vendredi 28 septembre 2018

Silbersee à Musica: Homo Instrumentalis, l'homme et le feu et la femme, le chant et la danse

Silbersee, un collectif d'artistes d'Amsterdam qui ont de l'énergie ont présenté à la Cité de la Musique et de la Danse à Strasbourg la création "Homo Instrumentalis" produite à la Ruhrtriennale de Duisbourg l'an dernier dans le cadre du Festival Musica.
Et devinez de quoi cela parle? Du feu, de l'usine bien sûr, mais pas seulement...
La création mixe trois compositeurs méditerranéens Yannis Kyriakides, Luigi Nono et Georges Aperghis.
La pièce Ode to Man de Yannis Kyriakides ouvre et clôt le spectacle.
A l'ouverture, c'est un choeur - antique - de quatre femmes (Soprano: Jennifer Claire van der Hart, Eléonore Lemaire - Soprano, mezzo-soprano, Rianne Wilbers et Alto, Fanny Alofs) qui nous chante les merveilles de l'homme et du progrès "Il est bien des merveilles en ce monde, il n'en est pas de plus grande que l'homme". Mais l'homme, avec le progrès et la technique crée également la souffrance. Il est grand, mais inquiétant et les outils servent à exploiter son semblable.




C'est également et de manière très appuyée le message qui passe dans la deuxième pièce, La fabricata Illuminata de Luigi Nono (1964) où la soliste se retrouve prisonnière derrière un écran et encerclée de sons d'usine enregistrés, pendant que défilent des ouvriers harassés et las. La voix s'exprime par bribes, comme dans un rêve... ou un cauchemar? 




La pièce de Georges Aperghis Machinations quant à elle, même si elle est critique, vis-à-vis du progrès, de la science et de la société, l'est avec une bonne dose d'humour. Elle joue à la fois sur la naissance d'une langue ( le jeu sur le langage que nous connaissons bien de la part du compositeur, avec répétitions de voyelles, de consonnes, d'allitérations) et sur le discours et le sens et le non-sens ou l'absence de communication. L'effet est à la fois inquiétant dans la non-compréhension mais également plein d'humour avec les onomatopées et répétitions, le texte comme dit à l'envers ou ces explications scientifiques passées à la moulinette d'un traducteur de mode d'emploi automatique. Une réflexion sur la langue, l'intelligence et la création, la machine et l'avatar (le canard) soutenue avec une folle énergie par les quatre chanteuses qui se retrouvent également danseuses avec la troupe de Johanne Saunier (avec Miguel Ángel Gaspar, Jorge Morro et Carl Refos qui nous fait quelques virtuosités hip-hopiennes). La chorégraphie de Johanne Saunier habite le plateau et fait merveilleusement vivre la musique de Georges Aperghis dans un espace où entre l'écran, l'électronique en direct de Wouter Snoei et le dialogue chant, paroles et mouvement nous éblouissent.
Pour nous dire adieu, la deuxième partie d'Ode to a Man nous laisse à nos réflexions et notre méditation dans "retour vers le futur", au-delà de l'homme dans un vaste espace sidéral peuplé d'une musique qui n'est peut-être plus de nous....

Un spectacle qui s'appuie sur une scénographie dynamique, où les chanteuses se surpassent, en total dialogue et symbiose avec la danse et la musique pour nous parler de nos origines et nos mythes à la lumière du progrès technique et cybernétique.


La Fleur du Dimanche  


Homo Instrumentalis
création française
Mise en scène et direction musicale, Romain Bischoff
Chorégraphie, Johanne Saunier
Vidéo, Frederik Jassogne, Bart Moens (Hangaar)
Lumière, Floriaan Ganzevoort (De Theatermachine)
Costumes, Dieuweke van Reij
Assistante artistique, répétitrice danse, Juliette van Ingen
Conseiller dramaturgie, Wout van Tongeren
Soprano, Jennifer Claire van der Hart, Eléonore Lemaire
Soprano, mezzo-soprano, Rianne Wilbers
Alto, Fanny Alofs
Danse, Miguel Ángel Gaspar, Jorge Morro, Carl Refos, Johanne Saunier
Électronique live, Wouter Snoei
Musiques
Yannis Kyriakides Ode to Man I (2017)
Texte, Sophocle d’après Antigone
Luigi Nono La fabbrica illuminata (1964)
Texte, Giuliano Scabia, Cesare Pavese
Georges Aperghis Machinations (2000 / version Silbersee 2017)
Texte, François Regnault, Georges Aperghis
Yannis Kyriakides Ode to Man II (2017)

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