vendredi 12 mai 2023

Madrigals au Maillon: Du feu (pas d'enfer) et de la fumée (beaucoup) pour Monteverdi

 Monteverdi semble être un compositeur dans l'air du temps si l'on en croit les productions qui se font à partir de son oeuvre (voir Le Couronnement de Poppée, récemment créé à l'Opéra National du Rhin).

Au Maillon, c'est Madrigals à partir des Madrigali guerrieri e amorosi composés  avant l'opéra de 1643, que Benjamin Abel Meirhaeghe, présenté comme "l'étoile montante de la scène belge", qui se frotte aux chants du maître. En fait seulement en partie, parce que rien pour ce Livre 8, il y en a 22, dont le Combat de Tancrède et Clorinde (Il combattimento di Tancredi e Clorinda) dont nous verrons un bout dans la pièce (et un cheval qui passe... enfin, pas un vrai), le reste sera remixé et recomposé par Jesse (Doon) Kanda. 


Madrigals - Benjamin Abel Meirhaeghe


Le jeune contre-ténor Benjamin Abel Meirhaeghe, performeur et metteur en scène d'à peine 27 ans qui est associé à Guy Cassiers au Toneelhuis d'Anvers, nous propose un spectacle en écran large, sauf pour la vidéo et le début de la pièce où il n'y a qu'une fente qui dévoile des effets de lumière (la création du monde ?) dans un rideau noir. C'est là qu'apparaît, nue comme un bébé à part une ceinture, noire qui, comme un cordon ombilical, relie la voix à la sonorisation (on n'a pas encore trouvé le moyen de miniaturiser les microémetteurs qui envahissent les plateaux), une femme (Lucy Plasschaert), qui commence à chanter entre le chuchotement et le cri. La voix est surprenante, très, très haut perchée, à la limite du suraigu et l'effet est saisissant. 


Madrigals - Benjamin Abel Meirhaeghe


Quand le rideau se lèvera, nous aurons un deuxième lever, avec des processions d'autres corps nus (tous ceints de leur ceinture noire), qui processionnent dans des tranchées qui vont les engloutir et se révéler être les pendillons du décor: une grotte, comme la caverne de Platon, noire mais qui continue de s'élever pour dévoiler le plateau entier avec les musiciens - violons et théorbe - ainsi que le maître de l'électronique, Woutter Deltour à plat ventre devant son ordinateur s'il ne dirige pas les huit comédiens, chanteurs, danseurs. Tous ne sont d'ailleurs pas chanteurs ou chanteuses. Notons la mezzo soprano Els Mondelaers et la magnifique ténor Antonio Fajardo qui a la part belle dans le spectacle. Les autres interprètes auront leur air attitré distribué tout au long du spectacle - et quelques pensée personnelles (comme celle de la danseuse Hanako Hayakawa qui nous parle de ses sensations d'environnements). Tout comme seront distribués des moments d'excitation, parcours débridés sur le plateau, course et ronde et des moments plus calmes, tableaux vivants entre les représentations de la ronde ou de la danse, assez statiques et les scènes plus ou moins érotiques à la marge. Ou encore des moments d'écoute. 


Madrigals - Benjamin Abel Meirhaeghe


Une scène centrale dans la pièce étant celle que l'on pourrait qualifier de la "veillée autour du feu" qui suit l' "invention du feu" quand Lucy Plasschaert fait des étincelles en frottant sa peau. On se croirait dans un camp de scouts (chacun ses références), surtout quand Clément Corrillon arrive avec sa guitare pour chanter son madrigal. Autre scène sur le fil et qui est à la limite de la bascule, celle de la "douche collective" vers la fin du spectacle. Les vidéos diffusées sur un petit écran, comme le repas d'une souris par un crapaud et les animations de squelettes face à des bodybuildeurs ne permettent pas de s'élever vers un amour rêvé et la quantité de fumigènes qui noient la scène n'apportent pas beaucoup de clarté dans le propos souterrain. 


Madrigals - Benjamin Abel Meirhaeghe


Tout cela s'achevant quand même par un très beau madrigal chanté en canon par l'ensemble de la troupe et l'on se dit que la musique adoucit les moeurs, même guerrières de la Renaissance. Et que ce petit voyage dans le temps, du 16ème siècle à l'origine de l'humanité et au futur de la musique d'aujourd'hui, se laisse bien faire à condition de se laisser bercer sans trop se poser de question.


La Fleur du Dimanche


Madrigals

le 11 et 12 mai au Maillon à Strasbourg


Conception et mise en scène : Benjamin Abel Meirhaeghe
Avec : Hanako Hayakawa, Alice Giuliani, Els Mondelaers, Lucie Plasschaert, Khaled Barghouthi, Clément Corrillon, Victor Dumont, Antonio Fajardo et les musiciens Wouter Deltour, Pieter Theuns, Rebecca Huber et David Wish
Musique : Doon Kanda (aka Jesse Kanda) & Claudio Monteverdi
Direction musicale, co-compositeur : Wouter Deltour
Dramaturgie/recherche : Louise van den Eede
Scénographie et lumière : Zaza Dupont, Bart van Merode
Co-curateur œuvres d'art : Koi Persyn
Chorégraphie : Sophia Rodriguez en collaboration avec les interprètes
Encadrement musical : Pieter Theuns
Encadrement vocal : Rosanne Groenendijk
Coaching : shibari Marc Beshibari
Artistes visuels : Sanam Khatibi, Justin Fitzpatrick, Thomas Renwart, Anthony Ngoya, Gilles Dusong, Christiane Blattmann, Daan Couzijn, Che Go Eun, Tom Hallet, Nokukhanya Langa, Tristan Bründler
Vidéo : Filip Anthonissen
Costumes : Kasia Mielczarek
Techniques : Anne Van Es, Pat Caers, Pieter-Jan Buelens, Danielle Van Riel, Karel Marynissen
Assistance à la mise en scène : Ika Schwander
Production : Muziektheater Transparant d e t h e a t e r m a k e r
Coproduction : DE SINGELProductiehuis Theater RotterdamConcertgebouw BruggeB'Rock OrchestraC-TAKT (Pelt)Perpodium
Distribution : ART HAPPENS
En collaboration avec : O. Festival Rotterdam - Opera. Music. Theatre / Opera Ballet Vlaanderen / Troubleyn/Laboratorium / Matterhorn VZW
Soutiens : Tax Shelter maatregel van de Belgische Federale Overheid / de Vlaamse overheid / Inspiratum
Remerciements : Showtex / Kopspel / Divi-divi / Caves of Dinant

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