jeudi 25 novembre 2021

Chère Chambre au TNS: L'effet onde de la bonté

 Pauline Haudepin, dont nous avions pu apprécier l'univers de conte de fées dans sa précédente pièce au TNS "Les terrains vagues" (qui adaptait le conte Raiponce) bascule avec "Chère Chambre" plutôt dans le mythe. Son univers reste peuplé d'un imaginaire merveilleux et la mise en scène et la scénographie mouvante de cette chambre nous emmènent également dans l'exploration d'un intérieur qui se dévoile et se construit au fur et à mesure.

TNS - Chère Chambre - Pauline Haudepin - Photo: Jean-Louis Hernandez


Ce qui est une espace étriqué au début avec les murs poussés vers le public, va s'ouvrir et se remplir au cours de la pièce pour réorienter le récit. Cette chambre est un personnage à part entière à qui Chimène, dans sa lettre dictée à son journal intime dit adieu: "Toute sortie est définitive, pourtant je sors quand même". Et la créature qui, tout au début de la scène, sort par la porte à reculons à quatre pattes, cachée par ses longs cheveux, va révéler son énigme en deuxième partie de la pièce.

Chimène (maginifique et toute en douceur et tendresse Claire Toubin) quitte cette chambre et ce foyer familial chaleureux pour semer la bonté et se donner à un inconnu, malade. Ce don, qui en retour, et c'est tout le drame de cette histoire qui se construit en puzzle devant nos yeux, signifie pour elle la mort et pour ses proches, sa mère Rose et son père Ulrich ainsi que sa compagne Domino un choc, une prise de conscience d'une perte, un travail de deuil qui, curieusement se fait avant sa mort même. Les scènes suivantes vont en montrer les effets - divers - sur les uns et les autres.


TNS - Chère Chambre - Pauline Haudepin - Photo: Jean-Louis Hernandez

Sur les parents par exemple une certaine sidération et un discours entremêlé de paroles parallèles qui nous en font deviner la nouvelle et pour Domino plutôt un surgissement de colère et des scènes de jalousie et de violence. Le texte de Pauline Haudepin construit un univers poétique plein de fabuleux et de bienveillance et brosse un portrait de ces personnages à petites touches très sensible et avec humour. Ces parents qui n'arrivent pas à s'y faire, cette mère (énergique Sabine Haudepin) qui se met en colère, ce père aimant (placide Jean-Louis Couloc'h) qui arrondit les angles mais qui, en révolte, soutient sa femme dans un sursaut. Et Domino, farouchement dominante prof de philo (vigoureuse Dea Liane) qui, après avoir parlé du "sacrifice - rendre sacré", à la fin, après avoir perdu sa colère, craque et demande: 

"Y a-t-il quelqu'un pour me prendre dans ses bras?".


TNS - Chère Chambre - Pauline Haudepin - Photo: Jean-Louis Hernandez

La deuxième partie de la pièce va d'ailleurs, avec le personnage mystérieux de Theraphosa Bondi interprété par Jean-Gabriel Manolis qui, tel le visiteur dans le film de Pasolini, arrive, presque muet pour apporter la bienveillance à chacun. Ce presque "double" de Chimène réconcilie les personnages avec eux-mêmes et leur passé, leurs rêves dans une chorégraphie douce des sentiments et en leur posant des questions qui les font avancer dans leur parcours pour les réconcilier. La musique de Rémi Alexandre, douce elle aussi participe à cette ambiance de réconciliation et de bonté. Et la scènographie de Salma Bordes et les lumières de Mathilde Chamoux font vivre cet univers qui complète de la chambre à l'hôpital à salle de classe et à l'atelier de peinture pour finir par la chambre partagée des éléments de la vie des personnages. Ne pas oublier le papier peint aux fleurs roses qui guide ce trajet, et les costumes dont celui magnifique de Theraphosa Bondi.


TNS - Chère Chambre - Pauline Haudepin - Photo: Jean-Louis Hernandez

Pauline Haudepin, avec cette pièce La Chambre arrive à nous faire entrer dans cet univers mystérieux qui hante les pensées d'une jeune fille de vingt ans qui crie son désespoir, son envie d'amour, de don et de partage, cette envie de changer le monde autrement, de créer ce monde d'après. Cette pièce écrite avant la pandémie et qui cherche une solution pour nos relations est furieusement prophétique et actuelle.


La Fleur du Dimanche  


Chère Chambre

Strasbourg - TNS du 25 novembre au 5 décembre

Paris - Théâtre de la Cité Internationale du 17 au 29 janvier 2022

CRÉATION AU TNS
COPRODUCTION
Texte et mise en scène Pauline Haudepin
Avec Jean-Louis Coulloc’h, Sabine Haudepin, Dea Liane, Jean-Gabriel Manolis, Claire Toubin
Scénographie Salma Bordes
Lumière Mathilde Chamoux
Costumes Solène Fourt
Composition musicale et son Rémi Alexandre
Plateau et régie générale Marion Koechlin
Production et administration Agathe Perrault – La Kabane
Création le 25 novembre 2021 au Théâtre National de Strasbourg
Les décors et costumes sont réalisés par les ateliers du Théâtre National de Strasbourg
Production Théâtre National de Strasbourg et Compagnie Theraphosa Blondi
Coproduction Théâtre de la Cité Internationale
Avec l'aide à la création de la DRAC Grand Est
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national
Avec le soutien des Tréteaux de France et du Théâtre Gerard Philipe - CDN de Saint-Denis
Avec le soutien du Fonds de dotation création Porosus et de La Chartreuse − Centre national des écritures du spectacle.
Pour Chère Chambre, Pauline Haudepin est lauréate de l'aide à la création de textes dramatiques ARTCENA et de l'aide à l'écriture de la mise en scène de théâtre de l'Association Beaumarchais-SACD. 
Pauline Haudepin est artiste en résidence au Théâtre de la Cité Internationale. Elle a été l'une des artistes présélectionnés par le Dispositif Cluster 2017 initié par Prémisses.
Production et administration de la compagnie Agathe Perrault − La Kabane
Pauline Haudepin est artiste associée au Théâtre National de Strasbourg    


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