dimanche 13 mai 2018

Ce dimanche, je n'écrirai rien, car pour écrire un seul vers.... je repense à Rilke: "Um eines Verses willen muss man"

Ce dimanche, je n'écrirai rien, car pour écrire un seul vers.... je repense à Rainer Maria Rilke...
Mais je vous offre des fleurs... en pensées
Et je vous sollicite pour trouver le nom de celle envoyée par Claudine B....
Je vous offre le texte de Rilke dans "Les cahiers de Malte Laurids Brigge"
Je vous offre la voix de Laurent Terzieff qui lit ce texte...
Je vous offre une chanson d'Arthur H. : La Boxeuse Amoureuse - et le clip avec Roschdy Zem et Marie-Agnès Gillot...

Et je vous souhaite un bon dimanche...

La Fleur du Dimanche


Fleurs en pensées - Photo: lfdd



Fleurs à deviner - Photo: Claudine B.


Rainer Maria Rilke – Pour écrire un seul vers (1910)

Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.

*

Um eines Verses willen muß man viele Städte sehen, Menschen und Dinge, man muß die Tiere kennen, man muß fühlen, wie die Vogel fliegen, und die Gebärde wissen, mit welcher die kleinen Blumen sich auftun am Morgen. Man muß zurückdenken können an Wege in unbekannten Gegenden, an unerwartete Begegnungen und an Abschiede, die man lange kommen sah, – an Kindheitstage, die noch unaufgeklärt sind, an die Eltern, die man kränken mußte, wenn sie einem eine Freude brachten und man begriff sie nicht (es war eine Freude für einen anderen –), an Kinderkrankheiten, die so seltsam anheben mit so vielen tiefen und schweren Verwandlungen, an Tage in stillen, verhaltenen Stuben und an Morgen am Meer, an das Meer überhaupt, an Meere, an Reisenächte, die hoch dahinrauschten und mit allen Sternen flogen, – und es ist noch nicht genug, wenn man an alles das denken darf. Man muß Erinnerungen haben an viele Liebesnächte, von denen keine der andern glich, an Schreie von Kreißenden und an leichte, weiße, schlafende Wöchnerinnen, die sich schließen. Aber auch bei Sterbenden muß man gewesen sein, muß bei Toten gesessen haben in der Stube mit dem offenen Fenster und den stoßweisen Geräuschen. Und es genügt auch noch nicht, daß man Erinnerungen hat. Man muß sie vergessen können, wenn es viele sind, und man muß die große Geduld haben, zu warten, daß sie wiederkommen. Denn die Erinnerungen selbst sind es noch nicht. Erst wenn sie Blut werden in uns, Blick und Gebärde, namenlos und nicht mehr zu unterscheiden von uns selbst, erst dann kann es geschehen, daß in einer, sehr seltenen. Stunde das erste Wort eines Verses aufsteht in ihrer Mitte, und aus ihnen ausgeht.


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2 commentaires:

  1. la fleur est: Raiponce en épi. Phyteuma spicatum L. Famille des Campanulacées (trouvé par Dominique Haettel)
    Et la réponse de Claudine à l'origine de la photo (et hébergeant la raiponce dans son jardin):
    C'est bien ça! super! et du coup j'ai écouté le poème de Rlke par Terzieff, un très bon moment...
    J'ai essayé de mettre un commentaire sur ton site mais comme on me demandanit trop d'infos compte...pseudo à créer j'ai pas mis..

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  2. Bon, je viens d'apprendre que la réponse n'est pas une "raiponce" mais une "orchidée bouc"... Tout une jeu de mots qui s'effondre !!!

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