vendredi 4 novembre 2016

Le Temps et la Chambre de Botho Strauss au TNS : du Mille-feuille à la Pièce Démontée

Il y a un côté duel, voire de duel dans "Le Temps et la Chambre" que met en scène Alain Françon au TNS ces jours-ci*. 
La création de cette pièce de Botho Strauss dans une excellente traduction de Michel Vinaver nous emmène dans deux univers complémentaires et opposés. 
D’une part, un empilement de séquences où les protagonistes, souvent en duo vont rebondir d’une situation à une autre et qui dans l’ensemble ressemble à une scène surréaliste tendance belge (voyez du côté de Magritte) ou carrément onirique, oscillant entre le nonsense britannique ou l’humour caustique allemand des années 20. Des scènes entre la poésie du quotidien et des histoires d’amour – ou de désir impossibles ou improbables, qui se passent dans une quatrième dimension, une sorte d’empilements temporels dans un espace du genre salon cosy dépouillé où le vortex du temps se matérialise dans une colonne massive qui va se mettre à parler (avec la voix d’Anouk Grinberg). 
Et puis, dans la deuxième partie, ce sera dans cet espace qui tout d’un coup se transforme au fur et à mesure que les protagonistes de la première partie vont rejouer dans un puzzle temporel franchement décoiffant une succession de scènes autour de la « femme joker » Marie Steuber (Georgia Scalet de la Comédie Française) et où une autre histoire se construit.


TNS - Le Temps et la Chambre - Mise en Sccène: Alain Françon - Photo: Jean-Louis Fernandez

Le regard sur l’histoire se décale, les personnages muent, les images mentales se dédoublent et les personnages de la première partie, l’Homme sans montre (Wladimir Yordanoff), l’Impatiente (Dominique Valladié), La Femme Sommeil (Aurélie Reinhorn), l’Homme en manteau d’hiver (Antoine Mathieu), Franck Arnold (Charlie Nelson), le Parfait Inconnu (Renaud Triffault), muent et se recomposent. Sans oublier le couple duo-duel Olaf et Julius (Giles Privat et Jacques Weber) dans un numéro à mi-chemin entre le duo de clowns (Blanc et Auguste) ou Laurel et Hardy et Vladimir et Estragon, avec un basculement de caractère et de jeu entre le début et la fin de la pièce.
La structure et la construction de la pièce, totalement inhabituelle demande d’ailleurs de la part du spectateur un engagement et une attention que viendra récompenser la virtuosité, l’humour et la jubilation qui va se dégager de ce maelström. Les comédiens/iennes tous excellents vont donc nous emmener dans leur ronde endiablée ou leur poésie désabusée et limite suicidaire au service de ce texte qui approche quelquefois les sommets du « presque rien ». Je vous en propose trois extraits :
"Un jour aux confins du plus rien..."
"Au fond, nous ne voulons rien, c’est une position qui va très loin."
"Rester assis, rester encore un peu assis."

Mais ne vous y fiez pas, car même assis, la pièce joue aussi sur le temps et vous emmène ailleurs, car comme le dit Alain Françon: 
"Ce temps est un temps complexe. A la flèche unique du temps, Botho Strauss, empruntant ses modèles aux sciences modernes, substitue une multiplicité de temporalités non linéaires, cycliques, qui entrent parfois en résonnance inattendue avec des modèles archaïques du temps, le grand temps du mythe par exemple.

A propos de mythe, une mention spéciale à la scène de ménage épique au sujet de Jason et Médée. Accrochez-vous !
Et laissez-vous emporter, c’est une valse, une ronde, un tourbillon...

Bon Spectacle

La Fleur du Dimanche

Jusqu’au 18 Novembre au TNS à Strasbourg

En tournée:
Villeurbanne au TNP du 22 au 26 novembre
Chambéry à l’Espace Malraux, le 1 et 2 décembre
Annecy à Bonlieu du 7au 9 décembre
Paris au Théâtre Nationale de la Colline, du 6 janvier au 3 février
Amiens Maison de la Culture le 7 et 8 février
Grenoble MC2 du 14 au 17 février
Bézier Théâtre SortieOuest, du 22 au 24 février
Lille Théâtre du Nord du 1er au 12 mars
Dijon, festival Théâtre en mai du 19 au 21 mai 

COPRODUCTION
Texte: Botho Strauss
Mise en scène: Alain Françon
Avec: Antoine Mathieu, Charlie Nelson, Gilles Privat, Aurélie Reinhorn, Georgia Scalliet de la Comédie-Française, Renaud Triffault, Dominique Valadié, Jacques Weber et Wladimir Yordanoff
Traduction: Michel Vinaver
Collaboration artistique: Nicolas Doutey
Dramaturgie David Tuaillon
Décor: Jacques Gabel
Lumière: Joël Hourbeigt
Costumes: Marie La Rocca
Musique: Marie-Jeanne Séréro
Son: Léonard Françon
Production: Théâtre des nuages de neige
Coproduction: Théâtre National de Strasbourg, La Colline - théâtre national
Le Théâtre des nuages de neige est soutenu par la DGCA du ministère de la Culture et de la Communication
Soutien de l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne/DIESE/Auvergne Rhône-Alpes
Création le 3 novembre 2016 au Théâtre National de Strasbourg
Le texte est publié chez L' Arche Éditeur

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