mardi 24 septembre 2024

Musica à Saint Paul: Soeurs - La musique est-elle féministe ? En tout cas, place aux femmes de 22 à 92 ans

 La musique est à l'image du lieu où elle se joue, ou est-ce l'inverse ? Saint Paul, l'église à la confluence de l'Aar et de l'Ill près du Palais Universitaire, qui est devenu le lieu incontournable des Soirées Sonic Temple du Festival Musica depuis six ans, se trouve cette année occupée par une série beaucoup plus importante de concerts. Il y avait déjà l'avant-première du Festival,The Great Learning le 15 septembre et il y avait les deux soirées rewire du 20 et du 21 septembre. Et il y aura bien sûr la soirée #6 de Sonic Temple en accès à prix libre le jeudi 3 octobre pour clore le Festival à Strasbourg - avant le week-end messin. Il y aura aussi Moor Mother le 28 septembre et Christian Marclay et Geneviève Murphy le 26. La soirée du 24 septembre, Soeurs est consacrée à quatre femmes dans un programme à quatre temps avec deux oeuvres qui se répondent du début à la fin. Ces deux pièces sont jouées par l'ensemble Onceim qui rassemble des musiciens de tous horizons, de tous types de musique et d'orchestres divers, dont l'objectif est vraiment d'innover et de créer en musique contemporaine.



Festival Musica 2024 - Soeurs - Ellen Akbro  - Photo: Robert Becker


La première pièce For Orchestra d'Ellen Akbro a été créée avec et pour l'Onceim en 2022 suite à une résidence de création et en collaboration avec l'INA-GRM. Elle joue sur des sons minimaux et tenus - des drones. Cela commence très doucement avec les archets qui frottent en continu les cordes, quelques notes égrenées au piano. Quelques cordes grattées, des frémissements de cymbales, une trompette... Le temps s'étire et prend le temps, nous aussi et c'est bon.


Festival Musica 2024 - Soeurs - Ellen Akbro  - Photo: Robert Becker



Pour la deuxième pièce, changement de décor et d'axe, c'est sur l'orgue que Sarah Davachi joue sa composition avec des variations dans les basses d'abord, avec les vibrations continues qui remplissent l'espace, tournent et s'enroulent, arrivent les aigus qui s'y rajoutent sur le même mode, tournoient et varient ainsi imperceptiblement dans un cocon sonore. Les harmoniques s'installent dans l'ensemble de l'église et nous emmènent dans un autre univers.

Festival Musica 2024 - Soeurs - Sarah Davachi  - Photo: Robert Becker


On change d'univers avec Lyra Pramuk qui s'installe sur la petite scène avec Jules Reidy qui l'accompagne à la guitare sur la petite scène. Ses longs cheveux noirs encadrent son visage et elle est accroupie à terre. 

Festival Musica 2024 - Soeurs - Lina Pramuk  - Photo: Robert Becker


Elle commence à lire d'une voix envoûtante un poème en anglais parlant d'une rose sans nom "the no name's rose, the man's rose". La phrase semble se répéter, elle part en boucle de plus en plus tourbillonnante qu'elle complète avec des longues vocalises dans une large tessiture. Ses graves impressionnent et ses aigus aussi. 

Festival Musica 2024 - Soeurs - Lina Pramuk  - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - Soeurs - Lina Pramuk  - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - Soeurs - Lina Pramuk  - Photo: Robert Becker

Sur des notes de guitare qui l'accompagnent, quelques effets électroniques et les échos qui se réverbèrent, quelques clochettes agrémentent les mélopées naviguent entre médiéval et chamanique dans une technologie d'aujourd'hui.


Changement de cap avec Eliane Radigue et son Occam Ocean qu'elle a entièrement construite avec l'Onceim. C'est une pièce de presque une heure qui joue sur les drones (les notes tenues) et qui débute très doucement avec les trois guitaristes qui frottent les cordes de leur instrument. Les notes montent doucement en puissance pout redescendre tout aussi doucement. Mais entretemps, les percussionnistes commencent à caresser leurs instruments et la batterie, sourde tout d'abord se fait plus audible. 

Festival Musica 2024 - Soeurs - Eliane Radigue  - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - Soeurs - Eliane Radigue  - Photo: Robert Becker

Puis c'est le tour des clarinettes, toujours du côté gauche de l'orchestre qui entrent en scène. Les cordes au fur et à mesure de leur instruments prennent le relais, toujours en se chevauchant et en suivant leur lente courbe de puissance et d'extinction. Puis successivement ce sont d'autres instruments qui rentrent dans le cycle, vents, saxophones, à nouveaux les percussions. 

Festival Musica 2024 - Soeurs - Eliane Radigue  - Photo: Robert Becker

Festival Musica 2024 - Soeurs - Eliane Radigue  - Photo: Robert Becker

Cela tourne, les instruments actifs deviennent plus nombreux, on arrive difficilement à les identifier, les notes se mélangent, on a l'impression d'entendre des voix également et cette masse sonore qui reste d'un niveau très modéré est du plus bel effet. Les impressions sont surprenantes et l'on cherche ardemment d'où pourrait venir tel ou tel son. Une écoute intelligente peut se mettre en place. Ou alors on se laisse envahir par la marée sonore et l'on fait, tel Ulysse, un très beau voyage. 

Festival Musica 2024 - Soeurs - Eliane Radigue  - Photo: Robert Becker

Ce voyage qui a vu cette montée en puissance avec tous les participants impliqués part dans une décrue et s'éteint peu à peu dans un mouvement inverse de son apparition pour s'éteindre très très doucement avec la guitare, grattée cette fois-ci de plus en plus légèrement. Magnifique et inoubliable moment.


La Fleur du Dimanche

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