samedi 27 janvier 2024

PLI de Viktor Cernicky à la Reithalle avec le Maillon: Une tour et c'est plié

Viktor Cernicky aime à jouer des tours au spectateur. C'est un peu un magicien, un illusionniste, presqu'un escamoteur, alors qu'on nous le présente comme danseur, comédien, artiste de cirque. Ce qu'il est aussi par ailleurs, comme il est également un peu poète et philosophe. Ne se réfère-t-il pas à la fois à Italo Calvino, à Gilles Deleuze ou même à Leibnitz. 


Pli - Viktor Cernicky - Photo: Vojtech Brtnicky


Mais il nous cache bien son jeu. Déjà, quand nous entrons dans cette salle de la Reithalle à Offenbourg pour ce spectacle Pli présenté par le Kulturbüro Stadt Offenburg avec le Maillon, le comédien est en cours de travail. Il commence à positionner l'une après l'autre, après les avoir cherchées sur une sorte "d'arbre à chaises" au fond de la scène, des chaises en diagonale sur la scène, dans une position de déséquilibre instable, l'une s'appuyant sur l'autre. Et c'est cette double instabilité qui crée un équilibre provisoire. Tout cela selon un protocole qu'il ne lâchera que vers la fin du spectacle pour nous projeter dans un nouvel état de tension : marquant le rythme de son corps et de ses pieds, il installe un tapis sonore, une ligne de force, marquant un rythme binaire, quelquefois basculant dans le ternaire, en se déplaçant dans une valse hésitation ponctuée de frappes ou de frottements tout au long de la pièce. D'abord en cherchant une a une les chaises qui vont former cette première dont l'achèvement sera bien sûr une chute surprise vécue comme une belle chorégraphie de chaises bascules. 


Pli - Viktor Cernicky - Photo: Vojtech Brtnicky


Par la suite il va nous induire sur de fausses pistes ou des hésitations dans des constructions aléatoires, dans des géométries poétiques et des espaces courbes, pliés et liés, intriqués. Tout son travail sera lié à ces différents interdépendances entre cet objet à priori sommaire et basique qu'est la chaise de bureau dont il explore les relations équilibrées possibles dans des connexions variées dans un espace changeant. Ce processus un peu hypnotique, soutenu par la construction d'un univers sonore répétitif nous amène non à la chute, mais à l'édification d'une sorte de tour de Babel. Et cela dans la montée en puissance d'une oppression et d'un suspens qui nous fait nous accrocher à notre chaise. Et qui nous fait tendre notre attention vers un summum qu'il se fait un plaisir de titiller.. Jusqu'à une dernière virevolte où il prouve que le pli peut être à la fois physique, architectural ou artistique et qu'en plus il peut quitter la scène après avoir prouvé que les relations et les transformations échappent à des structures linéaires (comme au début) et que comme le dit Deleuze: 

"Le pli n’est pas autre chose qu’un principe de complication, de complexification, de différentiation ; il n’y a pas d’un côté des plis et de l’autre des déplissements, mais tout est pli, et rien n’est simplement dépli."


La Fleur du Dimanche

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