La venue à Strasbourg au Festival Musica de l'Ensemble Intercontemporain, créé par Pierre Boulez en 1976 grâce au soutien de Michel Guy n'est pas rare. Rappelez-vous leur "Hommage à Klaus Nomi" réorchestré par Olga Neuwirth en 2020. Les objectifs et la passion de la musique contemporaine les réunit et Pierre Bleuse nouvellement nommé à la tête de l'ensemble a concocté un programme pour les quarante ans de Musica mettant en avant deux compositeurs habitués au Festival, Michaël Levinas et Hughes Dufourt qui a choisi Strasbourg comme résidence en regard d'une encore jeune compositrice australienne Liza Lim.
Musica - Ensemble Intercontemporain - Michaël Levinas- Photo: lfdd |
Pour cette soirée intitulée L'ébranlement, c'est la créati0n de Michaël Levinas Les Voix ébranlées cherche à nous faire entendre les "larmes des sons", l'ébranlement de la voix dans l'orchestre. Ainsi dans cette pièce en deux sections, la première s'appuyant sur une passacaille bien dansante et roulante qui voit la musique du contrebasson, s'étendre dans les registres très graves au piano et à la contrebasse puis aux cordes pour envahir tout l'orchestre en roulements et éclats. Et pour la deuxième section ces roulements tournoyants voyant surgir quelques éclats puis repartir inexorablement dans un mélange des son polyphoniques.
La Horde (C) Amsterdam - Stedelijk Museum Amsterdam |
Pour La Horde d'après Max Ernst (2022), Hugues Dufourt nous offre des sons bruts et des coups d'archets, des superpositions et des disharmonies qui nous emmènent dans un environnement sauvage et inquiétant. Les vents démarrent en soufflant à blanc, installant un tapis de bruits légers que viennent soutenir les maracas. Ce sont ensuite les cordes qui construisent cette atmosphère de frottements bruts qui se propagent à la harpe pendant que les vents tiennent des sons qui se superposent, s'entrecroisent et se multiplient. Le tuba, le basson, la trompette, le trombone sonnent et la clarinette vibre, tandis que la flûte, la clarinette et le hautbois superposent leurs couleurs. Et, dans une dernier élan, la flûte lance un dernier crissement.
Musica - Ensemble Intercontemporain - Hugues Dufourt - Photo: lfdd |
Avec The Tailor of Time, Liza Lim nous offre une pièce d'inspiration soufie, elle aussi entre le désir et l'ébranlement. Avec les deux solistes, le virtuose Philippe Grauvogel avec ses trois hautbois et la céleste Valeria Kafelnikov qui nous enchante, nous ensorcelle avec sa harpe, nous sommes dans une pièce qui oscille entre désir et anéantissement. La musique se construit et s'effondre pour mieux repartir.
Musica - Ensemble Intercontemporain - Liza Lim - Photo: lfdd |
Les deux solistes introduisent la pièce et régulièrement proposent de beaux solos ou des duos où ils se répondent, avant que l'orchestre monte en puissance ou encore, que de manière inopinée et surprenante les percussions dans un raffut du tonnerre perturbent par plusieurs fois le cours de la pièce par des écroulements bien sonores de boites empilées en déséquilibre. La compositrice a un très bon sens de l'humour (même visuel) au point que vers la fin de la pièce, le percussionniste dans une mise en scène mesurée, accroche divers objets au dessus de ses percussions - une poêle, une cloche, une trompette jouet, une pierre,... sur lesquels il ne va pas frapper mais les "arroser" de grains de riz.
Musica - Ensemble Intercontemporain - Liza Lim - Photo: lfdd |
L'Ensemble Intercontemporain, très à l'aise et très précis dans ces trois compositions montrent encore une fois tout le talent de cette superbe équipe sous la houlette de leur nouveau chef.
Nous attendons avec impatience leur deuxième concert ce mercredi, au même endroit autour des oeuvres d'Enno Poppe.
Le Fleur du Dimanche
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