Pour continuer sur la lancée du Festival L'année commence avec elles à Pôle Sud, ce sera cette fois-ci une soirée totalement féminine qui casse les codes et va d'un bout à l'autre de ce qu'il est possible de voir en termes de propositions chorégraphiques. Et effectivement la diversité est reine. Après les "paroles d'hommes" avec Olivia Grandville qui propose des hommes en "Débandades" ou le grand voyage autour de "La table à soi" d'Olga Mesa ou encore un duo mixant art, histoire, science et danse dans "Concha" de Marcella Santander, la soirée propose deux pièces dont l'approche est totalement différente en terme de présentation et de traitement.
Pour For You / not for you, de Solène Wachter nous sommes invités, dans le studio de Pôle Sud à prendre place sur des gradins d'un côté ou de l'autre de la salle pour "équilibrer les regards". En fait, les spectateurs d'un côté ou de l'autre ne verront pas le même spectacle et c'est très bien ainsi.
Solène Wachter - For you / Not for you |
Pour commencer, à part le point de vue, le début du spectacle est identique. La danseuse déblaye et range la plateau sur lequel étaient empilés deux poutrelles en alu sur un ampli-machine à fumée. Nous sommes plongés dans l'univers du spectacle et c'est exactement cela qui nous attend pendant trois bons quarts d'heure. Après avoir méticuleusement positionné les deux barres qui se révèlent être des rampes lumineuses, le spectacle peut commencer . Il se déroule sur les chapeaux de roues avec une précision et une vitesse époustouflante. Solène Wachter, habillée d'un pantalon de scène aux coutures bordées de petits diamants en strass, également dans la raie de ses cheveux, porte un haut en tissus bleu transparent et une veste de survêtement qui lui permet de passer instantanément d'un profil de rôle (ou de fonction) à un autre. Ces fonctions nous allons les deviner au fur et à mesure qu'elle parcourt le plateau de long en large selon les gestes et mouvements symboliques qu'elle opère et qui vont de la fixation de bandes adhésives imaginaires, de l'enroulement de câbles ou du positionnement d'accessoires ou encore du réglage de lumières.
Solène Wachter - For you / Not for you - Photo David le Borgne |
La lumière qui est un personnage prépondérant du spectacle, le régisseur lumière étant tout aussi actif que la danseuse dans la bascule des sources qui éclairent alternativement le plateau et la danseuse, que ce soit au sol ou en l'air dans une partition millimétrée à laquelle participe d'ailleurs la danseuse. Parce qu'en plus de danser, de passer d'un rôle à l'autre, elle est successivement, dans un montage alterné rapide et "cut" presqu'instantané régisseuse, éclairagiste, danseuse ou chanteuse et musicienne. Elle participe par exemple aux changements d'éclairage, soit en allumant ou éteignent les deux rampes qu'elle a installées de chaque côté de la salle, soit en les orientant vers la scène ou le public, soit, moment magique, en déplaçant une barre pour devenir un grand oiseau aux ailes lumineuses dont on ne voit plus que le visage.
Solène Wachter - For you / Not for you - Photo David le Borgne |
Elle est donc la cheffe d'orchestre d'un concert de lumière dont elle a pensé et réglé toutes les notes de lumière qui parcourent la scène ou le public. Ses gestes sont à la fois justes et précis et quand elle bascule dans les gestes du show business sur scène, ils ne le sont pas moins et on se rêve à assister à ce concert imaginaire dont quelquefois on entend l'ambiance. La bande son est elle aussi précise et immersive et pour finir nous entendons les saluts et les coups de batteries ultimes. Une expérience pour chaque spectateur bien menée et déstabilisante.
Avec Elles disent de Nach nous sommes dans un univers presqu'opposé. Ici nous avons quatre danseuses qui se relayent sur un rythme bien plus tranquille même si c'est orienté krump. Elles prennent possession du plateau, se mettent en train et se passent le relais, se mettent en pause et observent, s'introspectent et s'interrogent, se font leur numéro en explorant leurs attitudes, leur corps. Elles passent par des moments de silence et des musiques calmes (la version piano du Casanova de Fellini de Nino Rota) et quand on croit que cela va déménager, cela se calme rapidement. Le rythme est plutôt au ralenti, surtout pour les interprètes qui ne sont pas au premier plan parcourant l'arrière dans un lent défilé.
Nach - Elles disent - Photo: Romain Tissot |
Quelquefois un groupe se forme pour interagir dans des échanges un peu plus fourni, par exemple lorsque la parole essaye d'interroger le corps et les mots, avec un abécédaire qui n'arrive pas très loin, "tentative de lyrisme" et essai de "ne pas perdre le corps", jeux de mots enfantins qui enfantent à la fin des gémissements de plaisir libérateurs, summum de leurs quête,... Les interprètes - joyeuse troupe, bande de filles complémentaires qui explorent le corps et la féminité - constitué de belles individualités qui font chacune leur tour de piste - gagneraient à plus de cohésion.
Nach - Elles disent - Photo: Romain Tissot |
Chacune ayant bien sûr une belle qualité de geste et d'expression, en particulier Adelaïde Desseauve dont le style navigue entre l'expressionisme de Valeska Gert et les danses nègres de années 30, peut-être un peu trop appuyé. Ou Sophie Palmer dont on devine une individualité trop peu exprimée. Mais le public est satisfait de la proposition et remercie chaleureusement cette proposition qui bien que lente n'est pas trop longue.
La Fleur du Dimanche
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