vendredi 26 mai 2023

Wakatt au Maillon: Notre époque d'or et de cendres

 Serge Aimé Coulibaly a les pieds sur deux continents, l'Afrique, à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso où il est né et où il a commencé la danse avec Amadou Bourou et l'Europe où, passant par Nantes avec Claude Brumachon, puis Bruxelles où il a fondé sa troupe Faso danse théâtre et a dansé avec Alain Platel et Sidi Larbi Cherkaoui. Il navigue toujours entre ces deux territoires, tout comme il travaille aussi avec des danseurs amateurs. C'est son engagement d'artiste qui le fait s'interroger sur notre société dans ces créations. Celle présentée au Maillon avec Pôle Sud - CDCN Wakatt signifie d'ailleurs "notre temps" en mooré, l’une des langues principales du Burkina Faso.


Wakatt - Serge Aimé Coulibaly - Photo: Sophie Garcia


Et donc nous parle d'aujourd'hui, un aujourd'hui très marqué par les soubresauts sociétaux, politiques mais aussi sanitaires de ce siècle - la pièce a été crée à la Biennale de la Danse de Lyon en 2020. Et sur son site, il précise bien son intention "Montrer le côté obscur de l'humanité sur scène, cela nous encouragerait-il à ouvrir notre champ de vision, à lutter pour un autre avenir ?" - A vous d'y répondre.


Wakatt - Serge Aimé Coulibaly - Photo: Sophie Garcia


En tout cas la pièce est très pessimiste, peu entraînante. Elle démarre par des tableaux vivants, instantanés de violence qui surgissent d'un genre de caverne arrondie avant de dévoiler un plateau couvert d'une espèce de cendre noire duquel émerge à un moment un personnage perdu au milieu des autres qui restent isolés, immobiles pendant qu'il arpente le plateau en gesticulant, désarticulé et tombant sans cesse dans un état de transe. Les autres personnages, portant des costumes colorés, rouge, verts, jaunes, violets - c'et un peu la seule lueur de la pièce, hormis la musique frénétique que joue en direct le groupe de Magic Malik - imperceptiblement, alors qu'ils nous tournaient le dos, font une rotation sur eux-mêmes et après ce long tour à presque 360 degrés entrent eux aussi dans la transe qui s'étend et prolifère. 


Wakatt - Serge Aimé Coulibaly - Photo: Sophie Garcia


Les mouvements saccadés, les chutes, les gestes de possédés ou des déplacements frénétiques dans tous les sens et quelquefois vers un rocher doré qui trône sur le côté droit de la scène et qui semble être une montagne magique semblent enfermer chaque interprète dans une bulle dont il ne sort que rarement, sauf de temps en temps pour un échange avec une autre danseur. Ou, quelquefois dans de petits groupes de trois ou quatre qui forment un mouvement d'ensemble mais très vite d'autres viennent perturber de leur côté cet essai d'expression, en créant leur petit groupe dissident. 


Wakatt - Serge Aimé Coulibaly - Photo: Sophie Garcia


Pour les mouvements d'ensemble, on a l'impression que chacun reste dans son système, sa logique. Il y a aussi de la violence, même des coups portés. Mais la violence est surtout dans un enfermement traumatique de chacun dans sa folie. Quelques soli laissent cette folie s'épancher. On sent quelques personnalités fortes, en particulier, un peu à part sur la gestuelle du reste de la troupe, la très belle expression de Marion Alzieu qui nous offre un magnifique solo très habité et puissant. 


Wakatt - Serge Aimé Coulibaly - Photo: Sophie Garcia


La musique en direct de Magic Malik à la flûte et au chant, Maxime Zampieri aux percussions et au clavier et Jean-Luc Lehr à la basse nous immerge dans cet univers de claustration par son côté hypnotique et les mélopées magiques de la flûte de Malik. Elles accompagnent les processions et chutes de cette communauté en perdition où peu d'espoir émerge. De mouvements mécaniques, désarticulés, en gestes frénétiques, de processions lugubres en offrandes mystiques, de corps qui chutent et qui vont de la lassitude à l'épuisement, à des violences sourdes et continues, on aboutit à un rocher recouvert de noir et un dernier sursaut suraigu de la flûte qui s'éteint dans le noir complet. Mehr Licht !


La Fleur du Dimanche



Wakatt


Conception et mise en scène : Serge Aimé Coulibaly
Composition et direction musicale : Magic Malik
Création et interprétation : Marion Alzieu, Bibata Maiga, Jean Robert Koudogbo-Kiki, Antonia Naouele, Adonis Nebie, Jolie Ngemi, Sayouba Sigué, Snake, Ahmed Soura, Marco Labellarte et les musiciens Magic Malik, Maxime Zampieri, Jean-Luc Lehr
Dramaturgie : Sara Vanderieck
Assistance à la chorégraphie : Sayouba Sigué
Scénographie et costumes : Catherine Cosme
Lumière : Giacinto Caponio
Régie générale : Dag Jennes
Régisse son : Ralph M'Fah-Traoré
Régie lumière : Hermann Coulibaly
Assistance artistique : Hanna El Fakir
En charge de production : Sandra Diris
Direction technique : Thomas Verachtert
Pré-production : Laure Louvat
Conseil artistique : Thomas Prédour
Coordination : Faso Danse Théâtre / Lies Martens
Communication : Faso Danse Théâtre / Sandra Diris
Production : Faso Danse Théâtre
Coproduction : Théâtre National Wallonie-Bruxelles (BE) / La Biennale de la Danse Lyon (FR) / Ruhrtriennale (DE) / deSingel Anvers (BE) / Kampnagel Hamburg (DE) / Münchner Kammerspiele (DE) / Tanzhaus Düsseldorf (DE) / Les Théâtres de la Ville de Luxembourg (LU)
Diffusion : Frans Brood Productions
Soutiens : Ankata (Bobo Dioulasso, Burkina Faso) et Dreamcity Tunis
Avec l’appui de : La communauté Flamande / La Fédération Wallonie-Bruxelles / Wallonie-Bruxelles International / Le Tax Shelter Belgique

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