samedi 22 juin 2024

Robyn Orlin et le Garage Dance Ensemble avec Ukhhoikhoi au Festival Montpellier Danse - Des fleurs par milliers

Quand nous entrons dans la salle pour voir le nouveau spectacle de Robyn Orlin How in salts desert it is possible to blossom (ou bloom c'est selon) nous avons droit à une explication de texte du contexte projetée sur le grand écran au fond de la scène: Elle parle d'O'okeip, dans le Nord-Ouest de l'Afrique du Sud, une ancienne cité minière (on y extrayait du cuivre et des pierres semi-précieuses) où elle est retournée. 


Robyn Orlin - How in Salts Desert is it possible to blossom - Festival Montpellier Danse - Photo: Laurent Philippe



Mais la petite ville a été abandonnée à sa décrépitude et les problèmes d'apartheid y sont doublement présents. Comme elle le dit, les métis, "Coloured " de là-bas ne sont (toujours) pas acceptés par les (descendants de colons) blancs et ils ne sont pas suffisamment noirs non plus. Elle avait donc envie de leur donner la parole. Et ce d'autant plus que, d'une part elle avait déjà travaillé avec le groupe de musique Ukhoikhoi, la chanteuse Anelisa Stuurman et Yogin Sullaphen (voir le billet sur "Wheels..") qui en vient. Et que d'autre part elle est très proche d'Alfred Hinkel, un des pionniers engagé de la danse contemporaine en Afrique du Sud et qui manage cette troupe, le Garage Dance Ensemble. Elle avait aussi envie de leur donner la parol Il se trouve qu'eux-mêmes n'avaient pas envie de parler de ces soucis et ces problèmes, les ancêtres, les origines, toujours irrésolus, mais ils voulaient parler d'eux et porter un regard positif et heureux, confiant en l'avenir. 


Robyn Orlin - How in Salts Desert is it possible to blossom - Festival Montpellier Danse - Photo: Laurent Philippe


Un autre élément à l'origine du projet est aussi cette sorte de miracle de la nature, qui est cité dans le titre, à savoir les plus de 2500 espèces de marguerites sauvages qui fleurissent au printemps d'août à septembre.
Et cela donne un spectacle très joyeux, très coloré, à la fois dans les tissus qu'ils et elles portent et qu'il font voler en l'air au fur et à mesure. Il y a aussi le traitement vidéo original d'Eric Perroys qui s'affiche en grand en fond avec quelques effets spéciaux du plus bel effet. Ainsi de ces cordes qui en transpositions forment une frise verticale à motif floral ou ces effets de rotoreliefs à la Duchamp qui sont autant de fleurs mouvantes. 
La pièce est  rythmée par les morceaux de musique du duo Ukhhoikhoi. La première est une chanson en zoulou qui rappelle les revendications de ce peuple pour leur terre (déjà entendue dans le précédent spectacle) et les suivantes sont chantées en Afrikaans, mais dans le parler adapté de cette région. Anelisa Stuurman a vraiment une voix magnifique et Yogin Sullaphen l'accompagne des ses multiples instruments (guitare, luth, guitare électrique, percussions, boucles, synthé,..) donnant aux danseur et danseuses et à la comédienne un tapis musical et rythmique pour leur danse et performance. Nous y retrouvons quand même quelques scènes de violences - même un viol - inscrites dans les mémoires. Et une belle piéta sublimée par la vidéo, tout comme des séquences de selfie autosatisfaisantes ou des rituels de processions. Les danseuses et les danseurs ont une très bonne maîtrise des mouvements et l'énergie diffuse vers la salle. 


Robyn Orlin - How in Salts Desert is it possible to blossom - Festival Montpellier Danse - Photo: Laurent Philippe


D'ailleurs, pour couronner le tout, le podium sur lequel jouaient les musiciens qui était en fond de scène et auquel étaient attachées les cordes, pour finir, va se faire tirer vers l'avant par les danseuses et danseurs habillés des couleurs de l'arc en ciel. Et la rencontre de la troupe et de l'orchestre avec le public se fera, dans le couronnement des saluts et l'invitation sur scène de quelques-un(e)s dans une belle idée de fraternité.
Pour Robyn Orlin, la philosophie du partage et de la collaboration, à la fois pour offrir la parole à ceux qui ne l'ont pas forcément, de la réorganiser et de la passer, de la traduire et de la transmettre n'est pas éteinte, même si elle n'est plus sur scène, ou justement parce qu'elle n'y est plus mais garde son regard vigilant et son sens de la création dans un collectif complémentaire.


La Fleur du Dimanche  




Au Festival Montpellier Danse - Montpellier le 22 et 23 juin 2024 

Un projet de Robyn Orlin avec Garage Dance Ensemble
et uKhoiKhoi
Avec 5 danseurs de la compagnie Garage Dance
Ensemble : Byron Klassen, Faroll Coetzee, Crystal
Finck, Esmé Marthinus et Georgia Julies
Musique originale et interprétée par uKhoiKhoi avec
Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman
Costumes : Birgit Neppl
Vidéo : Éric Perroys
Conception lumière : Vito Walter
Directeur technique : Thabo Pule
Traduction : Maurice Salem – ACI
Administration et diffusion : Damien Valette
Production de tournée et logistique : Camille Aumont
Production : City Theater & Dance Group et Damien
Valette Prod
Garage Dance Ensemble
Fondateur / Mentor : Alfred Hinkel
Directeur des créations : John Linden
Chorégraphe résident : Byron Klassen
Production : Nicolette Moses
Coproduction : Festival Montpellier Danse 2024, City
Theater & Dance Group, Festival de Marseille, Chaillot,
Théâtre national de la danse, Paris, Théâtre Garonne,
Scène européenne, Toulouse.
Avec le soutien de la Direction régionale des affaires
culturelles d’Île-de-France
Avec le soutien de Dance Reflections by
Van Cleef & Arpels

mercredi 19 juin 2024

Médée poème enragé de Jean-René Lemoine au Festival de Caves: Un voyage d'Enfer

 L'enfer pourrait se nicher dans les caves ou les lieux souterrains. Est-ce pour cela que le Festival de Caves qui fête cette année sa majorité (18ème édition) nous offre à Strasbourg, dans une cave fidèle où nous revenons pour la troisième fois (voir les édition 2023, 2022 - 2021 s'étant déroulé, pandémie oblige en plein air devant un garage), l'histoire de Médée, contée dans Médée Poème Enragé de Jean-René Lemoine. 


Médée poème enragé - Jean-René Lemoine - Festival de Caves - Photo: Robert Becker

Nous avons aussi le plaisir d'y retrouver Simon Vincent, magnifique comédien qui interprète ici avec toute la finesse, mais aussi toute la violence habitée, le destin de cette Médée, cette femme dont la vie est violence: violence contre elle, violence qui rejaillit sur ses proches, "son père, son frère, sa maman", mais aussi sur ses enfants et toutes celles et tous ceux qui se mettent en travers de son chemin.


Médée poème enragé - Jean-René Lemoine - Festival de Caves - Photo: Robert Becker


Curieuse destinée que celle de cette femme au parcours emblématique, débordant d'énergie, d'amour, de passion, de fureur, de sexe et de vengeance. Le texte est poétique mais aussi très concret, explorant autant les plis de son âme que les tréfonds de son corps. Il décrit autant les variations de ses états d'âmes, ses humeurs, ses doutes ou ses stratagèmes et ses manigances, que les scènes d'amour. Là, sont traitées ses relations passionnées et physiques avec Jason dont elle est follement amoureuse - au début - et aussi les outrages et humiliations que ce dernier lui fait subir une fois que, pour lui, le vent a tourné. 


Médée poème enragé - Jean-René Lemoine - Festival de Caves - Photo: Robert Becker


Le portait qui est ici brossé pourrait être fondamentalement celui d'une femme forte et volontaire qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. On pourrait presque la considérer comme une féministe avant l'heure. En tout cas, si l'on s'en tient à ses actes et ses réalisations, c'est une femme qui sait ce qu'elle veut et qui arrive à ses fins. Au point qu'on peut la prendre pour une femme sans coeur - un exemple étant l'épisode où, pour semer le bateau de son père qui la poursuit elle et Jason rentrant à Iolcos avec la Toison d'Or qu'ils lui ont dérobée, elle démembre son frère Apsyrtos à la hache et sème ses membres - "un bras, un pied, une épaule" - dans la mer.


Médée poème enragé - Jean-René Lemoine - Festival de Caves - Photo: Robert Becker


Mais les choses ne sont pas aussi simples et en fait, nous assistons dans la pièce à une espèce de remembrement, d'essai de remise en ordre de tous ces souvenirs avec des allers et  retours, des "accélérer" et des "rembobiner", par un personnage qui est au moins double - très finement et astucieusement concrétisé par un artifice sonore. 


Médée poème enragé - Jean-René Lemoine - Festival de Caves - Photo: Robert Becker


La discrète mise en scène d'Hélène Schwaller qui utilise au mieux le décor existant en délimitant trois ou quatre espaces dédiés: un escalier qui ne mène nulle part, un recoin de mur, un tabouret en proximité du public pour une plus grande intimité et un espace scénique comme un "théâtre mental" arrive à inscrire ce récit dans un espace imaginaire que nous arrivons très facilement à nous imaginer (les palais, les tours qui s'effondrent, la piscine, les bateaux, les lits, la plage finale,..) de même que les épisodes qui s'y déroulent. Le superbe texte de Jean-Réné Lemoine - à la fois imagé et très précis - y aidant grandement. 


Médée poème enragé - Jean-René Lemoine - Festival de Caves - Photo: Robert Becker


Et bien sûr, le jeu à la fois sobre, précis et en retenue mais toutefois totalement habité et expressif de Simon Vincent qui nous emporte avec lui dans les méandres de sa pensée dans ce récit fleuve entre mer et palais. Ce récit plein d'hybris, de démesure, de violence, de passion et de sexe, contient en vérité plus d'une vie. Un sujet complexe qui ne nous laisse pas indifférents. Et c'est ça aussi la magie du théâtre, même dans un bout de cave, peut-être aussi grâce à ce petit bout de cave. 


Médée poème enragé - Jean-René Lemoine - Festival de Caves - Photo: Robert Becker


Et si nous n'avons pas fait un voyage en enfer, nous en avons vu la couleur. Grâce à cette "petite équipe" qu'il faut saluer: en plus de l'auteur Jean-Réné Lemoine, de la metteuse en scène Hélène Schwaller et du comédien Simon Vincent, il y avait aussi pour les costumes Louise Yribarren et à la régie son et lumière Paul Benrahho, et bien sûr pour l'organisation du Festival, toute l'équipe du Festival et les artistes invités.

Alors on dit à l'année prochaine ! Pour de nouvelles caves d'enfer !


La Fleur du Dimanche

mardi 11 juin 2024

Norma de Bellini à l'ONR : De superbes voix dans une pièce montée qui tournoie

 Monter la Norma peut s'avérer un vrai challenge quand on pense à l'histoire de cet opéra. Bien sûr ce n'est pas Carmen, ni la Traviata de Verdi, mais dans le domaine des airs le plus célèbres, outre l'air de La Reine de la Nuit de la Flûte enchantée de Mozart, Casta Diva chanté par la Callas est un mythe et une référence universelle en terme de succès. L'opéra Norma  est présenté à Strasbourg mis en scène par Eve-Marie Signeyrole dans une très belle distribution.


Norma - Bellini - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Clara Beck


Son choix de commencer son opéra par le concert catastrophique de la Callas à la Scala de Milan le 2 janvier 1958, quand elle interrompt l'opéra, aphone, après le premier acte, alors que le Président de la République d'Italie est venu pour l'écouter - ce qui lui vaudra les ires d'une grosse partie du public - est à tout le moins déconcertant. Ca l'est d'ailleurs doublement. D'une part dans la mise en parallèle ouvertement exhibée de cette voix que beaucoup ont mythifiée, face à la mezzo-soprano Karine Deshayes qui assume le rôle de Norma - La Callas étant interprétée par Maria Buhler dans un rôle muet et essentiellement spectatrice rétrospective de son destin. Et d'autre part dans la narration de l'histoire de la Callas, illustrée de ses écrits et de documents d'époque, en particulier ses amours mouvementées avec Aristote Onassis qui l'abandonne pour Jackie Kennedy, projetés sur un grand écran et qui ponctue le déroulé de l'opéra. Ce qui ne simplifie pas la découverte de l'oeuvre représentée. 


Norma - Bellini - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Clara Beck


Heureusement l'orchestre symphonique de Mulhouse, dirigé avec brio et clarté par Andrea Sanguineti nous interprète la musique de Vincenzo Bellini avec chaleur et enthousiasme. Et les interprètes sont impeccables chacune et chacun dans son rôle. Karine Deshayes, magnifique mezzo-soprano à la voix chaude et ample maîtrise parfaitement les montées en gamme et les variations et son interprétation de l'air attendu, sans référence à la Diva, enchante à sa manière dans un merveilleux va et viens avec les choeurs. Onay Köse, le père de Norma, qui ici a la fonction de directeur d'un opéra, a également une magnifique et puissante voix de basse. La "concurrente" de Norma, Adalgisa, interprétée par la soprano Benedetta Torre a une voix très claire et qui passe très bien dans les aigus. Elle est lumineuse et cristalline, émouvante. Les quelques duos - ou trios - dont le livret les gratifie sont superbes. Elles sont à l'unisson, se répondant et se complétant à merveille. De beaux échange  complices et des moments de pur bonheur. Norman Reinhardt en Pollione, chef de l'armée d'occupation et amant volage, de sa voix de ténor colorée est tout à fait crédible dans son rôle de chef des armées et d'amant instable. Il faut saluer les Choeurs de l'Opéra National du Rhin qui assurent à la fois une part importante de la partition mais qui en même temps sont de vrais comédiens, dans cette narration très cinématographique passant de plateau en plateau et dans de nombreuses séquence soit de foule, soit guerrières, soit de réception ou de public d'un concert muet concurrent que l'on voit - idée originale mais dont on s'interroge sur l'objectif dramatique - en arrière de la scène.


Norma - Bellini - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Clara Beck


Ce qui est plus problématique, c'est le millefeuille de références auquel fait appel en les entassant couche par couche dans le récit, Eve-Marie Signeyrole. Non contente de transposer l'épisode gallo-romain dans un monde uchronique, elle mélange les conflits et les événements en références à travers les ans, du bombardement de l'opéra de Strasbourg en 1870 ou celui de Kiev en 2022, les autodafés de livres de 1933 et Fahrenheit 451, ou des massacres de masse, les collisions temporelles nous font un peu tourner la tête. De même que les mouvements de la scène circulaire, découpée en - au moins - quatre espaces différents qui se multiplient de par les mouvements opposés du centre de scène et du bord - sans compter les cercles interne qui font tourner certaines tables individuelle, nous emmènent dans un ballet de toupies et de manège enchanté qui n'est pas fait pour trouver l'élu de son coeur, ni pour se laisser tranquillement bercer par les histoires ainsi contées. Et que certains personnages - immobiles deviennent les spectateurs muets et invisibles (au moins pour les protagonistes) de ce qui se trame sur la scène par la grâce de miroirs sans tain - encore que cela peut échapper à certains spectateurs placés du côté gauche du fait de la position de ces personnes.


Norma - Bellini - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Clara Beck


Le double, l'ombre portée est effectivement aussi une figure de style apprécié de la metteuse en scène, pas forcément dans le sens de lecture du récit. Les rebondissements de l'action, les relations entre les trois personnages principaux et les coups de théâtre qui figurent dans le livret apportant d'ailleurs pas mal de tension dans le déroulement du récit. Nous apprécions particulièrement la tension qui monte dans l'épisode final avec la surprise sans cesse repoussée de la décision de Norma qui amène un climax dramatique insoutenable. 


Norma - Bellini - Marie-Eve Signeyrole - Photo: Clara Beck


Finalement, c'est bien Norma et l'opéra qui gagne et le public salue longuement et chaleureusement les superbes prestations des interprètes, choeurs et solistes et orchestre, sans oublier les techniciens, nombreux (presqu'une trentaine sans qui tout cela n'aurait pas pu être montré) que l'on découvre saluant en introduction. Et également l'équipe de création, lumière, costumes, vidéo, dramaturgie.


La Fleur du Dimanche 

dimanche 9 juin 2024

Un songe, une nuit, l'été au Guensthal: jouir de la faveur magique de la vallée

Il est des rendez-vous qu'il ne faut absolument pas rater. Celui du Théâtre Forestier de la Vallée de la Faveur est de ceux-là. Depuis 2019 ils nous ont transportés dans cette vallée perdue dans la forêt des Vosges du "grand" Nord, et même en l'année 2020 ils nous ont servis Sauvage de Tchekhov, dont ils nous ont également gratifié du superbe Platonov. Ils nous ont présenté pour fêter dignement Molière et avec énergie un Scapin suivi d'un Misanthrope l'année dernière. Et pour Shakespeare, après York qui nous montrait ensemble Henri VI et Richard III en 2021, voici le magnifique Songe d'une nuit d'été dans la version Un songe, une nuit, l'été.


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


Cette pièce de Shakespeare parle aussi de rendez-vous. Mais ici ils sont tous ratés et c'est ce qui fait notre bonheur. Mais "tout est bien qui finit bien" comme aurait dit le grand William. La pièce est pleine de rebondissements et d'action, "de bruit et de fureur" pourrait-on aussi dire. Elle mélange les genres et il faut s'accrocher (aux branches de l'arbre généalogique) pour suivre les personnages. Tout commence sur un ton de comédie romantique non dénuée d'humour (l'amoureux qui se voit refuser la main d'Hermia par son père, Egée, propose à ce dernier d'épouser son futur gendre puisqu'il l'aime). 


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


La scène se passe à Athènes et tout en découvrant un premier cercle de personnages - les deux pères, la fille et ses deux prétendants, le promis, Démétrius et le spontané Lysandre, nous assistons à une belle joute verbale, très bien interprétée bien sûr par cette équipe de comédiens remarquables et qui ont l'habitude de travailler ensemble - on le sent au plaisir qu'ils prennent au jeu. Tout cela serait bien simple si Egée ne voulait pas, lui aussi se marier avec Hyppolite, mais ça ce n'est pas le plus grave, c'est qu'il y a aussi Héléna qui était amoureuse de Lysandre. Cela se corse quand le couple d'amoureux, contrecarrant les plans du père s'enfuit pour se marier ailleurs. Et nous voilà parti dans une course poursuite sans fin où les poursuivants et les poursuivis vont allégrement changer - mais ça c'est une autre histoire. 


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


En fait non, elle va juste apparaître plus tard. Laissons d'abord les artisans de la ville prendre place pour jouer une pièce de théâtre - du théâtre dans le théâtre effectivement. Et là, bien sûr nous allons, bien avant Brecht, avoir droit à un regard distancié sur le métier de comédien et quelques tableaux hauts en couleur et bien critiques des moeurs du spectacle et des spectateurs. En une sorte d'intermède ou d'interlude, nous naviguons entre le cirque et la comédie drolatique où ces comédiens-là vont faire preuve de naïveté ou d'autosatisfaction si ce n'est de mégalomanie pour ce qui est le cas de Nick Bottom, le personnage qui se targue de pouvoir jouer tous les rôles dans cette pièce, Pyrame et Thisbé, qui sera donnée en réjouissance à la fin. Notons que c'est Serge Lipszyc, fondateur de la compagnie du Matamore lui-même qui avec courage se charge de ce rôle. 


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


Comme si cela ne suffisait pas pour embarquer le spectateur dans un tournis envoûtant, notre cher Shakespeare greffe là-dessus, comme l'indique le titre des séquences oniriques où nous sommes plongé dans le monde des fées et des esprits moqueurs et enchanteurs. Une vraie gageure pour les comédiens qui endossent allègrement un deuxième rôle à savoir le roi et la reine des esprits et toutes les fées, et, qui s'est perdu là-dedans - mais cela lui pendait au nez de par sa grande bouche - le tisserand Bottom qui par la magie de Puck (virevoltant et déconcertant Yann Siptrott) se retrouve affublé d'une tête d'âne et, de plus devenant par la sortilège de la fleur "pensée d'amour" enchantée par Cupidon l'objet de l'amour de la Reine des Fées selon la volonté moqueuse de son mari, le roi des fées, Obéron. 


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Obéron qui, pour s'amuser, et nous par conséquent, ne s'arrête pas à cette farce puisqu'il va également jeter un sort aux deux hommes qui vont successivement tomber eux aussi amoureux de celle qui était en dehors de l'histoire, à savoir Héléna (interprétée avec délicatesse mais aussi énergie par Magalie Ehlinger). Ce qui donnera à la fois de cocasses scènes de révolte de cette dernière, d'exubérant combats de coqs et de burlesques assauts de ces deux "traîtres en amour" par l'abandonnée Hermia qui ne se résout pas à son sort et s'accroche comme un pittbull bien que pas du tout à la hauteur de l'enjeu (elle se décrit elle-même "je suis si petite et si naine"), mais Emma Massaux qui l'interprète ne manque pas de force et de puissance. 


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


De l'énergie, les comédiens en ont à revendre car en plus des nombreuses courses pour aller se marier ailleurs ou suivre ou fuir l'amoureux aimé ou craint (les choses s'inversant au fil des épisodes), il vont encore nous démontrer leur vivacité - et la taille du domaine du Guensthal parce qu'ils vous apparaître au fin fond du paysage dans toutes les directions et qui en fait une des plus grande, sinon la plus grande scène d'Europe.


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


Nous n'arrêtons pas de basculer d'un univers onirique et magique, un rêve éveillé qui sied bien à ce décor magique de cette clairière isolée de tout à des entremets à la sauce comico-grotesque façon Commedia del'Arte auto-risée (dans le sens d'auto-moquée) avec tout un pan critique des moeurs de l'époque (statut et droits de la femme, marriages arrangés, indépendance,...) dans un théâtre classico-romantique. Le tout superbement rythmé et sans temps mort. L'entracte permettant à la fois de souffler un peu et d'échanger avec les autres spectateurs autour d'une bonne soupe, de délicieux fromages de la ferme voisine et d'un éventuel deuxième verre de très bon vin, le premier ayant été offert à l'arrivée pour nous récompenser d'avoir trouvé le chemin.


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker

Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


La troupe met les bouchées doubles, sinon triple si l'on prend en compte pour Bruno Journée son rôle de père d'Héléna, d'artisan et de lion (bien inoffensif) ou Isabelle Ruiz, à la fois charpentier et Prologue qui en fait trop (il raconte la pièce) mais aussi fée dans le Songe. Bruno Journée, à la fois, fée, truffe le rétameur et Thisbée nous offre un beau et comique (de répétition) suicide d'amour. Sophie Thomann en mur est très crédible et pas du tout décrépie (et pas décrépite). Muriel-Inès Amat nous éclaire de sa lunatique blancheur dans la nuit qui vient de tomber.


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


Une note particulière aux costumes, que ce soient ceux des artisans et de la troupe de théâtre, bien dans le côté un peu clownesque que pour les personnages athéniens antiques et aussi celui du monde des fées, tous en noir qui va chercher dans le monde de la nuit. Le personnage de la reine des fées qu'incarne avec grâce Blanche Giraud-Beauregardt en est toute avantagée, tout comme ses fées. Elle est aussi bien valorisée dans ses multiples costumes comme Reine des Amazones. C'est également le cas de David Martins qui trône royalement à la fois sur la nuit, en Obéron bien allumé et le jour en Thésée autocrate mais magnanime et indulgent. Nous n'oublions bien sûr pas Yann Siptrott, l'électron libre de tout ce cirque, en grand ordonnateur et tireur de ficelles invisibles qui habite la scène et les lieux et transmet toute son énergie.


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


A tous, nous disons un grand merci de nous offrir cette échappée hors du temps qui nous offre un regard amusé et critique sur nous et notre civilisation, maintenant et et perspective de l'époque élisabéthaine. Merci pour cette parenthèse nature où c'est la forêt qui fait office de micro et les vaches écossaises qui peuplent le décor. Et le soleil, quand il revient, nous éclaire de sa chaleur. Et la fraternité des spectateurs, favorisée par l'accueil des hôtes de cette terre, les Siptrott et toutes les personnes engagées dans cette aventure humaine qui nous rend humble.  Un rendez-vous indispensable, nécessaire, vital.


Un songe, une nuit, l'été - Guensthal - Compagnie du Matamore - Photo: Robert Becker


La Fleur du Dimanche. 


Un songe, une nuit, l'été


Tous les vendredis, samedis et dimanches du 8 juin au 7 juillet 2024 au Théâtre forestier du Guensthal

Création en salle du 14 au 19 janvier 2025 au Point d’Eau d’Ostwald


 Distribution : 

David Martins – Thésée (Duc d’Athènes) et Obéron (Roi des fées)

Muriel-Inès Amat / Blanche Giraud-Beauregardt – Hyppolite (reine des Amazones) et Titania (Reine des fées)

Patrice Verdeil – Egée (Père d’Hermia), Toile d’araignée (Fée au service de Titania) et Snut dit Le douillet (menuisier) / le lion dans l’intermède

Yann Siptrott – Philostrate (Maître des réjouissances) et Robin Goodfellow, dit Puck la caresse (Serviteur d’Obéron)

Charles Leckler –     (Jeune Athénien)

Geoffrey Goudeau – Démétrius (Jeune Athénien)

Emma Massaux – Hermia (fille d’Egée et Jeune Athénienne)

Magalie Ehlinger – Hélèna (Jeune Athénienne)

Isabelle Ruiz – Peter Quince dit Lecoing (charpentier) / prologue dans l’intermède et L’elfe (Fée au service de Titania)

Sophie Thomann – Tom Snout dit La truffe (rétameur) / mur dans l’intermède et Grain de moutarde (Fée au service de Titania)

Bruno Journée – Francis Flute (raccommodeur de soufflet) / Thisbé dans l’intermède et Phalène (Fée au service de Titania)

Serge Lipszyc – Nick Bottom (tisserand) / Pyrame dans l’intermède

Muriel-Inès Amat / Blanche Giraud-Beauregardt  – Fleur des pois (Fée au service de Titania) et Robin Starveling dit L’éflanqué (tailleur) / la lune dans l’intermède

Adaptation et mise en scène: Serge Lipszyc

Lumières: Jean-Louis Martineau

Scénographie: Sandrine Lamblin

Costumes: Maya Thébault

samedi 8 juin 2024

Foreshadow de Vantournhout au Maillon: prescience et précision des mouvements fous

 Dernière étape  du "Paysage" Vantournhout / not standing  au Maillon à Strasbourg avec ForeshadowAprès Through the Grapevine, le duo avec Axel Guérin, la Carte Blanche avec ses invités et ses projet et son solo VanThorhout,  voici la poursuite des sommets avec une équipe de huit danseurs rompus aux acrobaties circassiennes: Noémi Devaux, Axel Guérin, Patryk Kłos, Nick Robaey, Josse Roger, Emmi Väisänen, Esse Vanderbruggen et Chia-Hung Chung.


Foreshadow - Alexander Vantournhout - Photo: Bart Grietens


Le démarrage progressif, d'abord à trois, puis à quatre, puis cinq, puis sept, en lignes qui s'emmêlent et se traversent, offrent l'exposé d'une série de variations de mouvements liés et déclinés qui vont ressurgir au fur et à mesure du spectacle. La danse s'apparente à ce que ferait en musique Steve Reich ou Phil Glass. Une sorte de minimalisme construit qui se développe et se transforme, amenant une effet hypnotique. Pour la musique d'ailleurs ils s'accompagnent d'une bande son du groupe The Heat, un groupe britannique des années 80, entre le poste punk et le rock progressif, dont les morceaux choisis permettent soit des ambiances intrigantes, soit de rythmer en synchro les mouvements des groupes de danseurs sur des figures assez acrobatiques et souples. La musique n'est bien sûr pas toujours présente et l'on se plonge quelquefois avec les danseurs dans une concentration où l'on s'immerge carrément dans leurs vibrations, rebonds, courses avec rebonds, effets ciseaux, vrilles en rythme et révolutions variées avec toute la virtuosité et la concentration que cela nécessite.


Foreshadow - Alexander Vantournhout - Photo: Bart Grietens


On imagine aisément un ballet d'électrons plus ou moins libres qui parcourent la scène. Et, qui, quelquefois se retrouvent sur le mur de fond de scène dans des positions et situations assez originales et surprenantes. Par exemple une série de contorsions autour d'une main plaquée contre le mur avec un déplacement en traversée de scène. Parce que ce n'est pas juste le plateau qui leur sert d'espace d'expérimentation, ce mur de fond de scène par la magie des positions des corps semble basculer à 90 ou 180 degrés, au point que nous perdons les repères de bas et de haut, de position assise ou debout. Rien que par une bascule ou un geste qui nous fait lire l'espace sous un autre angle, le danseur peut être à l'horizontale et subitement debout,  comme vu de haut. 


Foreshadow - Alexander Vantournhout - Photo: Bart Grietens


La petite troupe va d'ailleurs utiliser ce mur de fond et une certaine adhérence pour nous proposer toute une série de sculptures de style "tableau vivant" comme s'ils étaient "collés" sur une feuille blanche. Pour les figures au sol, également ils jouent à la fois sur l'équilibre et les constructions d'équilibristes, de même que quelques sauts et roulades, culbutes et cabrioles. Les interprètes sont très sollicités, réalisant des mouvements symétriques ou complémentaires par petits groupes au point que nos regards aussi doivent être agiles.


Foreshadow - Alexander Vantournhout - Photo: Bart Grietens


Agiles aussi, tous les mouvements et toutes les constructions qu'ils vont faire sur ce mur de fond en bravant les lois de la pesanteur, pour aboutir - après une brève respiration salutaire - à un feu d'artifice final où l'agitation est à son comble et où quelques-uns restent accrochés tout en haut de ce mur de bien cinq mètres de haut avec suspensions, balancements, escalades et retournements dans des figures synchrones savamment orchestrées. Et le public, haletant et ébahi, les remercie d'une longue ovation debout. On se dit qu'une nouvelle expression artistique est née, entre danse, cirque, musique, un univers singulier et magique, mélange d'un travail physique et d'une précision millimétrée nécessitant une attention de chaque instant tout en faisant preuve d'une imagination et d'une qualité esthétique du geste et mouvement individuel et collectif pour arriver à ce formidable résultat. Une sacrée performance.


La Fleur du Dimanche

mardi 4 juin 2024

Vantournout dans VanThorhout: Thor tourne toujours

 Troisième étape dans Paysage, au Maillon à Strasbourg. Après le duo avec Axel Guérin, Through the grapevine où il explorait leurs deux morphologies comparées et la Carte Blanche, sorte de laboratoire de travaux en cours, voici avec VanThorout Alexander Vantournout dans un solo où il interroge les images de puissance, de violence, de virilité avant de basculer dans une figure plus féminine et pacifique qui prend le dessus. C'est à la fois une interrogation des mythes et traditions et du dispositif même de la démocratie dont il explore les limites, dans cette agora où les spectateurs se retrouvent autour de la piste et réactivent le cirque antique.


Alexander Vantournout - VanThorhout - Photo: Bart Grietens


Le cirque, c'est bien de là que vient notre performeur, et quand il est debout au début de spectacle, au centre de la scène circulaire, nous voyons bien sa musculature qui devrait nous rassurer sur le bon déroulement du spectacle que nous somme venus voir. Il est capable d'exploits physiques et également d'acrobaties et de pirouettes ou de sauts périlleux, de même qu'il doit être versé dans le jonglage et l'équilibrisme. Bon, cela commence doucement, si l'on peut dire, quand, torse nu dans sa jupe culote au genou il commence à tourner en des cercles hélicoïdaux en bougeant ses mains en tire bouchon du dessus de sa tête vers son buste et redescendant, enroulant et déroulant ses bras. Le rythme se perturbe en gestes plus amples des bras, pliés, dépliés, rentrés, jetés, puis en mouvement de vis sans fin de derviche tourneur puis en toupie et culbuto. L'exercice est intense, et on s'imagine le vertige qui nous prendrait à essayer de l'imiter ne serait-ce que quinze secondes et une dizaine de tours.


Alexander Vantournout - VanThorhout - Photo: Bart Grietens



Il s'arrête et passe en revue chaque spectateur dans un tour d'horizon attentionné puis repart dans un nouveau cycle de rotations pour arriver auprès du marteau "Mjöllnir" tant attendu. D'abord il le traîne comme un boulet, une masse ou un châtiment aux quatre coins de cette scène circulaire puis le fait tourner, entraînant son corps emporté par la force d'inertie qui le happe. Puis l'arrête brusquement. Il va ainsi jouer avec ce marteau au très long manche en le faisant tournoyer autour de lui, le faisant monter et descendre, jouant également avec nos nerfs, que cependant il ne va pas tirer à bout. 


Alexander Vantournout - VanThorhout - Photo: Bart Grietens


De façon tout à fait surprenante, cette arme de combat mythique, vigoureuse et raide, va tout à coup se révéler malléable, presque molle quand il la transforme en une antithèse du numéro d'assiette chinoise où la masse est immobile et le bâton flexible. Et ainsi ce marteau massif se fait apprivoiser en devenant un objet docile et ductile. Ayant fait le tour du marteau, il l'abandonne dans un coin du cercle pour récupérer en face une barre blanche qui se révèle être un drapeau blanc, objet à l'exact opposé du marteau guerrier, ce drapeau blanc, symbole de paix, se fera aérien et léger, enveloppant. Il le fera voler, tournoyer et survoler nos têtes. Il claquera au vent, symbole d'élévation et d'apesanteur alors que le lourd marteau râclait le sol de tout son poid s. Le drapeau, même roulé bruissant encore d'un souffle rassurant sinon divin. Alexander Vantournout retrouvant ses racines circassiennes lui fera faire des pirouettes et toute une série de figures magiques, d'autant plus magiques qu'il va se déployer et se refermer en un clin d'oeil sans raison. Tour comme par des mouvements agiles il va le faire voltiger dans tous les sens simplement avec le dessus de son poignet puis lui faire faire des figures magiques.  merveilles de l'équilibre et du centre de gravité. Et, cadeau suprême, il va littéralement le déployer au dessus de nos têtes de spectateurs comme un ciel protecteur en ayant imperceptiblement déployé le manche de son mat en une ultime bénédiction divine. Nous avons changé de Dieu ! Et finalement le drapeau recouvre le marteau qu'il ramène étrangement au centre de la scène. 


La Fleur du Dimanche

Un Requiem Allemand de Johannes Brahms par l'OPS à Strasbourg: Grandiose et bouleversant, un triomphe

 Johannes Brahms (1833 - 1897) aura mis pas mal de temps à composer en totalité ce Requiem Allemand, même s'il s'y est mis jeune. Déjà à vint-et-un ans, peu de temps après qu'il ait rencontré Robert Schumann, rencontre décisive dans sa carrière, ce dernier lui avait suggéré ce type de création. Et à la suite du décès de ce dernier en 1856, il se senti investi de la mission de faire ce requiem, Et c'est au décès de sa mère, en février 1865 qu'il s'y consacra plus et composa la totalité des sept mouvements qui seront présentés en totalité en 1868 à Brême - une première version, restée à trois mouvements furent présentés à Vienne en décembre 1967.

Ce Requiem n'est bien sûr pas un Requiem classique de la liturgie catholique, célébration de funérailles mais très inspiré de la Bible en allemande de Martin Luther et les textes choisis par Brahms, issus à la fois de l'ancien et du nouveau célèbrent la rédemption, l'allégresse et la consolation: "nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés". La composition n'est donc pas une messe mais ressemble plus à une musique funèbre sous forme d'oratorio, même s'il découpe ca pièce en sept parties pour choeur et solistes. Ce solistes n'interviennent d'ailleurs pas souvent, le baryton arrive au troisième mouvement et la soprano au cinquième. Et la pièce dure une bonne heure et quart.


Un Requiem Allemand - Johannes Brahms - OPS - Aziz Shokhakimov - Photo: Gregory Massat


Pour la version présentée avec l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg sous la direction de son chef Aziz Shokhakimov, les solistes Pretty Yende et Ludovic Tézier sont superbes et leurs voix magnifient cet bel ouvrage. Les choeurs de l'Orchestre de Paris, choeur amateur sous la direction de Richard Wilberforce, et ce soir mené par Ingrid Roose, chef déléguée sont vraiment superbes et apportent toute leur finesse et leur puissance dans l'interprétations de ces magnifiques compositions.

Le premier mouvement, "Selig sind die die da Leid tragen" commence sans les violons et installe une ambiance construite par les vents et les choeurs avec les deux harpistes. Il nous promet la consolation, la joie et l'allégresse. Pour le deuxième mouvement "Denn alles Fleisch, es ist wie Gras" et qui nous apprend la patience et la rédemption, voit un magnifique entrelacement entres les airs chantés par le choeur et l'orchestre qui tricottent de belles mélodies entremêlées et où chacun laisse une belle place à l'autre.

Pour el troisième mouvement "Herr lehre doch mich" c'est la voix puissante du baryton Ludovic Tézier qui lance son appel à Dieu pour connaître son sort et chanter sa petitesse face à Dieu et son espérance tandis que le choeur reprend et rassure. C'est le même choeur qui pour le quatrième mouvement célèbre la demeure de Dieu sur un rythme plus enthousiaste et avec des répétitions en chantant la joie et l'espoir.


Un Requiem Allemand - Johannes Brahms - OPS - Pretty Yende - Photo: Gregory Massat 


Pour le cinquième mouvement, 'Ich hab nur Traurrichkeit" la soprano Pretty Yende nous enveloppe dans sa tristesse et sa recherche de réconfort avec sa voix douce et claire, magnifiquement posée et qui finit comme en suspension dans l'air.

Le mouvement suivant, "Denn wir haben hier keine bleidende Statt", qui nous parle d'espoir, du jugement dernier et d'espoir où le Baryton dialogue avec le choeur et où la tension monte au fur et à mesure finit avec énergie dans une fin emphatique et puissante avec force trompettes.

Le dernier mouvement "Selig sind die Toten", chanté par le choeur démarrant dans les graves célèbre les morts et leur repos voit un très beau balancement entre l'orchestre et le choeur dans une très émouvante et touchante interprétation où à la fois l'orchestre, superbement dirigé par Aziz Shokhakimov et les Choeurs de l'Orchestre de Paris donnent la pleine mesure de leurs talents et le public n'en est que plus subjugué, réservant au chef, aux solistes et également à ce magnifique choeur amateur des applaudissement nourris, généreux et répétés. Un beau succès que cette magnifique soirée.

Brahms - Requiem Allemand - OPS - Choeurs de l'Orchestre de Paris _ Photo: lfdd

Brahms - Requiem Allemand - OPS - Choeurs de l'Orchestre de Paris _ Photo: lfdd

Brahms - Requiem Allemand - OPS - Choeurs de l'Orchestre de Paris _ Photo: lfdd




La Fleur du Dimanche