Mais tout d'abord, pas de houx mais du fusain:
Fusain multiple - Photo: lfdd |
Et vous verrez, que, comme nous, le fusain peut être multiple.
Donc, vous l'avez compris, le TVA du jour va parler de "nous" ou plutôt du "Nous". C'est un livre de Tristan Garcia, justement intitulé "Nous" qui en est l'occasion, via un article de Mathieu Potte-Bonneville dans le Monde du 25 novembre et intitulé "Nous, un pronom très pluriel". Il nous y dit, en parlant bien sûr de ce livre - "Nous" - via un curieux détour de langue qu'au Etats-Unis, nous sommes passés du "Yes, we can" au "We, the people" et que pour ces deux "We/nous" "la première personne du pluriel est une personne plurielle, et cette loi soumet toute politique à de vertigineuse décisions."
Il parle de Christian Garcia qui "décrit le dilemme à l'oeuvre qitôt qu'il faut dire "nous": comment nous devenons nécessairement partiaux, combien nous hésitions à trouver un appui dans l'entre-soi ou l'opposition aux autres, ou encore plus nous aspirons à une communauté ouverte, plus nous noous exposons à voir proliférer schismes et groupuscules." Et plus loin:
"... aux dernières pages, le romancier rejoint le philosophe, l'incertitude sur l'identité est profondément personnelle, le "nous" académique qui portait le propos se révèle n'être, au fond, que le "nous" incertain avec lequel, ou au bord duquel, chacun est aujourd'hui commis à vivre et à penser."
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A creuser, et pour compléter par d'autres biais ce "nous", deux poèmes...
Le premier de Beaudelaire, la première strophe du poème "Le Voyage":
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !"
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Le deuxième en appelle à Victor Hugo, dans un poème bien mystique:
Croire, mais pas en nous
Parce qu'on a porté du pain, du linge blanc,
À quelque humble logis sous les combles tremblant
Comme le nid parmi les feuilles inquiètes ;
Parce qu'on a jeté ses restes et ses miettes
Au petit enfant maigre, au vieillard pâlissant,
Au pauvre qui contient l'éternel tout-puissant ;
Parce qu'on a laissé Dieu manger sous sa table,
On se croit vertueux, on se croit charitable !
On dit : - Je suis parfait ! louez-moi ; me voilà !
Et, tout en blâmant Dieu de ceci, de cela,
De ce qu'il pleut, du mal dont on le dit la cause,
Du chaud, du froid, on fait sa propre apothéose.
Le riche qui, gorgé, repu, fier, paresseux,
Laisse un peu d'or rouler de son palais sur ceux
Que le noir janvier glace et que la faim harcèle,
Ce riche-là, qui brille et donne une parcelle
De ce qu'il a de trop, et qui n'a pas assez,
Et qui, pour quelques sous du pauvre ramassés,
S'admire et ferme l'oeil sur sa propre misère,
S'il a le superflu, n'a pas le nécessaire :
La justice ; et le loup rit dans l'ombre en marchant
De voir qu'il se croit bon pour n'être pas méchant.
Nous bons ! nous fraternels ! ô fange et pourriture !
Mais tournez donc vos yeux vers la mère nature !
Que sommes-nous, coeurs froids où l'égoïsme bout,
Auprès de la bonté suprême éparse en tout ?
Toutes nos actions ne valent pas la rose.
Dès que nous avons fait par hasard quelque chose,
Nous nous vantons, hélas ! vains souffles qui fuyons !
Dieu donne l'aube au ciel sans compter les rayons,
Et la rosée aux fleurs sans mesurer les gouttes ;
Nous sommes le néant ; nos vertus tiendraient toutes
Dans le creux de la pierre où vient boire l'oiseau.
L'homme est l'orgueil du cèdre emplissant le roseau.
Le meilleur n'est pas bon, vraiment, tant l'homme est frêle ;
Et tant notre fumée à nos vertus se mêle !
Le bienfait par nos mains pompeusement jeté
S'évapore aussitôt dans notre vanité ;
Même en le prodiguant aux pauvres d'un air tendre,
Nous avons tant d'orgueil que notre or devient cendre ;
Le bien que nous faisons est spectre comme nous.
L'Incréé, seul vivant, seul terrible et seul doux,
Qui juge, aime, pardonne, engendre, construit, fonde,
Voit nos hauteurs avec une pitié profonde.
Ah ! rapides passants ! ne comptons pas sur nous,
Comptons sur lui. Pensons et vivons à genoux ;
Tâchons d'être sagesse, humilité, lumière ;
Ne faisons point un pas qui n'aille à la prière ;
Car nos perfections rayonneront bien peu
Après la mort, devant l'étoile et le ciel bleu.
Dieu seul peut nous sauver. C'est un rêve de croire
Que nos lueurs d'en bas sont là-haut de la gloire ;
Si lumineux qu'il ait paru dans notre horreur,
Si doux qu'il ait été pour nos coeurs pleins d'erreur,
Quoi qu'il ait fait, celui que sur la terre on nomme
Juste, excellent, pur, sage et grand, là-haut est l'homme,
C'est-à-dire la nuit en présence du jour ;
Son amour semble haine auprès du grand amour ;
Et toutes ses splendeurs, poussant des cris funèbres,
Disent en voyant Dieu : Nous sommes les ténèbres !
Dieu, c'est le seul azur dont le monde ait besoin.
L'abîme en en parlant prend l'atome à témoin.
Dieu seul est grand ! c'est là le psaume du brin d'herbe ;
Dieu seul est vrai ! c'est là l'hymne du flot superbe ;
Dieu seul est bon ! c'est là le murmure des vents ;
Ah ! ne vous faites pas d'illusions, vivants !
Et d'où sortez-vous donc, pour croire que vous êtes
Meilleurs que Dieu, qui met les astres sur vos têtes,
Et qui vous éblouit, à l'heure du réveil,
De ce prodigieux sourire, le soleil !
Fusain multiple - Photo: lfdd |
Et pour conclure en chanson, Nous, par Hervé Vilar qui nous dit :
"Nous, c'est une illusion qui meurt
D'un éclat de rire en plein coeur"
(Spécial dédicace humoristique à un vieil (et jeune) ami ;-) qui j'espère saura se reconnaître.
Oui, il est vivant, et il chante encore:
Et si vous avez survécu aux deux "Hervé Vilard, "Une p'tite chanson qui nous ressemble" pour voir si "vous" vous reconnaissez et vous vous ressemblez...
Si on s'mettait tous ensemble pis on chantait une p'tite chanson
Une p'tite chanson qui nous ressemble, jamais contente comme de raison
Une histoire de rien du tout
Comme il en existe beaucoup"
Allez, bon Dimanche
La Fleur du Dimanche
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