samedi 19 septembre 2020

Musica 2020: un samedi (dix)neuf plein de musique et de découvertes, de brassages

 Les samedis de Musica sont, de mémoire toujours une course d'endurance pour les spectateurs et toute l'équipe. Crise du Coronavirus oblige ce (premier) samedi du Festival le fut encore plus, également pour les musiciens puisque pour des raisons de jauge réduite (sécurité sanitaire oblige), certains concerts et manifestations ont eu lieu deux fois (sinon quatre en ce qui concerne la ballade musicale contée Fake).


Concert du samedi matin: Trio Catch - The people here go mad 

Commençons donc par le concert du samedi matin à 11h00 avec le Trio Catch à la salle de la Bourse. Ce jeune et dynamique trio féminin travaille régulièrement avec Georges Aperghis et Beat Fuhrer, dont elles ont présenté un oeuvre de chaque - AER (1991) de Beat Fuhrer, une pièce en petites touches délicates et Trio (1996) d'Aperghis, une pièce narrative alternant des moments énergiques et ponctuée de silences et de moments plus calmes. Elles ont commencé par une pièce de la compositrice italienne Clara Ianotta The people here go mad. They blame the wind (2014) qui voit tout un attirail de sons, comme une boite à musique "en-jouet" ou des clochettes qui complètent les trois instruments - clarinette, violoncelle, piano (préparé) aux cordes frappées et pincées pour nous proposer une pièce à la fois légère et grave, avec des bruissements, glissement et moments de silence qui nous conte cette histoire de vent qui rendrait fou. 

Musica - Trio Catch - Clara Iannotta - Photo : lfdd

La création française "Čar" (2016) de Mirela Ivicevic, avec un piano discrètement préparé nous propose une oeuvre tourbillonnante qui montre la belle complémentarité des instruments et des interprètes Boglárka Pecze (clarinette), Eva Boesch (violoncelle) et Sun-Young Nam (piano).

Musica - Trio Catch - Martin Schüttler - Photo : lfdd

Autre création française Low poly rose (2016) de l'allemand Martin Schüttler, une oeuvre un peu iconoclaste où des vieux téléphones font leur irruption dans le fil de la pièce, alternance de sons continue en harmonie et de notes aigrelettes ponctuées de petits éclats ou de souffles. La fin, brusquée voit les interprètes partir d'un coup. Avant de revenir saluer avec le compositeur.

Un concert dynamique qui fait un très bon apéritif !

Musica 2020 - Trio Catch - Photo : lfdd

Concert du samedi après-midi: Ikeda - Music for percussion 2


La suite des concerts voit le deuxième épisode consacré à Ryoji Ikeda et ses compositions pour percussion, dans la petite salle du Maillon: une série de miniatures minimalistes basées sur, chaque fois un concept et un instrument ou plutôt un objet qui au départ n'a pas vocation musicale.


Par exemple la première pièce, un duo Telegraph music (2012-2020) explore la musicalité d'un appareil morse manipulé par les deux interprètes pour jouer plusieurs partitions, d'abord du bout des doigt, puis avec l'appareil à levier puis des appareils plus récents, à molette, beaucoup plus rapides. Ce qui donne une belle variété de composition "musicale" là où nous ne l'attendrions pas. 

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Telegraf Music - Photo:lfdd


Idem pour Metronome Music (2020) où les trois interprètes, chacun armé de deux métronomes et suivant les consignes du compositeur nous font "vivre" des rythmes plus ou moins rapides de ces six appareils qui se complètent ou interfèrent dans des "longueurs d'onde" rythmiques surprenantes.

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Metronome Music - Photo:lfdd

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Metronome Music - Photo:lfdd

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Metronome Music - Photo:lfdd

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Metronome Music - Photo:lfdd

Plus surprenant encore le très minimaliste Book Music (2020) où trois livres, glissés ou frappés sur la table et feuilletés en rythme nous font une "table music" innovante entre chocs, bruissements, froissements et percussions.

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Book Music - Photo:lfdd

Les deux déclinaisons de Ball music (2020), la première avec des balles de ping-pong, d'abord tournant dans une coupe en métal, puis, plus "sportive" rebondissant en rythme compté dans les six mains agiles des interprète qui nous font une magnifique prestation de percussion tabulaire, pour en arriver au gros ballon de basket apprivoisé en rythme également dans une frappe à terre diabolique.

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Ball Music - Photo:lfdd

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Ball Music - Photo:lfdd

Le tour ne serait pas complet sans la performance de Ruler music (2020) qui voit les interprètes manier règle et crayon sur plusieurs feuilles de papier (dont une déchirée en rythme) pour apporter une diversité et une délicatesse dans cette composition que l'on pourrait presque qualifier de Ready-made. 

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Ruler Music - Photo:lfdd

Il faut saluer la performance impeccable des trois interprètes, Amélie Grould, Alexandre Babel et Stéphane Garin qui ont surmonté cette épreuve de dextérité avec succès. Bravos!

Musica 2020 - Ryoji Ikeda - Percussion 2 - Salutations avec Ikeda - Photo:lfdd


Grand concert d'ouverture #2: M. Rosenfels - G.F. Haas - S. Steen-Andersen


Le deuxième "Grand concert d'ouverture #2" - en fait le troisième de la série, si on compte celui des Percussions, est un grand voyage entre la Suisse (pour l'Orchestre "Basel Sinfonietta" et son chef Baldur Brönnimann), l'Autriche (pour le compositeur Georg Friedrich Haas), l'Allemagne (pour une partie des choeurs de lycéens pour Teenage Lontano venant du Schiller-Gymnasium d'Offenbourg, les autres du lycée Stanislas de Wissembourg ), de France donc, ainsi que du Danemmark (avec Simon Steen-Andersen) et des Etats-Unis (pour la compositrice Marina Rosenfeld et le Parc National de Joshua Tree en Californie, inspiration de la deuxième pièce) ainsi que la Roumaine, la Hongrie et l'Autriche réunies pour György Ligetti pour Lontano, la pièce dont Marina Rosenfeld a fait cette "reprise" en première française, créée en 2008 à New York à la Whithney Biennal).

Musica 2020 - Ouverture #2 - Marina Rosenfeld - Teenage Lontano - Photo:lfdd

Musica 2020 - Ouverture #2 - Marina Rosenfeld - Teenage Lontano - Photo:lfdd

Musica 2020 - Ouverture #2 - Marina Rosenfeld - Teenage Lontano - Photo:lfdd


Le voyage a aussi quelque chose de sidéral - au moins pour commencer, de sidérant avec Simon Steen-Andersen pour finir, puisque la pièce Teenage Lontano pour laquelle Marina Rosenfeld transpose l'orchestre en voix de jeunes adultes est une longue glissage électronique scintillante et vibrante que l'on pourrait très bien imaginer comme une bande son d'un film d'anticipation qui se passe dans l'espace avec des étoiles filantes et des voix éthérées - les sifflets un peu basiques nous ramenant sur terre si les nappes planantes nous font monter trop haut.

Musica 2020 - Ouverture #2 - Georg Friedrich Haas - Joshua Tree - Photo:lfdd


Nous avons toujours la tête dans les étoiles avec la rêverie éveillée  et de Georg Friedrich Haas Joshua Tree où nous imaginons très bien en nous laissant porter par l'orchestre la musique des sphères, le lent mouvement des galaxies, quelques éclats scintillants d'étoiles géantes, une pétillance de lumière et quelques notes de harpe céleste accompagnées de nappes de cordes délicates et discrètes.

Musica 2020 - Simon Steen-Andersen - Piano Concerto - Nicolas Hodges - Photo:lfdd

Le morceau de poids - et c'est le cas de le dire - sera la pièce (pianoclaste) de Simon Steen-Andersen Piano Concerto puisque la pièce démarre avec la chute (filmée en vidéo) d'un piano tombant du haut d'un hall immense et "bruitée" par l'orchestre qui donne à cette chute toute sa puissance. La chute sur un sol en béton, filmée en accéléré dans un atelier près de Karlsruhe et montrée plusieurs fois au ralenti sous différents angles, et qui devient l'objet d'un film sonorisé, dont des pièces jouées par le pianiste Nicolas Hodges sur ce piano cassé vont servir de base de composition pour la pièce musicale, véritable recréation visuelle et sonore de Simon Steen-Andersen qui en fait une relecture de l'histoire du piano et de la musique pianistique et concertante.

Musica 2020 - Simon Steen-Andersen - Piano Concerto - Nicolas Hodges - Photo:lfdd

Il pousse le détail jusqu'à faire dialoguer le pianiste avec son "double" projeté en face de lui en grandeur réelle et avec qui il joue sur son piano de scène mais également sur un sampler qui reproduit les notes du "piano cassé" que l'on voit dans le film. La pièce de trente minutes explore de nombreuses directions et bifurcations, rebondissant (comme le piano à un moment dans le film), interrogeant la question du temps et de la référence (on sait que Simon Steen-Andersen en total autodidacte connait quand même très bien l'histoire de la musique et nous avons en clin d'oeil une fugue de Bach qui pointe le nez en sourdine, mais pas que lui) et bien sûr nous avons droit à de fausses fins, la vraie étant le "remisage" en accéléré" du piano détruit. Rappelons que la pièce, en création française, n'a pas perdu de sa force depuis sa première représentation au Festival de Donaueschingen en 2014 (en version avec une vidéo plus réduite en formatlors duquel il reçut le Grand Prix du Festival.


A suivre....

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La Fleur du Dimanche

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