mardi 1 octobre 2024

Musica au Maillon avec Singing Youth - le chant et le sport font-ils bonne mélodie: Le stade oral

 Musica revient au Maillon avec Singing Youth, un spectacle de Judith Böröcz, Bence Guörgy Pàalinnkàs et Màté Szigeti. Le spectacle a tout à fait sa place dans la programmation du Festival Musica, car c'est dansé et chanté. Et de plus il y a une interrogation partagée avec le Festival sur la philosophie de la musique.

Festival Musica - Singing Youth - Photo: Robert Becker

Le projet prend son origine dans une statue "Singing Youth" représentant un groupe de trois personnes jouant de la musique et chantant, qui était placée devant le Népstadion, le "Stade du Peuple" inauguré en 1953 et démoli en 2016 pour être remplacé par un nouveau stade qui devait montrer la puissance du pays (67.889 places au lieu de 38.652 places assises - à l'origine il avait une capacité de 104.000 places). La statue a été gardée. Les six chanteurs et chanteuses, en short et maillots blancs réincarnent sur scène ces "jeunes espoirs" de la Nation et ressuscitent par le chant et une chorégraphie minimaliste les chants de l'époque en y confrontant des discours mis en musique par Maté Szigeti, un beau challenge.

Festival Musica - Singing Youth - Photo: Sari Ember

Ce qui pourrait être un exercice de style est un vrai spectacle chanté et dansé, à la fois ironique et terriblement lucide. Construit sur une série de chapitres qui pourrait rappeler une conférence politico-sociale avec des thèmes comme la construction du stade, "Les ressources Humaines", "La Guerre Culturelle", "Le sculpteur grec", "Aux Hongrois", "Unit", il démarre avec humour pour donner le ton avec une mélodie alerte et enfantine "Lili billi bon bon" mais très vite l'ion se rende compte que les chants sont soit des chants de propagande des temps bénis du socialisme (années 1950 ou de son renouveau (1990) à écouter avec une oreille critique ou encore des textes de discours de propagande socialistes de cette époque là ou franchement nationaliste de la nouvelle période de Victor Orban et de ses troupe. 

Festival Musica - Singing Youth - Photo: Zsófia Sivák

Le choix des textes est judicieux et l'on se rend compte qu'à travers les années, le discours se trouvent des similitudes come l'unité de la nation ("réveillez votre esprit national endormi"), la solidarité entre les vrais Hongrois, l'appel à l'unité, à l'effort. On glorifie l'autosuffisance et la grandeur du pays (par exemple pour la construction du Stade, le fait d'avoir récupéré les matériaux d'origine et d'avoir fabriqué en interne toutes ces briques qui sont presqu'aussi longue mises bout à bout que la largeur de l'Europe). On note les renversements d'amitié - les Grecs, réfugiés bienvenus chez eux après la guerre (dont le sculpteur Makrisz Agamemnon, autrefois loué, plus vraiment désiré "Grecs, retour au pays d'origine"). On devient belliqueux et agressif, les discours se durcissent, sous des aspects qui semblent très humains, mais on fait des différences selon les origines ou la vision du monde ou du pays. 

Festival Musica - Singing Youth - Photo: Zsófia Sivák

Les textes chantés allègrement semblent agréable et passent apparemment, mais en grattant un peu, en creusant le sens on se met a se poser quelques questions sur le chemin qui est pris sur l'ouverture d'esprit et l'orientation du discours, sa fermeture, sa fermeté. Et on se met à faire la parallèle entre le sport, le chant, la danse qui devient martiale - caricaturale pour l'épisode grec - et l'on se demande si dans la réalité, le chant et le sport ne sont pas en réalité des armes de combat. Le chant comme arme collective contre l'ennemi intérieur et bien sûr aussi extérieur. 

Festival Musica - Singing Youth - Photo: Zsófia Sivák

Bien sûr pas celui que nous avons face à nous, nous n'allons pas y adhérer sans réfléchir, d'ailleurs la scénographie, le choix des extes et la composition font que nous prenons suffisamment de distance 'à priori) pour y trouver là où ça grince et analyser les mécanismes, tout en prenant plaisir à cette "comédie" musicale qui nous ouvre les oreilles ... et le yeux sur ce qui se passe pas loin de chez nous. D'aucuns diraient "Réveillez-vous !"

En tout cas ne vous endormez pas. Ecoutez bien ! Ah j'oubliais, les chanteurs et les chanteuses sont superbes, de très belles voix, que ce soient les deux voix féminines (l'une plus cristalline, l'autre plus chaude mais très agréables et les hommes aussi avec de belles basses et des registres plus aigus et leurs voix en canon est d'une très belle facture. La plaisir du chant ne gâche en rien l'analyse du texte et c'est tant mieux. Et le public est ravi.

Festival Musica - Singing Youth - Photo: Robert Becker


La Fleur du Dimanche 

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