Deuxième soirée Musica avec l'Intercontemporain et c'est Enno Poppe qui prend les rênes de l'Ensemble pour diriger deux de ses dernières oeuvres.
Pour commencer, c'est la création française de sa pièce Blumen (2023) - Fleurs, une pièce qu'il a écrite à l'opposé de ses précédentes où il partait sur le concept d'expansion - l'autre oeuvre présentée dure cinquante minutes et elle est composée de neuf parties dont la première ne dure que deux minutes et demie et la dernière plus de dix minutes.
Musica - Enno Poppe - Blumen - Photo: lfdd
Pour Blumen il part sur l'idée de faire court et il nous présente donc cette pièce constituée de quinze mouvements allant de quinze secondes à trois minutes. Certains sont portés par des mélodies, d'autres sont des suites d'accords et chacun des mouvements est traité différemment. Et c'est l'ensemble qui fait l'unité dans cette différence. C'est très frais et vivifiant, on ne s'ennuie pas, les pièces se suivent et c'est à chaque fois une surprise en terme de jeu, de traitement et de mode. Le challenge est de trouver une manière originale à la fois pour les introductions et le final mais aussi pour tout ce qui se passe entre, fut-ce très court. La réussite de ce pari est évidente et le résultat est plaisant et souvent plein d'humour.
Musica - Enno Poppe - Blumen - Photo: lfdd
Nous y entendons, ici le cri des vents, là des gammes descendantes, ici encore de petits sons brefs, des micro-sons qui s'accumulent, s'allongent et s'étendent. Là encore le trombone qui pleure, gémit ou s'excite (souvent, superbe Lucas Ounissi), un moment soutenu par des clochettes qui virevoltent. Ici une flûte qui miaule avec douceur, ou les violons qui entrecroisent les résonances, ou qui pleurent à d'autres moment. Le trombone fait son solo dans la pièce N° 9; la 10 voit des impacts et des trémolos très courts et la 15 est réduite à presque des "grains de poussière". De temps en temps, une mélodie émerge ou alors la musique part d'un instrument, s'étale et se répand, infuse et se diffuse à l'entour. Le résultat est une très belle expérience sonore que la vue du compositeur dirigeant l'orchestre de ses gestes élancés et généreux ne fait qu'augmenter le plaisir.
Musica - Enno Poppe - Prozession - Photo: lfdd
La deuxième partie, plat de résistance par excellence, voit donc la pièce que le compositeur avait commencée en 2015 (il en avait écrit 8 minutes) et qu'il a pu compléter pendant le confinement en quatre mois: Prozession (2015-2020), c'est donc une pièce qui s'épanche et s'étend. Elle démarre avec de petites frappes de percussion, telles des goutes de pluie, qui continuent et se transforment et vont ainsi prendre le pouvoir dans la pièce pendant une bonne trentaine de minutes pour arriver à de grand éclats et des frappes vigoureuses obligeant les musiciens à se boucher les oreilles.
Musica - Enno Poppe - Prozession - Photo: lfdd
Les sons, comme quelquefois dans Blumen migrent d'une instrument à l'autre, ils se superposent et s'étendent par vague, quelquefois se distendent, déraillent ou encore se rassemblent en de formidables masses sonores où les différentes familles - vents, cordes,... - installent des harmonies curieuses.
Musica - Enno Poppe - Prozession - Photo: lfdd
Pour la fin de la pièce, la présence d'une guitare électrique (Benjamin Garson) et deux orgues Korg BX3 (Hidéki Nagano et Sébastien Vichard) créent une ambiance nappée de vagues sonores ondulantes et tournoyantes qui nous emportent dans une douce sérénité. Et la conclusion de la pièce avec ces sons qui décroissent, complétés par le frottement de plus en plus léger de brosses sur les caisses claires, jusqu'à en devenir imperceptible sont un très bel atterrissage après ce voyage de presqu'une heure dans l'univers de ce compositeur allemand de talent.
La Fleur du Dimanche
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