Il y a un an, nous avions déjà pu apprécier (mais nous n'étions pas nombreux dans la petite salle à l'Espace Grüber) le formidable travail que réalise Joël Pommerat avec des détenus et anciens détenus - de la prison centrale d'Arles avec Amours (2). Ce qui fait plaisir, dans cette adaptation de la pièce de Pagnol - qui avait aussi été portée à l'écran - Marius, c'est de revoir des têtes familières, par exemple ces deux comédiens (ils le sont maintenant vraiment, la prison est derrière eux) qui nous avaient "embarqué" la dernière fois.
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Marius - Joël Pommerat - TNS - Photo: Agathe Pommerat |
Le contexte a été changé. Le bar devient café boulangerie et le "Tu me fends le coeur" de la célèbre partie de carte parle plutôt de "moustiques" - à vous de trouver l'énigme. Ce qui est magnifique, c'est que l'adaptation qu'en a faite Joël Pommerat avec ses "acteurs" est simple et limpide, les mots se retrouvent comme en vrai dans la bouche des comédiens et l'on se croit dans une vraie boulangerie - café un peu vieillotte qui est en train de péricliter.
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Marius - Joël Pommerat - TNS - Photo: Agathe Pommerat |
Le patron, César, qu'incarne avec justesse Jean Ruimi en homme sensible et fatigué, mais très humain, arrive à faire passer toute l'émotion de ce conte moderne dans lequel son fils, Marius - Michel Galera tout en intériorité boudeuse - essaie de s'échapper vers le grand large. Elise Douyère (que nous avions aussi déjà pu apprécier dans la pièce précédente) porte avec force le personnage de Fanny qui révèle peu à peu, à la foi ses sentiments et sa détermination, sa lucidité, ses émotions aussi. Le personnage de Panisse, haut en couleur est très bien porté par Bernard Traversa dans une multiplicité de sentiment et son rapport au téléphone fait comique de répétition. Redwane Rajel donne à la silhouette de Piquoiseau, l'émissaire de l'ailleurs rêvé, un côté à la fois lutin, mutin et malin qui lui va bien. Les trois autres personnages, Escartefigue (Ange Menelyk), le fada (Damien Baudry) et "le douanier de Lyon" (Ludovic Velon) complètent bien ces portrait qui visent juste et peuplent ce monde en miroir où les problèmes de la société d'aujourd'hui (le commerce, le marketing, la relation client, les affaires,..) se confronte avec les sentiments qui n'osent s'exprimer.
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Marius - Joël Pommerat - TNS - Photo: Agathe Pommerat |
C'est avec beaucoup de justesse, autant dans le texte, très bien écrit et les mots choisis, que dans la dramaturgie bien dosée et dans le jeu très convaincant, qu'affleurent les émotions, les sentiments. Les problèmes économiques de cet artisan qui commence à ne plus voir l'avenir, tout en devant assumer celui de son fils, orphelin, et l'immense rêve de changement et d'évasion de ce dernier pointent, à travers le classicisme de la pièce, sur des sujets d'actualité, mais également sur des situations universelles.
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Marius - Joël Pommerat - TNS - Photo: Agathe Pommerat |
Et il n'est ici pas question de clinquant et de richesse si ce n'est la richesse de l'âme humaine et, à l'opposé le kitsch de la sonnerie de téléphone de Panisse. La très belle qualité de ce spectacle prouve que l'on peut faire un travail engagé socialement et humainement tout en proposant au public une très belle prestation. Joël Pommerat nous offre ici une adaptation engagée de Pagnol qui ouvre les espaces et les réflexions sur la liberté en même temps qu'elle permet l'expression des acteurs qui ont pu y participer à la construction avec la collaboration artistique de Caroline Giuela Nguyen et de Jean Ruimi qu'il faut ici saluer. Un moment de théâtre, émouvant et crédible.
La Fleur du Dimanche
Au TNS à Strasbourg - du 13 avril au 3 mai 2025
Marcel Pagnol
[Création théâtrale] Joël Pommerat
[Avec] Damien Baudry, Élise Douyère, Michel Galera, Ange Melenyk, Redwane Rajel, Jean Ruimi, Bernard Traversa, Ludovic Velon
[Collaboration artistique] Caroline Guiela Nguyen, Jean Ruimi
[Scénographie et lumière] Éric Soyer
[Costumes] Isabelle Deffin
[Création sonore] François Leymarie, Philippe Perrin
[Assistanat à la mise en scène] Guillaume Lambert (à la création), Lucia Trotta
[Renfort assistant] David Charier
[Régie son] Fany Schweitzer
[Régie lumière] Julien Chatenet, Jean-Pierre Michel
[Régie plateau] Ludovic Velon
[Construction décors] Thomas Ramon - Artom
[Accessoires] Frédérique Bertrand
[Administration] Elsa Blossier
[Co-direction] Magali Briday-Voileau
[Production] Alice Caputo
[Tournées] Pierre-Quentin Derrien
[Direction de production] Lorraine Ronsin-Quéchon
Avec l'accompagnement de Jérôme Guimon de l'association Ensuite.
Production Compagnie Louis Brouillard
Coproduction MC93 – Maison de la culture de Seine-Saint-Denis à Bobigny, La Coursive - Scène nationale de La Rochelle, le Festival d’Automne à Paris, le Théâtre de Brétigny-sur-Orge, Points-Communs - Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, le Printemps des Comédiens - Cité européenne du théâtre - Domaine d’O - Montpellier. Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès, de l’association Ensuite, et du Théâtre de l'Agora - Scène nationale de l’Essonne.
Ce spectacle n’aurait pas vu le jour sans le soutien logistique, financier et moral de ses partenaires précieux, qui ont permis les restitutions publiques en 2017 au sein de la Maison Centrale d’Arles malgré toutes les difficultés à surmonter : La Maison Centrale d’Arles ; La compagnie Les Hommes Approximatifs ; Le Théâtre d'Arles, scène conventionnée art et création-nouvelles écritures ; La Garance - Scène nationale de Cavaillon ; Jean-Michel Grémillet ; Le SPIP 13 ; La Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires PACA ; La Direction et les personnels de la Maison Centrale ; L’Équinoxe - Scène nationale de Châteauroux ; Le Printemps des Comédiens ; La MC93 - Bobigny ; Le CNCDC de Châteauvallon - Scène nationale ; La Coursive - Scène nationale de La Rochelle ; Le Théâtre Olympia - Centre dramatique national de Tours ; Le Merlan - Scène nationale de Marseille ; La Criée - Théâtre National de Marseille ; Le Théâtre de la Porte-Saint-Martin ; la Fondation E.C. Art Pomaret ; la Fondation d’entreprise Hermès.