samedi 21 mars 2020

Court-19 : Episode 3 - Le jour du printemps est passé, un coup de froid aussi

En ces temps de chamboulement, une photo de fleurs, une vidéo, un TVA et des chansons pour la journée... 
Oui, hier, c'était le printemps, mais on a vite déchanté, le temps est versatile en ces temps difficile. Pourtant, c'est encore le printemps des poètes et je vous ai concocté malgré la froidure un petit cocktail de poèmes et de chansons et une vidéo qui pourrait faire penser à... Mais je ne vous en dit pas plus, place aux fleurs de poirier qui croyaient les beaux jours arrivés:


Poirier en Fleurs - Photo: lfdd

Les beaux jours ou le réchauffement ce fut déjà le 1er janvier de cette année, quand la température fut bien élevée, quoique pas trop raisonnable. En voilà le résultat:





Côté poésie, connaissez-vous Jehan Rictus, né Gabriel Randon, qui prit ce nom lorsqu'il devint poète à Montmartre après avoir été sans logis et employé municipal (grâce à José Maria de Heredia) à la ville de Paris.

Il a écrit, entre autres, dans un style populaire le Printemps que je vous livre en extrait ici:

Merl’ v’là l’ Printemps ! Ah ! salop’rie,
V’là l’ monde enquier qu’est aux z’abois
Et v’là t’y pas c’te putain d’ Vie
Qu’a r’biffe au truc encore eun’ fois !

La Natur’ s’achète eun’ jeunesse,
A s’ déguise en vert et en bleu,
A fait sa poire et sa princesse,
A m’ fait tarter, moi, qui m’ fais vieux.

Ohé ! ohé ! saison fleurie,
Comme y doit fair’ neuf en forêt !
V’là l’ mois d’ beauté, ohé Marie !
V’là l’ temps d’aimer, à c’ qu’y paraît !

Amour ! Lilas ! Cresson d’ fontaine,
Les palpitants guinch’nt en pantins,
Et d’ Montmertre à l’av’nue du Maine
Ça trouillott’, du côté d’ Pantin !

V’là les poèt’s qui pinc’nt leur lyre
(Malgré qu’y n’aient rien dans l’ fusil),
V’là les Parigots en délire
Pass’ qu’y pouss’ trois branch’s de persil !

L’est fini l’ temps des z’engelures,
Des taup’s a sort’nt avec des p’lures
Dans de l’arc en ciel agencées
De tous les tons, de tous les styles ;

Du bleu, du ros’, tout’s les couleurs ;
Et ça fait croir’ qu’a sont des fleurs
Dont la coroll’ s’rait renversée
Et ballad’rait su’ ses pistils.

....

V’là l’ Quatorz’ Juillet des z’asperges,
Des p’tits z’ozeaux et des hann’tons,
Et les bléchard’s, les veuv’s, les vierges
A z’ont mal au bout des tétons.

Voui, l’ v’là l’ Printemps, l’ marchand d’ rameaux ;
Y vient, y trott’, quoiqu’ rien n’ le presse,
« Par les sentiers remplis d’ivresse »,
Le v’là qui radin’, le chameau !

....

IV

Ah ! nom de Dieu, v’là qu’ tout r’commence.
L’Amour, y « gonfle tous les cœurs »,
D’après l’ chi-chi des chroniqueurs,
Quand c’est qu’y m’ gonflera... la panse ?

Quand c’est qu’y m’ foutra eun’ pelure,
Eun’ liquette, un tub’, des sorlots.
Si qu’a fait peau neuv’ la Nature,
Moi, j’ suis cor’ mis comme un salaud !

Mes chaussett’s ? C’est pus qu’ des mitaines !
Mes s’mell’s ? Des gueul’s d’alligators :
Ma reguingote a fait d’ la peine
Et mon phalzar, y m’ fait du tort !

Quant à mon bloum, ah ! parlons-en,
Rien qu’ d’y penser ça m’ fout la flemme,
À côté d’ lui Mathusalem
N’est qu’un cynique adolescent.

C’te vach’-là m’ donn’ l’air ridicule,
Y m’ tomb’ su’ les yeux, m’ les rabat :
Si mes esgourd’s le sout’naient pas
Y m’arriv’rait aux clavicules !

Avec ça l’ Glorieux m’ roussit l’ crâne
Et éclaire comm’ par calcul
Mes nipp’s couleur de pissat d’âne,
Les trous d’ mes coud’s et ceux d’ mon cul !

Ah ! ben il est frais l’ mois d’Avril,
Le v’là l’ temps des métamorphoses,
Moi, j’ chang’ pas d’ peau comm’ les reptiles,
J’ suis tous les Printemps la mêm’ chose.

N’empêch’ ! Je m’ sens des goûts d’ richesse,
J’ suis comm’ ça, moi, né élégant,
J’am’rais ben, moi, fair’ mon Sagan
Et mon étroit’ chez les duchesses !

Et m’ les baigner dans des étoffes,
Car pour moi, quand l’ turquois est gai,
La pir’ de tout’s les catastrophes
C’est d’êt’ mochard et mal fringué.



Et si vous voulez en lire le texte, c'est là:
https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Soliloques_du_Pauvre_(1903)/Le_Printemps

Je vous en offre également une interprétation totalement d'actualité par le rappeur Virus:




Et du même une autre version:





Pour un peu plus de  classicisme, une valeur sûre, Léo Ferré qui chante le Printemps des Poètes:

J'ai vécu des printemps fabuleux en hiver
Pendant que le vulgaire était tout emmouflé
Je soufflais sur mes mains à son cul à son nez
V'là-t'y pas qu'ses bourgeons sortaient m'en jouer un air

Le printemps ça s'invente et ça se fout en taule
Le printemps c'est ma mine avec ses airs de chien
Qui vient tout ébahie me montrer tout son bien
Le temps de déposer mon arme de l'épaule

Et oui c'est ça monsieur le printemps des poètes
Tout juste un peu d'hiver pour rompre les façons
Un quart d'été un quart d'automne et des chansons
Et s'il fait encor frais on se met la casquette

On va faire des pique-niques du côté des ballots
On va se mettre au vert en croyant aux histoires
Et l'on se sent mourir au bord d'une guitare
Quand la mort espagnole envoie son flamenco

Ce qu'il faut de désirs aux heures de l'ennui
Et ce qu'il faut mentir pour que mentent les choses
Ce qu'il faut inventer pour que meurent les roses
L'espace d'un matin l'espace d'une nuit

Jamais ne vient l'avril dans le fond de mon coeur
Cet éternel hiver qui bat comme une caisse
Qu'on clouerait sans répit depuis que ma jeunesse
A décidé d'aller se faire teindre ailleurs.





Portez-vous bien


La Fleur du Dimanche

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