mercredi 22 novembre 2023

Good Boy: Supergrave, le dérisoire et le fragile aujourd'hui

 Autour de la thématique de l'exposition actuellement visible au Musée d'Art Moderne et Contemporain à Strasbourg Aux temps du Sida, Pôle Sud propose une reprise par Christophe Ives de la pièce d'Alain Buffard Good Boy. Cette pièce, dont on peut d'ailleurs voir un extrait dans l'exposition, il l'a conçue en 1997, suite à un séjour aux Etats-Unis auprès d'Anna Halprin pour se soigner du sida. Il l'a interprétée de nombreuses années, puis remontée en 2001 en en tirant une version Good for... pour quatre danseur, puis après, pour vingt danseurs Mauvais Genre. La version jouée à Pôle Sud, interprétée par Christophe Ives, a été transmise par Matthieu Doze. Elle arrive dix ans après la mort du chorégraphe et presqu'une éternité après la période des ravages du sida dans les rangs du milieu artistique, entre autres de la danse. Une génération est passée et l'on peut constater avec le Covid la vitesse avec laquelle une pandémie est vite oubliée.


Good Boy - Alain Buffard - Photo: Marc Domage

Mais même avec tous ces filtres et l'empilement de mémoire, il reste pourtant une lueur d'émotion et de sensations, à l'image de la dernière scène de la pièce où l'on imagine encore la lumière sous les empilements de slips sur la lampe de poche enfermée dans la boite de Retrovir. Ce médicament, le premier découvert et utilisé comme traitement pour les malades contaminés par ce virus. Slips, lampes de poche et Retrovir sont les seuls accessoires de ce spectacle, à part des néons qui, pour les premiers, tout au début du spectacle occultent le visage du danseur et l'autre, dans la passage "Retrovir", sous forme de balançoire, annonce d'une certaine manière un passage au féminin.


Good Boy - Alain Buffard - Photo: Marc Domage


Et le corps, lui aussi, dans ses gestes reste à l'essentiel, à l'os, presque. Nous partons de la délimitation du corps, son exploration, littéralement le besoin vital de le sentir encore, de sentir ses membres, la peau, les articulations et de revenir aux mouvements presque banaux. Au départ, une prise d'identité dans le genre de bertillonnage ou anthropométrie judiciaire suivi d'une sorte de surprotection frénétique, avec ces fameux "slips kangourou" (mais pas que). Puis des passages par différentes phases d'évolution qui amènent à la fois à un développement graduel du mouvement - d'une position rampante qui cherche à quitter le sol en élançant les bras en l'air, jusqu'à une séquence très contrainte de ballet classique, en passant par tout un jeu sur les articulations. 


Good Boy - Alain Buffard - Photo: Marc Domage

Tout cela en même temps que le corps est sujet à exploration dans une économie de moyens. Ce qui n'empêche ni l'humour - quand la tête devient curieusement un sexe balloté - ou l'engagement - quand la main exploratrice de l'entrejambe et des fesses, passe, en un clin d'oeil de symbole sexuel à geste de révolte. L'espace lui aussi se construit, s'élargit, donne des repères et semble s'ouvrir même si par dépit ou désespoir le corps s'y cogne, essayant de se libérer de cette étreinte, étant obligé de se surprotéger - on remet des couches -  pour arriver au final à ce qui pourrait être le dernier petit tumulus après que l'on ait été dépouillé de tout.  

Et le reste est silence...


La Fleur du Dimanche

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire