mercredi 18 octobre 2023

Danse Macabre de Zimmermann au Maillon: Attention d'enfer !

 Martin Zimmermann est un "abonné" du Maillon si l'on peut dire. En effet, depuis de nombreuses années (déjà dans les années 2000) cet artiste multiple - il a fait d'abord les beaux Arts (pour avoir un diplôme sur les injonctions de ses parents) puis le CNAC (les Arts du Cirque) à Châlons-en-Champagne d'où il sort avec une tournée dans le spectacle coordonné par Joseph Nadj Le cri du Caméléon, puis il revient en Suisse. Pendant de nombreuses années avec le trio MZDP (Metzger, Zimmermann et De Perrot), puis en duo avec Dimitri de Perrot jusqu'en 2017. On leur doit quelques spectacles inclassables, entre cirque, danse et musique, toujours en équilibre instable dans des constructions inventives. Pour son dernier spectacle Danse Macabre présenté au Maillon, il met en scène et joue les trouble-fêtes, en l'occurrence le diable, espiègle "en diable" qui va subvertir tout au long de cette pièce qui dure bien une heure et demie le cours des choses et des parcours des trois protagonistes qui se croisent plus qu'ils ne se rencontrent dans une mise en scène éclatée et explosive. Car comme à son habitude, dans sa pièce rien ou pas grand chose n'est stable, le déséquilibre guette, les choses et les objets disparaissent ou apparaissent sans que l'on s'en rende compte, les personnages aussi. Martin Zimmermann; en plus d'être un diable est également un esprit malin, une sorte de prestidigitateur.


Danse Macabre - Martin Zimmermann - Photo: Nelly Rodriguez, Basil Stücheli


Le décor est foisonnant, même s'il se réduit à peu de choses, une grande "tour de Babel" virtuelle qui au fur et à mesure de révèle être une sorte d'usine de tri des ordures ménagères, un immense dépotoir au sol avec plein de papier qui vole et d'où émerge une des protagoniste, tout comme le diable aussi dans des cartons "magiques". Un autre arrive ni vu ni connu par la goulotte déversoir des sac poubelles et il s'agit de faire bien attention à tout ce qui se passe sur scène pour ne rater aucune action ou apparition des personnage dans cet univers surprenant éclairé avec précision pour amplifier les effets de surprise ou d'étrangeté. Tout au long de la pièce nous aurons ainsi des objets qui changent de place ou de destination, comme par exemple les gros bidons devenant cachette, percussion, théâtre de marionnettes où l'on peut même voir son double (le théâtre du diable et son double). La partie de décor qui "bouge" le plus, et l'on ne s'en étonne pas car elle est au centre du travail de Martin Zimmermann, c'est la maison en déséquilibre instable sur la point de la construction, qui lui permet d'alterner des séquences comiques et acrobatiques et même poétiques. 


Danse Macabre - Martin Zimmermann - Photo: Nelly Rodriguez, Basil Stücheli


Et l'on ne s'en lasse pas de voir ces glissades et rebondissements, ces portes qui claquent, des chaises qui glissent tout comme les personnages qui s'y retrouvent pris dans des va-et-vient incessants et déstabilisants, cherchant leur équilibre,  le trouvant quelquefois à la pointe d'une position troublante où l'on ne sait plus qui bouge de l'homme ou de la maison, tant les repères sont variables. On pense au cinéma muet, au cirque bien sûr avec toutes les acrobaties, dans une belle virtuosité et une effervescence physique. Les corps se bousculent, se heurtent, s'entraident, se cherchent, se prouvent des inclinations certaines.  Et de temps en temps - il faut bien se reposer aussi - une pause, pour reprendre ses esprits, mais aussi pour jeter un regard sur le passé, prendre date, regarder rétrospectivement le chemin parcouru à toute vitesse. Et tout simplement s'arrêter pour regarder glisser tout doucement une chaise et l'accompagner dans son lent voyage.


Danse Macabre - Martin Zimmermann - Photo: Nelly Rodriguez, Basil Stücheli


Les trois personnages, chacun dans son univers, presque étanche aux autres, sauf de temps en temps, tracent leur parcours et leur style. Il y a la femme acrobate souple et agile, d'une flexibilité incroyable, le travesti chanteur à la voix magique, autant à l'aise dans la chanson anglaise que les airs de musique traditionnels ou les improvisation et le personnage de clown Auguste, à la fois philosophe et saltimbanque. Le personnage du diable, insaisissable et fuyant, est pourvu d'une bonne dose d'ironie et de raillerie et ses dents qui s'entrechoquent ne sont pas rassurantes. La musique, très présente contribue à renforcer les différentes atmosphères de la pièce, entre angoisse, mystère, peur et répit, les moments de tension et les plages de rémission. 


Danse Macabre - Martin Zimmermann - Photo: Nelly Rodriguez, Basil Stücheli


Et le décor dont je parlais, conçu très judicieusement pour arriver à se métamorphoser au fur et à mesure de l'avancement de la pièce pour arriver à une construction finale qui nous emmène sur le versant festif de l'enfer nous assistons à une déconstruction finale iconoclaste avec moult persiflage et gausseries inutiles, car la fin est prédite et tout est déjà dit.



La Fleur du Dimanche 

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