mardi 28 janvier 2025

Le Tir sacré et R.osa à Pôle Sud: La balance entre déceptivité et empathie

Dernière soirée du Festival L'Année commence avec elles à Pôle Sud (Voir les billets sur la première, la deuxième soirée et celle qui a été présentée à la Pokop sous les liens). Et toujours place aux femmes. 

Pour finir, et c'est très intéressant, on se retrouve sur des territoires à la frange de la danse, même si avec Silvia Gribaudi on interroge une certaine forme de danse. Mais ce qui caractérise cette soirée, c'est justement que la danse se frotte à des sujets voisins, d'une part le sport et d'autre part l'aérobic et le spectacle. Vous n'êtes pas obligés d'assister aux deux spectacles mais je recommande vivement à celles et ceux qui sont des vrais "fans" de sport d'aller voir Le Tir Sacré de Marine Colard et surtout de ne pas rater R.OSA de Silvia Gribaudi, d'autant plus qu'à l'issue du spectacle du samedi 29 janvier vous pourrez rencontrer et échanger avec l'interprète Claudia A. Marsicano, une personne qui a l'air formidable et toute l'équipe artistique lors d'un échange sympathique organisé avec l'Institut Culturel Italien.


Le Tir Sacré - Marine Colard


Marine Colard est comédienne, danseuse et chorégraphe et sa pièce Le Tir Sacré interroge le rapport du public et des fans en particulier au sport et à la compétition, également à l'image que le sport peut avoir sans image, par le commentaire en particulier. Elle nous fait expérimenter cela sur le mode déceptif dès le départ avec un "chauffeur de salle" - pas moins que Frédéric Voegel, l'animateur de la radio du Racing de Strasbourg qui essaie de nous mettre dans le bain du spectacle avec un décompte de sept minutes savamment orchestré avant une petite douche froide. 


Le Tir Sacré - Marine Colard - Photo: Anthony Devaux


Le spectacle est à l'avenant, mix de musique entraînante et d'extraits de commentaires sportifs dans différentes disciplines (foot, escrime, boxe, badminton,...) qu'elle emprunte à de vrais journalistes (Fanny Lechevestrier et Bruno Salomon) ou qu'elle-même a enregistrés ou qu'elle fait en direct. Là dessus nous assistons à des variations gestuelles symboliques plus ou moins transposées de ces sports qu'elle fait en duo très danse contact avec Sophie Billon (qui a remplacé Esse Vanderbruggen qui avait créé la pièce avec Marine Colard) dont on peut admirer le corps sportif et sculptural (celui de Marine Colard étant le pendant critique de cette tendance, justifiant ironiquement son amour du sport par son envie de devenir journaliste n'ayant pas pu devenir chanteuse punk). 


Le Tir Sacré - Marine Colard - Photo: Anthony Devaux


Cette vision distanciée et déconstruite atteint son sommet lors d'une course hippique où les protagonistes sont presqu'immobiles - nous n'avons qu'à faire marcher notre imagination (c'est la raison même du commentaire sportif à la radio). Déconstruction aussi avec la gymnastique qui lorgne du côté de Marey et distanciation-fusion dans la fausse proximité avec ces membres de l'équipe de foot féminine d'Auxerre (en silhouettes de carton) avec lesquelles elles viennent saluer. Un regard bien caustique sur le sport et ses afficionados.



R.OSA - Silvia Gribaudi


Avec R.OSA de Silvia Gribaudi où elle met en scène Claudia A. Marsicano, le challenge est ailleurs, et autrement plus risqué et délicat. Et toute l'intelligence et la sensibilité de Silvia Gribaudi va être d'amener étape par étape à transformer la perception du corps de l'interprète par le spectateur du statut d'un corps que l'on pourrait qualifier de corps étrange, étranger, que nous ne n'avons du tout, dans notre société hygiénisée, excluante et normative, l'habitude de voir, en un corps qui nous devient presque tellement familier parce qu'on l'a adopté, en tout cas que la personne est presque devenue notre amie. On pourrait même penser d'une manière symbolique au Petit Prince de Saint Exupéry et à sa rencontre avec le renard .


R.OSA - Silvia Gribaudi - Photo: Gianfranco Rota


Dans cette découverte du corps, étrange et insolite au premier regard, par petites touches: d'abord la voix qui sort de ce bloc immobile, puis la tête, le haut - dans une gestuelle fluide lente et qui s'accélère - qui aboutit à une démonstration agile de morphing dansé, et qui concentre notre attention sur l'agilité et la précision des gestes et leur beauté esthétique. Ensuite à nous incluant dans cette succession d'"exercices" (N°1, N°2,N° 3,...) de simili aérobic dans lesquels, en devenant "actifs" nous ne pouvons que comparer le geste et les performances aux nôtres sans compétition ni critique. Et où ne faisons plus qu'un seul organisme, spectateurs et actrice inclus. 


R.OSA - Silvia Gribaudi - Photo: Manuel Cafini


Ainsi, elle nous donne le change et nous inclus dans ce combat pour une reconnaissance et une acceptation de soi, nous mêmes aussi devenons "rois et reines" en bombant le torse, ou les maîtres du rythmes en frappant, nous aussi toutes les parties de notre corps, qui nous appartient et qui n'est pas plus ou moins bien que le sien.  Claudia Marsicano nous embarque avec encore plus d'empathie en jouant les grâces agiles, en référence à la peinture classique. Elle nous rappelle même avec tendresse les femmes de Botero. Et, après avoir dévoilé son corps auquel nous nous sommes familiarisé, elle le dénude encore plus pour nous mettre dans sa poche en nous montrant qu'elle aussi peut s'affranchir d'une certaine manière de la pesanteur et avoir sa propre légèreté. 


R.OSA - Silvia Gribaudi - Photo: Gianfranco Rota


Une démonstration gagnante en dix exercices dispensés dans la joie et la bonne humeur nous fait nous sentir plus légers et heureux. Comme quoi l'inclusion bien vécue, avec empathie, peut faire tourner le monde dans le bon sens. Une belle leçon d'égalité, une leçon de poids.



La Fleur du Dimanche


A voir à Pôle Sud encore le 29 janvier 2025 à 19h00 et 20h30

lundi 27 janvier 2025

A la Pokop: To be schieve de Fanny Brouyaux - Le corps sensible

 C'est à la salle de la Popok sur le Campus Universitaire de l'Esplanade à Strasbourg que le Festival L'Année commence avec elles de Pôle Sud se pose pour un spectacle presqu'intimiste: To be schieve or a romantic attempt de Fanny Brouyaux. Tout un programme.

Les spectateurs entourent le plateau à niveau et l'interprète chorégraphe Fanny Brouyaux nous accueille assise au sol, en short habillé noir et chemise bleue, le bout des pieds et des mains peints en argenté et en train de finir avec deux touches bleues sur les lèvres, comme une version froide de la virgule d'un clown blanc.


To be schieve - Fanny Brouyaux - Photo: Stanislav Dobak

En silence elle se lève et commence à faire vibrer et agiter ses doigts, les mains, intériorisant et transformant une musique qui affleure et fait vivre son corps. Les mouvements s'amplifient, les gestes se font plus expansifs avec des jetés de bras vers le ciel. Elle ne mime pas le jeu d'un violon ou d'un piano, elle est le mouvement de la musique et de multiples variations s'enchainent dans le silence tandis qu'elle occupe la scène. 


To be schieve - Fanny Brouyaux - Photo: Stanislav Dobak

Une ambiance de silence habité sous lequel de légers larsens sourdent meublent l'espace puis arrive la musique. Des airs de violon, du Paganini. Tandis que la lumière change. La danseuse se change elle aussi, troquant sa chemise pour une veste noire. Elle se tient droite, la tète au ciel, bouche ouverte dans un cri silencieux. Les trois néons qui éclairaient la scène sont remplacés par des douches blanches qui apportent une lumière violente. La danseuse se met à bouger de manière beaucoup plus expressive, affolée, en pulsations cathartiques, se tordant quelquefois au sol, comme submergée par des émotions, extatique. 


To be schieve - Fanny Brouyaux - Photo: Stanislav Dobak

Le corps en transe s'agite tandis que la musique se transforme aussi, lentement noyée sous du bruit blanc et des pulsations qui recouvrent le violon. La lumière varie, se colore de rouge et la danseuse à terre s'épuise jusqu'au noir. On a l'impression que c'est la fin. Mais elle revient, se plaçant face aux spectateurs après s'être essuyé le maquillage de sa bouche, dans une attitude duelle, entre rire et larmes, inquiétante et quelquefois aimable, puis désespérée. L'émotion atteint un pic. Une vraie "performance". Fanny Brouyaux arrive à nous faire ressentir des sentiments et des sensations avec beaucoup de finesse, à fleur de peau, de la tension à l'attention.  Son corps est telle une corde tendue, bruissante et sonnante.


La Fleur du Dimanche 

dimanche 26 janvier 2025

Les Contes d'Hoffmann à l'Opéra du Rhin: L'expérience de la perte pour se retrouver

 Les Contes d'Hoffmann est le premier opéra (fantastique) de Jacques Offenbach qui a fait sa renommée dans le milieu lyrique. Il est aussi un des opéras le plus joués dans le monde et est parmi les cinq le plus représentés à l'Opéra de Strasbourg depuis la guerre. Mais cela fait vingt ans qu'il n'y a plus été montré. Curieusement, ou malheureusement, ce succès, pour Offenbach, est un succès posthume, qu'il espérait connaître mais en vain. Il est mort le 5 octobre 1880, quatre mois avant la première. Il n'avait pas fini d'écrire l'opéra en entier (il n'y avait pas l'orchestration) sur le livret de Jules Barbier et Michel Carré. C'est Ernest Guiraud aidé d'Auguste, le jeune fils d'Offenbach, qui l'ont fait. D'ailleurs, Offenbach étant réputé pour réorganiser et couper des parties dans les pièces jusqu'à la première, ce n'est qu'en 2005 qu'avec l'analyse de manuscrits divers qu'une version complète et critique a vu le jour. A partir de ces éléments, la metteuse en scène Lotte de Beer a également fait sa propre adaptation, dont par exemple le choix de présenter les échanges entre le personnage d'Hoffmann et sa Muse sous une forme théâtrale et non de récitatif, gardant ainsi une dynamique d'Opéra Bouffe. L'histoire se présente sous forme d'un long flash-back où l'Acte I, le prologue et l'Acte V, l'épilogue, deux scènes où l'on assiste aux échanges entre le personnage d'Hoffmann et sa Muse enserrent les récits sur les épisodes amoureux du personnage poète et amoureux. Il l'est successivement d'Olympia, d'Antonia et de Giulietta. Et pour commencer de Stella, la chanteuse qui joue Donna Anna dans un Dom Juan présenté à côté. 


Les Contes d'Hoffmann - Jacques Offenbach - Photo: Klara Beck

La pièce, et la mise en scène joue d'ailleurs beaucoup sur la dualité et le double, les deux maîtres de la narration passant de l'avant-scène (rideau tombé et même ouvert) à la scène, dont ils dirigent en démiurge d'une certaine manière l'action, mais dont ils ne sont pas toujours totalement maîtres. Hoffmann tombant toujours, et dans ses travers, et dans une certaine malédiction ou fatalité qui fait de chaque histoire d'amour un échec. Les trois sont traitées avec des thématiques diverses et des styles différents. 


Les Contes d'Hoffmann - Jacques Offenbach - Photo: Klara Beck

Pour Olympia, ce sera l'aveuglement (même avec les lunette magiques de Coppélius) d'Hoffmann devant un automate (ici sous la forme double à des échelles opposées d'une poupée). Pour Antonia, c'est dans une ambiance plutôt fantastique et magique, "fantasmagorique", que se déroule l'histoire de la chanteuse muette qui meurt de trop bien re-chanter jusqu'à l'extase, pour son amour. 


Les Contes d'Hoffmann - Jacques Offenbach - Photo: Klara Beck

Et avec Giulietta, nous tombons dans la malédiction de l'amour où l'amant se fait voler son âme - et son ombre, son image - par la mort dans un jeu dangereux d'Eros et de Thanatos où les morts s'accumulent, de même que les "reflets" dans très une belle mise en scène.  Les décors de Christophe Hetzer apportent dans leur étrangeté une touche de surnaturel dans les effets de perspective, de perte d'échelle, d'apparition et d'escamotage subtil, tout comme la poupée créée par Jorine van Beek, également créatrice des costumes qui naviguent entre atmosphère fin de siècle et milieux troubles et dont étincelle en beauté le costume de scène de Stella. 


Les Contes d'Hoffmann - Jacques Offenbach - Photo: Klara Beck

La partition musicale, très varié, montre tout le talent de compositeur et de créateur d'opéra d'Offenbach, qui reprend en citation quelques-uns des airs de ses autres pièces. On y trouve tout autant des airs à boire que la devenue célèbre Barcarolle (Belle nuit, O douce nuit d'amour) et les solos, duos, trios et choeur mettent en valeur les interprètes et le choeur de l'Opéra du Rhin sous la direction de Hendrik Haas. Le chef Pierre Dumoussaud, à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg arrive à naviguer entre les multiples climats de cette pièce et lui donne le bon rythme, sans s'essouffler.

 

Les Contes d'Hoffmann - Jacques Offenbach - Photo: Klara Beck

Les interprètes, confrontés à des tableaux très différents, en particulier la soprano Lenneke Ruiten qui assure quatre rôles et les styles variés qu'elle doit interpréter, passant de la fougue au dramatique et à la virtuosité, est magistrale. De même le ténor Attilio Glaser en Hoffmann, avec toute la puissance de feu qu'il offre du début à la fin de cette pièce. La mezzo Floriane Hasler jongle entre ses airs chanté et ses parties théâtrale sans souci et les autres interprètes, le baryton Jean-Sébastien Bou (Lindorf, Coppélius, le docteur Miracle et Dapertutto), le ténor Raphaël Brémard (Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio) et le baryton Marc Barrard (Crespel, le tenancier Luther), Pierre Romainville (Nathanël, Spalanzani, le capitaine des sbires) et Pierre Gennaï (Hermann et Schlémil) troquent aussi aisément les rôles, les costumes et les personnages de cette distribution fourmillante. Et la mezzo-soprano Bernadette Johns fait une spectrale mère d'Antonia. 


Les Contes d'Hoffmann - Jacques Offenbach - Photo: Klara Beck

Ainsi, entre rebondissements, changements d'atmosphère et de style, successions ininterrompues d'événements en tout genre, mélodies entraînantes et pièces vocales captivantes, les aventures de ce poète désenchanté nous entraînent sur de multiples chemins mystérieux et les arcanes mouvantes de l'amour. Jusqu'à la morale finale, la voix de la raison de la Muse qui somme Hoffmann d'arrêter de s'apitoyer sur son sort et de ne s'aimer que soi-même mais de s'ouvrir à l'autre et de reconstruire avec génie à partir de sa douleur: 

"On est grand par l'amour 
Et plus grand par les pleurs."   

Tous ces ingrédients en font une représentation fort enlevée et agréable, d'une très belle tenue artistique - et de l'humour - et dont les performances des artistes et de l'orchestre sont justement saluées par le public ravi.


La Fleur du Dimanche


Les Contes d'Hoffmann


A Strasbourg - Opéra National du Rhin - du 20 au 30 janvier 2025

A Mulhouse - La Filature - les 7 et 9 février 2025

Distribution

Direction musicale: Pierre Dumoussaud
Mise en scène: Lotte de Beer
Décors: Christof Hetzer
Costumes: Jorine van Beek
Lumières: Alex Brok
Réécriture des dialogues et dramaturgie: Peter Te Nuyl
Dramaturgie: Christian Longchamp
Chef de Chœur de l’Opéra national du Rhin: Hendrik Haas
Les Artistes
Hoffmann: Attilio Glaser
Olympia, Antonia, Giulietta, Stella: Lenneke Ruiten
Nicklausse, La Muse: Floriane Hasler
Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto: Jean-Sébastien Bou
Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio: Raphaël Brémard
Crespel, Luther: Marc Barrard
Nathanaël, Spalanzani: Pierre Romainville
Hermann, Schlémil: Pierre Gennaï
La Mère: Bernadette Johns
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Chœur de l’Opéra national du Rhin

samedi 25 janvier 2025

Premières revient au Maillon: Penelope et GPO Box N° 211 - Des rêves et du papier

Le Festival Premières, le festival dédié au jeunes scènes européennes revient pendant trois semaines au Maillon avec des propositions variées qui interrogent à la fois le spectacle, notre société et l'acte théâtral.

Les deux premières pièces nous viennent de Salzbourg avec Giulia Giammona qui a travaillé avec quelques grandes pointures du théâtre international et d'une compagnie crée par Chun Shing Au originellement à Hong-Kong et naviguant entre Halifax au Canada et Amsterdam.


PENELOPE - Leonora Carrington - Giulia Giammona


Leonora Carrington, artiste surréaliste a, un temps avant la deuxième guerre mondiale, partagé la vie de Max Ernst (leur maison est en Ardèche) avant d'aller au Mexique, avec un passage en Espagne où elle a été internée suite à une dépression. Sa pièce Penelope n'a apparemment été publiée que dans les années 1960.


Penelope - Leonora Carrington - Giulia Giammona - Photo: Alice Silvera, Marielle Mayer


Elle décrit les atermoiements et les hésitations d'une adolescente qui lors de l'anniversaire de ses dix-huit ans, arrive difficilement à passer ce cap. Leonora Carrington a peint des costumes pour cette pièce mais la mise en scène de Guilia Giammona pour ce spectacle va vers plus de sobriété avec des costumes noirs ou blancs, des personnages dont les têtes et les visages sont cachés derrière des voiles (inspirés d'une sculpture de Carrington de femmes au visage absent ?). Il y a aussi le vert de son voile et de son costume (comme son portrait d'elle au Mexique par Max Ernst). Les chansons, dont Greensleeves (la dame aux manches vertes) chantée et jouée à la harpe impriment une certaine tristesse dès le début du spectacle et la Llorona (la pleureuse) ne peut que renforcer cette ambiance.


Penelope - Leonora Carrington - Giulia Giammona - Photo: Alice Silvera, Marielle Mayer


Côté décor, le sol en carreaux d'échiquier noir et blanc, jeu emblématique des surréaliste, et une balançoire suspendue dans le ciel nous introduisent dans décor de rêve surréaliste et impriment des images fortes dans notre mémoire. D'autres images symboliques comme l'oeuf de pigeon, la table de buffet ou les références au cheval (Tartare), comme la bride et le harnais, des morceaux de sculpture (cheval éclaté?) et surtout ces beaux costumes noirs de derviche soutiennent le texte un peu débridé. Et les scènes oscillent entre élans jubilatoires et fortes sensations de souffrance qui tiraillent Penelope entre son père, sa mère et ses amies.


Penelope - Leonora Carrington - Giulia Giammona - Photo: Alice Silvera, Marielle Mayer


Penelope se retrouve suspendue, enfermée dans son mutisme et sa douleur, ou alors partant sur des échappées, au galop dans une tempête agitée et furieuse. La pièce joue sur les espaces mouvants et les ruptures, avec de brusques coupures au noir. Elle intègre aussi des extraits filmés d'un entretien avec Leonora Carrington qui parle de manière forte et volontaire de son travail, son art et de son statut et qui apporte une belle connaissance de cette artiste et de son imaginaire singulier.



GPO Box N° 211 - Chun Shing Au 


Pour la pièce GPO Box N° 211 de Chuh Shing Au, la lettre donnée à l’entrée de la salle au spectateur par Chuh Shing Au contient un certain nombre d’indices pour la lecture et le décodage de la performance qu’il va réaliser. L’on comprend par exemple que cette lettre adressée à son ami Siu Ming emprisonné à Hong Kong est forcément plus ou moins codée pour des raisons de sécurité. On y parle bien sûr de restriction et de crainte de "révéler des choses", également d’ "autocensure", de "contrainte", et de "régime autoritaire". On cite cependant Joshua Wong, un militant pro-démocratique qui dit "Bien que mon corps ne soit pas libre, tant que mon esprit l’est, je le suis". Chuh Shing Au y parle aussi de ses interrogations sur son engagement politique dans son travail et souligne le fait qu’il devrait "apprendre les gestes de premier secours sur un champ de bataille" et, pour finir en parlant de la nostalgie de certaines friandises locales, révèle les contraintes kafkaïenne des autorisation d’entrée dans la prison (37 grammes autorisés pour un paquet de M&M’s qui se vend 40 grammes en général).


GPO Box N° 211 - Chuh Shing Au - Photo: Thomas Lenden

Ces élément et quelques observations vont nous aider à essayer de "lire" ce que nous voyons sur le plateau, qui pour le moment est jonché de nombreuses feuilles froissées ou moins froissées que l’on imagine être d’autres lettres de cette correspondance, et ces lettres "vivent" sur scène, mues par des petits soubresauts et ondulations, dans une rythmique aléatoire et puis très coordonnées quand il s’agit pour Chuh Shing Au de faire le ménage sur le plateau, après avoir un temps construit, sur table à droite une maquette d’un bâtiment (prison, tour de guet ou d’aéroport, ..) blanc. Après avoir rassemblé à gauche ces feuilles éparses froissées, Chuh Shing Au s’approche d’un grand rouleau dont il va dévider une très grande feuille qu’il va manipuler, aplanir, transformer tout au long de la suite.


GPO Box N° 211 - Chuh Shing Au - Photo: Thomas Lenden


Ce théâtre d’objets – et de sons parce que la vie du papier est sonore verra sa forme et ses fonctions successivement passer de cachette à socle de ce bâtiment, devenir un vrai personnage et avoir une vie intérieure, devenir poste d’observation et salle de commande (télécommande) de l’extérieur, devenir fantôme et esprit ou ectoplasme hanté, organisme essayant de s’échapper et se heurtant à des obstacles infranchissables pour, au final devenir le marchepied d’une marche de libération où, bien que restant au même endroit, notre personnage avance quand même. La pièce extrêmement sobre et hypnotique, faites de petits riens, de détails infimes et de sons à la fois discrets mais aussi surprenants quand il s’agit du bruit du papier, nous incite à décaler le regard et à observer ce que l’on voit avec une autre perception, un autre mode de compréhension pour y découvrir les signes discrets d’une certaine libération, d’un esprit qui arrive à traverser des murs.


La Fleur du Dimanche



vendredi 24 janvier 2025

A Star is Burnes avec les Scouts toujours à la Briqueterie: Make Scout great again

 Trente-six ans que les Scouts (toujours) bivouaquent à la Briqueterie à Schiltigheim pour asséner leur humour jovial (comme Hamster) et leur ironie caustique (en soude de la Saint-Thur) pour la plus grande joie des spectateurs (et la plus grande inquiétude des politiques qui s'y font croquer au menu). Cette année, "maudite", c'est A Star is Burnes




Bien sûr il y en a un qui s'en sort haut la main (peau de lapin), c'est Donald qui non seulement ouvre le show en flamboyance, mais qui rassemble ses complices Vladimir et Benjamin (un beau trio Holà! bien imité - avé l'assent, pas du midi bien sûr) pour faire un Hold Up sur les spectateurs. Et comme cela ne lui suffit pas, il rachète aussi un "Bon Coin d'Alsace" - village pittoresque niché "en moyenne montagne" emblématique mais ruiné qui servira de base arrière à l'Alsace entière pour "envahir" le monde et le pacifier en exportant son architecture. Comme d'habitude, la troupe est survoltée et les jeux de mots fusent, les chansons - excellentes et toujours très bien interprétées - ponctuent la soirée. L'orchestre sous la direction de Michel Ott (Kaes Charrette en personne) les accompagne et donne de la puissance et du rythme (s'il en manquait) à la soirée. 


Les Scouts - A Star is Burnes - Photo: strasbourgphoto.com


La vingtaine de sketches sur près de deux heures s'enchainent sans temps mort. Ca démarre par un catalogue - long comme un mur sans fin - de jeux de mots des métiers du bâtiment pour casser, non des briques, mais la déprime (Rénov) ambiante. Cela continue avec la série des Urgences et les portraits tirés à la scie (tron sonneuse) des politiques et de l'économie saignée (à blouse blanche) avec un Emmanuel (mythe) errant dans les couloirs à côté de la plaque - table des opérations (ou plutôt soustractions). 


Les Scouts - A Star is Burnes - Photo: strasbourgphoto.com


On y assiste aussi à la ronde des présidents qui abusent de la démocratie inconsciente, à un nouvelle forme de pèlerinages "vert"  à l'Hôtel de Ville avec des disciples "Haré Gallia" et une très réussie "valse hésitation" droite-gauche de l'opposition municipale qui se positionne sur l'échiquier en vue des municipales, face au public, au point de douter de sa gauche. La politique est bien sûr égratignée, tout comme le projet du tram qui donne lieu à un poétique épisode de prospective-fiction avec de savoureux ours blancs à la Station Grand Nord rêvée. 


Les Scouts - A Star is Burnes - Photo: strasbourgphoto.com


Les sujets d'actualité comme les licenciements à la volée (qui est volé ? dans ce grand marasme économique des grandes entreprises comme Michelin, Auchan, Casino - ce n'est pas du jeu...) traités de manière originale, tout comme le départ de Dolly (qui plane vers les US au désespoir de son amant-amoureux) ou le robot d'Elon Musk (qui a plus de facilité à apprendre les gros mots alsaciens que de travailler) ou la déprime (le Burne out - Bure'n out) du paysan bio obligé de se reconvertir dans le porno bio (en animation légumière), sont bien troussés . Bien troussées (un peu trop d'ailleurs) aussi, les soeurs qui "accueillent" un certain abbé un certain hiver. 


Les Scouts - A Star is Burnes - Photo: strasbourgphoto.com


Plus engagé ou poétique, les versions fin du monde vues sous la mode comique chez le coiffeur ou onirique avec Le scaphandrier. Franchement délirante et carrément gaga, la précocité des poupons qui en crèche s'organisent en bande de marmots trafiqueurs (excellents costumes) sous la bénédiction des parents libéraux et du pédiatre complice. Notons l'originalité de la scénographie et du décor de Bruno Boulala qui inclut quelques grands écrans qui participent totalement aux récits avec des bouts de l'histoire qui s'y déroulent - dont l'épisode du feuilleton télé dans lequel l'habitante de Hautepierre (toujours excellent Patricia Weller) prend la main sur les émissions en direct. 


Les Scouts - A Star is Burnes - Photo: strasbourgphoto.com

Notons que les comédiens - et comédiennes - sont comme à l'accoutumée excellent(e)s dans leurs multiples rôles assumés sur la soirée, donc, en plus de Patricia, Nathalie Mercier, Murielle Rivemale et sa chanson Bardella l'a (Quand Marine est là), Emma Massaux et la dynamique Sophie Nehama. Et du côté masculin, les inoxydables Fayssal Benbahmed, Raphaël Scheer, Jérôme Lang, Yann Hartmann, Jean-Philippe Meyer, Alexandre Sigrist (excellent en commandant Bayrou). 


Les Scouts - A Star is Burnes - Photo: strasbourgphoto.com


Tous avec des noms d'étoiles d'Hollywood (ne les loupez pas dans le programme du spectacle). N'oublions pas le maitre de cérémonie, à la plume et à la mise en scène, Daniel Chambet-Ithier (le rescapé des Scouts antiques) assisté de Denis Germain et les musiciens, et les quelques chorégraphies dansées par la folle troupe savamment coordonnées par Bruno Uytter. Et bien sûr toute l'équipe technique sans qui tout cela n'aurait pas eu lieu, et un grand salut à Rita Tatai pour la création et la réalisation des costumes avec son Atelier La Colombe.


Les Scouts - Panneau-Rama des affiches du début - Photo: Robert Becker

Et bien qu'il soit dit dans le spectacle que "L'humour c'est la politesse du désespoir", l'on ne sort pas vraiment désespéré de ce spectacle bouillonnant, plein d'invention, avec une folle envie de se secouer les urnes dans les temps à venir. Et quand les cloches (d'Schelle) sonneront le rappel des prochaines échéances, nous nous souviendrons de ces petites leçons de poil-à-gratter (le c...?) distillées dans les méandre de notre cervelle (de veau) et nous dirons, avec les Scouts, comme tous les ans: Toujours prêts!


La Fleur du Dimanche


A Schiltigheim jusqu'au 2 mars


Puis en tournée à Niederbronn-les-Bains, Bischwiller, Sélestat, Saverne, Mutzig, Cernay, Muntzenheim, Village Neuf, Ostwald

https://www.acte5.fr/revue-scoute/



mercredi 22 janvier 2025

Cécile au TNS: Elle ouvre les portes du théâtre.... sur sa vie

 On a tendance à considérer le théâtre comme un art "vivant", un spectacle dans lequel nous assistons à une représentation où, sur la scène, des acteurs racontent (diégesis) une histoire ou la jouent, la représentant (mimesis) pour nous émouvoir, nous instruire ou nous faire réagir. Au fil du temps ces formes ont évolué et les modalités ont changé et les technologies aidant, des artifices et des médias autres s'y sont intégrés. Le contenus et les formes ont aussi évolué. Bien sûr on va toujours au théâtre pour voir ce qu'on appelle les "Classiques" (Molière, Shakespeare, Tchekov,...) ou les "Modernes", tous ces auteurs du XXème et du XXIème siècle, mais les formes se sont aussi diversifiées et pour les classiques, les artifices de mise en scène et de jeu ont dépoussiéré les alexandrins. Et l'éventail de styles est une richesse. A ces "textes" se sont aussi adjoint d'autres formes de théâtre qui ont pris un essor en dehors des lieux classiques, entre autre par le biais des spectacles d'humoristes, souvent des solos, et en particulier, en parallèle avec l'arrivée en littérature du récit autobiographique ou de l'autofiction, des seul(e)s en scène ou des Stand-up, dont l'improvisation devient partie intégrante du spectacle. Au TNS, il y a déjà eu récemment les deux spectacles de Laurène Marx Pour un temps sois peu et Je vis dans une maison qui n'existe pas

Avec Cécile, une "Mise en scène" Marion Duval, avec une "performance" de Cécile Laporte, avec une "conception" de Marion Duval et Luca Depietri et une "dramaturgie" d'Adina Secretan, nous nous trouvons dans une forme limite du spectacle et de l'autofiction. D'ailleurs, pour commencer, c'est Marion la metteuse en scène qui prend la parole pour expliciter les "règles du jeu" de la pièce, également pour les spectateurs, en particulier de "se recentrer" et de se "rapprocher" de la scène, les règles pour "sortir" de la salle : au moment des changements de chapitre (la pièce étant chapitrée par la metteuse en scène pour rythmer et structurer la performance) et surtout ne pas sortir quand il y a des "moments de théâtre". 


Cécile - Cécile Laporte - Photo: Mathilda Olmi


Elle présente aussi Cécile Laporte en précisant que "les gens s'épanouissent à son contact". Ce qui n'est pas faux. Effectivement, Cécile est non seulement un "personnage", mais en plus elle a une capacité contagieuse de détendre l'atmosphère, de récolter de l'empathie et de conter avec rythme et suspense, avec des ruptures, des rebondissement, de l'humour et une franche autodérision qui nous permet de réagir à toutes les aventures surprenantes, saugrenues, insolites, imprévisibles, presqu'impossibles qu'elle a vécues et qu'elle nous raconte avec une fraicheur à toute épreuve.




Ainsi dès le premier chapitre intitulé Animation handicapé, elle raconte son premier vrai job où, pour foncer sur les routes sinueuses des Pyrénées, il lui fallait comme passeport un diplôme du BAFA, un permis de conduire (reçu par dépit) et un RIB. Et ainsi convoyer une folle équipe (c'est bien le cas de le dire) au fin fond du pays avec la charge d'âmes qu'elle arrive à maintenir en survie sans formation spéciale. Et c'est parti pour presqu'une demi-heure d'aventures picaresques toutes plus délirantes les unes que les autres. Parce que, quand on a l'impression que c'est fini, ça recommence de plus belle. C'est le cas aussi de l'épisode des Clowns à l'hôpital, de Fuck for Forest, de La ZAD ou de la Comédie Musicale à l'asile, dans des tonalités et sur des thématiques différentes. Ces récits permettent de découvrir la générosité, l'ouverture et l'engagement de Cécile sur tous les plans (même les plans cul) dans la vie et envers les autres, de saisir aussi sa fragilité et les difficultés qu'elle a dû surmonter.

Lorsqu'elle raconte ces histoires, assises sur une chaise face à nous, mais aussi marchant d'un bord à l'autre de la scène ou parmi les spectateurs (prenant même un bain de foule dans un vol plané au-dessus des spectateurs porteurs), des photos (de son séjour dans les Pyrénées) ou des extraits vidéo témoins - de Notre-Dame-des-Landes ou de la Réincarnation de Bob Marley - sur l'écran derrière elle témoignent de la réalité de son histoire. 


Cécile - Marion Duval - Cécile Laporte - Photo: Mathilda Olmi 


Et en contrepoint, respiration dramatique, des scènes sont jouées, rideau de projection levé pour la partie mimésis d'elle. Avec des figures et des marionettes (Séverine Besson) et comme un cadeau avec la concrétisation du rêve de la Comédie Musicale, un très beau cadeau que lui offre en retour Marion Duval comme catharsis d'un épisode douloureux. Toute l'intelligence de ce spectacle qui navigue sur le fil, et dont nous-mêmes sommes en train de suivre, en équilibre entre plaisir, voyeurisme, émotion et engagement, les rebondissements est dans cette franchise et cette simplicité qu'incarne Cécile Laporte. Et aussi dans son engagement et sa générosité. Un coeur grand -et gros - comme ça.

 

La Fleur du Dimanche


Cécile

Au TNS du 22 janvier au 1er février à Strasbourg - Attention horaire spéciaux - durée environ 3 heures avec entracte

[Performance] Cécile Laporte
[Mise en scène] Marion Duval
[Conception] Marion Duval et Luca Depietri (KKuK)
[Dramaturgie] Adina Secretan
[Collaboration artistique, chant, jeu et régie plateau] Louis Bonard
[Costumes et marionnettes] Severine Besson        
[Son et musique] Olivier Gabus
[Scénographie et lumières] Florian Leduc
[Sculptures et dessins] Djonam Saltani, Iommy Sanchez
[Vidéo] Diane Blondeau
[Jeu et régie plateau (en alternance)] Louis Bonard, Diane Blondeau, Marion Duval, Maxime Gorbatchevsky, Sophie Lebrun, Atakan Tan
[Régie lumière] Lula, Redwan Reys
[Animation 3D] Iommy Sanchez, Lauren Sanchez Calero
[Diffusion] Anthony Revillard
[Administration] Laure Chapel – Pâquis et Marie Lacoux
[Collaboration production] Anna Ladeira – Le Voisin
[Production] Chris Cadillac
[Coproduction] Arsenic – Centre d’art scénique contemporain, Théâtre Saint-Gervais
[Soutiens] Pro Helvetia – Fondation suisse pour la culture, Loterie romande, Pour-cent culturel Migros, Fondation Ernst Göhner, Fondation Engelberts
[Aide à la recherche] Manufacture – HES-SO


mardi 21 janvier 2025

Avec Elles à Pôle Sud: Chloé Zamboni et Lara Barsacq - Variation sur le duo et trios

 Troisième soirée du Festival L'Année commence avec elles à Pôle Sud (Voir les billets sur la première et sur la deuxième soirée sous les liens). Et toujours un programme exclusivement féminin dont la ligne directrice serait le duo (avec variantes).


MAGDALENA - Chloé Zamboni - La Ronde    


Avec Chloé Zamboni - et Marie Vienot ("en étroite collaboration" comme il est dit dans le générique), nous nous trouvons dans un triangle, en fait, dont nous spectateurs sommes les observateurs privilégiés. Bien sûr le spectateur est toujours la personne à qui s'adresse le spectacle et l'action qui se déroule sur scène. 


Magdaléna - Chloé Zamboni - Photo: Laurent Philippe


Mais dans le dispositif que mettent en oeuvre les deux danseuses face à nous,  dans Magdaléna, c'est une relation très forte, intime, ce que surligne cette bougie posée dans le coin droit du tapis de danse blanc en partie déroulé, posé sur la surface noire du plateau du studio. Et les deux danseuses sont aussi vêtues de noir, ne laissant apparaître que les extrémités nues de leur corps: les jambes, les bras et la tête. Installées dans le silence, elles sont assises, imbriquées l'une à l'autre, ne faisant presque qu'un seul corps. Et nous incluent dans cette construction. Qui ne bouge presque pas. 


Magdaléna - Chloé Zamboni - Photo: Laurent Philippe

C'est par des gestes lents, de glissements, de décalage, d'apparition de mains de derrière les corps ou de rotation lente de la tête, synchronisée et désynchronisée, avec des mouvement discrets des yeux également qui nous ignorent ou nous cherchent. S'ensuit une géométrie corporelle du mouvement par lents glissements, déconstruction et réadaptation des corps l'un avec l'autre, où les pieds aussi forment des images singulières. Le silence nos plonge dans un univers hors du temps et quand surgit une musique à la Monte Young, nous somme portés par ces nappes ondulantes qui se transmettent également aux danseuses. Elles bougent en ondulations, saccades souples et interrompues, quelquefois rembobinées, sous les pulsations de la musique. 


Magdaléna - Chloé Zamboni - Photo: Mathilde Guiho

Elles sont aussi debout, formant également des géométries verticales, toujours avec ce lien avec nous public, que ce soit au niveau du regard, tenu ou occulté, mobile et complice. Dans cette maîtrise de la lenteur, les gestes produisent des images, surprenantes quelquefois, le corps devient ligne ou forme, les membres font apparaître de surprenantes figures. En une sorte d'animation muybridgienne au ralenti. Quelquefois l'une ou l'autre quitte le plateau pour se reconnecter plus tard et pour finir, une animation à quatre pieds nous emmène vers un apaisement définitif.


La Grande Nymphe - Lara Barsacq


Avec Lara Barsacq, la forme du duo est un peu "bousculée" tout comme sa lecture du Prélude à l’après-midi d’un Faune où elle déconstruit puis fait revivre le célèbre ballet de Valslav Nijisnski qui a fait scandale à son époque. Elle s’approche et contourne le ballet créé en 1912 par ce dernier avec les Ballets Russes dans une mise en scène originale: Le spectacle a été joué sur l’avant-scène par le duo de la Grande Nymphe et du Faune (interprété par Nijinski) et six nymphes devant un rideau peint par Léon Bakst. Ce spectacle nous amène à la question du titre, duo – trio et qui se joue dans le trio des artistes à l’origine du Ballet: Nijinski pour la chorégraphie, Debussy pour la musique et Mallarmé pour le poème ayant inspiré Debussy, L’après-midi d’un Faune


Lara Barsacq - La Grande Nymphe - Photo: Sybille Cornet


Du côté de Lara Barsacq et des origines, il y a aussi un duo qui devient trio qui flotte en l’air, à savoir le peintre Léon Bakst, son arrière-grand-oncle, qui a beaucoup travaillé en tant que scénographe et costumier avec les Ballets Russes et en particulier Ida Rubinstein et Bronislava Nijinska, deux danseuses auxquelles elle a rendu hommage à travers ses deux précédentes pièces IDA don’t cry me love (2019) et Fruit Tree (2021). t puis, au niveau de La Grande Nymphe il y a aussi ce duo de danseuses, Lara et Marta Capaccioli qui dédoublent cette Grande Nymphe avec des corporalités différentes, une séduction qui se transmet aussi de l’une à l’autre, chacune avec son charme et sa présence propre. 


Lara Barsacq - La Grande Nymphe - Photo: Sybille Cornet


Et le troisième larron, larronne aussi, la musicienne Cate Hortl qui arrive en premier sur le plateau et lance la musique - des effets électroniques qui revisitent Debussy - et y mêle des chansons glamour, qui se fait aussi la maîtresse du micro introspectif sur les sentiments de chacune vis-à vis de la pièce. C’est le début d’un long et complet encerclement pour ainsi dire du sujet, à l’image du roller derby, que Lara Barsacq apprend autour de la Pyramide (de Pei au Louvre à Paris) dans le film inaugural et qui débouche sur une vraie partie de roller sur scène où l’on ne peut que constater la prédiction de Lara: Marta est vraiment à l’aise sur ses rollers…. 


Lara Barsacq - La Grande Nymphe - Photo: Sybille Cornet


Par cercles concentriques et échappées documentaires dans les réserves de costumes de l’Opéra de Paris, une série de poses (dans un premier temps immobiles, puis qui jouent du mouvement) qui caractérisent et définissent les qualités de jeunesse, de sensualité et de séduction des nymphes, amènent à l’acmé de la représentation jusqu'au moment où, pour clore, la pièce musicale est interprétée par un trio de musiciennes (flûte, violoncelle et harpe) tandis que nous pouvons admirer toute la grâce et l’ambiguïté séductrice double de Marta Capaccioli.  


Lara Barsacq - La Grande Nymphe - Photo: Sybille Cornet


Ce mix de niveaux de narrations, de points de vues, d’éléments de contenus ou de commentaires, plus les éléments du décor qui présentent eux aussi deux versions picturales de ce mythe de la nymphe séduite, rejouées et réinterprétées sous nos yeux par les deux danseuses apportent une lecture en mille-feuille de ballet mythique, un des monuments de l’histoire de la danse qui nous apparait ici bien désacralisé et au goût du jour. Un sacré coup de balai dans le ballet sacré.


La Fleur du Dimanche

dimanche 19 janvier 2025

Foin de Trois, on y arrive, à démarrer l'année: Un, Deux, Trois...

 Les choix sont quelquefois difficiles, Même pour les voeux. Cependant les réitérer permet de d'avancer dans l'année et conforter les liens.

Je vous offre donc aujourd'hui une dernière version de voeux en espérant qu'elle emporte votre adhésion.

Mais pour commencer, la fleur, celle vue pour finir l'année, juste au dessus de ce paysage de rêve, rose comme un rêve de bébé:


Rose de Noël - Photo: Robert Becker


Et voici la Bonne Année:


Bonne Année - Photo: Robert Becker


Et pour reprendre renouer d'une certaine manière avec les TVA (Textes à Valeur ajoutée, je vous fais aussi une version en trois points.


Point 1: Un rêve d'avenir où le temps est compressé:


Google  vient de révéler qu'il a réussi à créer une puce, Willow, qui corrige les erreurs de calcul des qubits (ou bits quantiques) - par opposition aux "bits" qui actuellement n'ont que deux états 0 ou 1 -  qui peuvent exister dans plusieurs états simultanément grâce à deux propriétés fondamentales de la physique quantique : la superposition et l’intrication. Ainsi ils réalisent des calculs massivement parallèles pour résoudre des problèmes complexes.

Cette puce réalise en à peine 5 minutes ce qu’un superordinateur classique mettrait… 10 septillions (10 puissance 25)  ans, soit un 10.000.000.000.000.000.000.000.000 années à accomplir. 

Le futur est à notre porte dont le seuil est un gouffre.


Point 2: Citations dérivées sur le mode de "jamais deux sans trois" où je cède la parole à une philosophe et un poète:


Toute vérité franchit trois étapes. D'abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence.+

Arthur Schopenhauer

Ce qui se dit en trois mots n'est jamais si bien dit en quatre ; et un bon livre n'est pas celui qui dit tout, mais qui fait beaucoup penser.

André Chénier


Point 3: Trois chansons de chanteur.euse.s ou de groupes vu(e)s l'an passé.


En un, bien sûr "O solitude" de Birds on a wire (voir ici):


La deuxième , c'est Clara Ysé vue au PréO à Oberhausbergen là, avec Le Monde s'est dédoublé:


Et la troisième, c'est One, Two, Three de Rodolphe Burger vu à Bischheim à la salle du Cercle



Encore Bonne Année

La Fleur du Dimanche


P.S. Si vous n'avez pas reçu les Voeux N° 1 ni N°2, je vous invite à vous inscrire via le formulaire ici - et bien vérifier le mail de confirmation à renvoyer (Opt'in du RGPD).

Si cela ne marche pas je vous invite à le faire via un mail que vous m 'adressez en direct (adresse en haut à droite de la page).