jeudi 13 février 2020

Histoires d'amour à l'OPS: un Mahler n'arrive jamais seul ou une Saint Valentin poignante

Le titre nous le laissait deviner: d'histoires d'Amour, il y en avait au moins deux. Et comme le veut (un peu) la légende (ou la tradition), qui dit amour - Eros - dit mort - Thanatos.

Le programme du concert à l'affiche de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg sous le signe (et la date) de la Saint Valentin, en ce 13 et 14 février 2020, voit donc une première pièce de Richard Wagner, un résumé en quelque sorte de l'Opéra Tristan et Isolde qui dure quatre bonnes heures: Le Prélude et la Mort d'Isolde en dix-neuf minutes.


Histoires d'amour - OPS - Wagner - Tristan et Isolde - Photo: lfdd

Cette légende médiévale que Richard Wagner a réécrite pour cette pièce qui marque l'entrée de la Musique dans la modernité, a été créée le 10 juin 1845 à Munich. Une lente introduction qui monte en puissance nous engage vers cet entremêlement du désir et le la mort avec une puissance et une sensualité incroyable. Les nombreuses mélodies se relaient et se répètent. La mort d'Isolde - "Liebestod" - conclut avec passion cette transfiguration de l'Amour éternel.


Histoires d'amour - OPS - Mahler - Symphonie N° 5 -  Photo: lfdd

Ensuite, la Symphonie n°5 en do dièse mineur de Gustav Mahler (1860-1911) qu'il a commencé à écrire en 1901. Le compositeur venait d'échapper de justesse à la mort (une hémorragie intestinale) et il va rencontrer Alma Schindler, qui n'a que 22 ans et avec qui il va vivre une relation passionnée. Cette passion donne également sa couleur à cette cinquième Symphonie.


Histoires d'amour - OPS - Mahler - Symphonie N° 5 -  Photo: Nicolas Rosès

Elle démarre par une puissante sonnerie de trompette (Vincent Gillig). La trompette et les vents vont souffler fortement en solo ou en famille tout au long de la pièce. Les cordes, graves, démarrent cette marche funèbre (Trauermarch: im gemessenen Schritt. Streng. Wie ein Kondukt) et les airs martiaux alternent avec une mélodie plus tendre, rassurante, tout en allant de climax en climax.


Histoires d'amour - OPS - Mahler - Symphonie N° 5 -  Photo: Nicolas Rosès

Le deuxième mouvement (Sturmisch bewegt. Mit grösster Vehemenz) débute par une véritable tempête sonore et les airs sont repris par les différentes familles d'instruments. Avec le troisième mouvement (Scherzo: kräftig, nicht zu schnell), le ciel se découvre, l'air redevient frais et virevoltant, presqu'une fête, des danses rustiques (Ländler) ou des valses viennoises se laissent entendre dans les variations pour se fondre dans un chaos avant le point final. 


Histoires d'amour - OPS - Mahler - Symphonie N° 5  - Direction. Aziz Shokhakimov -  Photo: Nicolas Rosès

Le quatrième mouvement, l'Adagietto: Sehr Lagsam, rendu célèbre par le film de Visconti "Mort à Venise" voit un dialogue apaisé et nostalgique entre les corde et la harpe (Pierre-Michel Vigneau). C'est d'ailleurs par ce mouvement que Mahler a commencé à écrire sa Symphonie. Pour le mouvement final, Rondo-Finale: Allegro c'est un retour aux vents. Quelques airs lancés et repris par les vents (cor, Alban Beunache, hautbois, Sébastien Giot et clarinette, Sébastien Koebel) puis par l'orchestre lancent la folle explosion de joie et les savants mélanges d'airs repris et mixés dans des supperposition et expositions ruptures continues.


Histoires d'amour - OPS - Mahler - Symphonie N° 5 - Direction. Aziz Shokhakimov -  Photo: Nicolas Rosès


Un vrai feu d'artifice et une montée en puissance sans fin où l'orchestre et son chef vont au bout de leur engagement. Un chef-d'oeuvre magnifiquement servi. En plus des solistes, il faut saluer la merveilleuse interprétation de l'ensemble des musicien.ne.s de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg qui ont magnifiquement alterné ces instants solos avec des mouvements d'ensemble, à l'unisson ou par grandes familles. Et le talent remarquable du chef "prodigue" Aziz Shokhakimov qui a complètement payé de sa personne dans une direction physiquement très engagée - une vrai spectacle à lui tout seul.
Il faut rappeler que ce dernier a apris à six ans le violon, l'alto et la direction d'orchestre à l'âge de six ans et qu'il a dirigé à treize ans l'orchestre symphonique national d'Ouzbekistan, dont il est devenu le chef principal à dix-huit ans. A 21 ans il remporte le Concours international de direction d'orchestre Gustav Mahler de Bamberg. Et il a prouvé tout son talent lors de cette soirée mémorable.

La Fleur du Dimanche

Concert du 13 février 2020 - 20h00 - Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Premier violon - super soliste: Charlotte Juillard
Direction: Aziz Shokhakimov
Encore une représentation le 
14 février à 20h00 au Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg





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