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dimanche 16 janvier 2022

Le veilleur, la veilleuse: Annie, Brice, Diva, Jean-Jacques, Michel, soyons attentifs aux choses, ne les faisons pas disparaitre

 L'année commence par des voeux,.... et des bilans, mais l'année commence aussi par des résolutions et des projets, bons ou ambitieux.

Et puis, le flot d'informations reprend le cours des choses, nous passons de l'une à l'autre, nous sautons presque tellement cela se bouscule...

Non, prenons le temps, le temps de regarder ce qui nous entoure, ce bouquet de fleurs givrées qui nous console de la neige qui n'est pas encore tombée:

Bouquet givré - Photo: lfdd


Et puis, parlant de veilleurs, disons-nous qu'il faut être attentifs, attentifs à ce qui se dit et qui pourrait, dans le flot de toutes ces phrases qui disent et se contredisent, ce qu'il faut garder, partager. Partager par exemple cette citation de Louise Erdrich, fille d'une mère indienne chipawah et d'un père allemand, qui fait renaître son grand-père, chef de de la tribu de Turtle Mountain qui s'était opposé au "lâchage" des indiens sous prétexte d' "émancipation" dans son livre Celui qui veille (The Night Watchman). Elle dit, ou lui fait dire):

"On a survécu à la variole, à la carabine à répétition, à la mitrailleuse Hotchkiss et à la tuberculose. A la grippe de 1918 et à quatre ou cinq guerres meurtrières sur le sol américain, et c'est à une série de mots ternes que l'on va finalement succomber?"

Je reviens à ces fleurs de noisetier (déjà vues le 1er janvier) qui sont, elles aussi recouvertes de givre:

Noisetier givré - Photo: lfdd


Les veilleurs nous font repenser à Annie Greiner, et c'est l'occasion de parler d'une sobre et belle exposition hommage (en attendant une plus ample rétrospective - qu'elle mérite) qui a lieu jusqu'au 30 janvier à l'église protestante de la Robertsau, rue Boecklin.

Autre veilleurs que certain ont vus, connus, sur le parvis de la Cathédrale de Strasbourg, Brice Bauer, qui l' "habitait" réellement avec son violoncelle. Et Brice, qui était aussi, et surtout, peintre, dans un tout récent article - portrait - dans le magazine Or Norme de décembre, répond à Véronique Leblanc avec cette phrase prophétique (?): "Je vais revenir au ciel, à la ligne d'horizon, à des oeuvres de cet entre-deux face auxquelles on peut inventer sans être emprisonné par une ambiance."

En honneur à se mémoire, je vous remets une vidéo du temps du confinement où, pour le remplacer, il n'y avait que le vent:


Pour rester dans la musique, un petit clin d'oeil à Jean-Jacques Beneix dont on se souviendra de Diva et de son air de la Wally, l'aria extrait de l'opéra d'Alfredo Catalani qui a marqué le cinéma en 1981.



Et une vue de clématite, givrée elle aussi - Il fait bien moins de 37°2 le matin:

 

Clématite givrée - Photo: lfdd


Mais revenons à une autre figure strasbourgeoise qui elle s'est éclipsée tout aussi discrètement qu'elle nous côtoyait dans les salles de spectacle. C'est Michel Apprill, qui, comble de discrétion était passsé du noeud papillon Hermès au col roulé. Il est l'objet d'un hommage dans le magazine Novo N°62 (décembre 2021-Février 2022) par Stéphanie-Lucie Mathern qui avait son anniversaire le jour de la mort de Michel.

A propos de disparition, je vous offre un "extrait" du livre de Jason Mott, L'enfant qui ne voulait disparaître:


Pour en finir avec la partie TVA (Texte à Valeur Ajoutée) et essayer d'aller un peu plus loin dans la réflexion sur la disparition, je vous offre un deuxième extrait, c'est le début de l'article de David Zerbib "Dans un monde désincarné" sur le livre "La Fin des choses" de Byung-Chul Han:


Le titre original allemand du livre est Undinge, Umbrüche des Lebenswelt, littéralement "Absurdités, bouleversements du monde de la vie", Undinge ressemblant aussi à Unsinne - absurdités mais peut aussi être pensé comme "non-choses", "Un", en allemand étant un préfixe privatif devant le terme "Dinge" les choses. Souvenons-nous du superbe film de Wim Wenders "Der Stand des Dinge" - L'état des choses et de la magnifique vidéo de Fischli et Weiss "De Lauf der Dinge" - Le cours des choses. Pour en revenir à Han, il précise aussi que le smartphone et son écran est une "non-chose", trop "lisse". Il devient pour le "Phono Sapiens" un objet narcissique où "les informations sont addictives, et non narratives. Elles peuvent être comptées et pas racontées". Il pense qu'une "Story" de Facebook n'a qu'un rôle d"accumulation de "likes" qu'il appelle "l'amen numérique". Mais, à priori, avec l'art, heureusement, les choses peuvent se réifier et gagner en conséquence. 

Cependant, sans aller jusqu'à l'art, vous avez encore la possibilité de regarder, de considérer les choses qui vous entourent et qui sont encore bien matérielles.... Pour vous ancrer un peu dans la réalité. De faire une pause numérique - et non un selfie 'Pose numérique".

Et observons les clématites:

Clématite givrée - Photo: lfdd


Avec cela je vous dois quelques chansons. Dans l'ordre Rostropovitch avec le concerto pour violoncelle N°1 de Bach:


Barbara, Dis quand reviendras-tu ?:


Et Anna Clendering - Invisible



Allez, on finit avec la verge d'or, congelée elle aussi:

Verge d'or givrée - Photo: lfdd


Et en dernière minute, une chanson "nostalgie" avec "Be my Baby" de Ronnie Spector avec les Ronettes, devenu un tube en 1963 et l'un des morceau pop les plus célèbres:



C'est bien sûr en hommage à elle, disparue le 12 janvier 2022 et non à son mentor, producteur et génial créateur de son Phil Spector, qu'elle a épousé en 1968, mais dont elle a divorcé en 1974 parce qu'il était trop violent. Lui est mort le 16 janvier 2021 en prison où il purgeait une peine pour le meurtre d'une hotesse de bar, Lana Clarkson, en 2003.


Bon, 1963 c'est un peu loin, on va retrouver Higelin et Jeanne Cherchal en 2004:

 



Bon Dimanche 

La Fleur du Dimanche

dimanche 24 janvier 2021

Le temps, encore, suspendu, pour le conjurer et sauver le moment où: Ils ont aimé !

 S'arrêter, faire une pause, laisser passer le temps pour mieux le sentir, sentir le présent, sentir la présence, être présent, là dans l'instant totalement. Le sentir, l'instant, intensément, au moment où il passe.

Je vous avais préparé des réflexions d'actualité mais finalement, je laisse filer, cela arrivera à temps, d'autant plus que la thématique du temps lancée le 3 janvier ici même n'est pas (dé)passée....

Je vais en TVA vous parler du spectacle vivant, sujet d'actualité, Art qui nous manque douloureusement et qu'un comédien, qui vient de sortir un livre, nous fait sentir au plus près.

Mais place à la photo - je ne dis pas fleur parce que cette fleur est devenue fruit et même symbole, un peu sapin de Noël, et elle va bien avec le titre, ce temps suspendu, cette attente.... 

Quand va-t-elle tomber, vont-elles tomber? Isaac?

Pommes ... du temps de Noël .. suspendues - Photo: lfdd


Donc, je disais, Nicolas Bouchaud, grand comédien que nous avons pu voir de nombreuses fois au TNS, puisqu'il y est "artiste associé", à l'occasion de la parution de son livre "Sauver le moment" parle de son métier dans une interview dans le Monde du 23 janvier 2021 intitulée "Jouer, c’est inventer du temps". Pour commencer, il explique l'origine du titre de son livre: c'est une expression de Serge Daney qui qualifie le cinéma de John Ford dans son livre "La Loi du Marcheur" où il dit:

"Ford filme si vite qu’il fait deux films à la fois: un film pour conjurer le temps (en étirant les récits par peur d’en finir) et un autre pour sauver le moment (celui du paysage, deux secondes avant l’action)."

Ce qui, chez John Ford, dans le film "sauve le moment", c'est pour Serge Daney ceci:

"On sort d’une cabane ou d’un plan et il y a là des nuages rouges au­-dessus d’un cimetière, un cheval abandonné dans le coin droit de l’image, le grouillement bleu de la cavalerie, le visage bouleversé de deux femmes: ce sont des choses qu’il faut voir tout au début du plan, car il n’y aura pas de deuxième fois."

Parce que pour regarder un film de John Ford il faut avoir "l'oeil vif":

"Impossible de regarder un film de Ford d’un oeil torve. L’oeil doit être vif parce que, dans n’importe quelle image d’un film de Ford, il risque d’y avoir quelques dixièmes de seconde de contemplation pure juste avant que l’action n’arrive."

Et donc, ce qui chez Nicolas Bouchaud "sauve le moment", ce peut être:

"Ces moments suspendus que l’on peut vivre au théâtre, quelques secondes avant l’action, c’est une des plus belles choses qui soient, je trouve. Je l’ai vécu, en compagnie de Norah Krief, quand nous jouions Le Roi Lear dans la cour d’honneur du palais des Papes, à Avignon, en 2007. Juste avant la scène de la tempête, nous ménagions un petit moment de silence. Cette pause, ce suspens donnent une extraordinaire sensation du temps à l’acteur comme au spectateur. C’est très concret, absolument pas théorique.

Cette faille dans le temps, ce temps que l’on éprouve sur scène et dans la salle, c’est ce que j’appelle un « reste », quelque chose qui nous appartient en propre: c’est le temps de l’expérience. Un temps d’ouverture, un temps de rien, sans action, où l’on sent, au sens propre, la vie qui passe." 

Et à propos du "jeu", Nicolas Bouchaud précise:

"Si ce que l’on cherche à atteindre sur un plateau ce sont des moments d’intensité de vie, on ne peut pas se mettre dans une position de sagesse, de sachant. Etre à l’endroit de la vie, c’est être à celui de la métamorphose, et donc se laisser traverser par des états et des émotions contradictoires. Cela rejoint Brecht, d’ailleurs, qui disait qu’un acteur peut jouer deux choses complètement opposées dans une même phrase."

Et il précise ce qu'est la "présence du comédien" pour lui, comment il y est arrivé:

"La première chose qui se manifeste chez un être humain qui monte sur un plateau, c’est la fragilité. La présence, c’est peut­ être d’accepter cette fragilité et d’en faire un élément de son travail. Il y a autant de façons de jouer que d’acteurs, et la présence, c’est sans doute accepter d’apparaître, soi."

Je vous laisse lire le reste de l'article en ligne et vous offre la conclusion avec la question de Fabienne Darge:

"Est-­ce là la grandeur et la misère du métier, pour vous? 

- C’est sa grandeur, sans la misère. Justement parce que ce temps éphémère que l’on crée et que l’on vit en tant qu’acteur est d’autant plus intense qu’il s’enfuit au moment où on l’éprouve."

Pommes ... du temps de Noël .. suspendues - Photo: lfdd


Mais dites-moi, le temps, suspendu, ça ne vous rappelle pas quelque chose, quelqu'un ?

Si, là: Le Lac, Lamartine, 

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
 


Et le reste n'est que silence...

Pommes ... du temps de Noël .. suspendues - Photo: lfdd


Allez, une petite chanson d'Alexis HK pour finir: Un beau jour




Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche





mardi 29 septembre 2020

Musica: L'oreille droite de François Sarhan écoute et l'oeil entend: Voyage sonore dans un pays imaginaire

Nous l'avions noté hier pour le spectacle musical Four  for au Maillon, la musique ne s'écoute pas seulement avec les oreilles, elle se regarde aussi les deux yeux grands ouverts (les oreilles aussi bien sûr), et le spectacle de François Sarhan - et son Ensemble Garage -  L'oreille droite en est une preuve supplémentaire: Dès le départ nous assistons à un film d'animation sur grand écran, mixé et sonorisé en direct.


Musica - L'oreille droite - François Sarhan - Photo: lfdd


Le décor est exposé devant nous, en petites constructions de papier, tout en longueur devant la scène, avec des extensions vers le public et, on le découvrira par la suite, jusque sur la scène. Les images (filmées par François Sarhan lui-même avec une petite caméra, en direct ou avec des scènes filmées incrustées dans ce décor par Yann Philippe ou quelquefois plein cadre), nous montrent un univers de dessin animé, très animé, au début filmées en fish-eye et tourbillonnantes, à en attraper le vertige.

Musica - L'oreille droite - François Sarhan - Photo: lfdd


Puis ce sera un voyage dans plusieurs univers, plusieurs personnages - certains joués par les musiciens qui sont sur scène - dans un "pet shop" magasin pour animaux, un bureau et sa bureaucrate derrière son guichet, au milieu de sa paperasse, le cabinet d'une "chanteuse télépathique", ou d'un "maître en développement personnel", ou encore dans un couloir où se rencontre un couple d'amoureux - ces derniers devenant symboliquement via leurs seuls vêtements les protagonistes d'un "Interlude Eroticon" dans lequel les deux amants s'emtremêlent inextricablement dans une fusion finale (pantalons et pulls) après des manoeuvres d'approche sur canapé - un petit bijou!

Musica - L'oreille droite - François Sarhan - Photo: lfdd


Autre bijou cinématographique, un hilarant match de foot entre l'Allemagne et les Américains où, dans le commentaire nous assistons au duel entre les philosophes postmodernistes et ceux du clan de la métaphysique et où, sur le terrain la balle passe de Heidegger à Nietsche, à Derrida, à Wittgenstein et d'autres. Le film, et la musique, s'embalent vers la fin, montent en puissance et les images deviennent virevoltantes et folles, dans le dédale du décor puis dans les constructions mécaniques sur scène, accompagnées d'un superbe traveling musical. Et la pièce, et le film se clôt dans un dernier voyage imaginaire dans un voiture pour revenir au début du film. 

Musica - L'oreille droite - François Sarhan - Photo: lfdd


Toutes ces images sont bruitées en direct "son" par Akiko Ahrend, bien soutenue par la percussionniste Yukka Ohta et à l'alto et le voix par Annegret Mayer-Lindenberg (le chant télépathique), à la guitare par Timm Roller, aux claviers et la voix par Malgorzata Walentynowicz et aux saxophones et à la voix de Frank Riedel. Leur univers est merveilleux et magnifique, complétant la magie de ces personnages découpés qui nous renvoient au cinéma d'animation tchèque dans son inspiration, on sent bien la proximité, tout à fait assumée par François Sarhan de Jan Švankmajer ou de William Kentridge. 

Musica - L'oreille droite - François Sarhan - Photo: lfdd


Et l'on sort de cette petite séance de cinéma animé en pleine forme, revigoré, partant du bon pied (my left foot) après en avoir pris plein les oreilles (the rigt ear) et en nous disant que peindre des sons avec l'oreille droite (comme Van Gogh) c'est aussi bien que dessiner avec son pied gauche (My left foot) comme Christy Brown.

La Fleur du Dimanche

dimanche 9 février 2020

Siam, Indochine, Cambodge.. Faire barrage

Les rêves et la réalité se croisent dans ces territoires lointains, appelés autrefois "Indochine" ou "Indochine française", dont des souvenirs et des péripéties viennent encore jusqu'à  nous...
Duras, Rithy Panh, Gilles Caron, entre autres, dont on entend parler récemment, sont liés à ces pays par des souvenirs anciens ou plus proches, nostalgiques ou plus douloureux...
Des souvenirs de sang, aussi, rouge comme les fleurs du jour:


Fleurs rouges - Photo: lfdd

Dans cette actualité qui nous parle de ces pays, la pièce de Marguerite Duras "L'Eden Cinéma" qui passe actuellement au TNS à Strasbourg (voir mon billet du 4 février) dont voici un extrait du dialogue du frère et de la soeur:
Suzanne
Écoutez les paysans de la plaine, eux aussi, elle les avait convaincus. Depuis des milliers d’années que les marées de juillet envahissaient les plaines… 
Non… disait-elle. Non… Les enfants morts de faim, les récoltes brûlées par le sel, non ça ne pouvait aussi pas durer toujours.
Ils l’avaient crue.
Joseph
Des milliers d’hectares allaient être soustraits au Pacifique.
Tous seraient riches.
L’année prochaine
Suzanne
Les enfants ne mourraient plus. Ni de la faim. Ni non plus du choléra.
On aurait des médecins. Des institutrices comme jeune, elle, elle l’avait été.
Joseph
On construirait une longue route qui longerait les barrages et qui desservirait les terres libérées du sel. On serait heureux. D’un bonheur mérité.

La pièce a été adapté du livre "Un barrage contre le pacifique", dont Rithy Panh a fait un film qui sera visible au Cinéma Star le 16 février (gratuit).


Les fraises vertes - Photo: lfdd

Rithy Panh est un cinéaste franco-cambodgien, rescapé des camps des Kmer Rouges mais y a perdu sa famille. Son travail est une quête impossible pour en retrouver le souvenir. Il en a aussi récemment fait un livre avec Christophe Bataille, "La Paix avec les morts".
En voici un "extrait".


Extrait - La Paix avec les morts - Rothy Panh

Du Cambodge, il dit aussi:
"... Il n'y a plus d'intellectuels au Cambodge, plus de penseurs, d'historiens. Ils ont tous été liquidés. Il faut des générations pour en refaire. Alors quand un type dit des conneries, il n'y a plus personne pour lui répondre."

Le Cambodge, c'est aussi le pays où a "disparu" en 1970 le photographe Gilles Caron, au début de la révolte des Khmers Rouges de Pol Pot.
Un magnifique portrait de ce photographe au travers de la lecture de ses photos de différents reportages (Mai 68, la guerre des 6 jours en Israël, le Vietnam, L'Irlande du Nord, etc.) où l'on comprend qu'il a été à l'avant-scène de ces "théâtres" de l'actualité. Ne ratez pas ce portrait sensible et intelligent: "Histoire d'un regard"

En voici la bande annonce:





Pour les chansons de ce dimanche, je vous propose la chanson de Gérard Manset "Royaume de Siam":




Et pour rester dans l'actualité culturelle, la venue à Strasbourg de Babx, à Pôle Sud, dans le spectacle Multiple-s de Salia Sanou me donne l'envie et l'occasion de vous en proposer quelques chansons.
Pour commencer Omaya (BabX / Anil Eralsan / Wassim Halal):

 


Puis Suzanne aux yeux noirs:



Naomi aime:


Jean Genet:



Et la version en public:





Bon Dimanche 

La Fleur du Dimanche 
  

jeudi 16 janvier 2020

Step Across the Border pour couper les frontières: La symphonie des espaces libérés

Fred Frith est un saute-frontières, sa musique ne se laisse pas emprisonner...  Nicolas Humbert et Werner Penzel, les deux rélisateurs, qui se sont atelés à partager la responsabilité de ce film, partagent ce point de vue et lui ont proposé un "portrait filmé".
Mais ce n'est en aucun cas un "reportage" classique, c'est une vaste symphonie qui joue avec les éléments - le vent, la mer, les nuages et la pluie, la ville et ses fumées, les trains et les voyageurs, les passants, parmi lesquels, quelquefois, Fred Frith et sa bande de joyeux inventeurs de sons et de bruits.


Step Across the Border - Fred Frith - Nicolas Humbert - Werner Penzel

Pendant 90 minutes, dans un noir et blanc poétique, nous "vivons", plus que nous l'entendons, cette musique créée sous nos yeux, gage de liberté, d'improvisation inventive mais également précise et pointue. Le son, les sons et l'image, les images se répondent, dialoguent et construisent un univers qui ont fait de ce film, réalisé en 1990, une oeuvre à part, poème magistral qui nous fait découvrir la "cuisine"  (et même les "courses") de ce génial créateur qui ne jure que par la qualité de l'improvisation réussie et qui prouve que même un enfant (presqu'un bébé) peut faire de la musique.
En même temps ils nous montrent à petite dose la philosophie qui guide la réflexion de cette troupe et nous laisse voir la beauté des choses simples en nous les faisant entendre, voir nous montrer la densité du silence ou les moments de bonheur fugace auxquels on peut assister si on est un tant soit peu "à l'écoute du monde".
C'est une très belle leçon de vie, de bonheur et d'humanité.
La projection au cinéma Star de Strasbourg a permis d'échanger avec les protagonistes. 
Pour vous faire regretter de ne pas l'avoir vu, je vous en offre le générique:



Et pour les curieux, j'ai même déniché quelque pépites qui vont vous donner envie de commander le DVD... c'est ici:
http://vintagesounds.forumactif.com/t1376-film-step-across-the-border-1990

En complément de ce film, et en s'appuyant sur la masse des sources sonores "sauvées des eaux", une sélection retravaillée par Marc Parisotto et Nicolas Humbert va permettre une deuxième vie à ce monde bruissant dans un concert avec Fred Frith, en totale improvisation collective lors d'un concert Jazzdor "Cut up the Border" au Fossé des  Treize ce vendredi 17 janvier 2020 à 20h30( compte-rendu ici).


La Fleur du Dimanche  

dimanche 18 février 2018

The End: c'est la fin de la Fleur du Dimanche. C'est la fin..

Il y a presque 7 ans - le 20 février 2011 -  la Fleur du Dimanche apparaissait sur internet:

Naissance d'une Fleur : La Fleur du Dimanche
http://lafleurdudimanche.blogspot.fr/2011/02/naissance-dune-fleur_20.html 

Aujourd'hui, 18 février 2018, la Fleur du Dimanche s'arrête.

Ce n'est pas sans une certaine tristesse, un certain pincement au coeur que j'écris ces mots. En pensant à vous tous qui souvent les lisez, quelquefois réagissez et de temps en temps répondez.

L'objectif était de vous offrir une photographie de fleur pour vous donner envie de regarder à vos pieds ou devant vous ou de partager un regard, mais pas uniquement. Il était dit aussi, avec le TVA:
"en plus de la simple* contemplation, à partager et pourquoi pas réagir sur une pensée* ou un texte pour, je l’espère, vous rendre acteur/trice de cet échange."

Et le premier TVA, d'un auteur que vous avez peut-être reconnu, disait:
"Moins tu manges, moins tu achètes de livres, moins tu vas au théâtre, au bal, au cabaret, moins tu penses, tu aimes, tu fais de théorie, moins tu chantes, tu peins, tu fais des poèmes…. plus tu épargnes, tu augmentes ton trésor que ne mangerons ni les mites ni la poussière, ton capital."

Et au fil du temps, je vous ai "partagé" des poèmes, des extraits de livres, d'articles, de réflexions, de spectacles, de films ou d'expositions à voir, en espérant vous donner envie de découvrir des choses nouvelles et d'échanger. 

Après 7 ans de publications, pas uniquement le dimanche d'ailleurs, et 850 "billets", le temps du bilan est venu:

Le premier billet vu 180 fois, le deuxième - publié un samedi et les suivants n'ont été vus qu'une douzaine de fois (sauf la Rose de Noël Janus et le billet "Un Arbre" avec le mural d'Alechinski avec un poème d'Yves Bonnefoi qui ont eus plus de 80 vues.
Globalement sur la durée, les billets dépassent maintenant une moyenne de 210 vues - avec des pic de plus de 1000 pour les pièces de théâtre "Neige" ou "Sombre Rivière" de Lazare au TNS et "Les riches heures de musique en février en 2017 à Strasbourg. 
Les mois de février et mars 2017 ont d'ailleurs été très riches en spectacle et ont eu beaucoup de succès. Même la "Valantine" de l'année dernière a été vue plus de 500 fois....

L'heure d'hiver de 2013 "Pouvez-vous me prêter l'heure?" - plus de 1.00 vues - et la rose sous la pluie "La Fleur du Dimanche paresse sous la pluie" - plus de 1500 vues - ont également eues un beau succès.

Aujourd'hui donc, avec  plus de 177.444 vues depuis le 20 février 2011 et une belle progression de lecteur depuis le début, je remercie toutes celles et tous ceux qui régulièrement ou par hasard viennent glaner une photo ou un texte sur ces pages. 

Mais tout a une fin et après plus de mille et une photos de fleurs publiées en sept ans, pour ce dernier billet du Dimanche, je vous offre un pot - de fleur - pourri, une accumulation que vous pourrez digérer les semaines à venir... 


Fin de la Fleur du Dimanche - 24 octobre 2017 - Photo: lfdd



TVA TEXTES

Un texte de Friedrich Kittler (1943 - 2011), théoricien allemand des médias, extrait de "Gramophone, Film, Typewriter": 
"Quand les souvenirs et les rêves, les morts et les fantômes devinrent techniquement reproductibles, les forces d'hallucination des écrivains, tout autant que celle des lecteurs, devint inutile. Notre royaume des morts délaissa les livres qu'il avait si longtemps hantés.
...
Celui qu'on appelle l'être humain se désagrège en physiologie et technologie de l'information."  


Puisque c'est la fin de la Fleur du Dimanche, on ne peut pas parler de la Mort, et c'est un sujet où il faut laisser la parole à Elias Canetti, même s'il dit "Il" en parlant de soi:
"Il est le témoin attentif d'une injustice interminablement répétée, il ne cesse de la constater avec indignation et ne peut l'empêcher
de se reproduire. Il encourt le danger de s'habituer à cette injustice. Il mène une guerre qui n'a pas de fin. (...). Dans un monde bouffi d'entreprises dédiées à la gestion de la mort, il se trouve quelqu'un qui prétend la contrer à lui tout seul et, qui plus est, être pris au sérieux."
...
"La puissance a besoin de la mort car elle se fonde sur la survie."

En écho, et antidote, ou médicament, je vous propose un texte de Corine Pelluchon, extrait de "Ethique et considération":
"C'est le nouveau-né ou l'enfant en nous qui nous met sur le chemin de la considération, il nous aide à avoir le discernement nécessaire pour comprendre quelles sont les priorités à affirmer et nous donne le courage de dénoncer une organisation sociale, économique et politique ne pouvant aboutir qu'à la destruction du monde commun. 
Il n'est pas obligatoire d'enfanter pour faire cette expérience qui advient dès que l'on prend un nouveau-né dans ses bras et que l'on fait l'expérience de sa vulnérabilité. (...) L'éthique de la considération (...) est aussi une manière de penser, de sentir, de vivre et de voir le monde, et une esthétique. Le nouveau-né est son visage. Le sublime se trouve dans le petit, non dans le grand; il est dans ce qui est le plus fragile et le plus humble. Ce qui est considérable, c'est d'être né." 

Et pour finir le bilan avec une sentence, je laisse la parole à Edgar Hilsenrath (1926 - ) "Le Nazi et le Barbier ":
"Et l'Unique et l'Eternel descendit de sa chaise de juge et se plaça à mes côtés. Nous attendons. Tous les deux. La juste sentence. Mais qui pourrait la prononcer?"



Fin de la Fleur du Dimanche - 9 janvier 2018 - Photo: lfdd

TVA POEMES


Paul CELAN

PSALM

Niemand knetet uns wieder aus Erde und Lehm
nieman bespricht unsern Staub.
Niemand

Gelobt seist du, Niemand.
Dir zulieb wollen
wir blühn.
Dir
entgegen.

Ein Nichts
waren wir, sind wir, werden
wir bleiben, blühend:
die Nichts-, die
Niemandsrose.

Mit 
dem Griffel seelenhell,
dem Staubfaden himmelswüst,
der Krone rot
vom Purpurwort, das wir sangen
über, o über
dem Dorn.


PSAUME

Personne ne nous repétrira de terre et de limon,
personne ne bénira notre poussière.
Personne.

Loué sois-tu, Personne.
Pour l'amour de toi nous voulons
fleurir.
Contre
toi.

Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur:
la rose de rien, de 
personne.

Avec 
le style clair d'âme,
létamine désert-des-cieux,
la couronne rouge
du mot pourpre que nous chantions
au-dessus, au-dessus de
l'épine.



Chawqi Baghdadi (2028 - )

Ah... savoir
d'où venait le cri de l'enfant...
moi qui aurais dû mourir
à sa place
et vivais encore...!



Albert Strickler - Le diamant et le duvet


Albert, ami fidèle et poète vient, en plus de son "journal" prévu bientôt, de publier un hommage au flocon: un éventail de poèmes dont je vous en livre une parcelle:


Seule la lumière écrit 
La fable des cristaux  

---

Le plus léger
Le plus simple

Le sans poids
Le sans prix

Ce qui s'étoile
Et s'étiole
En une seule
Et même chute

Dans le firmament 
De ma main

---

Leçon du flocon: ne pas durer seul allège

---

Cette rose de janvier
Qui frissonne dans le nu du jardin 

Rien qu'un flocon un peu plus charnu
Fêlé par sa soif de lumière

---

Rien que 
L'invisible
Visible
Le temps de le dire


Et pour finir en vous donnant rendez-vous plus tard ailleurs:


Philippe Jaccottet - A travers un verger

Méfie-toi des images. Méfie-toi des fleurs. Légères comme les paroles. Peut-on jamais savoir si elles mentent, égarent,  ou si elles guident? Moi qui suis de loin en loin ramené à elles, moi qui n’ai qu’elles ou à peu près, je me mets en garde contre elles. 



Fin de la Fleur du Dimanche - 14 janvier 2018 - Photo: lfdd

TVA CINEMA


Quelques conseils pour aller voir des films que vous n'auriez peut-être pas su qu'ils existaient

UN JOUR CA IRA Un film de Stan et Edouard Zambeaux
un portrait "de l'intérieur" de personnes en situation précaire, mais super sensible:



Human Flow d'Ai Weiwei, l'étape d'avant, dans le monde entier - et les personnes ne sont pas sûres d'arriver...








Fin de la Fleur du Dimanche - 30 javier 2018 - Photo: lfdd






TVA MUSIQUE


Et pour terminer en chanson, quelques chansons sur le départ:

 


Même, même si tu pars
Même, même s'il est trop tard
même, même si tu t'égares
prends bien soin de toi
ne t'en fais pas pour moi
...


De beaux souvenirs
Pour les dimanches à combler
De beaux souvenirs
Pour les songes de nuits d'été
De beaux souvenirs
...

 


Bien avant qu'on soit des regrets
Bien avant que tout soit fichu
Je savais déjà que tu t'en foutais
...

Comme John Perry Barlow, le parolier du Greatful Dead est mort il y a un peu plus d'une semaine, un hommage à lui, qui était aussi le "pape" de "l'internet libre".

Il a écrit ce texte, dont je vous offre la traduction du début, le 8 février 1996 à Davos:

Déclaration d’indépendance du Cyberespace

Seule l’erreur a besoin du soutien du gouvernement. La vérité peut se débrouiller toute seule. 
—Thomas Jefferson, Notes on Virginia

"Gouvernements du monde industriel, vous géants fatigués de chair et d’acier, je viens du Cyberespace, le nouveau domicile de l’esprit. Au nom du futur, je vous demande à vous du passé de nous laisser tranquilles. Vous n’êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n’avez pas de souveraineté où nous nous rassemblons.

Nous n’avons pas de gouvernement élu, et il est improbable que nous en ayons un jour, aussi je ne m’adresse à vous avec aucune autre autorité que celle avec laquelle la liberté s’exprime. Je déclare l’espace social global que nous construisons naturellement indépendant des tyrannies que vous cherchez à nous imposer. Vous n’avez aucun droit moral de dicter chez nous votre loi et vous ne possédez aucun moyen de nous contraindre que nous ayons à redouter."


Voila donc le Grateful Dead ☮ The Weight (Easy Rider)





Et le Jacques Brel pour vous faire pleurer:







Une dernière pirouette, un dernier tour de piste, une dernière danse pour rire, avec Hanine - Arabia:








Fin de la Fleur du Dimanche - 16 février 2018 - Photo: lfdd

C'est la fin: The End

 



"And in the end, the love you take is equal to the love you make"




Fin de la Fleur du Dimanche - 18 février 2018 - Photo: lfdd





Bon dimanche et bonne continuation


La Fleur du Dimanche


P.S. A Suivre....

D'autres aventures sont prévues sous d'autres formes et si vous voulez réagir, n'hésitez pas: vos commentaires sont les bienvenus. S'il y en a, je les publierai avec votre prénom et si vous voulez les signer, je mettrais votre nom...