samedi 26 mai 2018

Matrix: une musique plus large que l'écran avec l'OPS au Zénith

Pour les 10 ans du Zenith à Strasbourg, toute une série de manifestations ponctuent l'année. Il reste en particulier à venir, 200 Motels de Franck Zappa (Z comme Zenith) dans le cadre de Musica 2018* le 21 septembre et le Cirque du Soleil en décembre.
Un évènement aura été la projection en version XXL de "THE MATRIX" que l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg aura offert avec une musique plus large que l'écran.


Matrix - OPS - Don Davis - Zenith Strasbourg - Photo: lfdd


Le film des Wachowski Brothers (Andy et Larry, devenues les "Sisters" Lana et Lili) a récolté lors de sa sortie en 1999 quatre Oscar et de nombreuses autres récompenses et était le premier d'une trilogie à succès raconte la révolte dans un monde futur des hommes révoltés contre la "Matrice" une réalité virtuelle où le monde est imaginé. Cela donne à la fois un suspense très bien maîtrisé, des scènes d'anticipation  magnifiques et très prenantes (par exemple le "clonage" du héros Thomas Anderson, dit "Néo", magnifiquement interprété par Keanu Reeves et de magnifiques trucages. Même si certains datent un peu (bien que des versions inspirées par les caractères verts sur l'écran de l'ordinateur on eu leurs honneurs dans la dernière exposition sur les Univers artistiques virtuels au Grand Palais à Paris dans une version actualisée), une des plus célèbres, le "Bullet Time" bien repris depuis est pour ce film l'occasion d'un clin d'oeil humoristique que vous ne pourrez pas ratez vers la fin du film. Sinon, les deux heures vingt du film se déroulent dans un rythme très soutenu, entrecoupés par des séquences plus "psychologiques" eh oui, il y en a ou philosophique, ou même de l'amour - je ne vous révèlerai pas ce que l'amour peut faire!...


Matrix - OPS - Don Davis - Zenith Strasbourg - Photo: lfdd


En ce qui concerne l'athmosphère et l'ambiance du film, la musique, surtout dans cette version symphonique contribuent grandement à installer une atmosphère qui enrobe, immerge le spectateur dans le film. Et l'Orchestre Philhamonique de Strasbourg s'est vu dirigé par le compositeur de la bande son originale du film, Don Davis, qui aurait pu le faire les yeux fermés ou presque. En fait il avait un super tableau de bord devant lui qui, en plus de la partition lui annonçait les changements. Mais pour le public c'était complètement transparent, au point que quelquefois, on était tellement "dans" la musique que l'on était dans l'univers dystopique du film et qu'il fallait s'en arracher pour ne pas être avalé dans le futur. L'Orchestre Philharmonique de Strasbourg, avec quelques renforts musicaux et un chanteur nous ont en tout cas enchantés et servis une partition impeccable et magnifiquement interprétée.


Matrix - OPS - Don Davis - Zenith Strasbourg - Photo: lfdd


Il faut préciser que la bande son du film a été "préparée" et que n'ont été gardés que les dialogues, les bruitages et quelques musiques non symphoniques (dont une musique techno pour quelques scènes de combat) et que les musiciens de l'orchestre, contrairement à des pianistes accompagnateurs de films muets ne regardaient pas le film mais avaient les yeux sur leur partition - une épreuve si l'on sait comment l'oeil est attiré par toutes les images qui bougent sur un écran. 


Matrix - OPS - Don Davis - Zenith Strasbourg - Photo: lfdd


Mais la partition est effectivement une partition d'un grand compositeur, qui connait ses classiques - et ses contemporains - Krzystof Penderecki, Steve Reich, Philipp Glass, John Adams - ainsi que le compositeur de films, John Williams. 
Et l'univers sonore multiprimé aux Oscar concourt grandement à la qualité de ce film Matrix, dont nous avons pu particulièrement apprécier la qualité et la force.


Matrix - OPS - Don Davis - Zenith Strasbourg - Photo: lfdd 


Voici quelques images de la répétition filmées par Szenik, le média numérique culturel transfrontalier du Grand Est, comme si vous y étiez :



La Fleur Du Dimanche

* La présentation du programme de MUSICA 2018 aura lieu le 22 juin 2018 à 12h00 à la Cité de la Musique et de la Danse à Strasbourg  

jeudi 24 mai 2018

Je crois en un seul dieu au TNS: Impressionnant voyage au coeur des âmes

Le spectacle "Je crois en un seul dieu" actuellement au TNS à Strasbourg, joué par Rachida Brakni et mis en scène par Arnaud Meunier est une pièce publiée sous le titre O-dieux par les éditions l'Arche en français. Le spectacle reprend l'idée du titre italien "Credoinunsolodio" et nous annonce en partie et métaphoriquement ce à quoi nous allons assister. En l'occurrence trois personnages, femmes dont la foi diverge et qui en ont une appréhension différente. Mais tout l'intérêt de ce spectacle - la performance si l'on peut dire - vient du fait que ces trois personnages sont joués - incarnés à merveille - par une seule comédienne: Rachida Brakni.
Elle nous rend présentes, dans une corporéité époustouflante ces trois femmes: la jeune étudiante palestinienne Shirin Akhras qui se portant volontaire comme kamikaze, l’Israélienne Eden Golan humaniste et progressiste et Mina Wilkinson, une militaire américaine de 40 ans en mission sur le territoire israélo-palestinien.


Je crois en un seul Dieu - Stefano Massini - Arnaud Meunier - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet


Sans artifice de mise en scène (les indications d'origine de mise en scène qui consistaient en des changements d'éclairage pour les 3 personnages ont été abandonnés), juste une variation d'attitude, d'expression et de couleur de la voix nous rendent étrangement présentes les pensées de chacune des protagonistes.
Et c'est aussi l'objectif premier de la pièce: nous emmener dans ces trois processus de pensée et l'évolutions de ces trois personnages, à savoir un engament progressif dans une démarche d'immersion militante débouchant sur des actes terroristes pour Shirin Akhras, une évolution vers le doute et la méfiance suite à la peur pour une femme engagée et progressiste et, pour l'Américaine, un regard plus "occidental" et presque primaire pourtant non dénuée de bon sens.
La pièce nous amène au plus près dans les errements et les navigations de l'âme de chacune des protagoniste en nous les rendant proches et "lisibles". Comme le dit Rachida Brakni dans le programme, en ce qui concerne la "terroriste": 
"La phrase de Manuel Valls à propos du terrorisme: « Expliquer, c’est déjà vouloir excuser », m’avait profondément choquée. Je ne suis pas d’accord. Il ne s’agit pas d’excuser mais de chercher à comprendre les mécanismes de pensée et se servir de cette connaissance pour justement faire en sorte qu’on puisse réfléchir, appréhender la source du problème. Que l’on ait des outils pour tenter de comprendre le processus d’aliénation mentale de ces personnes dont on préfère dire qu’elles «ne font plus partie des humains ». 
Je pense que c’est aussi le rôle du théâtre, de l’art : aller fouiller dans tout ce qu’il y a d’à priori incompréhensible − voire monstrueux − dans la nature humaine."

Je crois en un seul Dieu - Stefano Massini - Arnaud Meunier - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet


Et pour l'enseignante: "Je m’interroge de la même façon: si je m’étais retrouvée dans la situation d’Eden Golan? Je déteste évidemment ses propos, mais je les trouve aussi profondément humains, parce qu’ils sont générés par la peur. De la peur naissent des discours ou des prises de positions, des actes, qui peuvent être
terribles. C’est peut-être le pire des sentiments, dans ce qu’il peut engendrer − de manière plus ou moins consciente, d’ailleurs.
La voir lutter contre elle-même et essayer de se raccrocher à ce en quoi elle a toujours cru me touche profondément. Ce combat est beau et désespérant."


Je crois en un seul Dieu - Stefano Massini - Arnaud Meunier - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet


La pièce, construite comme un polar nous fait donc participer à l'évolution sur un an de ces trois personnages que le destin va amener à se croiser. Et la mise en scène au couteau d'Arnaud Meunier nous tient en haleine et grâce au jeu d'une grande épure. Comme le fait remarquer Rachida Brakni, le travail sur le corps et le mouvement "une économie de mouvements et une économie de gestes" avec le chorégraphe Loïc Thouzet.
Elle complète:
"Ce qui m’a plu dans cette aventure, c’est que tout allait dans le même sens. Que ce soit au niveau de la scénographie, du corps, de la prise de parole, il s’agissait de nous débarrasser de toutes les strates qui pouvaient nous encombrer ou qui étaient anecdotiques, pour arriver à quelque chose de très simple. J’aime retrouver, chaque soir, cette sensation de dépouillement.
Il faut noter également le travail de scénographie et de lumière de Nicolas Marie qui révèle des ambiances comme des tableaux de Rothko et contribuent à capter l'attention. 
Il y a d'ailleurs un moment assez impressionnant ou le personnage, par un magnifique effet d'optique, la rémanence du corps dans la nuit, se transforme en fantôme vivant ...


Je crois en un seul Dieu - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet


Et ces fantômes prennent possession de nous par la magie de l'interprétation pour nous faire prendre conscience de ce que nous ne sommes pas, comme le dit Arnaud Meunier: 
"C’est l’idée géniale de cette pièce que d’avoir imaginé que les trois femmes pourraient être interprétées par une seule comédienne. Comme si ces trois femmes n’en faisaient qu’une, comme si elles représentaient nos contradictions très humaines justement.
La pièce ne renvoie absolument pas dos à dos Israéliens et Palestiniens. Ce n’est pas le sujet d’une certaine manière. Elle donne à voir un «monde sans procès» (l’expression est de Roland Barthes) pour mieux nous plonger dans l’intime, dans le profond.
Rachida est l’interprète idéale : sensible, engagée, juste dans son incarnation; elle nous donne à voir et à entendre ces trois points de vue qui s’entrelacent sans cesse avec une finesse puissante et rare."


Je crois en un seul Dieu - Rachida Brakni - Photo: Sonia Barcet


Et l'on peut conclure avec la remarque de Rachida Brakni:
"Je n’aime pas le théâtre didactique, l’idée qu’on puisse imposer aux gens un point de vue. Pour moi, le texte est à l’inverse de ça: il fait cohabiter les contraires. Et peut-être qu’en cela il ouvre des portes... Il me semble que la pièce est une invitation à être, simplement, dans l’optique de se dire : «J’essaie de comprendre − et de me mettre dans la peau de quelqu’un, ne serait-ce que quelques instants.» Ce n’est pas excuser, ce n’est pas pardonner mais juste essayer de prendre un peu de hauteur.

Prendre de la hauteur pour rentrer dans les âmes et prendre avec...
Et nous prenons sans hésiter!


La Fleur du Dimanche

Je crois en un seul dieu

TNS Strasbourg - du 24 mai au 3 juin 2018 
Texte Stefano Massini
Mise en scène Arnaud Meunier
Avec Rachida Brakni

Traduction Olivier Favier et Federica Martucci
Assistanat à la mise en scène et à la dramaturgie Parelle Gervasoni
Scénographie et lumière Nicolas Marie
Collaboration artistique Elsa Imbert
Costumes Anne Autran
Musique Patrick De Oliveira
Regard chorégraphique Loîc Touzé 

Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers de La Comédie de Saint-Étienne
Le texte est publié chez L'Arche éditeur sous le titre O-dieux
Stefano Massini est représenté par L’Arche, agence théâtrale www.arche-editeur.com

Production La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national
Avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, Centre international de la traduction théâtrale
Création le le 10 janvier 2017 à La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national

lundi 21 mai 2018

Les sept péchés capitaux... à l'Opéra National du Rhin: Cabaret Lunaire

La soirée spectacle sous le titre "Les sept péchés capitaux" à l'Opéra National du Rhin à Strasbourg se présente sous le triple fil conducteur du cinématographe, du voyage et du collage.


Les sept péchés capitaux" - Opéra National du Rhin

Pour commencer, un grand écran noir et blanc tendu sur la largeur de la scène laisse passer des têtes, des bras, des pieds et des panneaux. L'on chante et l'on annonce la fin de spectacle.
Effectivement le spectacle s'achève de même et les revendications ne sont pas révolutionnaires, mais surréalistes. Un clin d'oeil à Méliès et à la Lune sont le bout du voyage, si l'on estime que Mahagony ville qui n'existe pas est dans nos têtes.


Les sept péchés capitaux" - Opéra National du Rhin

Et le voyage se fait de la terre à la Lune, avec Pierrot bien sûr, enchâssé dans le cabaret de Kurt Weil: un Cabaret Lunaire à lui tout seul, moment de virtuosité orchestrale qui fit révolution en son temps, déjà en 1912 à Berlin. Schoenberg nous offre ainsi trois fois 7 poèmes d'Albert Giraud chantés (récités) par Lenneke Ruiten et Lauren Michelle et dansés en mimodrame par Wendy Tradous et les quatre comédiens-chanteurs Roger Honneywell, Stefan Sbonnik, Antoine Foulon et Patrick Blackwell. Le poème est également en dialogue avec l'orchestre de chambre qui sur scène s'est rapproché - au point que la flute entre en dialogue avec les voix. Et de Bergame à la Lune, les mélodies varient et s'envolent entre légèreté et gravité, jusqu'au désespoir.

Le voyage de Maghagony reboucle avec ce Pierrot pris en sandwich et la Lune de Mahagony (Moon of Alabama) amène le blues de Bénarès aux Indes, après que les rythmes jazzy et entrainants nous aient fait passer du whisky bar (Oh show me the way to the next whisky bar) et les chemin d'Alabama dans une belle énergie.


Les sept péchés capitaux" - Opéra National du Rhin

Les voyages continuent à travers sept villes des Etats-Unis pour les Sept péchés capitaux qui voient Anna en double quitter sa famille du Mississipi pour gagner un peu d'argent en se frottant à une morale renversée, après que le père l'ai culbutée sur la télévision qui remplace la table de la cuisine.


Les sept péchés capitaux" - Opéra National du Rhin

Mais ce voyage dans l'Amérique du début du siècle est plus un combat de boxe pour la survie dans ce monde hostile et le retour prévu comme idyllique sera encore plus sanglant et amoral. La voiture qui nous emmenait sur les chemins nocturnes s'efface et la petite maison de rêve de Louisiane se dresse dans le décor.
La morale n'est pas sauve et l'avenir est à craindre - surtout dans les années 30.
Mais restons vigilants avec Brecht, Weill, Schoenberg Albert Giraud.

Et le spectacle doit continuer...




A voir d'ailleurs jusqu'au 15 juin à Mulhouse, jusqu'au 28 mai à Strasbourg et le 5 juin à Colmar.

La Fleur du Dimanche


Les sept péchés capitaux - Opéra National du Rhin

Direction musicale Roland Kluttig 
Mise en scène (Mahagonny - Ein Songspiel et Les Sept Péchés capitaux) David Pountney 
Mise en scène (Pierrot Lunaire) David Pountney en collaboration avec Amir Hosseinpour 
Chorégraphie (Mahagonny - Ein Songspiel) Amir Hosseinpour 
Chorégraphie (Les Sept Péchés capitaux) Beate Vollack
Décors et costumes Marie-Jeanne Lecca 
Lumières Fabrice Kebour

MAHAGONNY - EIN SONGSPIEL - Kurt Weill
Livret de Bertolt Brecht
Créé à Baden-Baden le 17 juillet 1927
Charlie Roger Honeywell 
Billy Stefan Sbonnik    
Bobby Antoine Foulon
Jimmy Patrick Blackwell 
Jessie Lenneke Ruiten
Bessie Lauren Michelle


PIERROT LUNAIRE - Arnold Schönberg
Trois fois sept poèmes d’après Albert Giraud, 
pour voix et cinq instrumentistes 
Créé le 16 octobre 1912 à Berlin
Soprano Lenneke Ruiten / Lauren Michelle


LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX - Kurt Weill
Ballet chanté en un prologue et sept tableaux, 
sur un livret de Bertolt Brecht
Créé en 1933 à Paris
Anna Lenneke Ruiten / Lauren Michelle 
Père Roger Honeywell 
Frère Stefan Sbonnik
Frère Antoine Foulon
Mère Patrick Blackwell


Orchestre symphonique de Mulhouse

dimanche 13 mai 2018

Ce dimanche, je n'écrirai rien, car pour écrire un seul vers.... je repense à Rilke: "Um eines Verses willen muss man"

Ce dimanche, je n'écrirai rien, car pour écrire un seul vers.... je repense à Rainer Maria Rilke...
Mais je vous offre des fleurs... en pensées
Et je vous sollicite pour trouver le nom de celle envoyée par Claudine B....
Je vous offre le texte de Rilke dans "Les cahiers de Malte Laurids Brigge"
Je vous offre la voix de Laurent Terzieff qui lit ce texte...
Je vous offre une chanson d'Arthur H. : La Boxeuse Amoureuse - et le clip avec Roschdy Zem et Marie-Agnès Gillot...

Et je vous souhaite un bon dimanche...

La Fleur du Dimanche


Fleurs en pensées - Photo: lfdd



Fleurs à deviner - Photo: Claudine B.


Rainer Maria Rilke – Pour écrire un seul vers (1910)

Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.

*

Um eines Verses willen muß man viele Städte sehen, Menschen und Dinge, man muß die Tiere kennen, man muß fühlen, wie die Vogel fliegen, und die Gebärde wissen, mit welcher die kleinen Blumen sich auftun am Morgen. Man muß zurückdenken können an Wege in unbekannten Gegenden, an unerwartete Begegnungen und an Abschiede, die man lange kommen sah, – an Kindheitstage, die noch unaufgeklärt sind, an die Eltern, die man kränken mußte, wenn sie einem eine Freude brachten und man begriff sie nicht (es war eine Freude für einen anderen –), an Kinderkrankheiten, die so seltsam anheben mit so vielen tiefen und schweren Verwandlungen, an Tage in stillen, verhaltenen Stuben und an Morgen am Meer, an das Meer überhaupt, an Meere, an Reisenächte, die hoch dahinrauschten und mit allen Sternen flogen, – und es ist noch nicht genug, wenn man an alles das denken darf. Man muß Erinnerungen haben an viele Liebesnächte, von denen keine der andern glich, an Schreie von Kreißenden und an leichte, weiße, schlafende Wöchnerinnen, die sich schließen. Aber auch bei Sterbenden muß man gewesen sein, muß bei Toten gesessen haben in der Stube mit dem offenen Fenster und den stoßweisen Geräuschen. Und es genügt auch noch nicht, daß man Erinnerungen hat. Man muß sie vergessen können, wenn es viele sind, und man muß die große Geduld haben, zu warten, daß sie wiederkommen. Denn die Erinnerungen selbst sind es noch nicht. Erst wenn sie Blut werden in uns, Blick und Gebärde, namenlos und nicht mehr zu unterscheiden von uns selbst, erst dann kann es geschehen, daß in einer, sehr seltenen. Stunde das erste Wort eines Verses aufsteht in ihrer Mitte, und aus ihnen ausgeht.


***





jeudi 10 mai 2018

Le chien de l'orchidée ou la joie de l'ascension aux fleurs

En ce 10 mai, je vous propose une ascension vers les orchidées de Haute-Loire.
Après les muscaris à toupet (ou muscari chevelu - merci à Béatrice, Eva et Dominique qui m'ont soufflé le nom de cette fleur que j'ai d'abord prise pour une orchidée au vu de ses feuilles..) que je vous ai offertes mardi 8 mai,  en montant un petit peu sur le chemin vers les sucs des bords de Loire, un grand champ rempli d'orchidées se présente, caché au départ par le trèfle incarnat:



Champ de trèfle incarnat - Photo: lfdd

Mais une autre surprise nous attend.. inquiétante d'abord, mais qui sera source de don...

Un jeune et grand chien noir s'avance sur nous en aboyant... Le maître loin derrière ne peut le retenir. Après que je l'ai un peu calmé par la voix, il se rapproche de nous pour nous renifler et tourner autour de nous. Cela laisse le temps au maître de venir jusqu'à nous et de nous exprimer sa surprise devant l'attitude de son chien qui commence à nous apprécier. 


Orchidée - Photo: lfdd


D'après lui cela ne lui était jamais arrivé, n'ayant pas eu de commerce avec les humains - même le maître avait jugé inutile de lui parler, pensant que le chien qu'il avait précédemment serait une compagnie "sociabilisante" suffisante pour le jeune chiot... 
On voit ce que cela a donné...


Orchidée - Photo: lfdd


Mais après avoir engagé la conversation avec nous, il fait demi-tour et remontant le chemin il nous offre des fleurs de lilas. Et de fil en aiguille, il nous fait découvrir son jardin, allant jusqu'à nous offrir deux pousses de houx et deux petits ifs.
On peut être très sympathique et généreux avec les humains et ne pas parler à son chien...


Orchidée - Photo: lfdd


En guise de TVA, je vous offre un extrait du livre de Philippe Lutz qui avait accompagné mes vacances de l'été dernier: "L'amour de la Marche" et dont la fin m'a beaucoup ému.

"Les cairns ont toujours quelque chose d’émouvant lorsqu’on les rencontre en cours de chemin. Leur anthropomorphisme – en allemand on les nomme « Steinmann » « Bonhomme de pierre » – les rapproche de nous, comme s’ils étaient des compagnons ou des anges gardiens destinés à nous guider sur le bon chemin. Leur fragilité – il suffit d’un coup de pied pour les faire s’écrouler – les rend encore plus précieux, et c’est à chaque fois comme un miracle d’en croiser un. Miracle qu’un marcheur avant vous ait eu la patience de construire le petit bonhomme de pierre, qu’il ait en quelque sorte pensé à vous, à votre futur passage des jours, des semaines ou des mois plus tard. Miracle aussi qu’aucun marcheur ne l’ait détruit. Cette solidarité des hommes à travers les temps est peut-être une des dernières raisons que l’on peut trouver de garder foi en l’espèce humaine…

Aussi, lorsque le terrain est peu fréquenté, mal ou pas balisé, je ne manque jamais d’apporter ma pierre à son signalement, comme pour continuer à travers les âges la chaîne de solidarité entre marcheurs."


Il y a des gens qui disent que "Le hasard n'existe pas" et j'ai vu cette phrase pas plus tard que cette semaine en remarque sur une de mes publications sur fb. 
Que penser donc de la découverte de la page de cet été que j'avais offerte à Philippe Lutz le 30 juillet 2017 et où je retrouve ses "urginées à Naxos" qui ressemblent curieusement aux "muscaris" d'avant-hier....


Pour finir en chanson, Henri Salvador qui préfère la marche à pied:





Et comme il pleut comme chien qui pisse, Rain Dog de Tom Waits:




Bonne journée

La Fleur du Dimanche

mardi 8 mai 2018

Les fleurs ont du toupet, les chanteuses aussi, et de la douceur

Pour le 8 mai, je vous offre des fleurs sauvages et belles - à toupet - à vous d'en trouver le nom :


Fleurs à toupet - Photo: lfdd


Fleurs à toupet - Photo: lfdd


Et un TVA plein de "Douceur" tout en pensée avec Anne Dufourmantelle - extrait de "Puissance de la douceur":




Et pour les chansons, une de Yael Nain: Go to the River" que j'avais voulu vous offrir en février 2016 (mais elle avait disparu dans l'hyper espace - voir le billet du 14 février 2016) :






Et quelques autres à découvrir, dont

L  avec "Jalouse":





Zaza Fournier avec "Les mots Toc":




Tu me dis "Je t'aime"
Je te dis "Toi même"
Je n'suis pas de celles-la
Qui disent des mots tendres
Qui se laissent prendre
Par un mâle de surcroît
Tu me dis "Je t'aime"
Je te dis "La ferme"
On ne m'aura pas comme ça
Aux grands sentiments, j'préfère un amant
Un de ceux qui n'parlent pas
J'aime pas les caresses, et les mots qui blessent
Je les donne à qui mieux mieux
Je suis pas une tendre, j'préfère les esclandres
Aux chichis des amoureux
Tu me dis "J'ai mal"
Je te dis "Normal"
La vie c'est pas qu'du bonheur
On fait comme tu veux, les yeux dans les yeux
Mais tu n'auras pas mon coeur
Je suis pas méchante, juste un peu méfiante
Les poilus je connais ça
Toi et ton sourire, je vous vois venir
Je ne mange pas de ce pain là
J'aime pas les poèmes, les lettres qui traînent
Je suis pas une littéraire
Les glaces à deux boules, les mélos qui coulent
Tout cet amour m'exaspère
Je suis pas morose, j'vois la vie en rose
J'suis pas du tout déprimée
J'veux pas qu'on m'chuchote, des mots bleus en toc
A l'oreille toute la journée
Je suis pas morose, j'vois la vie en rose
Et je pleure toute la journée
Je veux qu'on m'chuchote, des mots bleus en toc
Ou je sens que j'vais craquer
Je veux qu'on m'chuchote, des mots bleus en toc
Ou je sens que j'vais craquer
Je veux qu'on m'bécote, je veux qu'on m'tripote

J'veux d'l'amour à en crever"


Et avec "La vie à deux"

 



Et Cléa Vincent avec "Retiens mon désir"





Bon 8 mai

La Fleur du Dimanche