mercredi 28 septembre 2022

Music in the Belly de Stockhausen revu par Simon Steen-Andersen et joué par les Percussions de Strasbourg: viscéralement bien

 La pièce Musique in the Belly de Karl-Heinz Stockhausen a été jouée pour la première fois en 1975 par les Percussions de Strasbourg au Festival de Royan. Elle avait été composée pour eux, l'idée ayant surgi  Stockhausen lors d'un épisode drôle - et inquiétant - qu'il a vécu avec sa fille Julika quand elle avait 2 ans. Alors que son ventre gargouillait et que son père lui a dit "Mais, Julika, tu as de la musique dans le ventre", elle est partie dans un fou rire irrépressible et même un épisode inquiétant, ne cessant de rire et de répéter les mots "Musik im Bauch" - "Musique dans le ventre" sans parvenir à se calmer. Sept ans plus tard, il fait un rêve relatif à cet épisode qui lui revient et il le retranscrit dans une partition presque minimaliste mais remplie de didascalies et d'annotations. Sur la scène du Théâtre de Hautepierre, scène de proximité pour les Percussions de Strasbourg, nous assistons à la recréation de cette pièce dans une nouvelle mise en scène et une conception adaptée de Simon Steen-Andersen suite à la demande de l'orchestre, lors d'une soirée du Festival Musica.


Musica 2022 - Karlheinz Stockhausen - Simon Steen-Andersen - Percussions de Strasbourg - Photo: lfdd


Après une projection d'images qui ressemblent à un passage de grosses pattes d'éléphants sur un fond de ciel rouge, avec en bande son ce qui pourrait être des gargouillements d'estomac et même des battements de coeur. Dans le noir arrivent six percussionnistes - que des jeunes femmes: Lou Renaud-Bailly, Olivia Martin, Vanessa Porter, Léa Koster, Hsin-Hsuan Wu, Yi-Ping Yang - sur des planches à roulettes électriques éclairées de leds. Elles se positionnent en cercle sur la scène. L'une, à gauche devant des cloches plaques, trois en fond de scène derrière des petites cymbales et deux à droite devant un marimba. A la cloche plaque, la percussionniste joue sur l'écho et les résonnances avec un micro qu'elle dirige vers les plaques. 


Music im Bauch - Stockhausen - Percussions de Strasbourg - Photo: Christophe Urbain


Les percussionnistes du fond jouent des mélodies à des rythmes différents et à droite, des baguettes sont inlassablement accrochées et lâchées sur le marimba, construisant une mélodie étirée au maximum. De temps en temps l'une des musiciennes se dirige avec sa planche à roulette vers un téléphone qui sonne et d'où émerge la voix de  Karl-Heinz Stockhausen qui nous expose une partie de sa philosophie ou certaines anecdotes, par exemple la prière qu'il a inventée pour ses enfants en hommage à l'univers, les étoiles, les cellules et la lumière. La composition jouée est d'ailleurs issue du cycle du Tierkreis - le Zodiaque où il a composé 12 mélodies (de mi bémol - le Verseau à ré - le Capricorne), dont les musiciens choisissent trois mélodies qu'ils vont interpréter. Et cela donc pour chaque instrument avec sa spécificité et à des rythmes différents, les cymbales étant le plus rapide. Le tout menant vers un état presque hypnotique et cathartique. A certains moments, selon l'éclairage, on se rend compte que le plateau est recouvert d'une mince couche d'eau. Une percussionniste fait le tour des micros suspendus et les fait balancer comme des pendules. 


Musica 2022 - Karlheinz Stockhausen - Simon Steen-Andersen - Percussions de Strasbourg - Photo: lfdd


Du ciel, un homme à tête d'oiseau, couvert de grelots descend et les trois femmes en fond de scène remuent une baguette avec un bout luminescent et fouettent l'air puis en frappent le personnage. D'un coup de scalpel, l'une d'elle lui ouvre la chemise et le ventre qui rougeoie et elles en sortent à tour de rôle chacune une boite à musique qu'elles posent à l'avant-scène. L'une après l'autre, elles mettent en marche la mécanique, accompagnant la mélodie sur un petit marimba qu'elles posent sur le même socle. 


Music in the Belly - Stockhausen - S. Steen-Andersen - Percussions de Strasbourg - Photo: Christophe Urbain


La musique se meurt doucement, les boites à musique s'épuisent et l'homme oiseau rejoint les limbes tandis que dans une sorte de rencontre du troisième type, les trois dernières percussionnistes sortent par le fond de la scène au travers d'un rai de lumière aveuglant. Et dans le silence quelques dernières notes s'échappent encore des boites.


La Fleur du Dimanche  


28.09.2022 — 60' — Festival Musica - Théâtre de Hautepierre, Strasbourg

Composition : Karlheinz Stockhausen (1975)*
Concept, mise en scène, électronique : Simon Steen-Andersen

Interprètes : Léa Koster, Olivia Martin, Vanessa Porter, Lou Renaud-Bailly, Hsin-Hsuan Wu, Yi-Ping Yang.

Régie : Claude Mathia, Etienne Démoulin, Raffaele Renne
Construction des décors : Albane Aubin
Durée : 60’
Production déléguée et commande : Les Percussions de Strasbourg
Coproduction : Festival Musica, La Muse en circuit

Une production réalisée dans le cadre du programme de soutien à la création artistique Mondes nouveaux.

*Pièce originale créée en 1975 au Festival de Royan, commandée et interprétée par les Percussions de Strasbourg
Éditeur : Stockhausen Verlag
Première le 28 septembre 2022 à 20h30 au théâtre de Hautepierre, Strasbourg dans le cadre du Festival Musica

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