vendredi 26 janvier 2024

Maldonne de Leila Ka: L'habit fait la nonne et le geste donne

Dernière soirée en beauté pour le Festival L'année commence avec elles à Pôle Sud, avec, en apothéose et pour passer au lendemain, un Club'in avec la Compagnie Watt qui nous entraîne dans une soirée house animée de surprises chorégraphiques dans le studio où pour une fois, le spectateur est au centre de la scène pendant que sur l'écran passent des images de danse, mais pas que et qu'entre le DJ et la batteuse cela pulse fort et que la compagnie watt s'éclate de temps en temps au centre du public.

Leïla Ka - Maldonne - Photo: Nora Houguenade


Le dernier spectacle du Festival, Maldonne de Leïla Ka est une très belle conclusion de cette programmation qui donne voix - et corps - aux femmes. Elles sont cinq, debout immobile au centre de la scène, le temps que les spectateurs en arrivent à oublier leurs discussions et se concentrent, avec les danseuses, éclairées à contrejour, la tête légèrement penchées dans une introspection sereine. Très lentement, elles se mettent à bouger, d'abord un bras qui se lève le long du corps et se rapproche du visage, dans un mouvement de  contrition ou de tristesse. 


Leïla Ka - Maldonne - Photo: Nora Houguenade


L'une après l'autre lentement d'abord puis, dans une montée en énergie, de plus en plus sec et rapide. La lumière passant du contrejour à la douche puis à l'avant; révélant les couleurs éclatantes des quatre robes fleuries et toutes différentes. Dans une synchronicité parfaite, chaque danseuse fait une série de gestes minimalistes telle une partition de Steve Reich. La chorégraphie minimale s'installe et se propage, varie en vagues, répétitions et décalages pour finir dans un épuisement qui les abat. Mais pour peur de temps. Les revoilà, habillées de robes version fourrures de félins, dans une chorégraphie plus expansive mais toujours très coordonnée et d'une gestuelle précise. Les tissus des robes volent, elles se retrouvent à genoux, à quatre pattes, s'autoflagellent, dans des accès de violence. Elles ondulent en vagues, dans des attitudes entre connotation sexuelles et combat ou tâches ménagères symboliques. 


Leïla Ka - Maldonne - Photo: Nora Houguenade


La place et le rôle des femmes est prise à bras le corps, leur solidarité aussi, dans des moments où elles se retrouvent dans des respirations communes, pleines de force et de puissance, unies. Dans un autre tableau, avec la chanson de Michel Sardou puissamment interprété par Lara Fabian, elles nous font face dans un magnifique play-back à quatre qu'elle nous projettent puissamment au visage. Un grand moment. Prolongé par des saluts simulés et distanciés finement décalés et plein d'humour. Des crochets inquiétants descendent des cintres et une autre garde-robe colorée s'affiche sur le corps des danseuses que l'on découvre musculeux. Et cette couleur, glissant sur leur tête et découvrant des habits noirs semble faire un clin d'oeil iconoclaste à d'autres habits plus contraignants. La lumière se met da la partie en basculant également au contrejour.


Leïla Ka - Maldonne - Photo: Nora Houguenade


 Une annonce d'un air de Leonard Cohen nous fait basculer dans une sorte de marathon de danse avec des variation plus légères puis, avec un accompagnement de musique classique un peu baroque la scène bascule totalement vers un côté plus caricatural, dans un style de pantomime ou de film muet, avec de scènes faussement comiques de chamailleries de gamines et de scènes d'accouchement presque grotesque où les couleurs des vêtements n'arrêtent pas de valser dans un tourbillon sans fin. Un nouveau choeur de souffle nous reporte aux scènes du début avant que, sur un air de choeur baroque puissant, les cinq interprètes se retrouvent face à nous et nous font un ultime effeuillage. 


Leïla Ka - Maldonne - Photo: Nora Houguenade


Dans une chorégraphie d'une coordination parfaite, elles se libèrent de ces oripeaux dans de superbes gestes de révolte. Un spectacle puissant et prenant mené de main de maîtresse par Leïla Ka avec cette bande des cinq qui ne nous ménage pas et porte haut la parole des femmes.


La Fleur du Dimanche

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