mardi 14 janvier 2025

L'année commence avec elles: Chandra Grangean & Lise Messina et Mathilde Monnier: des portraits de femmes

 Pour le lancement de la saison 2025 de la programmation du Festival L'année commence avec elles à Pôle Sud CDCN, on peut se demander ce qui réunit les deux spectacles Reface de Chandra Grangean & Lise Messina au Studio et celui de Mathilde Monnier Black Lights sur le plateau. On se dit à première vue "rien". Mais à y regarder de plus près on se rend bien compte, et c'est justement un peu l'objectif de ce festival que cela parle des femmes, de leur situation, de leur statut et les contraintes et obstacles qu'elles rencontrent dans la vie en général et de comment elle y répondent.


Pour la pièce Reface que l'on pourrait traduire par "refaire face" mais aussi se refaire la face, le visage, le motif que nous exposent les deux performeuses chorégraphes et interprètes de la pièce, Chandra Grangean et Lise Messina, avec la complicité du musicien Matrin Malatray-Ravit qui compose la musique en direct (quelquefois c'est Jacopo Greco d'Alceo qui est au manettes) et d'une petite équipe indispensable, en particulier, et nous nous en rendrons compte durant le spectacle de Chloé Herouart qui a conçu le maquillage, c'est tout un travail et une réflexion sur l'apparence, la visibilité de l'identité et de ses multiples variations, transgressions et transformations qu'il est question. 


Les Idoles - Reface - Photo: Thom Grand Mourcel


Sur scène, les deux interprètes nous accueillent presqu'immobiles, se balançant lentement, dans une  synchronicité qu'elles garderont du début à la fin du spectacle, presque dans le silence, ce silence sous lequel monte lentement le son de ce qui pourrait être un écoulement d'eau (dans une canalisation?). Elles ont les yeux fermés et sont pieds nus. Un semblable jean clair et un blouson d'un bleu plus foncé les rendent presque inidentifiables, neutres, tout comme la perruque blonde dont elles sont affublées. Quand elles ouvrent les yeux, on a peine à comprendre l'expression de leur visage et quand elles enlèvent leur perruque c'est pareil, leurs "nouveaux" cheveux sont tout aussi surprenants que la perruque. La bouche peint en rouge, elle disparaît dans la vraie comme par magie et c'est parti, sur un rythme de danse qui monte en puissance, binaire et entêtant pour une série de balancements qui prennent de l'ampleur. Ancrées dans le sol, ce corps tournoie, les bras bougeant peu, mais dévoilant au fur et à mesure des artifices et des semblant de prothèses, des bouts de plastique alimentaire qui passent dans le bouche ou les doigts et se transforment en se rallongeant en fils malléables et jetables. 


Les Idoles - Reface - Photo: Thom Grand Mourcel


Comme dans un rêve, la musique nous transportant dans cette ambiance presque irréelle, nous assistons à des transformations, des masques variables qui disparaissent, défigurent ou modifient leur visage, leur apparence, jouant aussi avec les peintures rituelles ou sacrées après être passé par un stade presque "neutre" pour finir dans une occultation des yeux et de la bouche. Le procédé est impressionnant, inquiétant, comme dans un mauvais rêve dont on ne peut s'échapper tant le déroulé est hypnotique. Une vraie performance qui interroge les fondement de l'image même de la femme et du maquillage comme outil séduction et de désir.


Black Lights - Mathilde Monnier - Photo: Marc Coudrais

Pour Black Lights, Mathilde Monnier s'est inspirée de la Série H24 ou plutôt des textes qui ont été à l'origine, et dont elle en a utilisé un peu moins de dix qu'elle met dans la bouche des comédiennes et danseuses, décrivant différentes situations de violences ordinaires faites aux femmes. C'est elle-même qui reprends le rôle de la femme qui raconte l'histoire de l'avocat - ou avocate - en chignon qui a une arrête (symbolique) dans la gorge qui la fait s'arrêter de plaider lors d'un concours - et subir l'humiliation de l'homme con-frère. 


Black Lights - Mathilde Monnier - Photo: Marc Coudrais


Sur le plateau occupé par d'énormes racines d'oliviers centenaires brûlés, il y est aussi question de feu, de la violence du feu qui brûle une des femmes - et les tronc fument - les huit interprètes vont tour à tour conter leurs histoires, toutes diverses, chacune aussi avec sa gestuelle spécifique, son costume (création de Laurence Alquier) personnel (l'une en pantalon camouflage - devinez d'où elle vient?) dont la qualité dans la discrétion est exemplaire .


Black Lights - Mathilde Monnier - Photo: Marc Coudrais

 Il y est question de harcèlement banal dans de nombreuses occurrence, de règles professionnelles, de soumission, de mépris, de violences faite aux enfants, et la transcription chorégraphique, à la fois de la narration que de la représentation, auquel l'ensemble du groupe participe en écho ou en opposition.

 

Black Lights - Mathilde Monnier - Photo: Marc Coudrais

La chorégraphie est originale et magnifique, Mathilde Monnier s'appuyant sur des interprètes toutes singulières et dont la qualité de geste est mise en avant et valorisée dans le groupe. Ce "choeur" de femmes amène une belle énergie et quelques tableaux d'ensembles sont superbes et émouvants. Et le tableau final débordant d'énergie par delà la scène dans un mouvement fédérateur est très fédérateur - et libérateur.


La Fleur du Dimanche 


Reface

Pôle Sud - Strasbourg - 14 et 15 janvier 2025 - 19h00

Conception et interprétation : Collectif Les Idoles – Chandra Grangean et Lise Messina
Création musique live : Martin Malatray-Ravit
Conception maquillage : Chloé Herouart
Création costumes : Lucie Grand Mourcel
Regards extérieurs : Natacha Kierbel et Tom Grand Mourcel
Aide à la composition : Jacopo Greco d’Alceo
Création lumière et scénographie : Johanna Thomas
Régie générale et lumières : Melissandre Halbert
Production et diffusion : Mélanie Garrabos et Élise Remy
Production : La Feat.
Coproduction : CCN d’Orléans, Ciné-Théâtre de Saint Chély d’Apcher,
La Place de la Danse – CDCN de Toulouse.
Accueil en résidence : HONOLULU, LA BRIQUETERIE – CDCN du Val-de- Marne, Maison de la danse de Lyon – NTH8, Le Velvet Moon, CCN de Nantes, Le Quartz de Saint- Chély d’Apcher.
Soutiens : Ministère de la Culture – DRAC Auvergne-Rhône-Alpes pour l’aide au projet, Les Ateliers Medicis (Création en cours), Point Éphémère, Maison de la danse de Lyon – NTH8, Danse Dense.


Black Lights

Pôle Sud - Strasbourg - 14 et 15 janvier 2025 - 20h30

Chorégraphie et mise en scène : Mathilde Monnier
D’après la série de fiction H24 de Valérie Urrea et Nathalie Masduraud
Avec : Mathilde Monnier, Aïda Ben Hassine, Kaïsha Essiane, Jessica Allemann, Mai-Júli Machado Nhapulo, Carolina Passos Sousa,
Jone San Martin Astigarraga, Ophélie Ségala
Dramaturgie : Stéphane Bouquet
Scénographie : Annie Tolleter avec l’atelier Martine Andrée et Paul Dubois
Création lumière : Éric Wurtz
Création son : Olivier Renouf & Nicolas Houssin
Costumes : Laurence Alquier
Régie générale et lumière : Emmanuel Fornès
Régie son : Nicolas Houssin
Production : Zoé Baptista
Diffusion : Nicolas Roux – Otto Productions

Production : Otto Productions
Avec le soutien de : la Fondation d’entreprise Hermès, la Région Occitanie
En coproduction avec : Cie MM, Festival Montpellier Danse 2023, Le Quartz – Scène nationale de Brest, Le Parvis – Scène nationale Tarbes Pyrénées, Théâtre Garonne – scène européenne, TPR–Centre neuchâtelois des arts vivants, ADN–Danse Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds
Accueil en résidence : Montpellier Danse, résidence à l’Agora, cité internationale de la danse, avec le soutien de la Fondation BNP Paribas
LIVRE : H24 – 24 heures dans la vie d’une femme - Ed. Arte et Actes Sud

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