vendredi 19 mai 2023

Elisabeth gets her way avec Jan Martens: La musique de Chojnacka, la maîtresse-femme, incarnée

 C'est à la fois un portrait, un hommage et une lecture de l'interprétation de la musique (toute les musiques) au clavecin par Elisabeth Chojnacka, une maîtresse femme qui n'a pas craint de ruer dans les brancards que nous propose Jan Martens, un autre trublion de la scène* pour cette soirée du Festival Musique Action au Théâtre de la Manufacture de Nancy. Pour Elisabeth gets her way, les différentes pièces que va danser lui-même le chorégraphe belge sont ponctuées d'un montage vidéo très intelligent de Sabine Groenewegen à partir d'archives et d'entretiens, qui nous dévoile la pensée les paroles et les actes de la musicienne. Ainsi, en alternance, nous avons au fur et à mesure les différents aspects et interprétations de sa musique et des bribes de sa vie, de ses réflexions ou de ses prises de position assez révolutionnaire qui complètent très judicieusement les interprétations chorégraphiques des différentes pièces qu'elle joue.


Elisabeth gets her way - Jan Martens


C'est dans un costume - créations de Cédric Charlier - renvoyant au baroque, chemise bouffante à volets et collant "panthère" que Jan Martens nous interprète le Concerto pour clavecin et cinq instruments de Manuel de Falla dans une gestuelle, elle aussi tendant vers le baroque mais qui suit toutes les variations musicales de l'instrument avec une qualité exceptionnelle de transposition gestuelle qui nous rend la musique "visible".


Elisabeth gets her way - Jan Martens


Après un autre extrait vidéo qui laisse à Jan Martens le temps de souffler un peu et de se changer, nous le découvrons en slip pailleté doré dans une danse où l'essentiel du mouvement se passe dans les mains et les bras. Pour "Profil Sonore" pour clavecin et harpe, de Graciane Finzi, il va glisser doucement sur les pieds. Avec Commencement" de Zygmunt Krauze ce sera un style entre le Taï Chi et la boxe.  Au passage, nous assistons aussi à une démonstration d'Elisabeth Chojnacka qui nous prouve toute la virtuosité que Yannis Xenakis lui a demandé de prouver en jouant sur deux claviers avec des séries de notes différentes pour chaque doigt. Elle n'était pas un phénomène du clavier pour rien. 


Elisabeth gets her way - Jan Martens


Disparue en 2017, elle fêterait ses cinquante ans de concert, lors desquels elle a joué autant les classiques - à sa manière - et les compositeurs contemporains qui ont été nombreux, comme Xenakis à lui dédier des créations. Dans une des interviews elle précise qu'elle se changeait entre la première et la deuxième partie, la robe pour le classique et le pantalon (pas très courant à l'époque) pour la deuxième. D'ailleurs et c'est surprenant, la pièce anonyme Uppon La Mi Re” du 16ème siècle commence comme une pièce de minimalistes américains du XXème. 


Elisabeth gets her way - Jan Martens


Pour le reste des pièces chorégraphiques, nous allons à chaque fois découvrir un nouveau costume un autre style de chorégraphie, ou carrément nu comme un ver. Chaque costume et chaque pièce chorégraphique est adapté à chaque composition - il y a encore, entre autres Phrygian Tucket, une pièce super-véloce de Stephen Montague et Continuum de György Ligeti) - de la danse de rue à d'une danse sinueuse et ondulante en passant par le hip hop, ou un tango moderne avec une robe rouge à volants ouverts - Tango for Tim de Michael Nyman). Les lumières d'Elke Verachtert,  spécifiques à chaque tableau, créent un univers particulier, d'une semi-obscurité à une ambiance de boite de nuit avec des stroboscopes qui remplissent l'espace et titillent notre perception.


La Fleur du Dimanche


* voir le billet sur le dernier spectacle de Jan Martens au Maillon à Strasbourg en mars 2022 :  "Any attempt will end in crushed bodies and shatterred bones"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire