jeudi 25 septembre 2025

Au Maillon avec Musica: Joris Lacoste et Nexus de l'Adoration: La célébration du rien et du moins que rien

 On attribue souvent à André Malraux la phrase : "Le XXIᵉ siècle sera religieux ou ne sera pas". A regarder la fréquentation des église, on peut en douter. Mais à voir le public qui se presse en masse au Maillon pour le Nexus de l'Adoration de Joris Lacoste, on se demande si cette spiritualité n'est pas en train de changer de sujet et de lieu. D'autant plus que cette "grande cérémonie", (présentée avec Musica), organisée et rythmée comme une grand'messe collective et inclusive reproduit un certain nombre de procédés que la religion qui se met au goût du jour pour encore parler à ses fidèles, met en oeuvre: de la dynamique, de la musique, des chansons simples qui balancent et dont la mélodie, répétitive est très vite intégrée et des harangues, exhortations et invites au public pour ne pas le lâcher sur le bord du chemin.


Nexus de l'Adoration - Joris Lacoste - Image générée par IA -Dall-E*

Effectivement, cela commence doucement, avec des nappes musicales très zen et qui montent, amènent un choeur par les huit musicien.nes - danseur.euses - chanteur.euses, puis un solo bluffant de Daphné Biiga Nwanak où l'on apprécie à la fois la précision de ses geste, la qualité de simuler un être-robot, et sa capacité de changer le rythme de ses paroles et sa voix même, devenant plusieurs personnages, switchant instantanément. Et l'on part dans de longues litanies, expressions, assemblages de plusieurs mots censés faire sens, exhortations rebondissant de l'un(e) à l'autre, appuyées par la musique et quelquefois ponctuées par des séquences dansées (la chorégraphie est aussi de Joris Lacoste en collaboration avec Solène Wachter déjà vue à Pôle Sud)  qui relancent la dynamique sur le plateau. 


Joris Lacoste - Nexus de l'Adoration - Photo: C. Raynaud de Lage


Dans cette énonciation du tout et du rien, cette célébration indifférenciée de l'objet et du concept, dans laquelle se glissent (au hasard ?) des citations publicitaires, des objets qualifiés, des constatations des situations d'aujourd'hui, du name dropping également, on a l'impression d'un grand flux Instagram ou Tic-Toc qui nous submerge. Et l'on se dit que la messe est dite - même la télé est "has been" avec son "temps de cerveau disponible" - et qu'il s'agit da capturer l'attention en faisant résonner ( et non raisonner) chez le spectateur un "souvenir", une "référence" qui le fera réagir ou rire (comme quand, dans un groupe constitué, quelqu'un annonce le titre d'une blague que tout le monde connait et qu'on n'a même plus besoin de la raconter pour en rire). 


Joris Lacoste - Nexus de l'Adoration - Photo: C. Raynaud de Lage

Le procédé, une sorte de dispositif qui va chercher autant du côté du "cadavre exquis" des surréalistes dans son déroulé que des recherches de l'Oulipo et de son épuisement des listes (Joris Lacoste est un adepte de la collecte de la sonorité de la parole avec son "Encyclopédie de la parole") est intéressant. Mais le dispositif, à l'égal d'un "rouleau compresseur" (célébré pour aplanir la route) est un peu disproportionné, même si l'on choisit les "phéromones" dont se servent les fourmis pour "tracer leur chemin".  La pensée est évacuée, noyée dans le flot, le flux d'objets et de concepts qui se déversent et demandent toute notre attention. On essaye de s'accrocher et  d'apprendre ou de se mémoriser des mots, des expressions, qui se succèdent de plus en plus vite, sans se soucier du sens, de la référence, du contexte, de la logique ou de sa justification.


Joris Lacoste - Nexus de l'Adoration - Photo: C. Raynaud de Lage


Justement, cette justification arrive à un moment, espèce de leçon pour le spectateur - qui n'aurait pas compris et se sentirait submergé - pour lui donner quelques pistes et clés pour que la dernière partie pour laquelle la couleur et la durée est annoncée. Et dans celle-ci nous avons quelques démonstration de déclinaisons de ce que pourrait être la "madeleine de Proust" aujourd'hui. Et cerise sur le gâteau, en guise de rappel pour remercier les spectateurs, on leur offre de prendre à leur charge (en leur demandant de s'engager) quelques concepts nouveaux qui eux, ne sont plus du tout "anodins" (une opération chirugicale, une trahison, un échange engageant,...) - et même chargés et lourds de sens. Et l'on se dit qu'il va falloir revoir tout cela pour y mettre de l'ordre. D'autant plus que l'ensemble des comédiens et comédiennes, d'une belle diversité, son impeccables (certain(e)s étant passé(e)s à un moment ou un autre à Strasbourg (au TNS ou aux Percussions de Strasbourg) et on les reconnaîtra (ou pas).


La Fleur du Dimanche 


* La photo d'illustration du spectacle du Festival Musica est une création de l'IA Dall-E - le texte de la pièce pourrait aussi avoir été écrit par une IA génératrice de texte bien maîtrisée.

 

Nexus de l'Adoration au Maillon le 25 et 26 septembre 2025

Scénographie et lumières : Florian Leduc
Collaboration à la chorégraphie : Solène Wachter
Collaboration musicale et sonore : Léo Libanga
Costumes : Carles Urraca
Interprétation et participation à l’écriture : Daphné Biiga Nwanak, Camille Dagen, Flora Duverger, Jade Emmanuel, Thomas Gonzalez, Léo Libanga, Ghita Serraj, Tamar Shelef, Lucas Van Poucke
Son : Florian Monchatre
Assistanat à la mise en scène : Léo Libanga et Raphaël Hauser
Régie générale : Marine Brosse
Stagiaire : Seydou Grépinet
Production et diffusion : Hélène Moulin-Rouxel et Colin Pitrat (Les Indépendances)
Administration : Edwige Dousset
Remerciements : Alan Hammoudi, Pierre-Yves Macé, Augustin Parsy, Assia Turquier-Zauberman, Jean-Baptiste Veyret-Logerias, Ling Zhu
Production Déléguée : Compagnie Échelle 1:1
Production Associée : La Muse en Circuit, Centre National de Création Musicale
Avec le soutien : de la Fondation d’entreprise Hermès et du Fonds de production (DRAC Île-de-France)
Coproduction : Bonlieu, Scène nationale d’Annecy / MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis / Théâtre Garonne – Scène européenne Toulouse / Les Célestins, Théâtre de Lyon / Festival d’Automne à Paris / Festival d’Avignon / Centre Dramatique National Orléans / Centre-Val-de-Loire / Festival Musica Strasbourg
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national et du dispositif d’insertion de l’École du TNB
Résidences : Abbaye de Noirlac / La Muse en Circuit – CNCM / MAC de Créteil / CROMOT Paris / La Ménagerie de Verre / MC93 Bobigny / Bonlieu Annecy / Théâtre Garonne Toulouse
La compagnie Échelle 1:1 est conventionnée par le ministère de la Culture / DRAC Île-de-France et soutenue par la Région Île-de-France.

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