Le Festival Musica nous permet, en ce dimanche après-midi de faire une escapade à la campagne, à Guebwiller plus précisément dans un magnifique environnement, j'ai nommé les Dominicains, cet ancien couvent du XIVème siècle où Clara Schumann avait donné un concert en 1862 et dont la nef, entourée de murs en grès et avec son haut plafond en bois est dotée d'une acoustique exceptionnelles.
Mais c'est dans le cloître que démarre le voyage musical avec de la musique sans instruments.
Musica - Dominicains Guebwiller - INA GRM - Acousmonium - Photo: lfdd |
C'est l'Acousmonium, inventé par François Bayle en 1974, un dispositif avec une grande variété de haut-parleurs - chacun spécialisé sur une bande de fréquences ou un angle de diffusion - disposé dans et autour du cloître qui sera le vecteur, l'acteur du son que les spectateurs, assis sur des chaises ou sur le bord du cloitre ou allongés dans des fauteuils vont découvrir.
Musica - Dominicains Guebwiller - Philippe Carson - Turmac - Photo: lfdd |
C'est donc le GRM Groupe de Recherche Musicale, à l'origine de ce dispositif qui aujourd'hui encore en propose la diffusion de quelques pages historiques. D'abord, Turmac (1961) de Philippe Carson, une création qui s'appuie sur des sons (cliquetis, roulements, chocs, éclats, percussions,..) enregistrés dans une usine en Hollande et qui nous transportent dans un univers mécanique et un voyage mystérieux.
Je vous y emmène en vidéo:
Capture éphémère (1968) de Bernard Parmegiani est tout à fait en situation, le bruissement d'ailes qui débute la pièce semble venir d'au-dessus de nos têtes et le feu d'artifice de derrière les murs du couvent. Les sons enregistrés et montés tout en finesse créent un espace qui s'élargit puis se rapproche au point de nous en faire prisonniers et de nous faire faire sentir en danger avec les bruits de chevaux et de mitraille. Mais tout se calme et les oiseaux que l'on entend font aussi partie de la pièce.
Avec Recitativo (1980) d'Ivo Malec, nous avons une facture plus "classique" si l'on peut dire de la composition avec des sons grenus et des nappes sonores qui se déploient et se transforment, tournent et disparaissent tout en tenant sur la durée. Une composition délicate également.
Musica - Dominicains Guebwiller - Luc Ferrari - Tête et queue du dragon - Photo: lfdd |
Musica - Dominicains Guebwiller - Luc Ferrari - Tête et queue du dragon - Photo: lfdd |
Musica - Dominicains Guebwiller - Luc Ferrari - Tête et queue du dragon - Photo: lfdd |
Musica - Dominicains Guebwiller - Luc Ferrari - Tête et queue du dragon - Photo: lfdd |
Pour la deuxième partie, nous assistons, la nuit étant tombée, dans le cloître illuminé par des nappes de couleur qui se meuvent le long de la façade grâce à du mapping vidéo qui accompagne la diffusion sonore des pièces de Luc Ferrari Tête et queue du dragon (1959). La pièce en trois parties est l'évolution de multiples sons assemblés (Rythmes, battements, cliquetis, sons électroniques,..) tournoyants en boucles variées et de rythmes différents qui travaille totalement la composition électronique avec toutes les surprises que nous pouvons en attendre. Le dispositif de l'Acousmonium de par sa conception spatiale en enrichit l'écoute et est totalement en phase avec les vagues colorées qui submergent les murs du cloitre.
La pièce Rhapsodia (2018) de Michèle Bokanowski clôt cette soirée sur une note très cinématographique, on s'imagine dans un film avec les nappes et couches sonores qui se déploient et nous inventent des histoires. Les harmonies à travers les résonnances et l'écho en font une oeuvre presque symphonique. A noter que Michèle Bokanowski a aussi composé pour la danse (dont la vidéo-danse Solo de Bernardo Montet, réalisé par l'artiste Mulhousien Robert Cahen) et le film, dont le magnifique film L'Ange de Patrick Bokanowski. On peut dire qu'elle est bien la créatrice d'une ambiance et d'un univers.
La soirée, même s'il n'y avait pas de musiciens sur scène n'aurait pas été possible sans les interprètes qui ont "joué" de l'Acousmonium, à savoir diriger et moduler les sons dans les différents haut-parleurs en direct et en fonction du contexte, donc Jules Négrier pour Turmac et Recitativo, Emmanuel Richier pour Capture éphémère, Renaud Bajeux pour la pièce de Luc Ferrari et Philippe Dao pour Rhapsodia. Du bel Art...
Stimmung - Version Dominicains
Nous avions, pour Stimmung, pu assister à une représentation par les Métaboles lors du premier concert d'ouverture à Strasbourg dans le Hall Rhin (voir le billet du 18 septembre). Et nous avons été enchanté par cette nouvelle "performance" des Métaboles dans cet environnement qui a transcendé l'oeuvre. L'acoustique de la nef de l'ancienne église des Dominicains a permis aux voix des six chanteurs et chanteuses de prendre leur pleine ampleur. Les résonnances, les variations et les superpositions des voix nous ont emmenés dans un voyage méditatif et cathartique complètement hypnotique. Cette longue prière profane mais totalement mystique remplace bien une messe. Ajoutez à cela les animations visuelles projetées au dessus de la scène puis derrière les chanteur.euse.s et les variations d'éclairage coloré et vous avez un effet relaxant indéniable. C'est un voyage dans tous les sens du terme (et des sens) que l'on ne regrette pas.
Musica - Dominicains Guebwiller - Les Metaboles - K.H. Stockhausen - Stimmung - Photo: lfdd |
Musica - Dominicains Guebwiller - Les Metaboles - K.H. Stockhausen - Stimmung - Photo: lfdd |
Musica - Dominicains Guebwiller - Les Metaboles - K.H. Stockhausen - Stimmung - Photo: lfdd |
Musica - Dominicains Guebwiller - Les Metaboles - K.H. Stockhausen - Stimmung - Photo: lfdd |
Musica - Dominicains Guebwiller - Les Metaboles - K.H. Stockhausen - Stimmung - Photo: lfdd |
La Fleur du Dimanche
P.S. Vous avez le billet complet du dimanche 20 septembre ici: Musica: un très grand dimanche en musique entre hier et aujourd'hui
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire