vendredi 7 février 2020

Au TNS: Le reste vous le connaissez par le cinéma: Cadmos et les dents du dragon

Le cinéma s'invite sur scène pour un court instant au TNS à Strasbourg dans le spectacle "Le reste vous le connaissez par le cinéma" un texte de Martin Crimp, mis en scène par Daniel Jeanneteau. C'est le "Choeur" des "Filles" qui nous projette un "moment clé" de l'histoire de Thèbes dont nous assistons à un autre épisode, celui de la malédiction des Labdacides.


Le reste vous le connaissez par le cinéma - Martin Crimp - Daniel Jeanneteau - TNS - Photo: Mammar Benranou


L'épisode, extrait d'un peplum, décrit la fondation de Thèbes par le Phénicien Cadmos, qui après avoir tué le dragon et semé ses dents, assiste à la naissance de guerriers qui vont s'entretuer, mais dont les cinq survivants construisent la ville.
Ce "choeur de Filles" - les "Phéniciennes", femmes en transit de la  pièce, sont une résurgence du choeur antique de la pièce d'Euripide "Les Phéniciennes" sur laquelle Martin Crimp se base pour ce spectacle. Et ces filles ont le rôle, à la fois de regard moderne, de démiurge, grandes organisatrices de la représentation, et de "poseuses de questions", d'énigmes, les Sphinges.


Le reste vous le connaissez par le cinéma - Martin Crimp - Daniel Jeanneteau - TNS - Photo: Mammar Benranou


Ce sont elles qui, après avoir posé le décor - une salle de classe déjà chamboulée, et qui va encore être le champ de batailles d'affrontements familiaux (des Labdacides) et le champ sémantique décalé: interrogations, exposés, démonstration par l'absurde, vont faire littéralement accoucher Jocaste de cette l'histoire de famille des plus emblématique. A savoir le mythe d'Oedipe et la guerre fratricide de ses deux fils Etéocle et Polynice sous les yeux (ou plutôt sous les oreilles, car cette histoire est un "récit") des soeurs qui restent Antigone et Ismène et de leur mèrJocaste. 
Ce seront donc de multiples rebondissements dont nous connaissons déjà la trame (et le drame) qui vont jalonner cette pièce pleine de cris et de fureur, de vol planés de chaises et de tables, d'amour et de haine. Mais avec cette distanciation à la fois du jeu (le Choeur, manipulateur de marionnettes et souffleur des personnages) et témoin décalé (dans le temps avec les accessoires et le regard du monde actuel) qui s'insinue dans le mythe au point de le désacraliser: A la fin Oedipe, ce roi légendaire, père d'un concept phare de la psychanalyse) sortant enfin de sa "caverne" (une cabane perchée) ne rêve que de chocolat et d'écouter de la musique à la radio.


Le reste vous le connaissez par le cinéma - Martin Crimp - Daniel Jeanneteau - TNS - Photo: Mammar Benranou


Cela nous met en face de ces mythes tout en nous remettant en perspective notre époque actuelle qui oublie les questions fondamentales: la violence, le pouvoir, l'accueil, les liens entre les peuples, et les relations familiales proches.

La pièce mélange les genres et l'on passe de moments presque comiques à des épisodes poignants ou carrément révoltants. Les questions de morale, de courage et d'engagement ne sont pas oubliés: L'épisode  de la décision exemplaire du fils de Créon, le frère de Jocaste, Ménécée (présent dans la pièce d'Euripide et non dans d'autres versions du mythe) est un moment intense (une pensée particulière aux très jeunes comédiens Clément Decout et Victor Katzatov en alternance).


Le reste vous le connaissez par le cinéma - Martin Crimp - Daniel Jeanneteau - TNS - Photo: Mammar Benranou

Martin Crimp a tenté de rendre avec un regard actuel nos mythes fondateurs et le choix de Daniel Jeanneteau d'inclure dans le jeu ces jeunes filles presque vierges de théâtre avec la complicité de la comédienne Elsa Guedj apporte un vent de fraîcheur, d'humour et d'innocence dans cette représentation. Sans oublier l'émotion.

A propos d'émotion, le cinéma est sollicité une autre fois dans la pièce, lorsque l'on parle du plan de fin du film de Pasolini avec la caméra qui monte vers les arbres et "qu'on a envie de pleurer".
Et dans le film (pas dans la pièce, Oedipe dit: "O lumière que je ne verrai jamais plus! Lumière qui autrefois étais mienne. Tu m'illumines pour la dernière fois. Je suis arrivé. La vie finit là où elle a commencé." 

La Fleur du Dimanche


Le reste vous le connaissez par le cinéma

du 7 au 15 février 2020 - TNS Strasbourg

Création:
Gennevilliers
Du 9 janvier au 1er février 2020 au T2G – Théâtre de Gennevilliers – Centre dramatique national 

Tournée:
Lille
Du 10 au 14 mars 2020 au Théâtre du Nord
Lorient

Les 20 et 21 mars 2020 au Théâtre de Lorient − Centre dramatique national

Texte Martin Crimp
D’après Les Phéniciennes d’Euripide
Traduction de l’anglais Philippe Djian
Mise en scène et scénographie Daniel Jeanneteau
Avec Solène Arbel, Stéphanie Béghain, Axel Bogousslavsky, Yann Boudaud, Quentin Bouissou, Jonathan Genet, Elsa Guedj, Dominique Reymond, Philippe Smith, et en alternance Clément Decout, Victor Katzarov
Et le choeur, en alternance
Delphine Antenor, Marie-Fleur Behlow, Diane Boucaï, Juliette Carnat, Imane El Herdmi, Chaïma El Mounadi, Clothilde Laporte, Zohra Omri

Assistanat et dramaturgie Hugo Soubise
Conseil dramaturgique Claire Nancy
Collaboration artistique / Choeur Elsa Guedj 
Assistanat à la scénographie Louise Digard
Lumière Anne Vaglio
Son Olivier Pasquet
Ingénierie sonore et informatique musicale IRCAM Sylvain Cadars
Costumes Olga Karpinsky

Dominique Reymond est actrice associée au TNS
Le décor est réalisé par les ateliers du TNS
Le texte, dans la traduction de Philippe Djian, est publié chez L’Arche Éditeur

Production T2G - Théâtre de Gennevilliers – Centre dramatique national
Coproduction Théâtre National de Strasbourg, Ircam – Centre Pompidou, Festival d’Avignon, Théâtre du Nord - CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France, Théâtre de Lorient – Centre dramatique national
Action financée par la Région Île-de-France
Avec le soutien de la Fondation SNCF
Remerciements à la MC93 – Maison de la culture de la Seine-Saint-Denis Bobigny
Création le 16 juillet 2019 au Festival d’Avignon

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