dimanche 31 mai 2020

Le chemin austère du mot à la page: toute une vie

J'ai pas eu de pot avec mon billet de dimanche dernier, je me suis fait allumer... mais ce n'est pas au sujet de l'Oulipo et de Boris Vian, ni même de l'iconosclaste Pastafarisme, non c'est juste à cause de "L’interdépendance". Bon si ce n'est que ça, je peux décoder un petit peu...
En attendant, place aux fleurs, simples et qui, bien que messicoles, de par leur rareté en deviennent protégées.
Bon, je vais encore me faire appeler barbeau parce que d'aucuns voudront l'appeler centaurée.
Mais je pense que, comme le coquelicot, chacun - et chacune - de nous le porte dans son coeur, même si l'esprit belliqueux s'est un peu effacé. Le voici, le bleuet de nos campagnes:

Fleurs du déconfinement - Bleuet - Photo: lfdd

Le même le soir, dans nos campagnes:

Fleurs du déconfinement - Bleuet - Photo: lfdd

Et pour en venir au TVA, avant d'en revenir à celui de la semaine dernière, ce sera au sujet d'un écrivain dont j'ai beaucoup, apprécié le style, l'ambiance, le récit - et même les films, j'ai nommé Paul Auster, dont, à propos de son dernier livre, des entretiens ou plutôt une conversation - tenue entre 2011 et 2013 - avec Inge Birgitte Siegmumfelt*. Vous ne trouverez pas cette dernière sur Wikipedia, sauf sur la version allemande où l'on parle de ce livre, publié en Anglais, et en traduction allemande en 2017 et qui sort cette année chez Actes Sud, d'où l'article de Florence Noirville "La Littérature vissée au corps" paru dans le Monde du 14 février 2020.

Et le sujet traité, enfin celui qui m'intéresse et que je partage avec vous c'est "écrire" et les "mots".

"Oui les mots sont concrets, ils ont une substance, même si ce sont des abstractions. Des signes."
Pour Paul Auster "on ne peut pas écrire un seul mot sans l'avoir d'abord vu."
..
"Avant de trouver le chemin de la page un mot doit d'abord faire partie du corps, présence physique avec laquelle on vit de la même façon qu'on vit avec son coeur, son estomac et son cerveau."

Pour Auster, "écrire est toujours une tentative vouée à l'échec."
Florence Noirville précise "L'écrivain - l'écrivain sérieux - échoue fatalement dans ce qu'Auster appelle "la fissure ouverte entre le monde et le mot". Et cette dernière étant irréductible, in ne peut rien espérer sinon comme dit Beckett, "échouer mieux" la fois suivante."  

Retour de la Fleur, à vous de choisir, entre la ronce et la mûre, ou encore l'abeille:

Fleurs du déconfinement - Murier - Photo: lfdd

Et donc pour revenir sur la semaine dernière, juste deux mots, je ne vais pas faire une explication de texte, ni un sermon. A vous de voir et de vous faire votre opinion et de savoir comment avancer dans l'après (puisque là est la question). Un ami a d'ailleurs posté une photo qui nécessite un "décodeur" pour illustrer sa demande à ses amis de savoir si la question de l'après n'était pas - déjà plus - d'actualité. Effacée!
Donc, la phrase d'Enrico Letta: "L’interdépendance humaine signifie que nous entrons dans un monde qui se pose la question de la gestion politique et économique efficace d’un faisceau d’interconnexions, de liens et d’appels incessants entre les pays et les systèmes." pour moi semble dire que le Monde (c'est à dire chacun de nous) devra gérer (à tous les niveaux) nos relations (à tous les niveaux). Bon j'dis ça, j'dis rien, non? Non, cela va très loin et il faut remonter à Auster qui dit le mot, il faut l'avoir vu ! Vu ?

Fleurs du déconfinement - Murier - Photo: lfdd

Et je laisse la conclusion à Rabindranath Tagore dont les Oeuvres (complètes) viennent de paraître en Quarto qui disait au début du XXème siècle: 
"Il n’y a pas de limites à l’acquisition matérielle. La civilisation européenne, mettant l’accent sur cette accumulation, oublie que la meilleure contribution individuelle au progrès humain est le perfectionnement de la personnalité."

Et également:
"Puissé-je savoir, avant de la quitter, pourquoi cette Terre m’a pris dans ses bras."

Fleurs du déconfinement - Photo: lfdd

Fleurs du déconfinement - Photo: lfdd


Au niveau chanson, comme Paul Auster a fait à partir de ses livres quelques films et scénarios, dont La Musique du hasard, (The Music of Chance) et Brooklyn Boogie, réalisé par Wayne Wang, je vous offre, au hasard, des morceaux de musique (au hasard) dont le premier est extrait de Brooklyn Boogie avec Madonna, porteuse d'un télégramme chanté:





Puis Madonna dans les années 2009 avec Hung Up:





Et pour rester dans les années 2009, successivement 
Gwen Stefani - What You Waiting For?





Gwen Stefani - Wind It Up 





Kylie Minogue - Can't Get You Out Of My Head





Et, pour finir, au hasard, Michel Berger: Splendide hasard





Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche

Inge Birgitte Siegmumfelt est professeur de civilisation anglaise et germanique à l'université de Copenhague au Danemark. Elle est à l’origine de la création du Centre Paul Auster de l’université de Copenhague, où elle est professeur au département des études d’anglais.

dimanche 24 mai 2020

Si t'as pas d'Oulipo, t'as qu'à te vouer au Pastafarisme, sinon c'est la zoonose

Dans cet entre-deux, si l'on peut dire ainsi, entre l'anniversaire de la naissance et celui de la mort de Boris Vian, ou entre l'Ascension et la Pentecôte, entre la montée et la descente, entre l'échelle et les langues de feu, entre l'avant-après et l'après-avant, je balance...
Je balance les Oulipiens qui ont achevé Boris, je balance Roger-Pol qui fait de la religion un droit - de non-croyance, je balance Descola et Letta, je balance la #Banane et les Fleurs.
Je balance l'aigrette du Tragopogon pratensis ou Salsifis des prés appelé aussi Barbe de bouc ou, en anglais, Jack-go-to-bed-at-noon, puisque ses fleurs (quand il est encore en fleurs) se ferment la nuit.
Bon, là, les akènes sont sur la cypsèle:


Tragopogon pratensis - Salsifis des prés Photo: lfdd


Ce n'est pas le pissenlit ou Taraxacum préféré de La Fleur du Dimanche, ça lui ressemble en bien plus grand:


Tragopogon pratensis - Salsifis des prés Photo: lfdd

  
Et là je vous balance tout de suite la #Banane "par Boris Vian, dans l'extrait de l'article "Oulipocktail" de Camille Laurens du 14 février 2020 dans Le Monde des Livres au sujet du livre de ce Boris, livre qu'il aurait peut-être signé Veron Sullivan et baptisé "On n'y échappe pas":




Ce livre, donc, qui pour le centenaire de Boris Vian a été achevé par six écrivains de l'Oulipo (OUvroir de LItérature POtenteille) qui ont continué l'histoire inachevée par la crise cardiaque, de ce manuscrit qui s'arrêtait au quatrième chapitre... et c'est Clémentine Mélois dont j'ai déjà parlé ici qui en a fait la couverture:


Image associée


Je ne sais pas si Boris aurait été Pastafariste. En tout cas, c'est très facile de le devenir et Roger-Pol Droit indique dans son article (exactement sous celui de Camille Laurens) "Les leçons du dieu-spaghettis", que certains pays reconnaissent cette religion (les Pays-Bas, Taïwan,..) et que des mariages pastafaristes sont autorisés, de même les photos d'identité avec une passoire sur la tête. 


Fleur de troène confiné - Photo: lfdd

....
Leur divinité est le Monstre en spaghetti volant (Flying Spaghetti Monster), créée en 2005 par Bobby Henderson, alors étudiant de l'université d'État de l'Oregon. Il est invisible et ses premiers fidèles sont nommés les pirates. Ceux-ci sont considérés comme des êtres sacrés. Selon cette religion, ils contribuent à lutter contre le réchauffement climatique et protègent contre les catastrophes naturelles.

Voici une de leur prière:
La prière du savoir
Tirons du Monstre volant en spaghettis, sa sauce
Et de sa sauce, ses nouilles
Et de ses nouilles, ses boulettes de viande
Et de ses boulettes de viande, le savoir
Et du savoir, la connaissance des choses savoureuses
Et de la connaissance de ces choses, l'amour des spaghettis
Et des spaghettis, l'amour du Monstre volant en spaghettis
Ramen

Sur leurs dix commandements, dont il n'en ont gardé que 8, je vous en livre 4: 
«Je préfèrerais vraiment que vous évitiez de juger les gens en fonction de leur apparence, de leur façon de s'habiller ou de leur manière de parler et surtout soyez gentils avec les autres, d'accord!»
«Je préfèrerais vraiment que vous évitiez d'avoir des comportements dégradants pour vous-même ou pour votre libre arbitre ou pour votre partenaire majeur, consentant et mûr mentalement».
«Je préfèrerais vraiment que vous évitiez d'être sectaire, misogyne et d'avoir les idées haineuses d'un estomac vide».
«Je préfèrerais vraiment que vous évitiez de dépenser des fortunes pour construire des synagogues, des églises, des temples, des mosquées et des sanctuaires pour célébrer ma bonté infinie. Faites votre choix pour employer votre argent plus intelligemment pour :
- mettre fin à la pauvreté,
- guérir les maladies,
- vivre en paix, aimer avec passion et réduire le coût de la télévision câblée».

Vous remarquerez la référence discrète au "Je préférerais ne pas", variations autour du Bartleby d'Herman Melville "I would prefer not to"...

Bon, Roger-Pol Droit rappelle en parlant du livre de François De Smet "Deus Casino" qui traite de ce sujet (cette foi), que le droit est démuni face à cette religion que l'on ne peut réfuter en regard de l'ensemble des autres religions: "Soit la croyance se prend au sérieux, et elle transforme ses rêveries en réalités supposées. Soit elle revendique ses rêveries en réalités supposées, et elle fait apparaître celui des autres."



Fleur de troène confiné - Photo: lfdd

Peut-on en dire autant de ceux qui accusent l'homme (ou l'animal) d'avoir créé la Zoonose
Si l'on suit Philippe Descola «Nous sommes devenus des virus pour la planète», comme il le présente dans la tribune éponyme du Monde du 22 mai 2020 en l'expliquant par: 
1. La dégradation et le rétrécissement sans précédent des milieux peu anthropisés du fait de leur exploitation par l’élevage extensif, l’agriculture industrielle, la colonisation interne et l’extraction de minerais et d’énergies fossiles.
2. La persistance criante des inégalités révélée par la situation de crise, à l’intérieur de chaque pays et entre les pays, qui rend ses conséquences très différentes selon la situation sociale et économique dans laquelle on se trouve.
3. La rapidité de la propagation de la pandémie.

Rappelant en passant les énormes dégâts que l'homme occidental a fait aux habitants du "Nouveau Monde" quand il y a importé "nos" maladies qui ont décimé les populations locales.

Rappelant aussi que cette "conscience" de la "nature" a commencé à se mettre en place à la fin du XVIIème siècle en Europe avec "une vision des choses que j’appelle «naturaliste», fondée sur l’idée que les humains vivent dans un monde séparé de celui des non-humains.
Sous le nom de nature, ce monde séparé pouvait devenir objet d’enquête scientifique, ressource illimitée, réservoir de symboles. Cette révolution mentale est l’une des sources de l’exploitation effrénée de la nature par le capitalisme industriel en même temps que du développement sans précédent des connaissances scientifiques.
Mais elle nous a fait oublier que la chaîne de la vie est formée de maillons interdépendants, dont certains ne sont pas vivants, et que nous ne pouvons pas nous abstraire du monde à notre guise.
Le «nous» n’a donc guère de sens si l’on songe que le microbiote de chacun d’entre «nous» est composé de milliers de milliards d’« eux », ou que le CO² que j’émets aujourd’hui affectera encore le climat dans mille ans. Les virus, les microorganismes, les espèces animales et végétales que nous avons modifiées au fil des millénaires sont nos commensaux dans le banquet parfois tragique de la vie. Il est absurde de penser que l’on pourrait en prendre congé pour vivre dans une bulle.
Et je vous laisse creuser - et réfléchir aux solutions qu'il préconise d'urgence - mais j'ai l'impression que ce que l'on pensait urgent avant (le déconfinement) ne l'est plus après - dans le nouveau "monde d'après"... d'aujourd'hui.


Fleur de troène déconfiné - Photo: lfdd

Nous pouvons toujours lire le billet d'Enrico Letta qui suit celui de Philippe Descola: "L’interdépendance humaine guidera notre transition vers le monde de demain" Et où il nous met également en garde vis-à-vis du "Changement radical" qui nous attend:
"L’interdépendance humaine signifie en effet que nous vivons un changement radical par rapport au monde que nous connaissions jusqu’à hier, qui était dominé par des frontières, des oppositions, des murs. Un monde d’identités contraires, construit autour de distances réelles, amplifiées – souvent de façon démesurée – par des superstructures politiques et économiques qui s’étaient développées au fil du temps.
C’était le monde dans lequel les éléments de notre individualité se dessinaient en opposition à ceux de l’autre et où la différence des modèles économiques garantissait l’incommunicabilité et donc l’imperméabilité."
... "L’interdépendance humaine implique aussi que nos comportements irresponsables font immanquablement du mal aux autres et sont susceptibles, au terme d’une série plus ou moins longue d’interactions, de nous revenir comme un boomerang. L’interdépendance humaine signifie que nous entrons dans un monde qui se pose la question de la gestion politique et économique efficace d’un faisceau d’interconnexions, de liens et d’appels incessants entre les pays et les systèmes."

Pour finir en poésie, je vous offre une voix qui s'est tue, celle de Michel Picolli, qui dit les poèmes d'Aragon dans un film d'Agnès Varda "Elsa la Rose qui fait se rencontrer Aragon, Maïakovski et Ella Yourievna Kagan, la soeur de Lili Brick, l'amoureuse de ce dernier...



Elsa la rose (1966) AGNÈS VARDA

Pour compléter ces poésies, qui de meiux que Jean Ferrat pour chanter les Yeux d'Elsa, en voici deux versions, celle d'oridine (1960) et une version récente (2000)..




Et pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, un hommage à La France:




Et la chanson "Nuit et Brouillard" pour ne pas oublier:




On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare

Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?

L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers

Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent 


Et pour rebalancer dans "avant", je vous remet la "Chanson d'Hélène" du film "Les Choses de la Vie" de Claude Sautet, chantée par Michel Picolli et Romy Schneider:


  
Et pour finir, fermez les yeux et écoutez:





Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche

dimanche 17 mai 2020

Rêver le monde de demain... dans 10 puissance80 années... pour ralentir

Dimanche dernier - en fait non, c'était bien après dimanche, vu que j'étais bien en retard, mais j'ai daté le billet de dimanche et il n'est parti par mail* qu'une semaine plus tard...) - je vous ai dit combien vous me manquiez et que j'en avais un peu assez de vous parler par l'intermédiaire de cet écran.
Bien m'en a pris, j'ai eu plein de signes (des réponses de chaleureuse sympathie) de votre part, surtout via facebook, ce média glaçant! 
Alors, je continue facebook, je deviens "accro"!
Non, je rigole ;-)

Je préfère bien sûr vous voir, vous revoir et avoir de vos nouvelles.
J'avais aussi dit que "J'en ai assez de vous envoyer des tartines et de ne pas savoir si vous les digérez, et ce que vous en pensez." et vous savez quoi? La seule personne qui me répond régulièrement m'a "taclé" parce que je ne réponds pas à ses réponses:
"Moi non plus je ne sais pas ce que tu penses de ce que je t’envoie :-)"
Comme dirait Louis Lumière, non pas "Mehr Licht", mais "L'arroseur arrosé": "Pan sur le bec de la cigogne".
Bien, il va falloir répondre !
Bon, pas tout de suite...
Et pour patienter, je vais me faire moine... pas copte de l'Église antéchalcédonienne et autocéphale, mais copiste!

Après la Fleur du jour: 

Orchidée de semi-confinement - Photo: lfdd


Donc, pour TVA, et pour ne pas me mouiller avec des sujets hautement politiques où l'on va encore me dire que je tire des plans sur les étoiles - vous vous souvenez? la théorie des Cordes, la physique quantique, le chat de Schroedinger?  Le 1er mai? A-t-on idée de traiter de ce sujet à "10 puissance80 années" un jour pareil...
 

Et encore... Laisser la parole à un spécialiste des Robots et de l'Intelligence Artificielle qui nous dit, la semaine dernière, que "La seule valeur qui survivra (...) c'est la confiance. Et que "la fraternité ce n'est pas qu'un truc de gauche, (...) c'est l'énergie de demain."
D'autant plus qu'il s'appelle Benoit (!) et qu'en plus, aujourd'hui dans son billet du jour, il me dit que "l'intelligence artificielle" a "disparu"! 

Bon, là je ne mouille plus (je suis assez arrosé!) et je ne vais que me faire passeur (vous prenez le bac sans vous mouiller) des conseils de quelques écrivains, philosophes, penseurs, linguistes, vétérinaires, acteurs, etc. qui vous proposent de lire un "livre" "Pour rêver le monde de demain" (aïe, je sens que c'est mal parti...).
Bon, vous en faites ce que vous voulez... D'ailleurs si vous voulez polémiquer, vous le pouvez, c'est d'ailleurs pour cela que je vous propose une sélection parmi les 40 livres proposés et que vous pourrez commenter - mais pas sur facebook, par mail**.

Et pour ne pas vous influencer, je commence dans l'ordre de passage en vous citant des extraits des propositions qui m'ont "accrochées".


Orchidée de semi-confinement - Photo: lfdd


1. Jean-Claude MILNER, Linguiste et philosophe:
Les grandes espérances (Great Expectations), de Charles Dickens, 1861

JE FAIS PARTIE DE CEUX À QUI RIEN N’EST ARRIVÉ. Point en moi  pourtant l’étrange sensa­tion qu’un dénouement approche. Entraîné par le souvenir de mes lectures, je songe à ces scan­sions finales où elles s’accomplissaient. Or, je me­sure aussitôt que, la plupart du temps, elles me laissaient insatisfait. On devine d’ailleurs que les auteurs s’y embarrassent. Fins heureuses, où les bons accumulent les récompenses (au prix, bien souvent, de n’avoir rien obtenu de ce qu’ils dési­raient); fins artistement grisâtres de la résigna­tion au rien; clôtures grandioses où le sujet entre dans l’éternité; couperets de la catastrophe nihi­liste – je ne vois qu’artifices. Le roman ou la pièce veulent faire croire qu’avec eux, quelque chose s’achève. Leur dénouement doit accomplir, chez le lecteur, une conversion, aussi profonde que Paul de Tarse la connut sur le chemin de Damas, aussi radicale que Moïse au buisson ardent ou Eve écoutant la voix du tentateur. Mais la conver­sion est aussi un commencement; de cela, les oeuvres dites littéraires ne disent rien qui vaille. Comment le leur reprocher? L’authentique­ment nouveau ne se laisse pas imaginer. Reste qu’elles pourraient au moins ne pas faire sem­blant. Mallarmé, plus loyal, proclamait la grève – entendons la grève des commencements. Il le paya, il est vrai, de l’obscurité et de l’aphasie. Quand la récompense ultime se distingue si peu d’un châtiment, on est en droit d’hésiter. Mieux vaut savoir finir, sans nier l’après coup, mais sans le feindre. Aussi, de toutes les dernières phrases, une seule m’est demeurée chère. On la lit dans Les Grandes Espérances, de Char­les Dickens. Quand tout s’est accompli, quand le héros a compris qu’il s’était toujours trompé, qu’il ne lui restait plus qu’à revenir sur ses pas, il rencontre, au hasard de sa marche, celle que, de­puis l’enfance, il aimait d’un amour impossible. Plutôt qu’une montée orchestrale de la passion, Dickens propose une mélodie de quelques notes: «Les brumes du soir se levaient à cet instant et dans toute la vaste étendue de paisible  lumière qu’elles laissaient paraître à mes yeux, je ne vis pas l’ombre d’une nouvelle séparation.»


Orchidée de semi-confinement - Photo: lfdd

2. Marie DE HENNEZEL,Psychologue - Un Hosanna sans fin,de Jean d’Ormesson.
IL M’AVAIT APPELÉE au moment de la publication de mon livre Croire aux forces de l’esprit (Fayard, 2016), dans lequel je rela­tais mes conversations avec Fran­çois Mitterrand depuis novem­bre 1984. Nous avions échangé à propos de cette phrase du théologien Mau­rice Zundel, que l’ancien président aimait tant: «Quel immense mys­tère que la mort!... Quel immense mystère est la vie! Car nous savons aussi peu de l’une que de l’autre et c’est précisément parce que la vie est inconnue que la mort est pour nous un abîme.»
Comme beaucoup de Français, j’ai été impressionnée par la der­nière phrase que d’Ormesson a écrite avant de mourir: «Et la mort ell­e-même ne peut rien contre moi.» Quelle force dans cette affirmation! Le monde de demain devra pas plonger à nouveau dans les obscurités du déni de la mort, dans l’illusion de la toute ­puissance techno-scientifique, au service des valeurs d’effectivité et de rentabi­lité. Car le déni de la mort se venge en déniant la vie.


Orchidée de semi-confinement - Photo: lfdd


3. Jacques WEBER, Acteur - Architecture, de Pascal Rambert,Les Solitaires intempestifs, 2019
Le virus, comme toutes choses, n’est pas seul: un monde accablé d’injustice, assoiffé, affamé, l’a accueilli. Attaquer le terrain sans cesse, en traquer la beauté pour mieux la protéger, dénoncer la plus ancienne vanité des hommes, n’éradi­queront pas le virus, vieille connaissance de l’humanité, mais nous permettront de vivre avec, comme notre corps sait le faire depuis notre naissance. Le poète, peintre, auteur, musicien, acteur, est le premier toubib du monde, est papa depuis quelques jours et Victor Hugo est mort il y a plus d’un siècle; l’un construit toujours de l’éphé­mère et la vie de demain; l’autre, le patriarche, «le patron», est servi à toutes les sauces. Malgré tout, il résiste car son combat est, sans faillir,  celui de l’homme du peuple, Ruy Blas, Valjean, Claude Gueux, tant et tant, et du poète colérique et émerveillé. Dans Choses vues, Hugo s’attarde près de la margue­rite esseulée sur les ruines d’un  théâtre calciné: «Ce petit soleil aux rayons blancs»... Oui, comme il le dit: «Cette fleur des champs voisine des pavés m’a plongé dans  un abîme de rêverie.» Plus tard, il chante la liberté de l’exil: «Vous pouvez arracher un arbre de ses racines,vous  n’arracherez  pas le jour du ciel.» Voir le monde, c’est s’attarder sur le vol d’une mouche autour des coquelicots sans oublier le combat, les barricades que peuvent dresser les mots. Voilà, avec Choses vues  dans une  poche et Architecture dans l’autre, j’espère mieux et vois plus juste?


Orchidée de semi-confinement - Photo: lfdd


4. Norin CHAI, Vétérinaire et essayiste - Eloge de l’insécurité, d’Alan W. Watts
La recherche effrénée de sécurité et de certitudes spirituelles et/ou in­tellectuelles nous fera nous sentir encore plus en insécurité et nous éloignera de l’essentiel. A cette problématique d’aujourd’hui, une réponse a été donnée il y a soixan­te­ dix ans. Eloge de l’insécurité, d’Alan W. Watts (1915­-1973), répond à cette  moderne humanité an­goissée. Il explore la loi de l’effort inverse. «Quand vous essayez de rester à la surface de l’eau, vous coulez; mais quand vous essayez de couler, vous flottez.» Watts ré­cuse l’objectivité et la tyrannie des concepts anxiogènes. A la place, il parle de l’abandon, en conscience, à l’instant présent, à Soi, à la Vie.


Orchidée de semi-confinement - Photo: lfdd


5. Christine MONTALBETTI, Écrivaine - Je ne reverrai plus le monde, d’Ahmet Altan
JE NE SAIS PAS À QUOI RESSEMBLERA L’« APRÈS », for­cément meurtri  par les deuils, à quel point il sera changé par ce que nous aurons vécu, s’il sera repensé collectivement, si ce sera dans l’écoute ou  dans l’af­frontement, ou s’il est possible que tout ou presque redevienne comme avant, dans une sorte d’amnésie immédiate; mais le livre qui me donne du courage en ce moment, c’est Je ne reverrai plus le monde, d’Ahmet Altan. Il y a, dans ces textes rédigés en  prison, une telle confiance dans le geste d’écrire. Je suis saisie par cette force sans fanfare, inquiète et sûre à la fois, cette puissance incroyable que l’écriture lui donne. Regar­der attentivement pour écrire ensuite, imaginer, avoir de l’humour sont des manières de se transformer en passe­muraille. La liberté est d’abord intérieure, pense­-t­il, et il la ravive et la vit à chaque  mot qu’il pose. Cette nécessité de créer encore, jusque dans les situations les plus anxiogènes, me bouleverse. Le bonheur que l’écriture peut donner, à celui ou à celle qui crée, comme à ceux et à celles qui lisent, qui reçoi­vent – et qui à leur tour se représentent, imaginent.


Orchidée de semi-confinement - Photo: lfdd

Comme chanson, en clin d'oeil private joke, une mésaventure arrivée à un ami me rappelle les riches heures du groupe Au Bonheur des Dames et de leur tube rockeur "Oh les Filles" que je lui dédie en double version, disque et direct TV sanglant (il y a un mort à la fin)







Rockez bien et... 

Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche

*Sachez que si vous ne voulez rater aucun billet (sur fb vous risquez de passer à côté de plein de choses, vu que ce n'est pas vous qui choisissez) il suffit de m'envoyer un mail et je vous informe qu'il y a un nouveau billet qui est paru.
Vous n'êtes bien sûr pas obligé de lire tous les billets ni d'y répondre**.

** Si vous voulez répondre à un billet, vous pouvez le faire sur le blog directement, mais il est préférable de m'envoyer un mail à l'adresse lafleurdudimanche(arobase)gmail(point)com. Une réponse  - éventuelle ;-) vous parviendra, et sinon vous pouvez toujours réclamer - ça marche, la preuve plus haut!

dimanche 10 mai 2020

L'incertitude de notre temps, un autre temps, une seconde vie... "Mes Excuses"

Vous me manquez, je voudrais vous revoir, vous reparler, j'en ai assez de communiquer à travers cet écran. J'en ai assez de vous envoyer des tartines et de ne pas savoir si vous les digérez, et ce que vous en pensez. 
Vous aussi, j'imagine, vous en avez assez, et vous n'avez plus le temps d'aller au fond des choses, vous voulez que ça change...
Allez au fond des choses, se poser, on en avait le temps, qu'en avons-nous fait?

Je vous ai écrit souvent au début (le feuilleton quotidien "Court-19"), je vous ai écrit le 1er mai, je voulais recommencer, vous écrire le 3 mai, je voulais vous écrire le 8 mai, je voulais vous écrire le 10 mai, mais....


Fleurs du confinement - Murier - Photo: lfdd


Toutes mes excuses!

Alors bon. Je suis désolé.

Crois moi ou pas, j'ai réécrit cette lettre des dizaines de fois. Et je crois que j'ai travaillé plus de vingt heures pour rien. J'ai pourtant cherché, écrit des centaines de lignes. Et puis j'ai effacé tout ce que j'avais trouvé pour toi. Parce que ce n'était pas au niveau.

Alors hier soir, un ami m'a dit : mais tu n'es pas obligé d'écrire tous les dimanches, qui t'oblige à le faire ?

J'ai répondu un peu sèchement que j'étais un professionnel. Et que ce n'était pas parce que cette newsletter était gratuite que je pouvais m'en affranchir à chaque fois que je manquais d'inspiration. Bon, c'était un peu sec, mais ça m'a aussi permis de comprendre un truc : l'engagement t'enchaine, mais il t'oblige aussi à sortir le meilleur de toi-même.

Et, au fond, cette newsletter n'est pas gratuite, puisque tu concèdes à lui consacrer un peu de ton temps chaque dimanche. Tu me paies avec ton temps. Je ne peux pas le gâcher.

Toujours est-il qu'il est 23h50, nous sommes samedi soir, et je viens juste d'effacer tout ce que je t'avais préparé depuis deux jours. Et donc je suis un peu dans la merde, vois-tu.



Bon, c'est vrai, ce qui est écrit ci-dessus, ce n'est pas moi qui l'ai écrit.. Je ne vous tutoie pas, c'est un "ami", Benoit, qui élève et entraîne des robots à l'intelligence artificielle (I.A.) et qui, comme moi m'écrit le dimanche, et qui continue ainsi:

Je pourrais m'arrêter là. Mais tu vois, je n'abandonne pas. Quand je fais ce travail de chercher et d'écrire, et puis de supprimer parce que ce n'est pas à ta hauteur, j'ai le sentiment d'éplucher un oignon, tu vois. D'en retirer toutes les parties non digestes, jusqu'à en trouver le miel. Et tandis que le temps passe, tandis que la feuille reste vierge, je me dis qu'il y aura forcément quelque chose derrière ces épluchures. Mais s'il n'y avait rien au bout?

Est-ce que je pourrais me contenter de t'écrire : Bonjour, cette semaine je n'ai rien trouvé d'intéressant à te dire ! Tu peux consacrer ton temps libre à autre chose !

Et pourquoi pas ? Qu'en penses tu ?

Tu vas me dire : oui, bien sûr. Sauf que ce n'est pas si simple. Je t'explique.

D'abord, tu te poses peut-être cette question, comment est-ce que je choisis un sujet ? 



Fleurs du confinement - Murier - Photo: lfdd


C'est vrai, cela ne correspond pas tout à fait à mon billet dominical, Benoît, lui parle de "communication", ses sujets concatènent en décortiquant le process de "comment" les informations nous arrivent sur des sujets divers (Exemple, le chemin de la contagion du Covid-19 et la part de vraies et de fausses informations, Raoult le gourou et "l'hydrochloroquine", l'opposition entre "Prix de la vie et coût de la vie" - j'ai utilisé quelques résultats de ses recherches et de ses informations dans certains billets) mais dans le fond, à mon humble niveau, et toutes proportions gardées, les processus (hors robots, collaborateurs et temps passé) se ressemblent. 
Et la question posée au début: "Que dois-je vous offrir, ce dimanche, et le dois-je vraiment?" se pose.
Et oui, j'ai oublié un texte, mais j'en ai gagné un autre, et je vous en remet un bout (et en fin de billet le lien vers l'original si vous souhaitez creuser et même vous abonner, c'est possible).

Voilà le processus (pour Benoît):

Alors je commence généralement le mercredi. Je prends le temps, plusieurs heures, pour lire tout ce que Flint me ramène. J'utilise plusieurs approches algorithmiques pour ne pas m'enfermer : par exemple Thomas m'a créé un flux d'articles susceptibles, selon l'intelligence artificielle de Flint, d'intéresser les scientifiques. Je lis, je regarde, j'écoute. Jusqu'à trouver un signal, une forme de cohérence, une question qui commence à germer. Après je fais quelques essais, je creuse un sillon, je prends des notes. À la fin, en général le jeudi soir, je choisis le sujet qui est le plus prometteur.

Mais parfois mes recherches ne m'emmènent nulle part. Soit parce que je n'ai pas assez d'éléments pour appuyer mes réflexions, et c'est un échec, soit parce que ma question initiale n'était pas la bonne question.

Je consacre en général mon vendredi à écrire, ce qui me permet de consacrer le samedi à la relecture et aux corrections. Il m'arrive assez souvent de tout ré-écrire. Mais en général je suis prêt à tout envoyer le samedi soir, vers minuit une heure du matin.

Alors tu vois, ce soir, alors que je suis à deux doigts de capituler et de ne rien t'envoyer, parce que ton temps est précieux, et que je n'ai justement rien de précieux entre les mains, j'ai envie de casser la routine.

Nous sommes à la veille du déconfinement en France. J-1.


Fleurs du confinement - Arc de fleurs - Photo: lfdd


Eh, ben oui, nous sommes à la veille du déconfinement, mais je pense, et vous pensez peut-être aussi comme Benoît:

C'était censé être un retour à la vie normale, tu sais. Et je réalise que ça ne sera pas le cas.

Je ne sais pas où tu vis, mais moi je vis à Paris. Demain les bars resteront fermés, comme la plupart des lieux qui font la vie d'une grande ville. Mes rendez-vous de la semaine sont toujours programmés sur Zoom.

Je ne sais pas de quoi sera fait le "monde d'après", même si j'ai bien vu que c'était au coeur de beaucoup de discussions. Mais bon. Je suis autant utopiste que pragmatique.

J'ai compris une chose : il n'y aura pas de jour d'après. Il va y avoir des jours. Ils seront faits d'incertitudes. Et peut-être d'abandons. Faute de lumière.

Comme toi j'aimerais bien appuyer sur la touche "reset". Mais je ne la trouve pas sur le clavier qu'on m'a donné. Comme toi je me dis que si le monde, dans sa presque totalité, dans sa complexité insoluble, a pu s'arrêter durant 50 jours sans imploser, il devrait pouvoir faire plus. C'est quand même la première fois dans notre histoire que nous vivons ce moment. Je veux dire tous ensemble. Le monde s'est arrêté. Et il ne s'est pas effondré. 


Et pour finir ma citation de la lettre de Benoît, je vous mets son point sur les masques et un début de sa conclusion:

Pendant longtemps j'ai pensé que les Japonais portaient des masques parce qu'ils étaient obsédés par les germes et donc un peu bizarres. Et puis en me rendant à Tokyo l'an passé j'ai compris que les personnes qui portaient des masques étaient en fait des gens malades. Et que s'ils portaient un masque, ce n'était pas pour se protéger des autres, mais pour protéger les autres.

Parce que protéger les autres c'est se protéger soi-même.

De la même manière, protéger nos institutions, protéger nos médias, notre justice, notre recherche, mais aussi ceux qui nous nourrissent ou qui maintiennent le système en état de marche, c'est nous protéger nous-mêmes. La seule valeur qui survivra à cette mise à l'arrêt forcée, ce n'est pas la maitrise de la dette, c'est la confiance. Rétablir la confiance, malgré nos inévitables failles, devrait être notre unique priorité. Notre seul indicateur de succès. Peu importe la dette, peu importe le PIB. La santé d'une nation se mesurera demain à la lumière de son indicateur de confiance. Pourquoi ? Parce que sans condiance, pas de liens. Parce sans liens, pas de survie. Parce que sans survie, pas d'avenir.

Alors tu vois que la fraternité ce n'est pas qu'un truc de gauche. C'est l'énergie de demain.




Fleurs du confinement - Sureau - Photo: lfdd


La crise et la seconde vie


Pour continuer, je vous propose un extrait d'une tribune du philosophe François Julien qui, dans le Monde du 17 avril, nous parle de la "crise" et de la vie d'après, et de l'Europe.


"On peut proposer une autre approche de la «crise», notamment à partir d’une autre tradition de langue et de pensée, telle la chinoise. En chinois - c’est devenu aujourd’hui une banalité dans les milieux du management - «crise» se traduit par wei-ji: «danger-opportunité». La crise s’aborde comme un temps de danger à traverser en même temps qu’il peut s’y découvrir une opportunité favorable; et c’est à déceler cet aspect favorable, qui d’abord peut passer inaperçu, qu’il faut s’attacher, de sorte qu’il puisse prospérer. Aussi le danger en vient-il à se renverser dans son contraire. De tragique, le concept se dialectise et devient stratégique.

L’Europe est en retrait, et même au bord de la faillite. Mais, si elle sait traverser la décennie à venir sans tomber en morceaux, elle retrouvera une initiative dans l’histoire, quand ces empires seront usés – mais qui ne soit pas de l’impérialisme. Oui, l’Europe peut entrer dans une « seconde vie ». Le tragique tranchant de la crise nous contraint heureusement aujourd’hui à sortir de la passivité."

Que veut-il dire par seconde vie? 

"La « seconde vie » ? Non pas une nouvelle vie, en effet, dont on ne voit pas de quelle coupure – de quel miracle – elle procéderait, mais une seconde vie qui, découlant de la vie précédente, mais s’en décalant, en décoïncidant par l’épreuve traversée, peut effectivement s’en dégager. Elle gagne en lucidité: la lucidité n’est ni l’intelligence ni la connaissance, mais la capacité de tirer parti du négatif traversé. Elle permet de choisir plus effectivement sa vie: de désinvestir ce qui dans sa vie n’est plus porteur ou est tari; et, par suite, de mieux investir, en revanche, ce qui, passé au crible de la vie, apparaît non plus illusoire, mais ouvrant de la vraie vie. Voilà que, ayant déjà « vécu », je suis en mesure enfin de commencer de comparer et de choisir effectivement, donc d’engager concrètement ma liberté. A l’époque classique, on appelait cela «réformer sa vie». J’aime beaucoup la formule de Rousseau à cet égard: « Je persistai: pour la première fois de ma vie, j’eus du courage...» Car on peut aussi ne pas avoir ce courage, passer à côté de cette possibilité se dégageant discrètement, en cours de vie, continuer de vivre une vie qui s’étiole, rater la possibilité d’une seconde vie."


Une autre idée du "confinement"
Mais ne sommes-nous pas toujours dans un certain confinement? Ne sommes­ nous pas toujours bordés – bornés – par le monde environnant? A quoi répond, je crois, la capacité d’«existence». Car exister, c’est «se tenir hors», dit le latin. En même temps que je demeure dans le monde, limité par lui, confiné en lui, je peux me tenir hors de lui, déborder de sa clôture. Et d’abord se tenir hors de soi dans l’Autre. Le regard en face­ à ­face fait signe vers cette ouverture. En quoi exister est éthique. Il est ce qui fait l’humain, bien avant toute morale: le propre de l’humain, ce qui l’a promu en humain, est qu’il a pu décoïncider des conditions imparties et s’aventurer hors des limites de son confinement. Ce pourquoi «seul l’homme existe ».


Fleurs du confinement - Plumeau - Photo: lfdd


Le temps de l'incertitude


Andrew Ridker est un écrivain américain. Son premier roman Les Altruistes a été remarqué dans le monde entier, et il va intervenir aux Assises Internationales du Roman 2020 à Lyon organisées du 11 au 17 mai par la Villa Gillet, en partenariat avec Le Monde et France Culture. Le thème en est "Le temps de l'incertitude".
Il va intervenir lors d'une table ronde avec 5 autres écrivains le 17 mai lors d'une table ronde: Lettres de mon pays.
Voici un extrait de sa réflexion: 

Nous nous répétons qu’en Amérique n’importe qui peut « réussir », qu’il suffit de s’en donner la peine, tout en fermant les yeux sur l’extrême consolidation des privilèges et de l’inégalité des chances qui s’est opérée ces dernières décennies (à commencer par le durcissement des conditions d’entrée sur le territoire). Ces histoires ont-elles été vraies un jour, ne serait-ce que pour une certaine catégorie d’individus?
On peut en discuter, mais il est désormais clair pour la grande majorité des Américains ordinaires que leur pays a déçu les espoirs et les attentes qu’il avait fait naître en eux. Et s’il y a deux choses auxquelles sont enclins les Américains, ce sont l’espoir et l’attente.
En tant qu’écrivain, je m’intéresse aux histoires que les gens – et les pays – se racontent sur eux-mêmes, et à la manière dont ils réagissent quand elles ne se terminent pas comme ils l’escomptaient.
J’ai commencé à écrire mon roman Les Altruistes en 2015, moins d’un an après avoir terminé mes études. (...) Durant les mois qui ont suivi l’obtention de mon diplôme, il m’a semblé observer chez mes amis deux grandes tendances d’orientation: les uns partaient gagner des salaires faramineux dans la finance en tant que banquier ou consultant, quand les autres se mettaient au service d’associations caritatives comme Teach for America ou City Year (associations venant en aide aux élèves des écoles publiques situées dans des zones urbaines défavorisées) (...). Si mes amis financiers rougissaient de gagner autant d’argent à une époque d’inégalités historiques (...), mes amis de Teach for America se sentaient eux aussi coupables: ils étaient mal formés,  les écoles où ils enseignaient manquaient de moyens et, au fond d’eux, ils redoutaient que leur inexpérience ne les conduise à faire plus de mal que de bien. Argent et prestige d’un côté, bienfaisance de l’autre, à chaque camp son attrait et ses problèmes distincts: je tenais le point de départ de mon roman.



Fleurs du confinement - Coquelicot - Photo: lfdd

Comme vidéo du jour, plutôt qu'une chanson, je vais commencer par la vidéo de Vincent Lindon, son appel, vu presque 5 millions de fois et que m'a recommandé Benoît en me disant:


Tu as sans doute vu cette vidéo de Vincent Lindon. Elle a été visionnée 4 millions de fois. Elle t'a peut-être touché, ou alors énervé. Tu as peut-être été d'accord avec son constat, qui ne le serait pas ? Mais alors moins convaincu par les solutions qu'il propose ?

Ce que je retiens de son message, au final assez humble, c'est son obsession à rétablir la confiance envers nos dirigeants politiques. Avant toute chose. Avant même la santé. Avant même le climat. Et si c'était la clé ? Tu en penses quoi ?

Et vous? Faites-vous en votre propre opinion, en tout cas, il prend un peu de recul et pose le doigt là où cela fait mal...
A vous d'en tirer les conclusions et les conséquences...






Allez, je vous mets quand même un peu de musique... 
Un hommage à Kraftwerk dont le membre fondateur en 1970 avec Ralf Hütte, Florian Schneider-Esleben est décédé la semaine dernière.
Trois de leurs morceaux, Autobahn du disque éponyme de 1974, Kling-Klang de leur deuxième disque Kraftwerk 2 (1972), Tanzmusik de leur troisième disque "Ralf & Florian" (1973), avec une version TV, leur premier passage à la télévision allemande (rétro garanti!)















Et pour finir, un peu d'adrénaline... Nous parlions d'information, le média en ligne Rue89 Strasbourg est au plus près de l'information, de l'actualité et réalise des enquêtes originales et poussées, quelquefois des scoops intéressants ou qui dérangent. Cette fois ci, un angle d'approche très original sur un métier impacté par la crise du coronavirus, celui d'un habitant de Cronenbourg, sous le titre "Alain Lobet: trente années qu’il plonge du huitième étage", je vous laisse lire l'article qui commence ainsi:
"Il a parcouru le monde, de parcs d’attractions en falaises, se produisant dans des paysages de rêve et sous les yeux de centaines de spectateurs. À bientôt 52 ans, Alain Lobet, le titi de Cronenbourg, a déjà derrière lui trois décennies de plongeon de haut vol. Comme chaque année, il passe la morte saison à Strasbourg."

Et qui finit ainsi  /!\ Attention Danger /!\:






Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche