dimanche 26 décembre 2021

Rose.. de Noël ? Michon a la Banane, Louise l'a bée en Pléiade et Sartre Plus Jamais à la Louisiane

 A circonstance exceptionnelle, billet exceptionnel !

En ce dimanche de Saint Etienne post-Noël, je vous offre un de mes rares post (billet), le dernier (un vrai, pas celui - ceux du calendrier) remontant au 21 août - le billet qui saluait le 1001 membre du groupe des 1001 Fleurs - 1001 Amis.

Mais place à la Fleur, la N° 1 qui deviendra la N° 1657 dans la suite des 1001 Fleurs, c'est une rose de vignoble qui fleurissait encore le 29 octobre:

Rose de vignes de Noël - Photo: lfdd- 


Pour ce qui est du TVA, comme pour les trois Mousquetaires, j'en avais trois, mais au final ils vont se retrouver à quatre. Et ils ont la forme, à l'image de Pierre Michon qui a du vocabulaire et dont je vous offre un "extrait" qui a la #banane! 


Sous le titre "Minuit, catholique" il parle dans le Monde des Livres du 24 décembre 20221 du livre de Jean Saint-Cheron "Les Bons Chrétiens". Pour ne pas vous frustrer, je vous livre les deux masques: 1. les néogrenouilles de bénitier idéologues, idéolâtres de la différence et 2. le retour à Dieu des néobourgeois opportunistes.... Et il cite, pour la première catégorie, Saint-Cheron qui dit:
"La poule sans tête court dans tous les sens. Et, chose admirable, elle parvient en même temps à être installée. Sûre de son fait."

Pour le deuxième texte, il s'agit de Frédéric Pajak, l'éditeur, dessinateur, écrivain que cite Camille Laurens dans son feuilleton dans le même supplément, à propos de son livre "J'irai dans les sentiers" où il conjugue dessin et texte et où il dit:
"Je voudrais être poète, mais les mots s'étranglent dans ma bouche. Je ne sais pas m'exprimer. Quelque chose brûle en moi qui ne parvient pas à être formulé. La poésie, pourtant me dévore les entrailles; elle s'agite en moi, elle crie - crie, mais pas un mot ne sort. Je vois la vie par ses yeux."

Petite pause florale avec le mahonia qui fleurit en ces temps de Noël:

Fleur de mahonia ou faux-houx - Photo: lfdd



Pour le troisième TVA, il s'agit de deux poèmes de Louise Labé (ou Labbé) qui vient d'entrer dans la Bibliothèque de la Pléiade avec ses poèmes et chose surprenante, la responsable de l'édition Mireille Huchon, doute de l'existence de cette poétesse née en 1524 et morte en 1566 et qui dans les archives est fille de cordier et à priori courtisane. Mais là n'est pas la question, place à ses deux poèmes:


Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.


Baise m’encor, rebaise-moi et baise 

Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m’Amour penser quelque folie :

Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement
Si hors de moi ne fais quelque saillie.


Et je vous en offre une version chantée par Colette Magny:




Et pour (en) finir avec Sartre, dont le tome VII de Situations vient d'être publié, je vous offre d'abord une vue de la chambre N° 19 de l'Hôtel la Louisiane dans le quartier Latin, chambre occupée lors du dernier salon Bienvenue Art Fair qui vient de se tenir la semaine dernière par une galerie allemande KUK qui présentait "No More Sartre" de Damir Radovic. Sartre, lui, avec Simone de Beauvoir, la chambre 14.

No more Sartre - Damir Radovic - Photo: lfdd

No more Sartre - Damir Radovic - Photo: lfdd


Et en ce qui concerne le TVA, il date de  1964 (eh oui...):
"Il y a en France des centaines de milliers d'hommes, notamment en province, qui se sentent perdus parce qu'ils ne trouvent aucun écho, dans leur milieu, à leur révolte contre le régime."
Et aussi:
"A longue échéance, une gauche renaîtra, quel que soit le sort de celle que nous connaissons aujourd'hui, parce que l'existence même de la gauche est la manifestation d'un conflit de classe qu'on cherche à masquer mais qui reste une réalité." 
Et Roger-Pol Droit de citer une dernière fois Sartre dans son article "Sartre, avec le temps":
"Malgré tout, rien n'a changé dans les critiques faites aux intellectuels - qui se mêlent toujours de "ce qui ne les regarde pas". (....) Il est au loin, et tout proche."


Une autre qui est loin et aussi très proche, attendez de la voir, c'est Billie Eilish ici avec "Your Power"




Là avec "Ocean Eyes":




Et ici, vivant dangereusement avec "NDA"




Autre chanteuse, belge celle-là qui dit "Oui et Non", c'est Angèle:



Elle veut d'ailleurs "Tout oublier" pour Noël avec son "Roméo Elvis":



Pour en revenir à Noël et au houx, ou plutôt au faux houx, il y a un "hou, hou" historique dont il faut se méfier, c'est avec Ferrat en 1972:




Et pour finir quand même avec un chant de Noël, je vous offre Carla Bley qui nous en offre un que vous reconnaîtrez




Joyeuses Fêtes à toutes et tous

La Fleur du Dimanche

samedi 18 décembre 2021

Un vivant qui passe au Théâtre de la Bastille: Tu n'as rien vu à Theresienstadt, même pas un clin d'oeil

 Nous connaissons Nicolas Bouchaud comme comédien (nous avions parlé de son livre "Sauver le moment" dans le billet du 14 mars 2021 "Ouvrir, accompagner, le souffle, le paysage, le texte, la poésie, le théâtre, Nicolas Bouchaud, pour vous, encore...") et avions vu sa création sur Celan "Le Méridien" au TNS en 2015.

Un vivant qui passe - Nicolas Bouchaud - Frédéric Noaille - Théâtre de la Bastille - Photo: Jean-Louis Fernandez


Dans le cadre du Festival d'Automne, au Théâtre de la Bastille, il nous propose une création originale à partir du film de Claude Lanzmann "Un vivant qui passe" qui a été créé à Annecy, à Bonlieu, Scène Nationale. La pièce, qui reprend le titre du film se nourrit de l'ensemble des rushes utilisés ou non dans le film et est complété en début de spectacle par quelques "explications de textes" pour situer le contexte historique dans lequel elle s'inscrit. En particulier les différences entre les diverses entités nationales de la Croix Rouge et le Comité International de la Croix Rouge ainsi que leurs responsables qui seront cités tout au long de la pièce. Et également le contexte de cette interview du Docteur Rossel, le protagoniste de cette histoire qu'interprète Nicolas Bouchaud par Claude Lanzmann (joué par Frédéric Noaille). 

Un vivant qui passe - Nicolas Bouchaud - Théâtre de la Bastille - Photo: Jean-Louis Fernandez


Nous avons ici un niveau supplémentaire de lecture au théâtre car nous assistons aussi à l'analyse de la stratégie de Lanzmann en termes d'interview et d'orientations du récit de son interlocuteur. Car il s'agit bien de cela, de "montrer" ce qu'en général on ne voit pas, à la fois sur le sujet - ici cette visite d'un camp "modèle" (aussi appelé "Camp Potemkine" en référence aux pratiques des Russes sur ce sujet), celui de Theresienstadt - Terezin où l'on avait transformé cette ville fortifiée par Vauban en "théâtre" du bien-être des déportés juifs et le "message", soit la manière dont Claude Lanzmann procède pour faire parler, "accoucher" son interlocuteur du noeud du problème, qui le dépasse lui-même, ce qu'il n'a pas vu (ou voulu voir) et ce que ses supérieurs, et l'institution et également les politiques n'ont pas vu ou ont ignoré plus ou moins volontairement.


Un vivant qui passe - Nicolas Bouchaud - Frédéric Noaille - Théâtre de la Bastille - Photo: Jean-Louis Fernandez


Et toute cette négation qui s'est faite avec l'assentiment de tous. Et qui se continue encore aujourd'hui sans que cela dérange. Car il s'agit bien de cela, d'interroger la capacité ou la volonté de chacun d'accepter ou de s'opposer - et comment - à l'injustice, la propagande et, à l'extrême ici, à cette machine d'extermination ultime. C'est surprenant qu'au tout début de l'interview, Maurice Rossel, le délégué du CICR en Allemagne qui a effectué cette mission et "visité une visite" de Theresienstadt" se présente comme "fils de paysan", "gros benêt, gros idiot" qui se fait "pistonner" par un ami pour "échapper à l'armée", (dans quel but?) pour, à la fin, se considérer comme un "spectateur" extérieur à cette partie de théâtre à "l'atmosphère faussée" qu'est cette visite de ce ghetto "pour la montre" avec un "attitude des acteurs irréaliste". Non pour se défendre ou se dédouaner de ne pas avoir réagi ou dénoncé, ou tout simplement avoir essayé de "voir au de-là" comme on le lui avait demandé, car il attendait, comme il l'a dit, un signe, un "clin d'oeil" de quelqu'un, du "doyen" du ghetto, Paul Eppstein en cette visite du 23 juin 1944 - Eppstein qui a été fusillé en septembre 1944.


Un vivant qui passe - Frédéric Noaille - Théâtre de la Bastille - Photo: Jean-Louis Fernandez

Et c'est là tout l'intérêt de la conception et de la mise en scène de cette pièce qui nous permet de décortiquer, pendant que tout cela se déroule, à la fois les variations du discours de Rossel et la stratégie de questionnement (mener une interview pour faire parler quelqu'un) et en même temps d'interrogation sinon d'accusation (interroger sur sa position, ses actes et ses responsabilités) l'homme censé avoir une position politique dans cette situation, non seulement ce conflit (au départ il était missionné uniquement pour les "prisonniers de guerre") mais aussi ce "crime contre l'humanité" dont il est le témoin, (il était allé à Auschwitz avec sa "petite voiture").

Un vivant qui passe - Nicolas Bouchaud - Frédéric Noaille - Théâtre de la Bastille - Photo: Jean-Louis Fernandez

Et l'interview de Claude Lanzmann arrive à révéler cette contradiction, ce hiatus entre les préjugés, les certitudes de cet homme sur les Juifs entre autres qui l'empêchent de voir, comme si un écran s'était interposé entre lui et le monde dans lequel il est censé être actif. Et cet écran, nous ne l'avons pas dans cette pièce, nous voyons devant nous des êtres de chair, habité par les comédiens dans la banalité de leur quotidien, même dans un décor "réel" en trompe-l'oeil faire ce chemin de travail sur la mémoire et ce voyage dans l'espace et le temps de cette action. Et en même temps essayer de se souvenir et de comprendre là où cela ne fonctionne pas, où cela n'a pas marché, ou cela coince.


Un vivant qui passe - Nicolas Bouchaud - Frédéric Noaille - Théâtre de la Bastille - Photo: Jean-Louis Fernandez


Et se rendre compte que ce n'est pas toujours comme au cinéma, que le chemin n'est pas toujours dans la rencontre et que cette rencontre, sur scène n'est que la mise en abîme d'un spectacle dérisoire d'un spectacle de cabaret qui s'y est sûrement joué et où le manque de tout est ressort de comique et d'une mélodie entêtante. Le spectacle continue, même si le Titanic coule, même si les Juifs se font déporter et exterminer... Et la force de cette pièce est de nous dire qu'aujourd'hui, encore, alors que nous sommes au spectacle, ces mécanismes sont à l'oeuvre quelque part et même peuvent resurgir chez nous (ne montrent-ils pas le bout de leur nez déjà?). Et nous remercions Nicolas Bouchot et ses complices Eric Didry et Véronique Timsit de nous tenir en alerte et éveillés et de nous offrir une belle enquête à la fois policière et politique.


La Fleur du Dimanche


Un vivant qui passe 

Au Théâtre de la Bastille du 2 au 22 décembre

Un projet de Nicolas Bouchaud

Mise en scène, Éric Didry

Collaboration artistique, Véronique Timsit

D’après Un vivant qui passe de Claude Lanzmann

Adaptation, Nicolas Bouchaud, Éric Didry, Véronique Timsit

Avec Nicolas Bouchaud et Frédéric Noaille

Le Théâtre de la Bastille et le Festival d’Automne à Paris sont coproducteurs de ce spectacle et le présentent en coréalisation.

Production déléguée Otto Productions ; Théâtre Garonne – scène européenne (Toulouse)

Coproduction Compagnie Italienne avec Orchestre (Paris) ; La Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale ; Bonlieu scène nationale Annecy ; Théâtre national de Nice – centre dramatique national Nice-Côte d’Azur ; Comédie de Caen – centre dramatique national de Normandie ; Théâtre de la Bastille (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Théâtre de la Bastille (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
En partenariat avec France Inter  

vendredi 17 décembre 2021

Tim Echels au Centre Pompidou pour le Festival d'Automne: Heartbreaking Final, une pensée cathartique en musique

 Pour le Festival d'Automne à Paris, Tim Etchells ne présente pas moins de sept spectacles dans quatre lieux à Paris: le Théâtre de la Ville aux Abbesses, et à l'Espace Cardin, le Théâtre de la Bastille, et le Centre Pompidou. Et les pièces se rapportent soit à Shakespeare, aux mille et une Nuits, à Agotha Kristof ou tout simplement à la magie du théâtre et de la performance. Ce qu'est d'ailleurs Tim Etchells, un écrivain, mais aussi artiste et performeur anglais qui a créé sa troupe Forced Entertainment qui fait du théâtre moderne depuis 1984. 

Centre Pompidou - Tim Etchells - Qu'y a-t-il entre nous - Photo: lfdd


D'ailleurs, son installation en néon rouge de quarante-trois mètres de long et trois mètres de haut "Qu'y a-t-il entre nous" qui nous interroge sur notre relation aux autres, mais aussi à ce bâtiment tout autant qu'à la société, au monde, à ce qui nous lie et nous disjoint, nous unit et nous sépare. En tout cas qui nous incite à ne pas passer sans nous remettre en question sur nous, nos projets, nos relations, en tout cas c'est l'objectif: nos rendre attentif.


Festival d'Automne - Tim Etchells - Heartbreaking Final - Photo: lfdd


Pour ce qui est du spectacle, "Heartbreaking Final", nous sommes emmenés dans un flot de mots, de paroles et de musique. Le flot commence doucement avec Tim Etchells et la voix posée et féminine de Nicki Hobday et va se conjuguer en flux scandé et en supperposition en écho avec John Rowley, en décalage ou en en canon alors qu'au violon Aisha Orazbayeva triture les notes et installe une atmosphère entre l'incantation et l'hypnose. Le texte, répétitions ou énumérations d'états, de sentiments de gestes et d'actions quotidiennes - qui commence par "I am..." continue par "I have.." puis des actions, des situations, des constatations dur des lieux ou des idées aboutit au bout d'une heure qui ne nous laisse aucun répit à une mélopée dans laquelle on se laisse enfermer et bercer tout en s'interrogeant également soi-même sur ce qu'on pourrait bien faire ou penser également. Le tout s'achève, et c'est une vraie performance d'acteur par la précision musicale de cette énumération par une montée en puissance et en force, d'une certaine violence par la constatation qui surmonte en lettre de néon la scène, le titre de la pièce "Heartbreaking Final":

"I am thinking, I am trying to think, I am holding my breath, I am thinking of the past, I am waiting, I am looking ahead, I am looking back, I am testing myself, I am sitting, I am trying to stay calm, I am dreaming of the future, I am holding things steady, I am holding back my tears, I am hesitating, I am sleeping at night, I am sleeping in the daytime, I am watching the rain, I am shadows on the buildings, I am sunlight on glass, I am the sound of birds reflected off a concrete wall, I am condensation on a mirror, I am fingers moving on skin, I am ice melting, I am footsteps, I am chemical reactions. I am trying to break your heart, I am trying to break. I am trying, I am trying to break your heart, I am trying to break your heart, I am trying to break your heart, To break your hart, Try to break your heart, Break your heart, Your hart is broken."

"J'ai peur. je suis désolé. Je réfléchis. J'essaie de réfléchir. Je tiens le coup;
...
...
et des questions sans réponse
...
et des façons de mesurer le temps
et quel genre d'objet est le soleil?
et quel genre d'objet est le soleil?
et quel genre d'objet est le soleil?
et quel genre d'objet est le soleil?
et laisse-moi tomber
et remonte-moi..
...
...
J'essaie de te briser le coeur
Te briser le coeur
Ton coeur est brisé."

Festival d'Automne - Tim Etchells - Heartbreaking Final - Photo: lfdd


Cet ensemble texte et musique est un vrai plaisir, une expérience musicale et théâtrale unique qui interroge nos habitudes et en même temps une vraie découverte. Un magnifique travail à la fois d'interprétations de ce texte fleuve scandé - et presque chanté comme une partition et cet accompagnement musical très original et décoiffant. Une belle réussite.


La Fleur du Dimanche


Texte et mise en scène, Tim Etchells
Avec Tim Etchells, John Rowley et Nicki Hobday, et au violon Angharad Davis et Aisha Orazbayeva
Musique, Aisha Orazbayeva
Les Spectacles vivants – Centre Pompidou et le Festival d’Automne à Paris présentent ce spectacle en coréalisation.
Production Forced Entertainment
Coproduction Wiener Festwochen
Coréalisation Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris); Festival d’Automne à Paris

mercredi 15 décembre 2021

Music all - Toute la musique (que j'aime): Le cas barré par Berrettini, Capdevielle et Marin..

 Music all créé et joué par Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle et Jérôme Marin au T2G - Théâtre de Gennevilliers - dans le cadre du Festival d'Automne à Paris est, à l'image de  son décor un monument d'étrangeté, un spectacle transgenre, à la marge, la lisière. Une inquiétante étrangeté qui cependant nous ravit et nous transporte, nous emmènes dans des univers à la limite du rêve et du fantasme.


Music all - Marco Berrettini - Jonathan Capdevielle - Jérôme Marin - T2G - Festival d'Automne


Cela commence dans cet univers étrange, que l'on identifie comme une aire de jeu (au bord d'une autoroute) avec un tourniquet, une balançoire et une cabine téléphonique dans un coin, un haie qui nous isole du monde, de la circulation, dans une ambiance brumeuse. S'y meuvent, si peu au début, trois "personnages", car il s'agit bien de personnages, transformés en (très) "jeunes filles" qui se balancent lentement, d'abord l'une puis l'autre puis la troisième, en silence dans une fausse dans de pole dance. Il n'y a ici aucune volonté de vraisemblance, nous sommes dans la représentation (The show must go on) mais en même temps nous sommes confrontés à cette inquiétude et ce danger sourd qui pourrait rôder sur ce lieu étrange.

 

Music all - Marco Berrettini - Jonathan Capdevielle - Jérôme Marin - T2G - Festival d'Automne


Mais l'on bascule aussi vers le clinquant du show à paillettes et Lily Marleen qui nous chante "Wenn du Geburtstag hast.." ou le remake du cocnert de Whitney Houston et "I will Always Love You". La pièce navigue entre théâtre, danse et show, les frontières débordent, se gomment, cela se passe aussi à la marge, les trois protagonistes qui ont conçu le spectacle venant de ces différents univers. Marco Berrettini, arrivé à la danse par le disco puis passé chez Pina Bausch et Georges Apaix nous fait profiter de sa capacité à bouger comme un dieu, Jonathan Capdevielle passé par la marionnette et le théâtre de Gisèle Vienne apporte l'univers du théâtre et de la narration, Jérôme Marin qui s'est rapidement orienté vers le cabaret entre la chanson intime et Brecht nous engage dans une relation plus fragile entre salle et scène. Le spectacle joue aussi sur ces moments de fragilité, d'erreur, d'attente, d'hésitation ou de faux départs, installant un léger décalage, un soupçon d'inquiétude. Des moments où, étrangement le téléphone sonne, et les appels sont surprenants. Comme sont surprenantes, des apparitions semblables aux films de Méliès d'un personnage chenille puis papillon, interprété par le comédien "cascadeur" Franck Saurel qui apporte sa part de magie - et d'humour - dans le déroulement. N'oublions pas le personnage du musicien - la voix magnifique de Théo Harfoush - Ilel Elil - qui a fait la superbe musique de la pièce, et qu'il interprète à la voix et au violoncelle ou qu'il a adapté (avec Vanesa Court) pour les trois comédiens danseurs parmi quelques tubes revisités.


Music all - Berrettini - Capdevielle -  Marin - T2G - Festival d'Automne

Ces trois compères qui se permettent une pause philosophique et acrobatique sur le portique à quatre mètres du sol pour déguisés en Margueritte "Dureich", la caricaturer dans un délire comico-philosophique sur "Détruire,...", le communisme et agrémenté d'un "private joke" pour Mathieu Amalric, présent dans la salle en cette soirée de dernière.


Music all - Marco Berrettini - Jonathan Capdevielle - Jérôme Marin - T2G - Festival d'Automne
  

La pièce louvoie entre nostalgie, humour, critique un brin caustique, politique (le show "business"), spectaculaire, clinquant, nostalgie, fragilité, ou même risque, avec cette sourde impression de danger, d'agression envers les personnages que l'on peut quelquefois imaginer très jeunes. En tout cas nous nous sommes payés un très beau voyage immobile sur cette aire d'autoroute, à travers ces univers et ces chansons décalées vers des états d'esprits variés et des ambiances surprenantes pendant près de deux heures que nous n'avons pas vu passer.

La Fleur du Dimanche


Music all

MARCO BERRETTINI
JONATHAN CAPDEVIELLE
JÉRÔME MARIN
Music all
Conception et interprétation, Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle, Jérôme Marin
Musique live, Théo Harfoush
Cascadeur, Franck Saurel
Assistant artistique, Louis Bonnard
Scénographie et lumières, Bruno Faucher
Costumes, Colombe Lauriot Prévost
Création sonore, Vanessa Court
Production déléguée Association Poppydog; *Melk Prod.
Coproduction L’Arsenic – Centre d’art scénique contemporain (Lausanne); ADC – Genève; CCN2 – Centre chorégraphique national
de Grenoble dans le cadre de l’accueil studio ; Manège, scène nationale – Reims; Le Théâtre des 13 vents – Centre dramatique national de Montpellier; Théâtre de Lorient – Centre dramatique national; Centre dramatique national Orléans Centre-Val de Loire; La Rose des vents, scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Asq; MC2:Grenoble; Lieu Unique – centre de culture contemporaine de Nantes; T2G – Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation T2G – Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique
national; Festival d’Automne à Paris
Remerciements au Théâtre Nanterre-Amandiers, centre dramatique
national
Avec le soutien de la fondation Schweizerische Interpretenstiftung
et de la fondation Ernst Göhner

dimanche 12 décembre 2021

Recital Alexandre Tharaud à Strasbourg: Le funèbre joyeux

 Alexandre Tharaud, multi-primé et artiste multiple - il est à la fois musicien, conseiller et programmateur, acteur, chanteur, comédien (avec Michael Haneke), auteur de roman, et ne rechigne pas à jouer du piano avec des chevaux qui courent autour de lui (avec le spectacle de Bartabas)  - est en résidence en cette saison à Strasbourg. Nous avons pu le voir la semaine dernière avec l'Orchestre Philharmonique sous la direction d'Aziz Shokhakimov pour le concerto pour piano en la mineur opus 16 d'Edvard Grieg dans le programme Lueur Boréale. Le revoilà pour un Récital joué à guichet fermé consacré à Franz Schubert et Frédéric Chopin. 

Récital - Alexandre Tharaud - Photo: lfdd 


Ce qui relie les deux pièces, les impromptus Opus 90 de Schubert et la Sonate N°2 - Funèbre - opus 35 de Chopin c'est le caractère grave, voire mortuaire du sujet. Cependant, comme Alexandre Tharaud le précise, cette atmosphère n'est pas uniquement triste, les côtés joyeux, et pas que nostalgiques des réminiscences de la vie vécue et passée, comme les moments heureux, les danses et scènes champêtres sont presque guillerettes, l'appréhension de la mort au XIXème siècle n'est pas la même qu'aujourd'hui.

Preuve, pour les Impromptus, après un début grave, presque énervé puis lent, plus lent, un épisode de danse, léger, douceur joyeuse, comme une envolée gaie qui nous soulève et noous éloigne de la nostalgie. On apprécie l'enroulé des notes qui coulent et roulent sous les doigts agiles du pianiste virtuose qui alterne un toucher délicat et des accélérations fulgurantes, un rythme qui va de plus en plus vite et plus fort. Et donc, de temps en temps, de nouveau comme une berceuse qui nous calme, une mélodie qui roule et nous enveloppe, et subitement, deux coups et c'est la fin!

Pour la Sonate N°2 - Funèbre - opus 35 de Chopin, la structure alterne également des airs alertes qui galopent et une marche funèbre bien repérable. Un mouvement plus lent, pesant, mais une douce mélodie qui revient, légère, puis un passage écrasant, et une accélération où l'on n'arrive plus à entendre toutes les notes jouées tellement les enchaînements sur les touches sont rapides et cela finit par un grand coup frappé.


Récital - Alexandre Tharaud - Photo: lfdd


En final, Alexandre Tharaud nous offre une transcription pour piano qu'il a faite de la musique du film La Liste de Schindler de John Williams, légère mais dans la même atmosphère funèbre.

En bis, ce qui pourrait bien devenir son "tube", la Sarabande de Rameau déjà présentée lors du concert précédent.

Et un bis ne suffisant pas devant l'enthousiasme du public, une autre transcription, une autre Sarabande, composée pour la guitare par le musicien de Louis XIV, Robert de Visée.


Le Fleur du Dimanche


Rendez-vous est pris pour le prochain concert de musique de chambre Fantaisie le 27 mars 2022 et un autre Récital le 31 mai, puis un concert le 30 juin à Evian avec l'OPS.

Résultat des votes: Calendrier 2022 et Prix Nobel

 Ca y est, les résultats sont tombés  et pas qu'aux antipodes! Le calendrier de La Fleur du Dimanche 2022 a son visage définitif et même une version bis, alors, sans plus attendre le(s) voici:  

Janvier:

Calendrier 2022 - janvier

Février:

Calendrier 2022 - février

Mars:

Calendrier 2022 - mars

Avril:

Calendrier 2022 - avril - V1

Calendrier 2022 - avril - V2
Mai:

Calendrier 2022 - mai

Juin:


Calendrier 2022 - juin - V2

Juillet:

Calendrier 2022 - juillet - V1

Calendrier 2022 - juillet - V2

Août:

Calendrier 2022 - août - V1

Calendrier 2022 - août - V2

Septembre:

Calendrier 2022 - septembre - V1

Calendrier 2022 - septembre - V2

Octobre:

Calendrier 2022 - octobre - V1

Calendrier 2022 - octobre - V2
Novembre:

Calendrier 2022 - novembre - V1

Calendrier 2022 - novembre- V2
Décembre:

Calendrier 2022 - décembre


En ce qui concerne le Prix Nobel, ce sera Abdulrazak Gurnah, vous connaissez? Le petit TVA c'est un extrait et une citation sur comment et pourquoi il a commencé à écrire...

"Pas pour devenir écrivain, mais pour réfléchir à ce que j'étais en train de vivre. Tout a commencé comme ça. Ecrire était une manière de m'expliquer à moi-même ce que je ne comprenais pas."

Et en prime je vous offre un "extrait" de son livre Paradis paru en 1994:




Bon Dimanche 


La Fleur du Dimanche


Et n'oubliez pas, les réservations des calendriers 2022 se font sur Ulule ici (Calendrier 2022 - pas 2021)- Merci de préciser Version 1 ou Version 2.

Calendrier Fleurs 2022 - Cartes de Voeux - Photos


Et si vous voulez voir toutes les photos en plus grand du pré-choix, vous avez les 6 premiers mois ici:

En avant ! Première, le calendrier 2022 de La Fleur du Dimanche

Et les six suivants ici:

Calendrier 2022 Seconde! On passe en deuxième partie de l'année avec les fleurs


Vous pouvez aussi commander directement par mail :

lafleurdudimanche (at) gmail (point) com

jeudi 9 décembre 2021

Mailles à Pôle Sud pour le Focus Carte Noire du Maillon: Une maille ailleurs

 Dans le cadre du Focus Carte noire: l'Afro-féminisme sur scène du programme du Maillon qui devait avoir lieu au printemps et qui se tient finalement en ce mois de décembre, deux spectacles se tissent entre le Maillon et Pôle Sud. C'est à Pôle Sud que se lance Mailles de Dorothée Munyaneza (du 8 au 10 décembre), le Maillon prend le relais avec Carte Noire Nommée Désir de Rébecca Chaillon (du 9 au 11 décembre). La projection d'un documentaire "Ouvrir la Voix" d'Amandine Gay ayant été projeté le 7 décembre  et une série de lectures, dialogues, ateliers et Danse Room se continuant vendredi et samedi. Ce focus rassemblant les luttes à la fois contre les discrimination raciales, culturelles que sexuelles est hautement d'actualité. Se poser ces questions sur  scène permet d'en ouvrir plus largement le champ. Du côté du théâtre, hasard du calendrier (?), au TNS, trois spectacles (Hilda, Ce qu'il faut dire et Nous entrerons dans la carrière) traitaient de sujets proches.


Mailles - Dorothée Munyaneza - Photo Leslie Artamonow

Pour Mailles, Dorothée Munyaneza tisse sur la scène des trajectoires, des parcours, des mouvements, des danses, des chants et des paroles de six femmes noires qui, d'origine proche ou plus lointaine du continent africain, se retrouvent un peu partout dans le monde après avoir traversé plus ou moins de pays. L'une d'entre elles dit d'ailleurs son désir de "sentir (s)on poids sur le sol", alors que sa grand-mère était (trop?) "légère": elle a mis au monde sa mère à vingt-cinq ans alors le grand-père en avait soixante-et-un et qu'il est mort six mois après.


Mailles - Dorothée Munyaneza - Photo Leslie Artamonow

Chacune raconte ainsi son histoire à sa façon, en danse, en très belles chansons, psalmodies ou solo de danse-transe percussive sur un parquet sonore qui démarre le spectacle après une montée en puissance d'un concert de cloches et clochettes dans une procession entremêlée.


Mailles - Dorothée Munyaneza - Photo Leslie Artamonow

Les mouvements d'ensemble sont d'ailleurs assez rares dans la pièce, tout au plus des errances individuelles qui se croisent ou une frénésie contagieuse lors de climax sonores, sinon des solos ou de beaux duos chantés ou parlé-chantés aussi, mais chacune des interprètes garde son individualité et son espace.


Mailles - Dorothée Munyaneza - Photo Leslie Artamonow

Chacune ayant d'ailleurs également un costume - très beaux, les costumes (bravo à Stéphanie Couderc) - à sa façon, costumes qui tendent vers la fin à une dominante orange et bleue (en plus du noir et du blanc), à priori symbole de la joie et de la créativité pour l'orange et de la sérénité et de la sagesse pour le bleu. Le spectacle tisse petit à petit sa toile avec délice et nous ne pouvons que suivre leur injonction "Allons en avant"


La Fleur du Dimanche 


Mailles


    Avec : Ife Day, Yinka Esi Graves, Asmaa Jama, Elsa Mulder, Nido Uwera, Dorothée Munyaneza
    Conception : Dorothée Munyaneza
    Collaboration artistique, costumes, scénographie « suspension » : Stéphanie Coudert
    Conseil scénographique : Vincent Gadras
    Remerciements : Hlengiwe Lushaba Madlala, Zora Santos, Keyierra Collins
    Musique : Alex Inglizian, Alain Mahé, Ben Lamar Gay, Dorothée Munyaneza
    Son : Alain Mahé
    Lumière : Christian Dubet
    Direction de production et développement : Emmanuel Magis (Mascaret production), assisté de Juliette Josse
    Régie générale : Marion Piry
    Régie lumière : Marine Levey, Anna Geneste
    Régie son : Camille Frachet, Alice Le Moigne
    Traduction surtitres : Olivia Amos
    Production : Compagnie Kadidi, Mascaret production)
    Coproduction : Théâtre de la Ville, Paris / Festival d’Automne à Paris / Charleroi-Danse, Centre Chorégraphique de Wallonie-Bruxelles / Châteauvallon, Scène nationale / Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène nationale / Le Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique / CCN-Ballet National de Marseille (Accueil Studio 2020) / NEXT Festival / La Rose des Vents, Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq / Théâtre National de Bretagne / Théâtre de Nîmes, Scène conventionnée d’intérêt national – Art et Création – Danse Contemporaine
    Avec le soutien de : DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur / Ministère de la Culture / Fonds de dotation du Quartz, Scène nationale de Brest / La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon / Centre national des écritures contemporaines / SPEDIDAM / Département des Bouches du Rhône / Ville de Marseille.
    Dorothée Munyaneza : est artiste associée au Théâtre de la Ville, Paris.
    Dorothée Munyaneza : a été en résidence à Chicago avec le soutien de la FACE Foundation, le Consulat français de Chicago, l’Institut Français Paris ; et en partenariat avec High Concept Labs, Ragdale Foundation, Experimental Station, Poetry Foundation, France Chicago Center à l’Université de Chicago.

mercredi 8 décembre 2021

Quai Ouest au TNS: Réactions aux corps étrangers dans le labyrinthe de la Zone

 Bernard Marie-Koltes est un immense poète du théâtre contemporain, hélas parti trop tôt. De sa pièce Quai Ouest créée par Patrice Chéreau en 1985, Ludovic Lagarde en fait une belle chorégraphie des corps dans un décor - et un traitement - très cinématographique. Et il arrive à magnifier ces paroles diverses et disparates dans un magnifique cocktail qu'il construit avec un choix d'actrices et d'acteurs qui se complètent magnifiquement.

 

TNS - Quai Ouest - Ludovic Lagarde - Photo: Jean-Louis Fernandez


Tout d'abord, Laurent Poitrenaux, ce Koch égaré dans cette zone où il n'a rien à faire mais où il va à la rencontre de la mort, cherchant à se suicider et sujet, après son sauvetage à toutes les négociations de la part des habitants du lieu. Laurent Poitrenaux arrive à la fois à rendre sympathique ce riche entrepreneur, escroc égocentrique pusillanime et infantile. Il très bon dans les geignements et les gémissements et en fait presque trop.


TNS - Quai Ouest - Ludovic Lagarde - Photo: Jean-Louis Fernandez


Christèle Tual assume avec audace et brio le rôle de Monique sa secrétaire avec sa froide souveraineté matinée d'une naïve autosatisfaction. Laurent Grévill en Rodolfe, le frère, fils, ami qui est un peu le point central de toutes ces relations est peut-être le personnage le plus complexe et riche, celui dont nous allons voir le plus de facettes et de richesse tout au long du déroulement de l'histoire. Sa soeur, jouée par Léa Luce Busato, une vraie découverte, sinon la révélation de la pièce, nous fait découvrir cette jeune fille de quatorze ans dont cet épisode va marquer un passage dans sa vie. Passage montré à la fois par le changement de son discours, de naïf et rhétorique à une passionnante déclaration d'amour iconoclaste. De plus, l'épisode de la chaussure perdue-volée place ce personnage à la fois dans le conte de fées et le symbolique.

 

TNS - Quai Ouest - Ludovic Lagarde - Photo: Jean-Louis Fernandez


Antoine de Foucauld qui interprète avec verve et brio Fak, le petit voyou doté d'une logique à la limite de la pataphysique et d'un vocabulaire très typé s'en sort très bien dans ces relations multiples avec les autres personnages (Roldolphe et sa soeur, mais aussi Koch et Monique, deux proies bien différentes). Dominique Reymond a un très beau rôle dont on découvre différentes facettes - et transmutations tout au long de la pièce, on en est presque à ne pas la reconnaitre et elle nous surprend dans sa facilité à parler des langues étrangères et même rares. Son mari, joué par Laurent Grévill, lui aussi se métamorphose au long de la pièce, de vieillard fini en devient presqu'un combattant révolté. Et pour garder le plus atypique, le moins bavard mais celui dont la présence explose sur le plateau, Kiswendsida Léon Zongo qui incarne au sens propre Abad, sa présence et sa force, sa stature et sa puissance sont impressionnantes.


TNS - Quai Ouest - Ludovic Lagarde - Photo: Jean-Louis Fernandez


Tout cet équipage sur ces quais déserts et découpés au cordeau par le magnifiques lumières de Sébastien Michaud nous jouent une comédie humaine désenchantée et acide, critique sombre et désespérée d'un monde qui s'écroule, avalé par le progrès et l'argent des spéculateurs, sans solutions pour les laissés-pour-compte, ni pour ceux que le système broie même s'ils ont de l'argent. Cette tragédie moderne est menée de main de maître par le metteur en scène Ludovic Lagarde qui fait totalement confiance à ses interprètes au service d'un texte sublime.

 

TNS - Quai Ouest - Ludovic Lagarde - Photo: Jean-Louis Fernandez


La Musique de Pierre-Alexandre "Yuksek" Busson participe à l'installation d'une atmosphère anxiogène et la scénographie d'Antoine Vasseur, dévoilant très peu de cet univers en focalisant sur les murs et les passages, les recoins cachés (grâce aussi aux éclairages déjà cités), et les images de Jérôme Tuncer qui installent la même ambiance sombre  - rideaux, mer sombre et massives, pluie,..) et les quelques bruitages de David Bichindaritz (pluie, vent, envol brusque de pigeons?,..) complètent le tableau.


TNS - Quai Ouest - Ludovic Lagarde - Photo: Jean-Louis Fernandez

Tout cela donne une magnifique pièce, avec un texte superbe, menée tambour battant avec un suspense soutenu et qui en même temps nous rend attentifs à une certaine dérive de la civilisation, pas très optimiste, mais dont le ton varie entre humour, quelquefois à la limite comique et une humanité même si elle est blessée et fragile. Et elle crie le besoin d'amour. Elle a été créée à Rennes au Théâtre National de Bretagne le 28 décembre 2021 (Ludovic Lagarde en avait monté une première version à Athènes, en Grec en 2014) et elle est jouée au TNS à Strasbourg jusqu'au 16 décembre puis en tournée en janvier à Douai et en février aux Amandiers à Nanterre.


La Fleur du Dimanche 



TNS - Strasbourg  - du 8 au 16 décembre
Douai - TANDEM Arras Douai, scène nationale - les 11 et 12 janv 2022
Nanterre - Nanterre-Amandiers, CDN - du 3 au 19 fév 2022

Texte Bernard Marie Koltès
Mise en scène Ludovic Lagarde
Avec Léa-Luce Busato, Antoine de Foucauld, Laurent Grévill, Micha Lescot, Laurent Poitrenaux*, Dominique Reymond*, Christèle Tual, Kiswendsida Léon Zongo
Assistanat à la mise en scène, dramaturgie Pauline Labib-Lamour
Scénographie Antoine Vasseur
Lumière Sébastien Michaud
Costumes Marie La Rocca
assistée de Armelle Lucas
Maquillage et coiffure Cécile Kretschmar
Musique Pierre-Alexandre "Yuksek" Busson
Musique additionnelle Come Rain or Come Shine (Harold Arlen - Johnny Mercer) par Ray Charles
Son David Bichindaritz
Image Jérôme Tuncer
Stagiaire à la dramaturgie Juliette Porcher
Régie générale François Aubry ou Corto Trémorin
Régie plateau Éric Becdelièvre
Régie lumière Sylvain Brossard
Régie son Vincent Hursin
Régie vidéo Guillaume Mercier
Habillage Florence Messé
Maquillage Mityl Brimeur ou Charlène Torrès
*Laurent Poitrenaux et Dominique Reymond sont artistes associé·e·s au TNS.
Le texte est publié aux Éditions de Minuit.
Production TNB – Théâtre national de Bretagne, la Compagnie Seconde nature
Coproduction Théâtre national de Strasbourg, Nanterre-Amandiers, Centre dramatique national, Scène nationale d’Albi, La Comédie de Clermont-Ferrand, Scène nationale, le TAP - Théâtre Auditorium de Poitiers, Le Tandem - Scène nationale Arras-Douai
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national et de La Villette, Paris
Production Jean-Michel Hossenlopp