jeudi 11 janvier 2024

Une Table à Soi d'Olga Mesa à Pôle Sud: La femme diffractée

Pour la deuxième partie de la première soirée du Festival L'année commence avec elles à Pôle Sud, nous avons droit au retour d'Olga Mesa avec sa dernière création Une Table à Soi (danse des mains)




Elle est étendue à terre au milieu de son installation sophistiquée, faite de parois multiples, de vidéoprojecteurs et d'écrans dans tous les sens, de toutes sortes de pieds de différentes formes et matières accrochées aux parois, de lampes sur pied plus ou moins hauts et de projecteurs variés, soit de lumière blanche soit couvertes de gélatines rouges. A terre à côté d'elle, une boite ronde comme un emballage de bobine de film de cinéma, une boule à facette et sur une table un ordinateur sur l'écran duquel on voit une pièce (sa chambre à soi) dans une dominante orangée. Cette image se retrouve en grand après qu'elle se soit levée et ait mis en marche un autre vidéoprojecteur qui se projette sur un très grand écran sur l'arrière de la scène.



Elle démarre alors une ronde folle où elle explore tous les recoins de la scène et du décor, de bas en haut, même la charpente, s'approchant des papiers, gélatines et autres objets, la boule à facette qu'elle fait rouler sur la scène,  une autre, découverte dans ce qui est un genre de réserve sur le côté droit de la scène. Elle met en route des ventilateurs qui donnent vie aux objets, feuilles et couvertures de survie argentées disséminées sur la scène, faisant scintiller une autre boule à facette sur un projecteur, jouant avec la lumière. Cette lumière qui n'arrête pas de changer, passant du plein feu au noir, éclairant des parties du décor, des pans isolés, son corps prenant des poses hiératiques. Elle se filme et filme des accessoires dans un élan vertigineux, entraînée par sa petite caméra attachée à sa main, passant du détail à une vue large de la scène, ou à ses mains, ses bras, son corps. Elle prend le dessus à un moment précis où elle se lance dans une ronde de derviche puis en posant la caméra à terre pour rouler au sol, mais on se rendre compte dans la fin de partie que la caméra, elle, ne l'a pas lâchée... Puis elle l'abandonne définitivement pour se mesurer à son propre corps qui se met en pause ou en pose distancié, qui se dévoile et s'affirme et s'emporte aussi, se retrouvant diffractée, multipliée, soit en ombre chinoise, soit en image projetée reprise en direct ou à partir d'images vidéo préalablement enregistrées sur les multiples surfaces aux quatre coins de la scène.




Les objets aussi prennent vie, d'une certaine manière comme dans le film Der Lauf der Dinge, mais sans les interactions. Elle pose une minuscule reproduction de la table, cette "table à soi", se réappropriant son nom (Mesa = table en portugais) et essayant de se retrouver dans le contexte du confinement où beaucoup ont expérimenté ce face à face avec soi-même. Elle, elle a aussi expérimenté la relation à distance à sa mère et des bouts de spectacle intimes (la danse des mains) dont elle nous gratifie également. Mais le corps s'est libéré et prend l'espace. Cet espace qu'elle remplit et surcharge, qui déborde de sa présence généreuse. Et qu'elle nous offre en plus dans une présence- absence lorsqu'elle prend congé et nous passe le film qu'elle a tourné au début de la pièce. Mais adepte des répétitions, comme pour l'intro tronquée d'une chanson des Doors (?) "When the music's over ?"), elle nous offre un puis deux puis trois, puis quatre épilogues où elle dialogue avec Siri comme une femme sur la lune, elle nous annonce la fin: "C'est la fin?" et elle nous dit "Pas encore" avant de faire voler ses objets inanimés qui rejoignent le public avant le "stop" final.


La Fleur du Dimanche   

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