mercredi 10 mai 2023

YËS de Fouad Boussouf à Pôle Sud: Comme un air de western sifflé et dansé

 Pôle Sud continue sur sa lancée de programmation de spectacles à large audience familiale avec de nombreux enfants. Après Les jambes à son cou de Jean-Baptiste André (voir mon billet du 3 mai), c'est au tour du spectacle Yës de Fouad Boussouf, suivi de la projection de son film Ballet Urbain, de divertir un large public à majorité de jeunes spectateurs. 


Fouad Boussouf - Yës - Photo: Charlotte Adureau


La volonté de sensibiliser dès le plus jeune âge à cette expression artistique qu'est la danse est gagnante. Le public marche à 100 % et les consignes de précaution d'usage portent leurs fruits même si ce spectacle YËS aurait bien donné à la plupart des jeunes spectateurs envie de siffler comme Sébastien Vague, véritable virtuose du sifflement. Heureusement qu'à l'occasion de ce qui pourrait passer pour un rappel, les deux interprètes ont mis le public dans leur poche en leur permettant de s'impliquer totalement dans l'action et en les faisant siffler, chanter et frapper dans leurs mains en rythme en partageant la salle en deux pour plus d'émulation. Et ainsi permettre la libération de toutes ces énergies contenues lors de la pièce chorégraphique, avant la projection du film Ballet Urbain qui présente la philosophie et le travail de Fouad Boussouf dans sa compagnie Massala à travers leurs portraits dansés, entrecoupés de bouts d'interview de quelques danseuses et danseurs (dont les deux interprètes de la pièce) qui ont toutes et tous des parcours différents (hip-hop, street dance, classique ou contemporain) mais qui sont toutes et tous passionné(e)s par la danse et qui montrent leur talent de danseur.euse.s dans la rue avec Paris pour décor. C'est devant la Philharmonie, sur un pont près de l'Ile Saint Louis, ou encore le Nouveau Gare au Théâtre à Vitry que nous découvrons au grand angle leur diversité d'expression.


Fouad Boussouf - Yës - Photo: Charlotte Adureau


Mais place aux deux héros du jour. C'est un duo qui fonctionne très bien, l'un placide, l'autre débordant d'énergie. Ils se tiennent côte à côte au début, l'un immobile et le visage fermé, l'autre qui commence à souffler en l'air puis à siffler. Et l'on assiste ici à ce qui pourrait être une réflexion sur comment, d'abord sans contact, arriver à faire bouger l'autre, et même à se demander jusqu'où on peut rentrer dans la "sphère intime" de l'autre. Question intéressante, surtout aujourd'hui où l'on est constamment à chercher les limites de l'autre et à trouver ses propres limites. 


Fouad Boussouf - Yës - Photo: Charlotte Adureau


C'est un jeu très sensible et gradué auquel on assiste, le placide, Yanice Djaé, bougeant sa tête sans se dérider puis étant entraîné dans une mise en mouvement après que le premier, Sébastien Vague, tourne sur le plateau en se contorsionnant puis se repositionnant à côté de lui. Le mouvement s'étant mis en branle, nous allons assister à de superbes interactions, fruits de ces créations sonores et musicales. Sébastien Vague sifflant des airs de western ou d'autres mélodies, alors que Yanice Djaé est contraint de répondre à son tour avec son style, en l'occurrence du beatbox bien maîtrisé. Cela donne de magnifiques mouvements dont la virtuosité va en crescendo. 


Fouad Boussouf - Yës - Photo: Charlotte Adureau


Partant de ce qui pourrait être des duels (similaire à des combats de cow-boys) ils passent par des gestes qui se répondent pour finir par les grands mouvements synchronisés inspirés du hip-hop et de la break-dance. Les deux danseurs jouent sur l'espace et la chute, arrivant à enchaîner des suites de tournoiements et de culbutes où nous sommes surpris et époustouflés des positions finales où nous avons perdu les repères, les deux protagonistes étant passés de positions similaires à de totales oppositions sans que l'on y ait vu goutte. Le dialogue entre les deux interprètes est riche et prolixe, autant au niveau du rythme, des mélodies que de la gestuelle où l'on sent une réelle complicité. Un petit bijou de bonheur visuel et sonore qui enchante tout le monde.


La Fleur du Dimanche 


* Le 16 et le 17 mai 2023 à La Filature à Mulhouse, présentation de Vïa de Fouad Boussouf dans le cadre du portrait TRACES : THR(O)UGH + VÏA  consacré à Damien Jalet



Pôle Sud le 9 et 10 mai 2023

Direction artistique et chorégraphie : Fouad Boussouf
Dramaturgie et direction d’acteur : Mona El Yafi
Interprètes : Yanice Djae et Sébastien Vague
Lumières : Mathieu Morelle
Ballet urbain 2019 (Documentaire)
Réalisation : Floriane Pinard
Avec : Marion Amoretti, Eddy Battiston, Yanice Djae, Jade Lada, Mathilde Meritet, Coumba Niang, Adil Ouaali et Sébastien Vague
Musique : Roman Bestion
Traduction : Patrick Renouard
Production : Compagnie Massala / Fouad Boussouf

Reprise de production : Le Phare – CCN du Havre Normandie / direction Fouad Boussouf
Production : Compagnie Massala
Coproduction : La Maison de la danse de Lyon / Scènes et Cinés / Scène conventionnée Art en territoire – Territoire Istres Ouest Provence / Espace André Malraux – Le Kremlin-Bicêtre / Équinoxe – Scène nationale de Chateauroux / CCN de Rillieux-la-Pape
Prêt de studios : La Briqueterie – CDCN du Val-de-Marne / Théâtre Jean-Vilar, Vitry-sur-Seine / Le Studio Dahomey, Alfortville
Le Phare, centre chorégraphique national du Havre Normandie, est subventionné par le Ministère de la Culture / DRAC Normandie, la Région Normandie, la Ville du Havre et le département de la Seine-Maritime.
Fouad Boussouf est artiste associé à la Maison de la danse de Lyon, à Équinoxe, scène nationale de Châteauroux et à la Maison de la musique de Nanterre, scène conventionnée d’intérêt national.

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