mardi 7 novembre 2023

Radio live - la relève au TNS - le fil du micro fait lien et spectacle

 Depuis de nombreuses années, Aurélie Charron et Caroline Gillet tissent des liens avec et entre des jeunes dans le cadre d'émissions de radio. Déjà en 2011 avec Alger, nouvelle génération sur France Inter, puis I like Europe et Welcome, nouveau monde, où elles élargissent à des villes méditerranéennes et européenne entre 2012 et 2014, pour finir avec des sujet plus axés sur la liberté d'expression, la démocratie dans des espaces qui en sont dépourvus avec Underground DemocracyElles lancent une formule où elles présentent ces émissions en public lors du forum de la Démocratie organisé par Libération en 2014 avec Amélie Bonnin qui se rajoute à l'équipe dans des diffusions en public de Radio live où elles donnent la parole aux jeunes qu'elles avaient déjà rencontrés et qui présentent deux ou trois parcours de vie et d'engagement. 


Radio live - la relève - Yannick Kamanzi - TNS - Photo: Yohanne Lamoulère


Avec Radio live - la relève, la formule se renouvelle et traverse les générations. Grâce à la vidéo, les témoignages s'enrichissent d'images prises sur les lieux concernés et avec les proches - parents, frères et soeurs, neveux, nièces,... - qui complètent les parcours de vies. Ces parcours témoignent d'un engagement, des réflexions et de difficultés rencontrés par les protagonistes, au plus proche et au plus intime de leur être. 

Pour la première soirée au TNS, ce sera donc Yannick Kamanzi, Rwandais né sur la frontière avec le Congo qui va tracer son parcours dans - et autour de - son pays, ses relations, ses problématiques avec son père, sa mère, son parcours professionnel, qui alterne à la scène avec la Syrienne Hala Rajab. Aurélie Charon, en animatrice, posant ses questions, faisant ses remarques sur un ton de confidence, dans une proximité attentive, presque effacée de la scène, leur fait accoucher des témoignages très sensibles, des morceaux de vécu à l'instar d'un divan de psychanalyste. Cette atmosphère qui nous postent au plus près des deux témoins, nous amène à une grande empathie envers le vécu et les histoires personnelles des deux protagonistes. Pour Hala, cette vie très libre et cependant complètement sous contrôle dans un pays dont le gouvernement est "contre le peuple" est ponctuée de hauts faits. Avec son caractère pugnace, rebelle avec un soupçon de dérision et où l'on sent cependant une souffrance tue, elle nous fait voir et comprendre de l'intérieur comment chacune des figures féminines, dont la mère, les deux soeurs et la nièce par le biais des témoignages vidéo, ont vécu chacune cette situation intenable qui a poussé les filles à l'exil. Et le destin tragique du père trace dans son absence discrète la situation politique du pays. Et l'on découvre comment cet exil est vécu par chacune. A noter ici en particulier le talent graphique et inventif de la discrète Amélie Bonin qui organise la présentation des images, autant les vidéos que les dessins ou les textes tracés en surimpression sur l'écran, et qui en disent long. 


Radio live - la relève - Amélie Bonnin - Aurélie Charon- Photo: Yohanne Lamoulère


Le tableau parallèle brossé par Yannick nous fait découvrir en parallèle de sa quête de vie, la relation à son père et à sa mère, les vicissitudes de l'histoire du pays par le récit de l'intérieur des massacres de 1994. Ces deux portraits, qui balayent à la fois l'intime et l'histoire, sont également complémentaires en terme de personnages et équilibrent le récit. Plus porté par une narration et du verbe du côté de Hala et des questions ("un rwandais ne répond pas à une question par une réponse, mais par une question"), des interrogations et une plus grande implication corporelle du côté de Yannick qui est danseur et danse merveilleusement.

La diversité des modes d'interrogations et des interventions (souvenirs, chansons et séries fétiches, questions croisées,...) amène une dynamique positive à ce qu'on ne peut pas vraiment appeler une pièce de théâtre. Mais ce dispositif fait toutefois spectacle. Et les interventions en direct de la musicienne (ce soir Emma Prat), qui ponctue et rythme la soirée à la guitare, et au chant (superbe) mais également par toutes sorte d'autres instruments nous emmènent aussi dans un univers très confortable et intime. Et de l'émotions, quand elle installe un dialogue par delà les images avec la chanson égyptienne chantée par la mère qu'elle transporte dans la salle.


Radio live - la relève - Amélie Bonnin - Aurélie Charon- Photo: Yohanne Lamoulère


Ce magnifique travail d'équipe tisse des liens autant entre les créatrices de ce "spectacle" insolite et les protagonistes, que directement avec les témoins du jour (et même les suivants, déjà convoqués) mais aussi le public qui entre en empathie avec ces histoires individuelles qui dépassent l'anecdote. Dans cette pièce, nous sentons la direction et les orientations que prend la programmation de la nouvelle directrice du TNS Caroline Guiela Nguyen. 


La Fleur du Dimanche


Radio live - la relève


Au TNS - Hall Gruber - jusqu'au t8 novembre


Conception, création image et écriture scénique
Amélie Bonnin Aurélie Charon
Avec (en alternance)
Martin France
Amir Hassan
Gal Hurvitz
Yannick Kamanzi
Oksana Leuta
Hala Rajab
Sumeet Samos
Ines Tanovic
et les musiciennes (en alternance)
Dom la Nena
Emma Prat
Images en direct (en alternance)
Amélie Bonnin
Gala Vanson
Lumiere et régie générale
Thomas Cottereau
Son et vidéo
Olivier Fauvel
Images réalisées avec
Thibault de Châteauvieux
Montage vidéo
Céline Ducreux
Mohamed Mouaki
Philippine Merolle
Espace
Alix Boillot 
Rencontres issues des séries radiophoniques et des voyages
Aurélie Charon 
Caroline Gillet

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