samedi 5 octobre 2024

Week-end Musica à Metz - un samedi en sept étapes - la musique partout

 Le Festival Musica pour clore les festivités s'offre un week-end entier à Metz avec une riche programmation. Et dans de nombreux lieux, en particulier en collaboration avec la Cité Musicale de Metz à l'Arsenal (cela a commencé vendredi soir avec Mirlitons de François Chaignaud) et le Centre Pompidou, mais également un centre social-médiathèque L'Agora, une boite de nuit la Douche Froide et de nombreux lieux mystérieux avec les concerts pour soi.


Etape 1: Le concert pour soi

La journée commence dès potron-minet ce samedi dans les rues de Metz où justement il y a peu de chats avant l'ouverture des magasins. Rendez-vous est donné à l'église Saint Maximin. Le lieu du concert est tenu secret comme on en a l'habitude déjà à Strasbourg (voir ceux de 2023 et 2022). A Metz cela se passe dans une dizaine de lieux plus ou moins privés. Le nôtre se déroulera dans un bel atelier d'artiste, celui d'Hélène Roux peintre et graveur qui expose également d'autres artistes ami(e)s sur ses murs. Elle travaille à partir de plantes qu'elle arrive à immortaliser sur papier en nos faisant toucher la beauté de la nature. 

Festival Musica - Concert pour soi - Photo: Robert Becker

Dans cet environnement stimulant, nous avons droit à quatre oeuvres par deux musiciens de l'orchestre National de Metz Grand Est, l'altiste Alain Celo et le violoncelliste Philippe Baudry. Pour commencer à l'alto, Deux pièces pour alto solo (2015) de François Narboni, un musicien né en 1963 et installé à Metz. La première pièce est intériorisée avec quelques pizzicatos et glissandos, des notes qui se déploient. La deuxième est plus rapide, obsessionnelle, avec des coups d'archets qui s'allongent et un jeu qui mixe à la fois le rythme et la mélodie. Une belle découverte. 

Musica - Concert pour soi - Dominique Lemaître - Alain Celo - Philippe Baudry - Photo: Robert Becker

Musica - Concert pour soi - Dominique Lemaître - Alain Celo - Philippe Baudry - Photo: Robert Becker

La deuxième pièce, Hélix (2022) de Dominique Lemaître (1953-) voit, pour commencer l'alto monter en gamme puis le violoncelle lui aussi monte dans les aigus. Les deux mélodies s'enroulent l'une autour de l'autre, des pizzicatos se répondent puis à nouveau les deux instruments font des montées en parallèle qui se suivent comme dans un escalier en colimaçon. Suit une Sarabande de Jean-Sébastien Bach interprétée au violoncelle par Philippe Baudry, grave, sérieuse, mystérieuse, intérieure. 

Musica - Concert pour soi - Bach - Sarabande - Philippe Baudry - Photo: Robert Becker

Et pour finir, le duo nous offre Music to go (1995) de Betsy Jolas presque centenaire. Comme une chanson sombre, qui s'étend et se distend (à l'alto) et s'évanouit. L'expérience est très intéressante à la fois par la proximité avec les musiciens, on est immergé dans la musique, on la vit intérieurement, et par les échanges à la fois sur les pièces, sur le jeu, sur les compositeurs et avec eux personnellement dans le temps d'échange qui est (p)réservé après ce concert. 


Etape 2: Les Percussions de Strasbourg à l'Agora à Metz: EGAL =

Musica continue son voyage en presque banlieue à Metz Nord, dans le beau bâtiment mixte à la fois centre social, médiathèque, espace numérique et agora des mômes avec un spectacle cher aux Percussions de Strasbourg et à Musica, Egal= qui travaille l'inclusivité surtout en direction des sourds et malentendants. 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - Simon Løffler - Photo: Robert Becker

Nous avions déjà pu apprécier la Pièce à écouter avec les dents pour trois musicien·nes de Simon Løffler, le projet étant né à 2019 et s'affine.  Cette pièce qui permet d'entendre un glockenspiel par conduction osseuse - les spectateurs l'écoutent en mordant une baguette de bois qui fait office de haut-parleur, a été complétée par d'autres modalités de perception. 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - Simon Løffler - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - Simon Løffler - Photo: Robert Becker


En particulier Tlön (1995) de Mark Applebaum, une pièce visuelle pour 3 chef·fes d’orchestre sans musicien·nes - c'est le public qui en fait office et qui est censé "inventer" la musique qu'il voit dirigée (deux styles de pièces, une plus moderne, une plus classique à priori. 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - Mark Applebaum - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - Mark Applebaum - Photo: Robert Becker

Suite aux échanges avec le public, principalement celui qui est ciblé, c'est la pièce qui amène le moins d'imaginaire, alors que pour Offertorium : Behandling A (2018), une pièce tactile pour un musicien et une musicienne où les gestes - caresses, pincements, effleurements, petites frappes sur le visage, le crâne, le contour des yeux, la bouche - effectués par chaque percussionniste sur l'autre en face ont ouvert l'univers sonore des spectateurs. On imagine apparemment plus facilement ce qui n'est pas déjà "codé". 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - Jeppe Ernst - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - Jeppe Ernst - Photo: Robert Becker

La pièce de James Tenney, Having never written a Note for percussion (1971) qui est une performance pour deux tam-tam ou gongs qui met en scène la vibration continue d’un trémolo puis d'une descente de puissance des instruments pendant dix minutes permet à tous d'expérimenter la transmission des vibrations croissantes dans l'air, à travers le sol (un peu moins avec le béton), les portants des instruments ou directement ceux-ci avec les effets de vibrations en toute proximité, d'air bien en mouvement et de chaleur transmise. Une expérience très simple mais originale et concrète qui a impressionné le public. 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - James Tenney - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - James Tenney - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - James Tenney - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - James Tenney - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - James Tenney - Photo: Robert Becker


Etape 3: Un pas de côté, Les chaises musicales d'Anne Theresa de Keersmaeker au Centre Pompidou


Dans le cadre de l'exposition "La Répétition" au Centre Pompidou-Metz, le spectacle Rosas danst Rosas - en fait le deuxième mouvement (20 minutes) de la pièce (qui fait cent minutes) - est montré plusieurs fois ce week-end. Voir mon billet: Musique et Danse 

Centre Pompidou Metz - Rosas danst Rosas - Anne Teresa de Keersmaeker - Photo: Robert Becker


Etape 4: Le piano minimaliste - 1. Melaine Dalibert 

Une très belle initiative du Festival Musica à Metz en collaboration avec la Cité Musicale de Metz, c'est un cycle de quatre concerts consacrés au piano, version musique minimaliste, avec quatre interprètes. Celui qui ouvre le bal, c'est Melaine Dalibert, à la fois interprète mais aussi compositeur qui, pour nous mettre en train nous offre le Travel Song (1981) de Meredith Monk. 

Festival Musica - Piano Minimaliste - Melaine Dalibert - Photo: Robert Becker

Une oeuvre qui nous parle de voyage, et nous emporte tout de suite avec un bon rythme, des roulements et des répétitions, la roue tourne. Suit la pièce d'Ann Southam Remebering Schubert (1993), une tentative d'épuisement de la mémoire d'un Lied de Schubert par des répétitions, de reprises, des mélanges, des accélérations, des glissades et des ralentissements de cette mélodie qui varie. 

Festival Musica - Piano Minimaliste - Melaine Dalibert - Photo: Robert Becker

Piano (1998), une pièce contemplative de Mark Hollis clôt la cycle et Melaine Dalibert explique sa méthode de composition "fractale" qui semble très mathématique, en adition de notes dont il présente une oeuvre inédite, sans titre, qui au jeu se révèle pleine de surprise et de richesse d'interprétation et d'écoute, entre autres grâce aux notes et résonnances qui se prolongent en longs sons qui nous envoient loin, comme dans l'espace. Les variations se répètent bien sûr mais le jeu est plein de doigté et de délicatesse.

Festival Musica - Piano Minimaliste - Melaine Dalibert - Photo: Robert Becker

Avec Jeu de vagues (2020) il démarre avec une frappe très rapide en haut du clavier qu'il répète sur une bonne durée puis une descente en gamme, longue et lente sur un rythme très denses, presqu'une danse chtonienne. On imagine la capacité hypnotique de cette pulsation de laquelle émerge quelques notes seules dans la masse. Et pour finir il nous gratifie d'un bis avec "Song" une chanson d'adieu...


Etape 5: Le piano minimaliste - 2. Stephane Ginsburgh 


Le deuxième programme du piano minimaliste, c'est Stephan Ginsburg qui rend hommage à Frederic Rzewski dont nous avons pu apprécier The People united will never defeated  (voir le concert du dimanche 22 septembre). Stephan Ginsburg a connu Frederic Rzewski à Liège où il était son élève et il interprète deux pièces de "speaking pianist". 

Festival Musica - Piano Minimaliste - Stephane Ginsburg - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Piano Minimaliste - Stephane Ginsburg - Photo: Robert Becker

Dans la première Stop the war (2003), il répète régulièrement et d'un manière calme et posée, la phrase titre, comme s'il devait convaincre le monde entier d'arrêter la guerre (ce qui malheureusement est toujours d'actualité). Il commence d'ailleurs de manière beaucoup plus virulente en frappant du poing sur le piano fermé mais il peut aussi chuchoter la phrase qui revient à intervalle régulier ponctuer son jeu, très varié, avec des changements de rythme, jusqu'à la fin où l'on entend "or it will stop us". 

Festival Musica - Piano Minimaliste - Stephane Ginsburg - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Piano Minimaliste - Stephane Ginsburg - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Piano Minimaliste - Stephane Ginsburg - Photo: Robert Becker

De Profundis (1991) est aussi une pièce parlée jouée avec un texte d'Oscar Wilde dite également d'une voix calme, mais aussi ave des bruitages (il siffle dans un mirliton et on entend un klaxon) et des onomatopées, des halètements, qui parle de souffrances et de peines, avec quelques envolées et des moments franchement pathétiques, presqu'un oratorio funèbre et dont les dernières paroles sont "What an ending, what an ending,... what a wonderful begining".


Etape 6: Les Percussions de Strasbourg à l'Arsenal – 100 cymbales de Ryoji Ikeda


La pièce avait été jouée en 2020 en première nationale (créée en 2019 avant le Covid à Los Angeles) à Strasbourg lors de l’ouverture du Festival Musica. C’était une drôle de période et l’ambiance était bleue comme les centres de soins de l’époque. Le public était disposé autour de ces 100 cymbales, spécialement choisies par Minh-Tâm Nguyen en Turquie alors que les déplacements étaient encore difficiles. 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - 100 Cymbales - Photo: Musica

Ici à Metz, dans cette salle de l’Arsenal  conçue par Ricardo Bofill, à l’architecture monumentale et à l’acoustique exceptionnelle nous sommes en surplomb de la scène et nous profitons d’une vue plongeante pour apprécier la chorégraphie des percussionnistes. Ils se déplacent selon une organisation spatiale millimétrée, comme un ballet minimaliste. La musique, elle, l’est aussi. 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - 100 Cymbales - Photo: Musica

Au départ les musiciens caressent les cymbales qui produisent ainsi comme des nappes électroniques. Les cymbales de différentes tailles et de différentes finitions engendrent des sons et des harmoniques qui font un tapis sonore très discret. Minh-Tâm Nguyen se retrouve au centre de ce carré de cent, les autres sur les bords. 

Festival Musica - Percussions de Strasbourg - 100 Cymbales - Photo: Musica

Il commence à frapper deux cymbales et les uns après les autres les musiciens font de même. Un frémissement émerge de la nappe sonore puis un bruissement de plus en plus présent. Les percussionnistes continuent de dessiner des figures géométriques den la carré. Les frappes se font plus fortes vers le centre des cymbales et le son se fait plus grave. Maintenant les musiciens dessinent un flèche vers le public et un son aigu jaillit d’un cymbale puis s’éteint. Un autre puis plein d’autres prennent la relève dans un dernier jaillissement. Silence.


En deuxième partie de soirée, une expérience qui nous semble intéressante, c’est la transcription pour cornemuse, bombardes et binious par Erwan Keravec de quelques œuvres parmi les premières de Philip Glass. Ainsi, après avoir pu assister au démontage expresse de l’installation des 100 cymbales, nous nous retrouvons avec un plateau nu ponctué de néons posée à la verticale et qui vont éclairer les traversées lentes des sonneurs, d’abord un puis deux puis trois, quatre, interprétant d’abord Two pages dans cette salle immense, du fond de la scène. Le son lancinant des instruments perce le silence et presque les oreilles, quelques sons plus graves sont les bienvenus.

Festival Musica - Erwan Keravec


Pour Music in fifths le son est un peu plus chaud, plus mesuré, plus modéré aussi et deux sonneurs sont positionné tout en haut des marches au fond de l’arrière scène. Avec Music in contrary Motion, la musique, écrite au départ pour un orgue électronique se complexifie un peu avec des échos et des airs qui se répondent. Et l’on finit avec Music in Similar Motion où les sonorités se font plus chaleureuses, s’assemblent et donnent un résultat moins mécanique. 



Nous connaissons l’esprit de découverte et d’expérience d’Erwan Keravec, avec Philip Glass il a prouvé qu’il pouvait se frotter à la musique minimaliste, un peu hypnotique, même si l’écoute n’est pas forcément très agréable.


Etape 7: La nuit alternative à la Douche Froide

Pour finir la soirée Musica collabore avec Fragm/ent, une association qui fait vibrer la culture alternative messine depuis plus de vingt ans pour offrir un programme à la Douche Froide en trois temps. Nous avons pour commencer le rock avant-gardiste de MoE - le duo du bassiste norvégien  Guro S. Moe et le guitariste Håvard Skaset avec le batteur japonais  Ikuro Takahashi. 

Festival Musica - Yeah You - Douche Froide - Photo: Robert Becker

Festival Musica - Yeah You - Douche Froide - Photo: Robert Becker


Suit l'électro-noise de Yeah You, un père et de sa fille, Gustav Thomas et Elvin Brandhi qui font crisser les synthés et dérailler la voix. Et cela finit avec les mixs éclectiques de Fearless Alfredo. Une soirée déconseillé aux oreilles sensibles (100-110 db).


La Fleur du Dimanche

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire