samedi 24 octobre 2020

La Banane de Magalie Ehlinger à INACT: Elle est intacte et pleine d'énergie, mais vas-y moly

 Non, ce n'est pas Maurizio Cattelan qui a inventé la "Banane". Longtemps avant lui (déjà en 2017), Magali Ehlinger en a fait un fruit mythique. Le fruit de Circé qui l'empêcherait de pleurer son ile d'Aiaía - αἰάζειν (pleurer) en voyant Ulysse s'en aller? Un peu comme le Moly qui permet à Ulysse de ne pas subir le charme et l'envoûtement de la déesse?

Mais foin d'Antiquité et de mythes, Magalie Ehlinger dans la performance qu'elle réactive dans le cadre du Festival INACT (23 et  24 octobre et 13 et 14 novembre) se projette totalement dans le XXIe siècle avec les réseaux sociaux, les parcs de loisir et Pôle Emploi qui veille au bonheur des amis des arts.

Festival INACT - La Banane - Magalie Ehlinger - Photo: lfdd


Elle démarre cette performance "La Banane et le complot des gens qui pleurent ‍" - collant noir, tutu jaune et bustier idem, même un noeud jaune banane dans les cheveux - comme un facebook live dans lequel sans prononcer un mot, elle maintient le suspense des spectateurs en effeuillant son scénario qui marie prosaïsme - "je m'appelle Denise" - tout en tenant en haleine le spectateur dans ce "tourne-page" haletant - "J'ai un lourd secret". Elle joue sur l'humour et la distanciation tout en égratignant avec autodérision le procédé des vidéos de témoignages, gouffres de  vacuité et de "néant" et énormes ogres temporels qui noient le poisson dans l'eau des pleurs.

Festival INACT - La Banane - Magalie Ehlinger - Photo: lfdd


Même pour les bananes, il y en a des tonnes, de vidéos, à toutes les sauces et sous toutes les formes, pour la forme ou pour le visage, en dessert ou en cataplasme. Mais Magalie la préfère pure, originale - appellation contrôlée - plutôt que frelatée et déguisée. Car, comme elle se révolte contre le "complot des gens qui pleurent" en appelant la salle au soulèvement, elle va se révolter contre la dissimulation "artistique" d'un travail "alimentaire" - "il faut bien manger" - donc: "distribuez des bonbons jaune haribo" à l'entrée d'un Parc de Loisir (c'est un peu "de l'Art", non?) déguisée en banane. Et cela en deux temps, un premier où elle rejoint ses amis les loups et les lions dans leur enclos (on retrouve le mythe) après s'être rendue compte de l'ineptie de son rôle et de la violence (pour ne pas dire la bêtise) de ses semblables, puis ne se vengeant symboliquement de son conseiller emploi, en lui plantant un coupe-papier dans la main pour l'empêcher de s'envoler vers un ciel de vacuité et en lui offrant en définitive sa "banane".

Festival INACT - La Banane - Magalie Ehlinger - Photo: lfdd


Car elle a de la banane à revendre, de l'énergie qu'elle déploie pendant toute cette performance, autant physiquement, en changeant de rythme, en sautant de droite à gauche, en jouant ces différentes situations avec entrain et en "embarquant" le public comme les marins d'Ulysse en leur temps comme un seul homme avec elle. Sans oublier bien sûr sa capacité à inventer et faire tenir ensemble ce récit à la fois critique et humoristique. Belle performance et belle énergie, contagieuse...


La Fleur du Dimanche

mardi 20 octobre 2020

Samson et Dalila à l'ONR: Glissement progressif vers l'ambiguïté

 L'opéra Samson et Dalila a construit une vieille histoire avec Strasbourg. Créé en Allemagne (un peu grâce à Frantz Liszt) en 1877, elle est jouée dans la Strasbourg allemande en 1900 puis, en 1918, avec, comme spectateur, Camille Saint-Saëns qui a 80 ans. Elle est rejouée de nombreuses fois et encore à l'occasion des 30 ans de l'Opéra National du Rhin en 2003. Aujourd'hui c'est une mise en scène très contemporaine de Marie-Eve Signeyrolle, qui avait mis en scène le Don Giovanni original (avec du public sur scène) l'année dernière qui le remet au goût du jour.


Samson et Dalila - ONR - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Klara Beck


Marie-Eve Signeyrolle est à la fois réalisatrice de cinéma, metteuse en scène et autrice d'une pièce musicale, "Soupe Pop" avec les Tiger Lillies. Et nous ne devrions pas être surpris du dispositif de cette représentation.

Quand le rideau s'ouvre, dans un long couloir qui représente une rue, des manifestants arrivent pour, dans un ralenti cinématographique, monter une barricade et jeter des pavés symboliques. Parmi eux, Samson (le ténor italien Massimo Giordano), le visage grimé comme un clown est assis dans un fauteuil roulant, mais grâce à sa force légendaire, il arrive à défaire les Philistins, en tuant leur chef Abimelech qu'il a désarmé et tué.. Ainsi les Philistins fuient. 

Samson et Dalila - ONR - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Klara Beck

Le ton est donné, le cinéma, la vidéo (deux cadreurs portant des caméras légères qui retransmettent leurs images en direct sont présents sur le plateau), la mise en scène de cette pièce est complètement dans l'air du temps et des médias. Les images reprises sur un ou plusieurs écrans, nous mettent au coeur de l'action, en gros plan, les personnages nous sont proches, comme sur nos grands écrans familiaux. Le décor, très moderne et froid, défile sur un plateau tournant qui dévoile des espaces (salles de réunion, restaurant, appartements design de Samson ou Dalila,..) dans un défilé étourdissant. L'histoire mythique de ce héros du peuple qui s'est opposé aux occupants philistins, mais qui a aussi perdu son pouvoir et sa force en succombant à l'amour (et à la traîtrise) de Dalila est transposée de nos jours, avec, pour les Philistins un parti conservateur tout puissant (il va gagner les élections dont on voit les résultats en direct à la télévision) et pour les Hébreux, un groupe d'opposition avec banderolles et panneaux revendicatifs. 

Samson et Dalila - ONR - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Klara Beck

Nous vivons ce décalage et cette transposition dans une instabilité soutenue, les discours politiques sont muets (même à la télévision), nous devons nous les imaginer, la multitude d'images qui nous sont proposées pertubent notre perception de l'espace (réel et projeté), et les voix des chanteurs et de Dalila nous arrivent de la scène alors que nous nous attendrions à l'entendre en gros plan sonore comme sur les écrans (où la vidéo a en plus un tout petit décallage du fait du dispositif technnique) et nous devons nous resituer constamment vis-à-vis des protagonistes. Même les paroles de l'air "Printemps qui commence" (Acte 1 - nommé Episode 1 comme dans une série télé) prennent une tournure décalée et faussement naïve, chantée par Dalila (la mezzo- soprano Karina Bradic) - "A la nuit tombante / j'irai triste amante, / m'asseoir au torrent, / L'attendre en pleurant" - dont on s'étonne, vu son allure de "responsable communication" du parti qui a le pouvoir, qu'elle puisse évoquer tant de romantisme. Cependant, le jeu dans l'opéra est aussi dans ce décalage entre ce que les personnages disent et/ou pensent et ce qu'ils font, cette tension entre l'amour et la puissance, la fidélité et la trahison, les renversements de situations... que ce soit au niveau politique ou personnel, dans les relations de pouvoir ou d'amour. 

Samson et Dalila - ONR - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Klara Beck

Et cette ambiguïté  est intrinsèquement le moteur de la pièce. Ce renversement de situation compte également pour les choeurs qui, du fait de la contrainte des conditions de sécurité sanitaire se trouvent derrière les spectateurs et ainsi les englobent, les incluent, ce qui fait des spectateurs non seulement des témoins, mais aussi de acteurs de ce jeu. L'orchestre Symphonique de Mulhouse, en version légère également, dirigé par Ariane Matiakh arrive à donner suffisamment de force aux passages puissants, même s'il n'arrive pas du fait de sa version restreint à déployer toute la richesse de la partition originale. Les airs orientalisants, entre autres lors de la bacchanale de l'Acte 3 (Episode 3) sont très plaisants et entraînants, bien dansés par les figurants (sous la direction de Julie Compans). Un autre ambiguïté plane sur le sens des masques de Joker (référence aux justiciers dans le cinéma contemporain) que revêtent les Philistins qui participent à la cérémonie finale sous la forme d'une grande fête de célébration.

Samson et Dalila - ONR - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Klara Beck 


La mise en scène alerte de Marie-Eve Signeyrole, bien qu'elle sollicite beaucoup le spectateur, lui laisse quand même le plaisir d'un spectacle réussi et entraînant avec une variété de situations originales, construites comme un film policier et qui met en valeur à la fois la musique de la partition jouée par l'orchestre, les chants des choeurs soutenant l'action interprétée par de bons comédiens et les solos et duos des héros - Samson, Dalila et le Grand Prêtre (remarquable Jean-Sébastien Bou, baryton), dont des duos d'amour bien enlevés - et relevés. Il faut aussi remarquer les décors de Fabien Tégnié et féliciter le travail de l'équipe technique et celui des lumières de Philippe Berthommé.


La Fleur du Dimanche


SAMSON ET DALILA


A l'ONR à Strasbourg: le 16, 20, 23, 25 et 28 octobre 2020

A la Filature de Mulhouse: le 6 et 8 novembre 2020

 


Direction musicale: Ariane Matiakh

Mise en scène: Marie-Eve Signeyrole

Assistante mise en scène: Sandra Pocceschi

Collaboration aux mouvements: Julie Compans

Décors et costumes: Fabien Teigné

Assistante costumes: Pauline Kieffer

Lumières: Philippe Berthomé

Conception vidéo: Marie-Eve Signeyrole

Coréalisation vidéo: Laurent La Rosa

Chef de chœur: Alessandro Zuppardo

Orchestre symphonique de Mulhouse

Les Artistes

Samson: Massimo Giordano

Dalila: Katarina Bradić

Le Grand Prêtre: Jean-Sébastien Bou

Abimélech: Patrick Bolleire

Un vieillard hébreu: Wojtek Smilek

Un messager philistin: Damian Arnold

1er Philistin: Néstor Galván

2e Philistin: Damien Gastl

Chœur de l'Opéra national du Rhin

mercredi 14 octobre 2020

Allee der Kosmonauten au Maillon: On a dansé sur un quartier de Lune

 Ce n'est pas l'homme sur la Lune, mais presque, qui nous accueille et nous éblouit à l'ouverture du rideau au Maillon pour le spectacle de danse "Allee der Kosmonauten" de Sasha Waltz. 

Allee der Kosmonauten - Sasha Waltz - Photo: Eva Raduenzel

Assis sur une colonne (qui se révélera être une planche en bois), un danseur souffle dans un sachet en plastique - le geste peut aussi rappeler les sachets utilisés par les jeunes à un moment pour sniffer de la colle, et peut-être que la pièce n'est que la vision délirante de la vie de cette famille dans un grand ensemble de Berlin dans les années 90. Car la pièce est une succession de tableaux animés, dansés, de cette vie de famille où père, mère, grand frère et son amoureuse, et le petit frère et la petite soeur. Sur les écrans de télévision des années 90 empilés à gauche et à droite ou accrochés au-dessus de la scène, défilent des prises de vues de l'intérieur d'un appartement (lampes, papier peint, objets, perruches vertes  dans leur cage) ou de l'extérieur (mobilier urbain, rangement à vélos, bancs, allées avec quelques rares habitants, alignements de constructions ou fenêtres qui dépeignent cette "ville nouvelle" un quartier d'habitat collectif aligné le long de la rue, cette "avenue des cosmonautes" ainsi nommée en hommage au héros de l'Allemagne de l'Est Sigmund Jähn, premier (Est-)Allemand à avoir fait un voyage dans l'espace avec le russe Waleri Bykowski en août 1978. 

Allee der Kosmonauten - Sasha Waltz - Photo: Eva Raduenzel

Le danseur s'agite, simule un jeu vidéo et les bruitages rappellent ces jeux des années 90. Au fur et à mesure, la scène est habitée par des personnages qui surgissent de nulle part ou plutôt en sortent comme des diables de leur boite et jouent les pantins magnifiquement désarticulés - en particulier le père (Juan Kruz) avec sa gestuelle de robot placide et humain, dont les superbes moments où il joue de l'accordéon font passer une réelle émotion dans le spectacle. Les duos souples et sensuels alternent avec des épisodes plus circassiens (jeu avec une planche, plus ou moins large, passage de relai) ou des tableaux animés pleins d'humour qui sont comme des intantanés de la vie en famille (nombreuse) avec les relations père-mère, parents-enfants, les jalousies (la petite fille de son grand frère) ou les moment de tendresse ou de collaboration familiale ("Auf die Arbeit" dit le père en transportant sa planche) et puis quelques mouvements d'ensemble bien emportés. 

Allee der Kosmonauten - Sasha Waltz - Photo: Eva Raduenzel


Cela se termine par une accélération - à l'image comme au son - de ces "tableaux familiaux" quand le fils au sachet revient une dernière fois et que tout le monde s'invective joyeusement. Il y a une belle dynamique dans la pièce, mais l'ambiance globale est un peu surannée, la musique et le son aussi, un petit air d'Ostalgie flotte et nous laisse un goût d'amertume. Le spectacle nous fait revivre un monde oublié, une époque passée, avec tendresse et humanité, et une pincée d'humour. Les rêves du passé s'envolent, et nous ramènent à une réalité un peu grise qui comme le dit une des chansons dans la pièce, "Kalte Augen" de Ralf Bursy (le chanteur de l'ex-DDR):

Kalte Augen seh'n die Wunder nie,

die Abenteuerwelt der Phantasie, 

wir bekommen, was wir sehen woll'n. 

Oft weniger doch niemals mehr.


Les yeux froids ne voient jamais les miracles

le monde aventureux de la fantaisie

On nous donne ce que nous voulons voir.

Souvent moins mais jamais plus.


Allez, je vous mets le tube:




Et voici la bande annonce de la pièce:



Le Fleur du Dimanche


Au Maillon jusqu'au 17 octobre

Avec : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola, Ageliki Gouvi, Nicola Mascia, Zaratiana Randrianantenaina, Joel Suárez Gómez, Takako Suzuki

Mise en scène et chorégraphie : Sasha Waltz

Scénographie : Thomas Schenk, Sasha Waltz

Costumes : Annette Bätz

Lumière : André Pronk

Vidéo : Elliot Caplan

Musique : Hanno Leichtmann, Lars Rudolph dans Galler Musikverlag

La musique « Kalte Augen » est écrite par : Ralf Bursy avec un texte de Michael Sellin

Composition accordéon : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola

Dramaturgie : Jochen Sandig

Répétition : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola

La pièce a été conçue avec et par les danseurs : Nadia Cusimano, Luc Dunberry, Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola, Nicola Mascia, Takako Suzuki, Laurie Young

Coproduction : Schauburg, München / Grand Theatre Groningen / Tollhaus, Karlsruhe / Theater im Pumpenhaus, Münster / Festival Internacional de Dança, Brésil / Siemens Kulturprogramm, Berlin / Munich

Sasha Waltz & Guests est financé par : le Département de la Culture et de l’Europe du Sénat de Berlin

Équipe de Sasha Waltz & Guests :

Assistante de direction : Luisa Perrone

Lumière : Martin Hauk

Technique : Salvatore Giuseppe Judica

Vidéo : Tobias Klette

Costume : Margaretha Heller

Organisation de la tournée : Karsten Liske

Directeur financier : Stephan Schmidt

Direction : Sasha Waltz, Jochen Sandig, Bärbel Kern

vendredi 9 octobre 2020

Les Ateliers Ouverts à Strasbourg et en Alsace: Dernier Week-End

 Depuis 1999 - en un autre temps on aurait parlé de "majorité" -  les Ateliers Ouverts organisés par l'association Accélérateur de Particules permettent au grand public de se rendre dans les ateliers des artistes (partie du logement, atelier, grange, cabane, ancienne usine, synagogue même) et à Strasbourg, également les locaux du "Bastion" ou à la COOP ou, à Mulhouse au Motoco, où certains artistes se regroupent, pour se rendre compte des conditions dans lesquelles ces artistes - jeunes et moins jeunes - créent et montrent leur travail en cours. L'intérêt est aussi de pouvoir échanger librement avec eux et de discuter de leurs oeuvres.

Ces visites, entre la découvertes de lieux originaux et de personnalités intéressantes permettent donc de se familiariser avec l'art vivant en train de se créer et, pourquoi pas, de découvrir de nouveaux talents émergeants ou de suivre le parcours d'artistes que l'on a déjà vus.

Chacun pourra se faire son programme en cherchant soit le nom d'artistes déjà repérés ou de se programmer un parcours en suivant un itinéraire préparé à partir de la carte interactive ici: Ateliers Ouverts - Carte 

Vous pouvez aussi jouer aux dés pour sélectionner les ateliers, la surprise pouvant être bonne. 

Je vous propose pour commencer de vous faire découvrir les premiers de la liste - à voir peut-être dans le désordre 2 - 1 - 3 - 5 - 6 - avant de rentrer sur Strasbourg par le 7 - La Petite école à Berstett (Catherine Zombstay) et puis ou le 11 - La Cabane des Créateurs à côté de la gare de Schiltigheim ou le 12 à Oberhausbergen (Nathalie Ramirez et TOV).

Chez Aymery Rolland à Gries, quatre artistes exposent leurs gravures, Aymery, son épouse Nathalie Rolland-Huckel, Iza Emberger et Solène.

Dans l'atelier de Corinne Kleck, qu'elle partage avec Dominique Haettel, outre les travaux personnels des deux artistes - les sculptures en papier ou les céramiques ou objets sous dômes de verre de Corinne Kleck (dont l'exposition dans le cadre des 1001 est encore visible dans le Musée de l'Imagerie Populaire proche à Pfaffenhoffen - voir mon billet ici) et les peintures et dessins au crayon de Dominique, un travail nouveau, une collaboration avec Robert Becker, à partir d'un choix de ses photos de fleurs sur lequel Dominique Haettel, par sa peinture "éclaire" à sa manière sa vision du monde fabuleux qui s'y tapit. Cette collaboration devrait déboucher sur l'édition d'un livre d'artiste où une sélection de ces "Fleurs Fabuleuses" seraient également "éclairées" ou accompagnées par des textes d'auteurs divers. Je vous donne un aperçu de ces "créatures":


Fleurs Fabuleuses - Robert Becker - Dominique Haettel


Fleurs Fabuleuses - Robert Becker - Dominique Haettel


Fleurs Fabuleuses - Robert Becker - Dominique Haettel


Si vous y passez le dimanche 11 octobre à 15h00 (précises!), vous aurez en prime l'occasion d'assister à la performance  chantée et dansée par Geneviève Charras "Tabula Rasa" dans laquelle vous aurez sûrement l'occasion de parfaire vos connaissances de botanique féérique.

En route vers le Cloître des Recollets à Saverne, avec Marie-Jo Daloz (dont nous avons pu apprécier les peintures récemment à la Galerie de l'Estampe à Strasbourg) et Anne Frenois, passez à la grange de Sophie Bassot à Wilwisheim puis à l'atelier du sculpteur italien Fabio Secco à Steinbourg.


En ville, trois ateliers vus en passant:

Le petit atelier partagé Ilot place des Bateliers avec Julie Rudloff qui s'est reconvertie aux chapeaux et autres couvre-chefs, des bijoutières dont Zoe Kinner-Wolf et qui accueillent aussi la dessinatrice Valérie Etterlin.

Atelier Ilot - Zoe Kinner-Wolf - Photo: lfdd

Atelier Ilot - Valérie Etterlen - Photo: lfdd

Atelier Ilot - Valérie Etterlen - Photo: lfdd

Atelier Ilot - Valérie Etterlen - Photo: lfdd

Atelier Ilot - Julie Rudloff - Photo: lfdd


A côté place du Pont-aux-Chats, l'Atelier Kinostub, bien nommé puisqu'ils ont fait un film sur une tribu en Guyanne, les Teko, mais aussi du dessin et du tatouage "à la main" - c'est Luka:

Atelier Kinostub - Luka - Photo: lfdd



Un peu excentré, l'atelier de Véronique Moser près du quartier des Quinze, et de la cité Rotterdamm avec ses "Ombres d'un doute" et autres bêtes et animaux ainsi que des empreinte empruntant à la foi à Hantai et à la Foi du Christ et de Madeleine - à découvrir:


Ateliers Ouverts - Véronique Moser - Photo: lfdd

Ateliers Ouverts - Véronique Moser - Photo: lfdd

Ateliers Ouverts - Véronique Moser - Photo: lfdd



Hors circuit Ateliers, je me permets de parler d'un exposition qui démarre ce week-end, magnifique, et dans un écrin à la hauteur de sa qualité, dans une ferme du Kochersberg, l'exposition autour du dessin intitulée "Au coeur du dessin" et qui met le dessin, dans sa petite dimension au coeur de l'exposition et au coeur de nos préoccupations. Au coeur aussi de celle des artistes, qui ont créé pour l'occasion comme le dit Germain Roesz "Entre suspens, arrêt et distance, confinement, réflexion et reprise. Mais reprise de quoi, de penser un autre monde, d'imaginer que cela, tout cela pourrait être mieux! L'art se doit à la présence."  Et la présence, elle est là dans cette magnifique ferme, sa cour et ses dépendances (même la cave). Et les oeuvres des 20 artistes s'y déploient avec bonheur: Sabine Brand-Scheffel, Christiane Bricka, Andrea Christl, Michel Cornu, Roger Decaux, Elham Etemadi, Marie-Amélie Germain, Armin Göhringer, Jonas Göhringer, Sima Jahangirian, Martine Missemer, Rainer Nepita, Germain Roesz, Mitsuo Shiraishi, Dan Steffan, Robert Stephan, Gaby Streile, Sylvie Villaume, Raymond-Emile Waydelich, Haleh Zahedi.




Exposition Nicole Buck - cour avec sculpture de Armin Göhringer - Photo: lfdd

Galerie Nicole Buck - Rainer Nepita - Robert Stephan - Photo: lfdd

Galerie Nicole Buck - Robert Stephan - Marie-Amélie Germain - Photo: lfdd

Galerie Nicole Buck - Raymond Waydelich - Elham Etemadi - Photo: lfdd


A suivre...  


La Fleur du Dimanche


P.S. Ne pouvant aller partout je vous mets pour mémoire le billet des ateliers de 2017 où vous pourrez voir en particulier les photos d'ateliers de Corinne Kleck et Dominique Haettel (déjà), Véronique Moser (à Strasbourg) - la deuxième du duo des 1001 - Sophie Bassot et Nadine Utereiner, entre autres.

https://lafleurdudimanche.blogspot.com/2017/05/ils-sont-ouverts-qui-les-ateliers.html

  



jeudi 8 octobre 2020

Musica 2020: Un tour - presque complet - du Festival - en images et en sons, de la photo et des vidéos et des liens

 Cela fait trois semaine que le Festival Musica a démarré à Strasbourg et déjà presque une semaine que le dernier week-end bien rempli avec les interventions artistiques de la plupart des formation de la Région (Alsace) s'est achevée tard dans la nuit du 3 octobre.

L'occasion de rebalayer l'ensemble du programme pour vous en présenter les différentes facettes et vous permettre de naviguer au fil des jours pour creuser l'un ou l'autre concert que vous auriez vu (pour vous rafraichir la mémoire avec quelques éléments descriptifs et des photographies) ou, si vous les avez ratés, vous en donner quand même un apperçu.

Passons à la chronologie:

En avant-première totale, 100 Cymbals en création française - le 17 septembre 2020:

Avec les Percussions de Strasbourg qui créent Ryoji Ikeda et jouent une pièce de John Cage en hommage à Jean-Hans Arp. 

Pour l'ouverture du Festival, Musica frappe un grand coup... de cymbal(e)s (100) de Ryoji Ikeda

Musica 2020 - Percussions de Strasbourg - Ryoji Ikeda - 100 cymbals - Photo: lfdd


Le Grand concert d'ouverture (officielle) Version #1 - le 18 septembre 2020: 

L'Ensemble Modern et les Métaboles: Encore Ryoji Ikeda (part 3) et ses "Music for Percussion", Mabepo, de la jeune compositrice ukrainienne Anna Korsun et Simon Steen-Andersen (part 1.) avec Run Time Error @Opel et enfin Stimmung (Version 1) de Karl-Heinz Stockhausen  

Musica 2020 - Mabepo - Anna Korsun - Photo: lfdd


Le samedi 19 septembre 2020, journée dense: 

Un concert à 11h00, un atelier à 14h30, une promenade en musique et commentée à 16h00, un concert à 18h00 et le deuxième concert d'ouverture à 20h30:

Musica 2020: un samedi (dix)neuf plein de musique et de découvertes, de brassages

Pour commencer, le Trio Catch avec un concert frais et vivifiant, "branché" même avec low poly rose de Martin Schüttler

Musica - Trio Catch - Martin Schüttler - Photo : lfdd

A 18h00 au Maillon Ryoji Ikeda (Part 2) avec les Music for Percussion - cinq pièces originales et inventives toujours minimalistes et presque conceptuelles.

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Book Music - Photo:lfdd


Le soir, Grand concert d'ouverture (officielle) Version #2 avec le Basel Symphonietta et des choeurs transfrontaliers de jeunes pour Marina Rosenfeld qui revisite Ligeti: Teenage Lontano, Joshua Tree de Georg-Friedrich Haas et Simon Steen-Andersen (part 2.) avec son Piano Concerto décoiffant et destructuré.

Musica 2020 - Marina Rosenfeld - Teenage Lontano - Photo:lfdd


Dimanche 20 septembre: le Grand Voyage


Le premier dimanche de Musica est un grand voyage; d'abord un voyage entre Beethoven et le Japon où Ryoji Ikeda (part 4) revisite d'une certaine manière le grand Ludwig van en 2 opus (2 et 3) surprenants, magnifiquement interprétés (ainsi que le quatuor du maître) par un Quatuor Diotima en forme et en clarté.

Musica - Quatuor Diotima - Ludwig van Bethoven - Quatuor Opus 131 - Photo: lfdd


Puis, direction l'Opéra National du Rhin pour une relecture moderne du récit nordique Peer Gint vu sous l'angle de Solveig (et où la soprano Mari Eriksmoen se retrouve aussi comédienne-naratrice et cadreuse de selfie

Musica 2020 - ONR - Solveig (L'Attente) - Mari Eriksmoen - Photo: lfdd

Enfin, voyage à Guebwiller pour deux concerts du GRM-Ina et l'Acousmonium avec des oeuvres historiques de musique electro-acoustique, encadrant une version fabuleuse de Stimmung de Stockhausen.

Musica - Dominicains Guebwiller - Philippe Carson - Turmac - Photo: lfdd

Musica - Les Dominicains - Les Métaboles - K.H. Stockhausen - Stimmung - Photo: lfdd

Musica - Dominicains Guebwiller - Luc Ferrari - Tête et queue du dragon - Photo: lfdd


Musica: un très grand dimanche en musique entre hier et aujourd'hui

Musica: Solveig (L'Attente) à l'Opéra du Rhin - Une magnifique soprano, Mari Eriksmoen dans un digest de Grieg avec un feuilletage de K.O. Knausgard

Musica aux Dominicains: Entre Stimmung et Acousmonium, des ambiances inouïes pour nos oreilles - et le plaisir des yeux.


Aperghis fait le portrait de Musikfabrik et Simon Steen-Andersen revisite ses classiques en Modernes - 22 septembre.

Reprise des festivités la mardi 22 septembre avec un concert ébouriffant de l'Ensemble Modern qui occupe la scène du Conservatoire et se fait tirer le portrait par Aperghis, puis direction le TNS où Simon Steen-Andersen dans son Part. 3 remet en scène (en selle) ses Classiques.

Musica - Georges Aperghis - Ensemble Musikfabrik - Intermezzi - Photo: lfdd

Musica - TNS Strasbourg - Simon Steen-Andersen - Staged Night - Photo: lfdd


Musica avec Aperghis et Simon Steen-Andersen: Une soirée décoiffante, hirsute, mise en scène!


Hommage à Klaus Nomi par Olga Neuwirth et l'Ensemble Intercontemporain - 23 septembre


L'Ensemble Interconteporain présente une pièce Carola Bauckholt et une autre (Part. 4) de Simon Steen-Andersen avant l'hommage - presque rock  d'Olga Neuwirt à Klaus Nomin étoile filante des année 80. Quelques vidéos sur la page pour s'en souvenir.

Musica - Hommage à Nomi - Ensemble Intercontemporain - Olga Neuwirth - Photo: lfdd

Musica: Hommage à Klaus Nomi: encore ! bis ! Et de trois "ter" ! Par l'Original Klaus Nomi


Voyage dans la nuit du Temple - Le noir amplifie le son et les sensations - 24 septembre

L'expérience Sonic Temple initiée l'année dernière à Musica voit cette année son épisode 2 avec l'Américaine Kali Malone à l'orgue puis sur l'Acousmonium du GRM-Ina qui nous propose aussi anabelle Playe, Lasse Marhaug et du duo François J. Bonnet et Stephen O'Malley.

Musica - Sonic Temple - Lasse Marhaug - Photo: lfdd

Musica au Sonic Temple: La méditation amplifiée dans le noir

 

Superposition de Tyoji Ikeda au Maillon - 25 septembre


Grande soirée Ryoji Ikeda (Part 5) où l'on a l'oeuvre magistrale Superposition sur toute une suite d'écrans et en son géant, alors que la vraie "superposition" c'est la "révolution post-einsteinienne" de la physique quantique et de ses conséquences: le principe d'incertitude.




A suivre...


La Fleur du Dimanche

mercredi 7 octobre 2020

Le Père au TNS: Une chanson de Geste du monde paysan d'aujourd'hui: Quelle épopée

 Il faut remercier Hubert Colas d'avoir fait découvrir le texte de Stéphanie Chaillou "Le Père" à Julien Gosselin. C'est un magnifique poème épique d'aujourdhui, une incantation douloureuse, un "dit" moyenâgeux, une épopée lyrique d'un destin moderne. Et Julien Gosselin en a sorti toute la (dé)mesure de cette fable des temps moderne, magnifiquement servie par l'immense - et humble comédien Laurent Sauvage qui en fait effectivement une superbe "chanson de geste" sans s'agiter, posant ses paroles, sa présence, même s'il n'est pas visible.

Le Père - Stéphanie Chaillou - Julien Gosselin - Laurent Sauvage - Photo: Simon Gosselin


Parce que ce magnifique texte, un long poème d'aujourd'hui, qui raconte la chute et la reconstruction d'un paysan d'aujourd'hui face à une société qui se complexifie et le dépasse, avec une prose simple mais sensible nous met en totale empathie, avec la destinée d'un homme qui a mal, très mal. Et il n'a pas seulement mal, mais il a une femme et des enfants, et ce mal, il faut qu'il le surmonte et qu'il puisse, de manière cathartique, le dépasser.

La pièce, présentée au TNS, sera ce long cheminement vers une certaine lumière, une sorte de vérité visible, une vie assumée et partagée.

Tout commence dans un noir et le silence. Le plateau est invisible et l'on entend: "Je ne me souviens plus de mes rêves" - c'est le contexte propice pour nous interroger et se mettre en perspective avec ce qui va se jouer devant nous. L'obscurité nous enjoint à écouter cet homme qui nous parle doucement: "Je crois que j'ai construit ma vie à partir de mes rêves"... Qui n'a pas rêvé sa vie...   Il continue: "Je crois que je voulais devenir riche. Devenir riche. Mais je n'avais pas de plan précis. C'était une idée vague. Une idée un peu floue dans ma tête. Devenir riche."  Et, nous, dans le noir essayons de deviner qui est cet homme, quel est son rêve, et quel destin l'attend. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec lui, mais craignons le pire quand il continue: "Je voulais que ma vie soit heureuse. J'avais cette idée-là en tête. Que ma vie soit heureuse. Je croyais que c'était assez, suffisant. Qu'avec une idée comme ça dans la tête, c'était assez. Personne ne m'avait dit le contraire." Eh oui, personne ne dit le contraire, non? Mais les règles, elles, vont se révéler plus complexe, et personne pour mettre en garde, personne ne s'occupe des rêves de bonheur des autres. Justement, ces rêves de bonheur peuvent être mis à terre, on peut les perdre et perdre beaucoup, trop. Et nous allons assister à cette chute inexorable. 

Le Père - Stéphanie Chaillou - Julien Gosselin - Laurent Sauvage - Photo: Simon Gosselin


Nous allons découvrir la concrétisation de ce rêve, tout en voyant émerger un fantôme de l'obscurité, comme un feu follet qui prend corps, devient paysan dans sa lointaine campagne, isolé, seul, personne pour le mettre en garde. Cet être fantomatique qui se concrétise physiquement, qui, très lentement s'approche de nous, qui, dans son récit, en tension nous raconte le malheur, à trente ans, de n'avoir pas vu arriver les changements dans ce monde ancestral qui, dans les années 70 bascule. Le monde paysan n'est plus, plus comme avant et si l'on n' l'a pas compris, on est broyé. Et broyé, souffrant, ce "père" l'est, sans issue, pris au piège et souffrant, se débattant mais inutilement, plus il se débat et plus il souffre.

Cette souffrance devient visible, le plateau s'éclaire, la tension monte (en soutien à la discrète montée en tension de texte dit par Laurent Sauvage qui prend de l'ampleur et de la puissance, avant une pause salutaire, la musique de Guillaume Bachelé accompagne et souligne cette force qui submerge, et nous étreints tous).  On dit qu'il faut une "justice", mais qui est l'ennemi? Il est absent, invisible, mais il faut continuer à se battre pour ne pas mourir.

Le Père - Stéphanie Chaillou - Julien Gosselin - Laurent Sauvage - Photo: Simon Gosselin

Les enfants, leurs souvenirs qui se projettent, la jeunesse, la nature, le vent, la peur, la solitude vont permettre à la fois de toucher le fond et de rebondir, de retourner dans les lieux du drame. Ces lieux qui se révèlent sous une lumière grise et qui vont peu à peu reprendre une forme, un aspect "naturel", l'herbe, le brouillard, la rosée, la vie. Et permettre au père de "porter" un nom, au moins cela.

Julien Gosselin arrive avec son équipe - à la lumière Nicolas Joubert, à la musique Guillaume Bachelé, à la vidéo Pierre Marin et au son Julien Feryn - à nous raconter cette histoire ancestrale qui s'est passée au siècle dernier avec toute l'efficacité des moyens de théâtre d'aujourd'hui que nous lui connaissons avec une belle efficacité et sans trop d'emphase. Et Laurent Sauvage incarne avec simplicité et empathie ce personnage dans son immense désespoir, anti-héros des temps modernes.


La Fleur du Dimanche


Le Père 


du 7 au 15 octobre au TNS

le 13 novembre à La Filature à Mulhouse

le 26 novembre à L'empreinte - scène nationale Brive-Tulle

le 12 et 13 février 2021 à Liège - Festival de Liège 


Le Père


D’après L’Homme incertain de Stéphanie Chaillou

Adaptation, mise en scène Julien Gosselin

Avec Laurent Sauvage

Scénographie Julien Gosselin, Nicolas Joubert

Lumière Nicolas Joubert

Vidéo Pierre Martin

Musique Guillaume Bachelé

Son Julien Feryn

Arrangements Joan Cambon

Assistanat à la mise en scène Olivier Martinaud


Julien Gosselin et Laurent Sauvage sont artistes associés au TNS

Le roman, L’Homme incertain, est publié chez Alma Éditeur

Spectacle créé au Théâtre de la Cité de Toulouse le 17 novembre 2015


Production Si vous pouviez lécher mon coeur

Coproduction TNT - Théâtre National de Toulouse La Comédie de Béthune, Le théâtre d’Arles

Avec le soutien de Montevideo créations contemporaines