Thomas Jolly, a mis en scène le spectacle-fleuve Henri VI dont il présente l'intégrale à Avignon en 2014 et qui lui vaut leMolière du Théâtre Public en 2015. Il est artiste associé au TNS depuis 2016 - il a dirigé la mise en scène de la pièce créée par le Groupe 42 - promotion des étudiants de l'école en 2017 "Le Radeau de la Méduse," également présenté au Festival d'Avignon et est revenu avec la mise en scène de Thyeste en 2018 et est également comédien - entre autres "Mithridate" mis en scène par Eric Vignier vu au TNS en 2021.
Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard |
C'est un conte fantastique et moral où la machinerie et les effets spéciaux sont spectaculaires. La scénographie et les décors de Bruno de Lavenère est efficace et nous plonge dans une belle ambiance fantastique, d'abord dans la maison de Charlemagne, un vieil archiviste dont la fille Elsa est promise au Dragon qui met la ville sous sa domination, puis dans les différents lieux où va se dérouler l'action. L'ambiance est sombre et oppressante quand débarque le "héros professionnel" Lancelot qui apprend cette nouvelle de la bouche du chat, un beau personnage, qui nous embarque dans ce conte de fée qui n'en est pas un. La mise en scène est entraînante, pleine de rebondissements et cette histoire bourrée d'humour et de comédie aussi, de danse même, nous présente les mécanismes cachés de la soumission et d'opposition au changement à l'ouvre dans nos sociétés. La pièce d'Evgeni Schwartz ciblait bien sûr à la fois le fascisme en Allemagne et le régime communiste (la pièce d'ailleurs été censurée), mais également la soumission ordinaire.
Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard |
Thomas Jolly nous dit dans le programme de salle:
"Un tyran, même s’il s’est d’abord imposé par la force, ne peut pas dominer et exploiter une société sans la collaboration plus ou moins consciente de cette société-même. C’est une philosophie politique extrêmement fine mais connue, dont parle La Boétie dans le Discours de la servitude volontaire. Ce que montre Schwartz, c’est que tout pouvoir qui s’impose − pas forcément d’ailleurs par la force des armes − a forcément besoin, pour asservir et oppresser une société durablement, de la collaboration servile ou de l’inconscience ou de la résignation d’une partie conséquente de ses membres. La pièce interroge la différence entre la liberté − incarnée, dans un premier temps, par Lancelot − et la servitude, volontaire ou involontaire, portée par les habitants."
Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard |
La pièce ne s'arrête pas à la fin de l'Acte II à la mort du Dragon, mais nous montre la sournoise mise en place d'une dictature et d'un "Etat d'urgence" par le bourgmestre, alors qu'un début d'autonomie émergeait et qu'une partie de la population avait participé au combat contre le Dragon. Peine perdue:
"Les codes comportementaux sont restés exactement identiques : les gens retombent dans les mêmes travers et le processus d’asservissement est reproduit − le système n’a pas changé. "
Le Dragon- Evgeni Schwartz - Thomas Joly - TNS - Photo: Nicolas Joubard |
Et les trois têtes du Dragon sont bien tombées, mais comme le dit Elsa:
"Je savais que Lancelot allait mourir pour rien. Il a tué le dragon et c’est pire qu’avant. Le dragon avait trois têtes, il en a cent, cent mille maintenant, toutes plus humaines les unes que les autres. Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas voir vos vraies têtes, vos têtes de tigres, de chacals, de vautours, vos têtes de crocodiles et de serpents ? Avec des cœurs de pierre."
A méditer... chacun de son côté... ou ensemble.
La Fleur du Dimanche
Martigues, Les Salins - Scène nationale, du 10 au 11 mars
Texte Evgueni Schwartz
Mise en scène Thomas Jolly*
Avec Damien Avice, Bruno Bayeux, Moustafa Benaïbout, Clémence Boissé, Gilles Chabrier, Pierre Delmotte, Hiba El Aflahi, Damien Gabriac, Katja Krüger, Pier Lamandé, Damien Marquet, Théo Salemkour, Clémence Solignac, Ophélie Trichard
et un enfant en alternance Mathis Lebreton, Adam Nefla, Fernand Texier
Collaboration artistique Katja Krüger
Scénographie Bruno de Lavenère
Lumière Antoine Travert
Musique originale et création son Clément Mirguet
Costumes Sylvette Dequest
Accessoires Marc Barotte, Marion Pellarini
Maquillage et régie maquillage Catherine Nicolas
avec la collaboration d’Élodie Mansuy
Régie générale Jérôme Marpeau
Régie lumière Antoine Travert, Doriane Genet
Régie son Marion Laroche
Régie plateau Pascal Da Rosa
Régie accessoires Judith Lanjouere
Participation à la construction des décors, mobilier et accessoires de l’atelier de décors de la ville d’Angers
Le texte est publié aux éditions Lansman.
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