mercredi 4 octobre 2023

Musica remonte le Rhin vers Bâle, et le temps avec Simon Steen-Andersen

 Après deux incursions déjà en territoire helvète (en 2016 et 2019), le Festival Musica remet le couvert en nouant des collaborations avec la Hochschule für Musik FHNH/sonic space basel pour le concert de l'après-midi et avec le Basel Sinfonietta pour celui du soir.

En apéritif, les spectateurs de Musica ont eu droit à une visite guidée du Musée Tinguely et se sont rendu ensuite au Centre culturel et musical Don Bosco, une ancienne église transformée en lieu de répétition et de concerts pour un concert (gratuit pour les auditeurs) de ce programme conçu et réalisé par zone expérimentale basel, un ensemble constitué des étudiants en Master en musique contemporaine de l'école. 


Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd


Cette douzaine d'étudiants nous présentent un programme autour de la pièce de Simon Steen-Andersen Inszenierte Nacht pour sept instruments et électronique qui débute par une version transformée à la fois par le rythme mais aussi dans le jeu et par l'électronique du Schlummert ein (endors-toi) de Bach en ralentissant l'original, presque comme si l'on s'endormait, passant de moment très mélodiques où le trombone suit des variations vocales dans les graves et semble mener à la mort.


Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd


La pièce d'Eno Poppe Fleisch côtoie des accents free jazz avec le saxophone de Marc Baltrons Fàbregas et la guitare de Raphael Niederstätter soutenus par les percussions d'Alexandre Ferreira Silva. 


Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd

Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd

Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd

Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd


Avec Alena Verin-Galitskaya à la voix mais aussi dans un jeu de scène démonstratif avec ses deux complices à la clarinette et aux percussions, c'est une version des 7 crimes de l'amour de Georges Aperghis cette surprenante pièce théâtralisée, avec ceinture frappée, pomme dévorée, et positions acrobatiques qui nous est présentée.

 

Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd


Nous revenons à Simon Steen-Andersen et sa Nuit mis en scène avec deux rêveries de Schumann avec dans un premier temps un jeu avec des diapasons amplifiés. Dans cette pièce se retrouve enchâssée la Reine de la Nuit - Queen of the night de Mozart dans une version pop avec vocoder autotuné telle que nous l'avions également entendue dans son dernier Opéra Don Giovanni aux enfers.


Musica à Bâle - ensemble zone experimentale basel - Photo: lfdd


Play Big


Musica à Bâle - Play Big - Sportzentrum Pfaffenholz - Photo: lfdd


La suite du programme se situe au Centre sportif Pfaffenholz, dans le gymnase de ce complexe construit par Hertzog et de Meuron sur un vaste terrain binational partagé par les deux pays, la France et la Suisse. 


Musica à Bâle - Play Big - Sportzentrum Pfaffenholz - Photo: lfdd


Il est utile d'avoir de la place sachant que pour cette partie du programme intitulée Play Big - Jouer gros, le Basel Sinfonietta, dirigé pour la première fois par le chef d'orchestre Titus Engel, nommé chef de l'année par Opernwelt comme "chef de l'année" en 2020, s'allie à la fois au NDR Bigband, l'orchestre de jazz de la radio d'Allemagne du Nord pour la première pièce de Sofia Gubaidulina Revuemusik, ainsi que pour la création de Schlimazl du compositeur et batteur Michael Wertmüller, mais aussi au choeur  Chorwerk Ruhr pour la pièce de Simon Steen-Andersen, TRIO pour orchestre, Big Band et Choeur qui date de 2019.


Musica à Bâle - Revuemusik - Sofia Gubaidulina - Photo: lfdd

L'oeuvre Revuemusik de la russe Sofia Gubaidulina qui vit depuis 1992 en Allemagne est typique de la période subversive du conceptualisme russe dans les années 70. Elle y mélange des chansons traditionnelles, des chants orthodoxes ou ruses, du jazz et de la musique symphonique et des relents de musique de film et de comédies américaines, du disco et du big band. Les harpes répondent à la batterie, le piano aux vents, un air de variété flotte, les cloches qui annoncent le début sonnent à nouveau en plein milieu et les cordent posent leur mélodie. L'orchestre et le big band se renvoient la balle jusqu'à une fabuleuse et grandiose chevauchée qui a des airs de western. La composition est variée et plaisante et le chef qui dirige les deux orchestres fait des miracles. Les deux orchestres également et ne manquent ni d'énergie ni de finesse. 


Musica à Bâle - Schlimazl - Michael Wertmüller - Photo: lfdd

Musica à Bâle - Schlimazl - Michael Wertmüller - Photo: lfdd


Pour la deuxième pièce, Schlimazl de Michael Wertmüller, dédiée au saxophoniste Peter Brötzmann, curieusement ce sont les percussions de l'orchestre qui démarre avec le bassiste du Big Band, suivi de la contrebasse, des vents et des cordes avant une rupture où le guitariste finnois Kalla Kalima se lance dans un solo. Ce sera bientôt le tour de l'autre soliste, le batteur Lucas Niggli qui tient le rythme, accompagné des pizzi des cordes et de quelques coups de vents! Les musiciens du Big Band se lèvent et envoient la purée. Energie, pulsion, rythme, pulsations, ils caracolent en tête et l'orchestre patiente, attend son tour puis entre en scène, de nouveaux pizzicati. Le big band part en percussion et en roulements puis en mélodie dansante et enjouée avec l'orchestre pour finir dans une course folle. Un moment d'énergie jubilatoire.


Musica à Bâle - Schlimazl - Michael Wertmüller - Photo: lfdd


Après l'entracte, ce sera la pièce de résistance, TRIO, la pièce de Simon Steen-Andersen qui, si le nom de quatuor était plus dynamique qualifierait plus cette création originale. Pour aboutir à sa composition, le compositeur iconoclaste et inventif a fouillé dans les archives de la Télévision allemande dans un stock de plus de 500 heures d'archives et y a découvert quelques petits bijoux dont il a serti son collier original.


Musica à Bâle - TRIO - Simon Steen-Andersen - Photo: lfdd

 On y trouve des retransmissions de concerts classiques mais aussi des répétitions et aussi toutes sortes d'émissions de télévision qui vont de la variété à des programmes plus didactiques - et même des mires ou des bruitages. Le génie de ce tritureur d'image et de sons est de constituer un matériaux d'où il sort, comme un magicien de sa manche le son et l'image qui lui convient pour sa construction d'un parcours original. 

Musica à Bâle - TRIO - Simon Steen-Andersen - Photo: lfdd

Celui-ci part d'un début de concert qui n'en finit pas de commencer - mais aussi de s'achever en même temps - qui se joue sur l'écran et qui peut tout aussi bien se continuer avec l'un des deux orchestre ou avec les voix du choeur qui multiplient les voix du film ou leur donnent de la profondeur. Le montage des images, à la fois dans ses différents effets (surprise, répétition, comique, mise en parallèle, perturbation spatiale et temporelle, construction d'une linéarité surréaliste et surprenante, effets chocs, que dans la précision de la composition sonore à la note (mieux que la seconde) près nous rend actif avec cette volonté soit de deviner la suite de la composition et de trouver les séquences filmiques qui vont arriver et que nous avons déjà vues, soit d'essayer de deviner ce qui a changé par rapport à des extraits que nous avons déjà vus, mais pas dans le même ordre ni dans le même rythme. 


Musica à Bâle - TRIO - Simon Steen-Andersen - Photo: lfdd

Justement en ce qui concerne le rythme, la science - et le savoir-faire - du compositeur fait aussi que le rythme global de la pièce varie pour nous emmener de séquences trépidantes à des passages plus reposés. Et nous nous surprenons à regarder également ces images en noir et blanc, qui datent un peu, avec un regard d'ethnologue sur une époque qui n'est pas si lointaine mais qui nous parait distante de lustres.... 


Musica à Bâle - TRIO - Simon Steen-Andersen - Photo: lfdd

Alors que, curieusement les images du premier enregistrement sonore qui apparaît dans le film, un rouleau de cire de phonographe de 1888 nous est montré en couleurs.  En finale, la performance est totale et les trois chefs, l'orchestre Sinfonietta de Bâle, le ND Bigband et les deux solistes Lucas Niggli et Kalla Kalima et les choeurs du Chorwerk Ruhr ont fait des merveilles pour notre plus grand plaisir. Un très beau programme, varié et complémentaire dans le choix des compositeurs et des pièces pour une très belle soirée. 


Musica à Bâle - TRIO - Simon Steen-Andersen - Photo: lfdd

Musica à Bâle - TRIO - Simon Steen-Andersen - Photo: lfdd


Un peu comme une cerise sur le gâteau du Festival Musica dont c'était la dernière journée.     


La Fleur du Dimanche


Musik inszeniert Musik
Don Bosco
 
Eine Kooperation der Hochschule für Musik Basel mit musica – festival international des musiques d’aujourd’hui Strasbourg

Simon Steen Andersen (*1976)
aus Inszenierte Nacht for seven instruments and electronics (2013) – «Schlummert ein»/J.S. Bach (2013)
Dmitry Batalov, keyboard
Steinn Völundur Halldórsson, Posaune
James Morley, Violoncello

Enno Poppe (*1969): Fleisch für Tenorsaxophon, E-Gitarre, Keyboard und Percussion (2017)
Marc Baltrons Fàbregas, saxophone
Raphael Niederstätter, e-guitar
Dmitry Batalov, keyboard
Alexandre Ferreira Silva, percussion

Georges Aperghis (*1945): 7 Crimes de l’amour (1979)
Alena Verin-Galitskaya, voice
Martijn Susla, clarinet
Alexandre Ferreira Silva, percussion
Simon Steen Andersen:
aus Inszenierte Nacht for seven instruments and electronics (2013) – 

«Träumerei»/Schumann (Teil 1)
Alexander Prill, speaker
Dmitry Batalov, speaker
Clara Dietze, vibraphone
Alexandre Ferreira Silva, vibraphone
Rebecca Minten, forks
Isabelle Meraner, forks
Ignat Klobystin, low forks

Simon Steen Andersen:
aus Inszenierte Nacht for seven instruments and electronics (2013) – «Queen of the Night»/Mozart
James Morley, voice

Simon Steen Andersen:
aus Inszenierte Nacht for seven instruments and electronics (2013) – «Träumerei»/Schumann (Teil 2)

Einstudierung: Sarah Maria Sun
Jonas Prina, Elektronik
Beat Burkhard, Licht

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