vendredi 17 novembre 2023

Premières, la suite... au Maillon, La Taïga court, le temps presse

 Le Maillon à Strasbourg fait renaitre le Festival Premières qui a fait connaître de jeunes artistes européens entre 2005 et 2015. Le Festival était un projet commun avec le TNS et voyait aussi la collaboration avec le Badisches Staatstheater Karlsruhe qui avait accueilli le Festival. Barbara Engelhardt, directrice du Maillon et qui avait déjà travaillé à la programmation du festival relance ce projet avec des spectacles venus de Grèce, de Belgique, de Lituanie et une pièce qui avait été présentée au TNS en novembre 2022 dans quatre versions de mise en scène par des élèves du groupe 46 et 47, La Taïga court.  


La Taïga court - Antoine Hespel - Photo: Jean-Louis Fernandez


Pour ce texte de Sonia Chiambretto, c'est la version mise en scène par Antoine Hespel qui nous est proposée, mise en scène très inventive et "immersive", le spectateur vivant l'expérience théâtrale au plus près pour certains, étant invités, avec un cocktail au choix, à se placer sur l'amorce de la scène comme chez soi avec canapé et table de chevet. On assiste ainsi, détendu au départ, moins à l'arrivée, à cette expérience totale impliquant tous les sens. Nous sommes sollicités et devons être très attentifs, ce qui nous est proposé l'est quelquefois avec beaucoup de délicatesse et de retenue, que ce soit au niveau du son, par les bruitages ou la musique, les paroles échangées presque sur le ton de la confidence nécessite un éveil constant. Au niveau de l'image, de même, des visions fugaces, des lumières discrètes, un clair-obscur nous font découvrir, ou deviner des personnages, presque des fantômes immatériels qui nous content des histoires d'ailleurs et  du présent. Il y a aussi dans cette "cérémonie" - puisque la pièce est constituée de quatre cérémonies - une "meneuse de jeu" qui se transforme selon les saisons, avec micro et qui anime le show qui peut être défilé de mode "récup" ou reportage au bout du monde qui ne manque pas d'humour. 


La Taïga court - Antoine Hespel - Photo: Jean-Louis Fernandez


Le sujet est bien sûr le réchauffement climatique, la collapsologie, avec les effets près de chez nous et plus loin aussi, par exemple en Chine, et ses conséquences évidentes que sont les réfugiés qui marchent toujours par trois. Cela parle bien sûr de la nostalgie, cette idée lointaine qui baignait déjà les mythes grecs (Ulysse, Egée,) mais dont le nom n'a été inventé qu'au XVIIIème siècle. Cette nostalgie qui nous permet de faire nôtre les témoignages de ces personnages lointains. Cela parle d'un futur chaotique, déjà arrivé, et dont Jean Jouzel disait il y a dix ans: "On va dans le mur mais on a allumé les phares". Sauf que maintenant - et dans la pièce, très concrètement, ce mur, comme la dernière vague d'un tsunami qui charrie tout ce qu'on y à déversé, une vague qui n'est pas une vague de surfeur avance ici, très concrètement dans le noir. Elle avance inexorablement, alors qu'on a essayé de remonter le temps, de rejouer la "cérémonie", mais en vain. La Taïga court si vite que demain est déjà aujourd'hui. Avec cette belle équipe de comédiens, une scénographie inventive, des décors originaux qui nous font entrer dans un univers qui risque de nous avaler, le message est efficace.


La Taïga court courrez-y encore ce samedi !


La Fleur du Dimanche 


La Taïga court

Mise en scène : Antoine Hespel
Écriture : Sonia Chiambretto
Avec Jonathan Bénéteau Delaprairie, Yann Del Puppo, Quentin Ehret, Felipe Fonseca Nobre, Charlotte Issaly, Vincent Pacaud
Scénographie : Valentine Lê
Costumes : Clara Hubert
Régie générale : Margault Willkomm
Création sonore et lumière : Thomas Cany
Collaboration sonore : Mariana Blanc Moya
Collaboration lumière : Ijjou Ahoudig
Collaboration artistique : Eleonore Bonah
Production : Théâtre National de Strasbourg
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National

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