Bruxelles
Participation à la construction des décors, mobilier et accessoires de l’atelier de décors de la ville d’Angers

*Thomas Jolly est artiste associé au TNS.
Le texte est publié aux éditions Lansman.

jeudi 3 février 2022

Dialogues à l'OPS avec Jérôme Comte: quand les clarinettes se répondent

 Cette soirée de concert "Dialogues" de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg, placé sous la direction du jeune chef Aziz Shokhakimov est l'occasion de découvrir le talent du soliste Jérôme Comte avec deux pièces qui lui permettent de pleinement dévoiler son talent de clarinettiste.

Dialogues - Jörg Widmann- OPS - Aziz Shokhakimov - Jérôme Clément - Photo: lfdd

La première pièce "Con Brio, ouverture de concert d'après Beethoven" de Jörg Widmann est bien nommée pour débuter les réjouissances. Ecrite par Jörg Widmann en 1973, alors qu'il avait 35 ans pour répondre à une demande du chef Marriss Johnson pour être jouée par l'Orchestre symphonique de la radio bavaroise dans un programme consacré à Beethoven, il dialogue effectivement avec les symphonies N° 7 et 8, mais uniquement dans l'esprit. Effectivement, le style y est, le rythme, les sonorités, les timbres rappellent le maître. Avec les percussions, les trompettes, les cordes, l'esprit plane. Mais le jeu est nerveux, saccadé,  haché, de belles envolées en vol plané et les flutes trillent, les vents murmurent,  les cordes sont frappées. Le pièce est un beau challenge pour l'orchestre. Mais comme le dit Jorg Widmann, surpris lui-même, cette pièce "complexe", c'est une des pièces les plus jouée par les orchestres du monde entier.

Dialogues - Philippe Hurel - OPS - Aziz Shokhakimov - Jérôme Clément - Photo: lfdd


Avec "Quelques traces dans l'air", le concerto pour clarinette et orchestre de Philippe Hurel, Jérôme Comte retrouve une pièce qui lui était dédiée par le compositeur et qu'il avait créée le 1er juin 2018. C'est également une pièce difficile pour les musiciens et l'orchestre. Dans son dispositif, le soliste se retrouve "multiplié" et dialogue avec les deux clarinettes de l'orchestre et quelquefois avec d'autres instruments (flutes, hautbois, cors,..) et même l'ensemble de l'orchestre. Le résultat tend vers un effet de composition électrocacoustique par les effets d'écriture en échos, delay, superpositions, où le son se spatialise et quelquefois semble issu de nulle part. On croit par exemple que c'est le clarinettiste qui joue et c'est un son de flute seul. La pièce démarre assez calmement et s'énerve en deuxième partie. L'effet d'ensemble est assez étonnant.

Jérôme Comte gratifie le public d'un bis en solo duveteux.


Dialogues - 7ème Symphonie - Beethoven - OPS - Aziz Shokhakimov - Photo: lfdd


Après l'entracte, la pièce de résistance sera la 7ème symphonie de Beethoven avec son Allegretto ultra-célèbre. Le premier mouvement Poco sostenuto - vivace est dansant et léger, sautillant puis plus sérieux et martial. Le deuxième mouvement est celui que tout le monde connait par son battement soutenu et la mélodie qui s'étend en nappes, des contrebasses aux violoncelles, aux altos puis aux violons avant d'être repris à l'unisson. "Une apothéose de la Danse", comme disait Richard Wagner.   Le 3ème mouvement Presto est un peu altier, bien rythmé et le dernier, Allegro con brio est enlevé et rapide effectivement. Le chef Aziz Shokhakimov


La Fleur du Dimanche

mercredi 2 février 2022

Bilan, re-naissance d'une fleur et futurs en perspectives

 Avec une petite avance pour fêter les onze ans de publications de ce blog de La Fleur du Dimanche, le mur des 400.000 vues étant passé et, pour le 1234ème billet, je vous offre un petit bouquet à la fois en forme de bilan et une d'une sélection de Textes à Valeur Ajoutée (TVA) qui pourraient vous amener un peu d'oxygène au cerveau.

Le printemps n'est plus très loin, le lilas bourgeonne déjà et se dresse prêt à fleurir:

Lilas en bourgeon - 2 février 2022 - Photo: lfdd


 Les jonquilles (souvenir du premier billet "Naissance d'une Fleur : La Fleur du Dimanche" le premier billet de ce blog, le 20 février 2020) par contre prennent leur temps... Peut-être pourra-t-on les suivre dans leur (re)naissance....:

Jonquilles en bourgeon - 2 février 2022 - Photo: lfdd



Bilan 11 ans


En attendant et pour faire ce petit bilan, sachez que ces 400.000 vues sur dix ans pour les 1234 billets, cela fait une moyenne de 325 vues par billet (le dernier n'ayant pas encore été publié). Certains ont été vus plus de 2.000 fois et plus de quarante billets ont été vus au moins 1.000 fois. Cela fait aussi quatre mille jours qui se sont écoulés depuis le 20 févier 2011, et donc cela signifie que chaque jour 100 pages sont vues en moyenne. Les premiers billets n'avaient pas la même portée qu'aujourd'hui - leur visibilité est de 50 à 100 vues alors que maintenant, les audiences oscillent entre 100 et plus de 1.000 pour les plus populaires. La plupart des billets du début de l'année 2021 sur les expositions les concerts ou le théâtre ont dépassé les 1.000 vues. Et les billets de la fin d'année 2021 sur les spectacles ou les expositions (Chère Chambre de Pauline Haudepin au TNS,  ST-ART 2021, 20 Ans au TAPS, Mailles de Dorothée Munyaneza  à Pôle Sud, J'aime de Laure Werckmann et Birelli à JAZZDOR) frôlent ou ont déjà dépassé les 700 vues.

Ce qui fait plaisir, c'est que pour les spectacle ce sont tous des spectacles de femmes qui ont cette belle place. Je pourrait en dire de même pour un billet "du dimanche", celui du 25 avril 2021 "L'abandon, la méfiance, la liberté, les femmes, vues par... et défendues par..." et qui parle beaucoup de femmes et rend hommage à l'une d'entre elles, trop peu connue, Milva, qui venait de disparaître et à découvrir ou redécouvrir et qui a également eu plus de 2.000 vues. Idem pour un billet plus ancien - du 3 juin 2018 - "La Forme et le Fond: Figure, Love et des briques", un billet postérieur à l'arrêt de mes publications régulières (le 18 février 2018) et qui parle poésie et littérature avec Todorov, Genette et Albert Stricler dont je cite la citation (une de mes préférées): 

"Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous"

 

Pour tout cela, ces lectures, ces échanges, les retours aussi, merci à vous, fidèles lectrices et  lecteurs, visiteuses et visiteurs occasionnel.le.s. Revenez, vous êtes les bienvenu.e.s et surtout n'hésitez pas à faire un commentaire et me l'envoyer par mail si c'est trop compliqué en ligne.

Sachez que vous pouvez aussi m'envoyer un mail pour vous abonner, de manière globale, ou si vous ne voulez pas rater une publication dans un domaine précis (théâtre, concert, exposition,..). L'adresse est simple c'est "lafleurdudimanche" tout attaché avec gmail comme fournisseur. Et si j'ai plus d'abonné sur un sujet cela me motivera à écrire plus.... Sachez que j'essaie de relayer les publications sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Linkedin) mais le mieux est quand même d'avoir l'info de première main (et vous pouvez vous désabonner à la demande..). Et Facebook par exemple ne vous permet pas toujoours d'avoir l'information. Cela ne trompe personne, pour la première fois d'ailleurs, le réseau social perd des abonnés (4 millions de moins entre septembre et décembre 2021). Alors ? 


Hit parade des recherches

Pour continuer le florilège, sachez sur les trois mois dernier, le hit-parade de la recherche est revenu à "laisse tomber la neige expression" qui a pointé 477 fois sur le blog de La Fleur du Dimanche. En deuxième, avec 147 occurences, c'est "quand fond la neige où va le blanc" et en troisème "ananke stenai". 

Je vous rappelle que pour les premiers palmarès, la requête "Habemus Papam, histoire vraie" avait cartonné en son temps  (12 septembre 2012),  un article -et un film - prémonitoires !


Jonquilles en bourgeon - 2 février 2022 - Photo: lfdd


TVA - Murakami - Murmuration - Veni, Monica Vitti...


En guise de TVA à large spectre, nous allons passer de l'oigine de la vocation de Murakamai, son épiphanie à l'idée de "murmuration" chez les animaux, l'homme et les machines et un adieu en chanson et en film à Monica Vitti:

D'abord Murakami. Il conte à Florence Noirville dans le Monde des Livres son "épiphanie", le moment où il s'est dit qu'il serait écrivain. Amateur de Base-ball, il assistait à un match et soudain, il y eut un "hit"; "Quand j'ai entendu le bruit de la balle contre la batte, je me suis dit que je pouvais peut-être devenir écrivain". Sacré coup!

La murmuration, qui vient du mot anglais (lui-même emprunté à murmure) est le résultat du vol d'oiseoux (étourneaux ou autres) qui volent en bandes très nombreuses et qui font des figures dans la ciel. 

J'en profite pour vous inviter à aller voir l'exposition qui vient de démarer à galerie "La Chambre" place d'Austerlitz à Strasbourg. Leur nouvelle exposition "Ornithographies" de Xavi Bou rassemble de superbes photos de ce phénomène - et également une vidéo.

Cette manière de voler où les individus se fondent dans une foule qui a ses règles de direction et de vitesse propre ne fonctionne que par une méthode que les scientifiques ont observé. Il ne s'agit pas d'une organisation collective, ni pyramidale, ni holomidale (grand groupes en réseau), mais la modélisation a prouvé que chaque individu ne teint compte que sur trois à cinq voisins. On l'observe également avec des banc de poissons, les fourmis, et les humains... dans les pelotons cyclistes par exemple. Le cyclste ne se concentre que sur celui qui est devant et les deux devant et de côté. D'ailleurs il a été constaté que l'angle de perception (un diamant ou un losange) se rétrécit au moment du sprint. 

Pour rendre hommage à Monica Vittti qui s'est éclipsée, je vous mets un extrait du film "L'Avventura" de Michelagello Antonioni où elle danse sur la chanson Mai interprétée par Mina que je vous mets également:





Feuilleton la re-naissance: Les jonquilles du 5 février:


Jonquilles en bourgeon - 5 février 2022 - Photo: lfdd


TVA - à mi-mot et quelque chose - Dans la forêt Glacée et Eric Chevillard


Les TVA suivant sont toujours découverts dans le supplément Littérature du Monde du 28 janvier, en l'occurrence dans un article sur le livre de Frédérique Clémençon, Dans la forêt glacée que je cite, et celui d'Eric Chevillard L'arche Titanic qui nous offre ses jeux de mots:

"Peut-être que sans connaître la fin, je sais qu'il va se passer quelque chose ici et que ce quelque chose sera un commencement, ou plutôt non, je ne sais pas, juste quelque chose arrivera, c'est tout".

Cela donne envie de connaître la suite, non ?

Et pour Eric, un fantôme, c'est: "un mort qui revient: un remords"

"Quand un animal disparaît, son nom se  vide à moitié de son sens - son sang -, n'est plus qu'un demi-mot: une momie."  


Jonquilles en bourgeon - 5 février 2022 - Photo: lfdd


TVA - J'ai raison, tu as tort, Vrai ! - Dans la peau d'un(e) autre

Pour la suite des TVA, toujours de la même source, deux auteurs, Thimoty Williamson et Arnaud Cathrine. Du premier, tout est dans le titre de son livre J'ai Raison, tu as tort ! Dialogue Philosophique et la citation est:

"Chacun de vos points de vues est légitime selon ses propres termes. (...) "Vrai" est un mot très dangereux"

A vous d'y réfléchir..

Sinon pour en revenir à l'écriture, à propos de son dernier livre Début de siècles, et de l'écriture, Arnaud Cathrine dit:

"Ce qui m'angoisse et me chagrine dans la vie, est de n'être que moi. L'écriture ouvre cette possibilité d'entrer dans la peau d'un autre, ou même comme c'est  le cas dans Début de Siècles, dans celle d'une petite foule."  

"Je m'étais rendu compte que, dans la plupart de mes livres,  jusque-là, les femmes étaient des personnages secondaires; j'ai eu envie de me multiplier dans une myriade d'entre elles."


Jonquilles en bourgeon - 6 février 2022 - Photo: lfdd


TVA - La Voie Lactée - Les Varans


Et un TVA qui va nous surprendre, un peu de science qui nous dépasse, ou encore la rélaité qui dépasse la connaissance scientifique...

D'une part, une étrange découverte faite par des astronomes australiens: un objet inconnu dans la Voie lactée. L’objet, repéré pour la première fois par un étudiant travaillant sur sa thèse de premier cycle, produit un important rayonnement électromagnétique trois fois par heure. "Les ondes sont émises toutes les 18,18 minutes", explique dans la revue scientifique Nature l’astrophysicienne Natasha Hurley-Walker, qui a observé le phénomène grâce à un radiotéléscope basses fréquences géant dans l’Outback australien. L’objet serait à 4 000 années-lumière de la Terre et même s''il existe d’autres objets dans l’univers qui émettent des variations radio régulières, comme les pulsars, cette fréquence n’a jamais été observée auparavant, selon elle. La découverte de cet objet était "un peu effrayante car il n’y a rien de connu dans le ciel qui fasse cela".

Autre information insolite entendue sur FranceBleu: Une femelle varan a fait des bébés toute seule.

 Dans un parc animalier du sud-ouest de la France, une femelle varan vivant seule depuis des années a donné naissance à trois bébés mâles. Ce phénomène très rare appelé parthénogenèse se produit lorsqu’un oeuf non fécondé donne naissance à un ou plusieurs individus. Le parc cherche une équipe scientifique pouvant étudier, documenter et confirmer le phénomène.

Pour célébrer ces découvertes, je vous offre deux chansons, la première de Mylène Farmer - La Voie Lactée:



Et la deuxième une chanson d'Orchestral Manoeuvres In The Dark - Walking On The Milky Way (attention ,ce n'est pas un varan mais un dinosaure qui passe dans le film : 



Jonquilles en bourgeon - 7 février 2022 - Photo: lfdd


TVA - La neige


Il a neigé sur les dunes du Sahara: conséquence du réchauffement - et du changement - climatique, la neige s'est invitée au Sahara, comme déjà l'année dernière. La glace fond sur les Pôles et les glaciers de montagne recule et, pour faire diversion la neige tombe dans le désert... 

Et pour finir sur de mauvaises nouvelles, sachez que la neige maintenant contient plein de micro-particules de plastique qui s'est dégradé. Nous fabriquons chaque année  360 milliard de tonnes de plastiques (62 millions en Europe). Quatre milliards neuf cent millions de tonnes ont été rejetés dans l'environnement et de là,  3.000 tonnes par exemples sont revenus en Suisse et en Autriche sur les montagnes enneigées, les Alpes Françaises et les Pyrénées ne sont pas épargnées, ni les banquises, ni les villes non plus - par exemple en pleine nature, dans les Pyrénnées 43 milliards de milliards de particules fines de plastiques retomberaient sur la zone chaque année. Soit 3.000 tonnes. Et ces nano-particules sont si fines qu'elles peuvent se mélanger dans l'organisme sans que l'on se rende compte.

Chacun peut de son côté à limiter ce développement, en réduisant l'usage des plastiques et ne pensant recyclage

Et sachez aussi - c'est pas drôle, que l'eau en bouteille plastique fait grossir... C'est Heidi News qui le dit et ce n'est pas une blague: "Votre bouteille d'eau en plastique peut-elle vous faire grossir?"

https://www.heidi.news/sante-alimentation/votre-bouteille-d-eau-en-plastique-peut-elle-vous-faire-grossir 


CHANSONS - La neige et ne soyez pas triste, à bientôt

Comme il est question de neige, je vous offre une cure de neige de The Cure avec Pictures of you, de 1989, précurseurs du réchauffement climatique.



Et pour suivre leur conseil, les graçons ne pleurent pas, ils étaient très précoce - Boys don't cry:



Bon, tot n'est pas parfait, mais on essaye avec Lou Reed d'avoir un jour parfait - Perfect Day:


Allez, il est temps de se dire au revoir avec Léonard Cohen et Julie Felix - There's no way to say goodbye 


Jonquilles en bourgeon - 7 février 2022 - Photo: lfdd



Bon dimanche tous les jours!

La Fleur du Dimanche


P.S. Je dédie ce billet à Alain Lafont-Garnung, grand amateur de fleurs et grand conteur - ses "Billets de tram" sont de beaux bijoux trop peu connus. Il était la générosité et l'amabilité jusqu'au bout.