dimanche 29 septembre 2024

Un dimanche à Musica: De Sarhan à Schoenberg, du Log Book au Quatuor - un jour parfait

 D'un dimanche à l'autre, Musica continue mais ne se resemble pas. Après les 36 variations sous le soleil des Peuples Unis, nous plongeons dans un Journal de bord musical pour terminer autour de la forme parfaite du quatuor pas rond.


Log Book de François Sarhan avec Zafraan Ensemble


Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker

La journée commence comme il se doit avec un petit déjeuner, café, croissants, pains au chocolat, délicieux jus de fruits pour être en forme, mais surtout un voyage dans le temps avec le "journal sonore" de François Sarhan qu'il tient depuis 2019. Ce projet original, fait de notes (musicales), de notes (sonores), de notes (écrite), de notes (vidéo) et de cartes (météo) et de cartes (à jouer) se concrétise aujourd'hui dans le cadre du Festival Musica dans la salle de la Bourse sous la forme d'un concert avec l'Ensemble Zafraan dans lequel on va lentement suivre le temps de date en date, de note en note depuis le début jusqu'à aujourd'hui. 

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker

En fait, ce Log book peut prendre plusieurs formes, les deux principales - publiques - étant ce concert de quatre heures à entrée et sortie variable et un jeu de cartes composé de 80 cartes illustrées de dessins qu'il a réalisées et sur le dos desquelles se trouve un QR code qui renvoie sur le contenu du journal correspondant à la carte. Les quatre-vingt cartes ne sont pas toutes jouées pendant le concert, et à priori le Log Book ne s'arrête pas encore. Les différentes dates de ce journal - jours où il y a eu création sont composées de manière variable, mais il y a des éléments qui se retrouvent régulièrement, comme un journal "enregistré" qui commente avec ironie l'actualité, des montages sonores sur la thématique du temps "A propos du temps", collage sonore curieux, des moments musicaux interprété par les musiciens de l'ensemble Zafraan, cet ensemble berlinois que nous avons également vu avec la pièce de Rimini Protokol All Right. Good Night. 

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker


Ici se sont Martin Posegga au saxophone, Emmanuelle Bernard au violon, Josa Gerhard à l'alto, Jakob Krupp à la contrebasse, Clemens Hund-Göschel au synthétiseur et Daniel Eichholz aux percussions et à la batterie qui nous interprètent ces voyages et notations musicales originales. Avec ou sans le commentaire de François Sahran se ses réflexion ou ses élucubrations surréalistes ou ironiques. Quelques repères reviennent de temps en temps comme la "Météo Marine"; les anniversaires (le 30 septembre), les progrès sonores de "Lilou", et les images de voyage (Prague,..) des expérimentations sonores (le son du corps, film assez drolatique), les rêves, et des essais pour ouvrir un cadena à chiffre sont la réussite marque la fin provisoire du Log Book, qui bien sûr continue encore avec des réflexions sur la musique jusqu'au couperet final: "Tu dois apprendre à fermer tes oreilles". Le Log book se déguste bien en petit déjeuner qui dure jusqu'au déjeuner, le mariage texte et musique touve un bon équilibre et l'on sent une réelle complicité avec l'Ensemble Zafraan. Leur musique qui pourrait presqu'être du free jazz assure une bonne dynamique, surtout avec Daniel Eicholz à la batterie. Un bon début de journée.

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Ensemble Zafraan - Log Book - Photo: Robert Becker



Le Film Arnold Schönberg l'inlassable visionnaire 

La journée continue à la Cité de la Musique et de la Danse pour une avant-première proposée par Arte du film d'Andreas Morel Arnold Schönberg l'inlassable visionnaire - der rastlose Visionär qui sera diffusé à l'antenne le 7 octobre à 00h10 pour les insomniaques. Le film nous fait découvrir sa vie (à 8 ans il faisant du violon et composait des pastiches de pièces classiques), ses deux femmes (la trahison de la première qui aurait influé l'écriture du Quatuor à corde N°2) ses 5 enfants dont on en voit trois qui témoignent dans le film et son petit film qui s'occupe de son oeuvre. On y voit bien sûr des témoignages de professionnels, musiciens, chefs d'orchestre, archivistes et ses influences (Richard Wagner et Richard Strauss) ainsi que son évolution musicale vers le dodécaphonisme ainsi que son influence sur les élèves qu'il a eu Alban Berg, Anton Webern. On y découvre aussi son travail pictural et les nombreux dessins, tableaux et autoportrait qu'il a réalisé à côté de la musique. Et bien sûr des extraits de ses pièces dans un dispositif original. Le comédien et chanteur Dominique Horwitz, fantôme ou réincarnation de Schönberg nous guide dans un parcours sur les traces du compositeur et nous déclame ses lettres et pensées. L'occasion pour les 150 ans de cet auteur né un 13 septembre et mort un 13 juillet (il était superstitieux) de connaitre un peu mieux sa vie, son oeuvre. 



Arnold Schönberg visionnaire - Quatuor  Diotima


Festival Musica 2024 - François Sarhan - Quatuor Diotima - Photo: Robert Becker

Changement de plateau et en avant pour le concert autour de Schönberg et du quatuor. C'est le Quatuor Diotima avec, au violon Yun-Peng Zhao,et Léo Marillier, à l'alto Franck Chevalier et au violoncelle Alexis Descharmes qui démarrent avec le Quatuor N°1 "Bobok" (2002) de François Sarhan qu'on ne quitte décidemment pas. Son quatuor fait référence à la nouvelle de Dostoïevski, une conversation entre les morts. 

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Quatuor Diotima - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - François Sarhan - Quatuor Diotima - Photo: Robert Becker



La pièce commence doucement avec des trajectoire individuelles et des variations pizzicato puis une petite danse en trille, des glissements, accélérations, ralentis qui de temps en temps se rejoignent. Le toucher est délicat, lessons presque chuchotés, une mélodie tente d'émerger puis nous partons dans un mouvement crescendo et une envolée. Puis l'on repart dans la légèreté avec un arrêt brutal, final.

Festival Musica 2024 - Helmut Lachenman - Quatuor Diotima - Photo: Robert Becker

Suit le 3ème Quatuor à cordes "Grido" (2001) d'Helmut Lachenmann qui nous emmène dans un monde de cordes frotées presqu'en silence, par petites touches, avec des notes presqu'imperceptibles, une poésie du silence, en quelque sorte. Des vibrations hyper discrètes, comme une de ces peintures preque blanche de Cy Twombly et des sons qui semblent joués à 'envers. Tout à coup les cordes vibrent, crissent, grincent et un rythme qui essaie de s'installer puis l'évaporation du son avant un crissement final. Magnifique ode au silence.


Festival Musica 2024 - Arnold Schönberg - Quatuor Diotima - Photo: Robert Becker


 Nous terminons avec le Quatuor à cordes N° 2 d'Arnold Schönberg. Il démarre de manière plutôt classique et les instruments se répondent et reprennent la mélodie avec un certain lyrisme. Le violoncelle pose sa base. Le deuxième mouvement est un peu plus balancé et c'est là que l'on peut entendre la citation de la chanson populaire "Oh du Lieber Augustin" qui se transforme. Elle peut signifier le désarroi de Schoenberg suite à la trahison de sa femme et de son meilleur ami, tout comme la vison de l'avenir de sa musique qui commence à changer, amenant le sérialisme et le dodécaphonisme - et la réception houleuse que lui en fera la public de l'époque. Dans le troisième mouvement qui démarre lentement apparaît le chant. 

Festival Musica 2024 - Arnold Schönberg - Quatuor Diotima - Axelle Fanyo - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - Arnold Schönberg - Quatuor Diotima - Axelle Fanyo - Photo: Robert Becker

C'est la soprano Axelle Fanyo qui interprète avec puissance un poème Stefan George, également dans le quatrième mouvement. Celui-ci joue aussi sur la lenteur et la délicatesse, la mélodie tourne et se cherche, se répète, avec quelques pizzicatos, puis enfle et arrive doucement le chant, avec ce poème qui dit:

"Je sens l'air d'une autre planète

Dans le noir, pâlissent les visages

Qui jusqu'alors s'étaient tournés vers moi"

Festival Musica 2024 - Arnold Schönberg - Quatuor Diotima - Axelle Fanyo - Photo: Robert Becker

La pièce se termine en douces et lentes répétions des airs qui doucement s'envolent. Un très beau moment, qui sera dédié à Rohan de Saram, membre du Quatuor Arditi dont l'annonce du décès s'est faite ce jour.


La Fleur du Dimanche

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