jeudi 17 avril 2025

La Dolce Vita de Stefano di Battista: La musique ensoleillée du Sud, à Schiltigheim, entre Naples et la Sicile

 Stefano di Battista est un musicien qui aime le soleil et la chaleur, qui aime aussi la musique et ses amis et collègues musiciens. Et il aime l'Italie et le public. On le constate à la manière qu'il a de nouer les complicités avec ses quatre accompagnateurs pour ce concert La Dolce Vita dans la belle salle de la Briqueterie à Schiltigheim pour une soirée placée sous le signe du soleil et de la nostalgie. Et aussi comment il sympathise avec le public, s'adressant à lui avec familiarité, identifiant ce couple qui devine les titres des morceaux qu'il va jouer (et marquant les point gagnés et perdus par chacun), et arrivant à débusquer "le" couple d'italiens de Naples. 


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Il adresse un geste particulier à untel ou unetelle dans la salle, dont il découvre avec un plaisir non dissimulé le nombreux public - depuis la scène, il n'en avait pas mesuré l'importance avant qu'on mette un peu de lumière sur le fond. Et c'est non sans un certain humour, qu'il propose au "junior" de la troupe, Matteo Cutello (26 ans - "il en avait 25 hier!") de faire une photo à envoyer à ses parents. C'est ce qu'il fait d'ailleurs, et même une vidéo - du public enthousiaste en fin de concert. Comme gag, humour de répétition, il taquine aussi les rivalités entre Napolitains et Siciliens (les Alsaciens connaissent bien ce type d'humour). Mais il est aussi, d'une certaine façon, nostalgique. Ce qu'en Angleterre on pourrait nommer spleen, en portugais saudate, c'est plutôt ici Amarcord (je me souviens), le côté rêverie mélancolique, assorti d'une langueur amoureuse qui a fait le bonheur du cinéma et de la chanson italienne.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Et cela tombe bien pour nous, parce que Stefano di Battista est effectivement et essentiellement un musicien hors pair, un saxophoniste sensible et talentueux et il dispose d'un vaste répertoire dans lequel il peut puiser. Il l'avait fait précédemment avec l'excellent et éclectique compositeur Ennio Morricone. Et pour ce nouveau programme, il visite autant les musiques de films italiens des années 50 à 80, que la chanson de variété de qualité (dont le prix Eurovision de la Chanson) ou les tubes historiques dont les multiples interprétations sont arrivées jusqu'à nous en France, de Lucio Dalla à Paolo Conte.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Mais il ne se contente pas de les interpréter. Avec son groupe, et en particularité avec le pianiste Frédéric Nardin (qui avait déjà fait ce travail sur le précédent album), il leur donne une touche particulière et surprenante. Cela débute par Tu vuò fa l'americano, une chanson les années 50 de Renato Carosone et Nicola Salerno, balancée et entraînante, avec lui au saxophone et Matteo Cutello à la trompette qui forment un beau couple avec un beau mariage sonore, le son velouté du saxophone et la précision claire et pointue de la trompette. Soutenus par le rythme vif de la contrebasse de Daniele Sorrentino et Luigi Del Prete à la batterie.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker

La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Cela continue sur le même élan avec l'air de La vita è bella, composée par le grand musicien de films Nicola Piovani pour le film éponyme de Roberto Begnini (Oscar de la meilleure musique de film) pour lequel Stefano di Battista et Matteo Cutello s'engagent dans une très belle joute endiablée.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Changement de style avec le tube de Lucio Dalla, Caruso un hommage au ténor Enrico Caruso, une version plus nostalgique que celle, pathétique, d'origine. Tout comme la version du Via con me de Paolo Conte qui gagne ici en vélocité. Curieusement, la version de Volare (Nel blu dipinto di blu) de Domenico Modugno - gagnante du Festival de Sanremo en 1958 et représentant l'Italie à l'Eurovision mais qui a eu plus de succès que la chanson française (Dors, mon amour, qui a remporté le prix, mais largement oubliée depuis) - est encore plus mélancolique et désenchantée que l'originale.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Suit un air de Piero Umiliani, Sentirsi Solo que jouait le personnage de Chet Baker, interprété par Ethan Hawke, dans le film Born to be Blue mais que joue le trompettiste canadien Kevin Turconte. Effectivement le morceau n'a pas été composé pour ce film, mais Chet Baker le jouait souvent lors de ses séjours à Rome et en Italie, justement avec Enrico Rava et Piero Umiliani . Et c'est vrai que le côté désespéré et fragile également bien rendu dans cette version lui va bien.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


On ne quitte pas le côté nostalgique, voire dramatique avec La califfa composé par Ennio Morricone pour le film d'Alberto Bevilacqua avec Romy Scheider, une très belle balade où le piano de Frédéric Nardin et le saxophone soprano de Stefano di Battista dansent non pas sous la baguette, mais sous les doux balais du batteur Luigi Del Prete. On continue avec une autre composition d'Ennio Morricone, The Good, the Bad and the Ugly (Le bon, la Brute et le truand) issu de son précédent disque Morricone stories, une version bien dopée, où l'on sent la très belle union et harmonie dans le groupe.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker

La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Pour le "rappel" prémédité, la sympathique troupe nous offre La dolce vita qui a donné son titre au concert, hommage au film film éponyme de Fellini, le maître de la nostalgie italienne au cinéma - souviens toiAmarcord. Et pour cela, Stefano Di Battista et Matteo Cutello font une incursion acoustique dans la salle, autant pour prouver leur grand talent que pour se frotter au public, comme je le disais plus haut. Et le public est doublement ravi.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker

On peut apprécier la qualité de jeu - sans micro et avec, les cuivres donnent toute leur subtilité de sonorités. Cette subtilité que l'on pouvait aussi apprécier avec la sonorisation tout au long du concert. Le son est magnifique et la précision des instruments impeccable. Le piano aurait peut-être gagné à être un peu plus présent pour mieux apprécier la dentelle sonore que nous tricottait avec délicatesse et vélocité Frédéric Nardin. Daniele Sorrentino, maitre de la contrebasse, lui nous impressionnait avec son toucher puissant et rapide, un géant du rythme. Luigi Del Prete de son côté, qui remplaçait André Ceccarelli a fait preuve des belles variations dans son jeu, autant à l'aise dans les rythmes rapides que pour les morceaux plus doux et ses quelques solos étaient brillants. Stefano Di Battista au saxophones soprano et alto et Matteo Cutello à la trompette étaient eux comme deux très vieux complices, arrivant à s'accorder ensemble avec virtuosité sur des airs où ils jouaient de manière complémentaire, tout comme ils alternaient quelques solos, Stefano Di Battista quittant quelquefois la scène pour laisser toute la place à Matteo Cutello. Mais il lui arrivait aussi de poser une main amicale sur l'épaule de Frédéric Nardin avec qui on sentait une très belle connivence.


La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker

La Dolce Vita - Stefano di Battista - Schiltigheim - Photo: Robert Becker


Cette ambiance qui sourd aussi dans la salle et se propage auprès toutes et tous et vaut un double rappel, non attendu par Stefano qui nous gratifie de sa version de La cosa buffa d'Ennio Morricone du film La Cosa Buffa (La drôle d'affaire) réalisé en 1972 par Aldo Lado et adapté du roman éponyme de Giuseppe Berto. Cela nous vaut une très originale valse hésitation de Matteo Cutello pour se joindre au maestro Stefano di Battista et assurer sa suite. Et la soirée arrive à son apogé (si vous connaissez les parents de Matteo demandez-leur de vous montrer la vidéo). En tout cas pour le public cela a été une très belle découverte - ou plutôt une redécouverte sous un forme nouvelle - de chansons et mélodies qui nous suivent depuis longtemps et que nous avons pu apprécier ici avec une nouvelle vision, remises à neuf presque avec une nouvelle vie pour ces douceurs italiennes, délicieuses, tendres et bourrées d'énergie.


La Fleur du Dimanche 


Prochain Concert de La Dolce Vita de Stefano di Battista à l'Opéra National de Bordeaux - 19 avril 2025



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