samedi 14 octobre 2023

Aux temps du Sida au MAMCS : Se souvenir des corps, encore et Danser l'amour des morts avec le Ballet du Rhin

 L'exposition "Aux temps du Sida, Oeuvres, récits et entrelacs" qui vient de débuter au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg aura dû patienter un peu. Prévue en 2020, une autre pandémie en aura reporté la réalisation jusqu'à ces jours, d'une certaine manière comme pour saluer le départ en retraite du directeur des Musées Paul Lang qui l'a initié et dont il a confié le commissariat à Estelle Pietrzyk, conservatrice en chef et responsable du MAMCS. Et elle nous a conçu une exposition à la fois artistique mais également totalement ancrée dans l'époque. Mêlant des oeuvres majeures et emblématiques dans différents domaines artistiques (plastique, cinématographique, littéraire, chorégraphique,..) autant que sociologique ou scientifique, dans un parcours immersif qui nous fait littéralement vivre au plus intime les peurs, la douleur, les espoirs et les révoltes des ces quatre décennies qui ont vu passer cet ouragan dévastateur en nous laissant très longtemps perdus et désemparés. 


Aux temps du Sida - MAMCS - Le mur du temps - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Le mur du temps - Photo: lfdd


L'exposition débute par un "couloir du temps" en référence à l'aids timeline du collectif Group Material avec entre autres Felix Gonzales-Torres, Jenny Holzer et Barbara Kruger, couloir qui nous accueille observés par un personnage surplombant  π (pi) de Merryl Ferri-Levisse qui a également réalisé le papier peint symbolique qui nous emmène dans l'entonnoir du temps accompagné par Prince qui nous chante "a big desease with a little name" (un maladie grave avec un nom court). Ce couloir qui remonte de nos jours, où plus de quarante millions de personnes sont mortes, aux débuts de l'histoire de la crise sanitaire, affiche des objets, livres, articles, dessins, disques, cartes postales et toutes sortes de témoignages de l'apparition et du développement de cette maladie dans notre société. 


Aux temps du Sida - MAMCS - Le mur du temps - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Le mur du temps - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Le mur du temps - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Françoise Petrovitch - Photo: lfdd


On y trouve autant un dessin de Tomi Ungerer qui a illustré des emballages de préservatifs, vecteurs de prévention que des couvertures historiques de magazines parlant du Sida ou des disques et articles tracts, affiches, cartes postales - entre autres des campagnes d'Act Up - qui nous remémorent le chemin depuis, par exemple le premier "coming out" d'un artiste, Rock Hudson, annonçant sa maladie. Un portrait de Françoise Barré-Michel par Hervé di Rosa côtoie le photo de Michel Foucault par Hervé Guibert ou une aquarelle d'un "Singe Vert" par Françoise Pétrovitch. 


Aux temps du Sida - MAMCS - Bruno Pélassy - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Je sors ce soir - Photo: lfdd

Tout de suite après, un genre d'antichambre d'entrée nous accueille avec un rideau de perles "Viva la Muerte" grinçant de Bruno Pélassy, des photos de corps attaqués de Kiki Smith ou le portrait jeune de John Hanning I SURVIVED AIDS. Cette antichambre nous mène directement au monde de la nuit - Je sors ce soir -avec l'univers de discothèques, avec le clip Tainted Love de Soft Cells et la chorégraphie Still/Here de Bill T Jones dans une Dance Box intelligemment décorée.  Bill T Jones nous le retrouvons en train de se faire peindre le corps par Keith Haring à côté d'une grande sculpture de Johan Creten et d'une installation "sous moustiquaire" de Barthélémy Toguo. Une chambre avec un téléviseur d'époque sur lequel sont diffusés toute une série d'archives, documents et journaux TV permettant de se replonger dans le temps et une armoire qui cache un secret: une conception de Jean-Michel Othoniel, qui ouvre le "placard" et nous fait entrer dans le cabinet secret où l'on découvre des films interdits, des images taboues ou scandaleuses, dont deux autoportraits de Robert Mappelthorpe - le dernier six mois avant sa mort et le portrait par ce dernier de Roy Cohn, ouvertement (officiellement) anti homosexuel, l'ancien conseiller de McCarthy et de Donald Trump et mort du Sida en 1986.


Aux temps du Sida - MAMCS - Bartélémy Toguo - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Roni Horn - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Hervé Guibert - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Antony Goicolea - Photo: lfdd

Après ces espaces "Prolifération" et "ceci est mon sang", avec entre autres une grande fresque sur toile biface de Fabrice Hyber et d'intéressantes oeuvres et projets de Michel Journiac dont les "billets de sang", nous arrivons dans des espaces - "Je n'ai fait que traverser le monde en courant" et "Cette époque est un thrène" où des lettres de Fabrice Guibert, à écouter au casque aussi, de même que les énumérations Felix's Toys de Roni Horn ou ou la chambre The Millwaukee Room de Dominique Gonzalez-Foster rendent hommage à Felix Gonzalez-Torres, dont on voit les photos des jouets qu'il envoyait à ses amis. Nous avons aussi toute une série de photos, en noir et blanc d'Hervé Guibert et en couleur de Nan Golding qui témoignent de l'intérieur du vécu de cette époque. Des extraits de films d'Almodovar, de Robin Campillo et de Leos Carax nous font aussi revivre l'époque. 


Aux temps du Sida - MAMCS - Jean-Luc Lagarce - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Alain Buffard - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Alain Buffard - Photo: lfdd


De manière plus intime nous arrivons aussi à des carnets et des archives de Jean-Luc Lagarce, aux citations et dessin de Copi, aux "actions" de David Wojnarowicz avec une impressionnante photo de lui à la bouche cousue par Marion Scemama, qui a filmé aussi son monologue performance "If I had a Dollar to spend - si j'avais un Dollar à dépenser". 


Aux temps du Sida - MAMCS - David Wojnarowicz - Marion Scemama - Photo: lfdd

Aux temps du Sida - MAMCS - Jean-Luc Verna - Photo: lfdd


D'autres vidéo, dont la performance d'Alain Buffard ou d'Anna Halprin montrant la fragilité induite par la maladie sont de magnifiques témoignages artistiques que l'on peut apprécier dans le "cocon" du rideau brodé de perles et de cristaux de Jean-Luc Verna (dont on appréciera ailleurs dans l'exposition à la fois les dessins noirs ou en couleur: Trithérapie qui chante), ainsi que les photos des collages d'Ernest Pignon-Ernest dans les rues de Warwick (Durban), et, sur le mur en très grand, le sigle d'Act Up "Silence = Death". 


Aux temps du Sida - MAMCS - Bruno Pélassy - Photo: lfdd


Une dernière salle "Protocoles et Luttes" présente des oeuvres en référence aux traitements avec trois énormes gélules de General Idea Blue (Cobalt Pla(c)ebo, la Variation of Love de Pascal Lièvre des oeuvres de Pascale Martine-Thayou ou de Chéri Samba ou un "autel" dédié aux actions des Soeurs de la Perpétuelle indulgence. Et avant de danser dans l'Arène sous les guirlandes d'ampoules de Felix Gonzalez-Torres, nous passons dans la salle de cinéma attenante pour s'immerger pendant soixante-seize minutes dans le film de Derek Jarman Blue où il nous parle au plus intime de cette maladie qui va l'emporter six mois après la réalisation de ce film. Et nous sortons, secoués en saluant le travail en écho de Bruno Pélassy Gracias a la vida.

Mais ce n'est pas fini.... Tout au fond de la nef, derrière les grands vases de Barthélémi Toguo Vaincre le virus, se trouve une Permanence, un espace participatif et de rencontre avec des professionnels ou des associations et deux vitrines qui ont accueilli les objets et souvenirs de donataires volontaires qui ont partagé des objets, livres ou pièces de collection, dont, entre autres, le dessin de  Freddy Ruhlmann La-si-do-ré.


Un grand nombre de manifestations: ateliers, conférence, projections, rencontres, lectures, spectacles, concerts, visites guidées, cartes blanches, au Musée et en partenariat avec d'autres structures, dont Pôle Sud, et le Lieu Documentaire, mais aussi l'Opéra National du Rhin et son Ballet, Arte et l'Université, les librairies Kleber et Quai des Brumes et le cinémas Cosmos.


La Fleur du Dimanche


A lire: 

Danser l'amour des morts avec le Ballet du Rhin


Quelques manifestations à venir:

Au MAMCS:

Lectures croisées - dimanche 29 octobre à 15h00

Intervention chantée de Pelicanto: 29 octobre à 15h00

Week-End festif - du 1er au 3 décembre - entrée libre au Musée pour toutes les manifestations

Deep in vogue - plusieurs séances le 10 décembre de 14h30 à 17h30


Avec le Lieu Documentaire - projections

Un remède de chameau - documentaire - 28 novembre 16h00

Good Boy, histoire d'un solo - Réal. Marie-Hélène Rebois - 29 novembre 14h30

120 battements par minutes - Robin Campillo - 7 janvier 2024 à 14h30 - avec ARTE

Hervé Guibert, La mort propagande - 7 janvier 2024 à 16h00 - avec ARTE 


Pôle Sud 

Good Boy - Alain Buffard -  22 et 23 novembre à 19h00 


A la Pokop

Soirée Radiophonique - 7 novembre à 18h30


A suivre...

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