dimanche 8 septembre 2024

Into the winds au Festival Voix et Route Romane: Les Vents attisent un feu flamboyant et ensorcelant

 Depuis plus de trente ans, le Festival Voix et Route Romane irrigue l'Alsace du Nord au Sud en mettant en valeur via de magnifiques concerts une partie des joyaux architecturaux romans qui parsèment la plaine entre l'Outre-Forêt et le Sundgau. La thématique de l'année, tout à fait d'actualité, sous le chapeau de Ménestr'Elles est consacré aux femmes, qu'elles soient compositrices ou dirigent un ensemble.


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker


Celui du jour, justement en Outre-Forêt, même s'il n'a pas été fondé par une femme doit sa création en 2017 à parité à Adrien Reboisson et Annabelle Guibeaud et se concentre à la fois sur les instruments à vents et surtout à ceux de facture ancienne (chalemies, bombarde, saqueboute, trompette à coulisse,..). Leur répertoire va de la fin du Moyen-Âge au début de la Renaissance et à côté d'un programme très dansant (qu'ils ont édité en disque avec Le Parfaict Danser, ils proposent pour ce concert un focus sur le règne de Charles VI, mort en 1422 (c'était le 800ème anniversaire). 


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker

Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker


Curieux roi qui, dans une période politiquement un peu plus calme pendant la Guerre de Cent Ans, va développer des accès de folie et traverser de nombreuses péripéties, dont le Bal des Ardents (où lors d'un charivari, son costume prend feu - un clin d'oeil du titre du concert ? Le grand Embrasement?) - et des querelles internes mais aussi entre la France et l'Angleterre.  Une période riche en musique et en compositeurs mais dont peu sont arrivés à notre connaissance. 


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker


C'est donc un  intéressant programme, exhumé par l'ensemble Into the Winds qui nous offre une trentaine de pièces, variées qui nous enchantent. Elles sont organisées en sept sections. Ces moments musicaux sont ponctués de textes tirés de chroniques d'époque (les chroniques de Jean Froissart, du religieux de Saint-Denis ou d'Enguerrand de Monstrelet et même du Traité de Troyes) qui parcourent la vie de Charles VI, de son couronnement à sa mort et ses funérailles. On y assiste, entre autre, à l'assassinat bien détaillé du duc d'Orléans, Jean sans Peur en 1419 (jusqu'à la cervelle qui tombe sur la chaussée) ou au baptême de la bataille d'Azincourt et aussi à la décision de Charles VI de faire d'Henry V d'Angleterre l'héritier du roi - ce qui n'arrivera pas, ce dernier étant mort en août avant Charles VI. Ces textes sont très instructifs sur la période et la diction bien claire et vivante d'Adrien Reboisson ancrent les pièces musicales dans un contexte bienvenu.


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker


Le concert en lui-même est bien rythmé et varié, amenant des surprises, dont en particulier pour commencer la procession des musiciens qui commencent à faire sonner leurs instruments à l'arrière de l'église, derrière le public. Les airs sont entraînants, les sonorités des chalemies et les flûtes à becs ancestrales, ainsi que les bombardes, avec leurs sons de biniou nous projettent dans une autre époque, coupés du temps. En alternant des airs plus vifs et rythmés avec des parties plus mélodieuses avec des duos ou trio de flûtes à bec, où les mélodies s'enroulent les unes sur les autres, les morceaux s'enchaînent sans férir. 


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker

Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker

De temps en temps, le tambour ou les percussions (avec Laurent Sauron) marquent le rythme d'une manière plus solennelle, ou les vents se font plus tonitruants. Anabelle Guibeaud interprète plusieurs pièces à la fois au tambour (d'une main) et à la flûte à bec (de l'autre), sacré challenge de coordination. Marion le Moal sonne magistralement la bombarde et alterne avec la flûte à bec, tandis que Rémi Lécorché, qui joue aussi de la flûte à bec, passe surtout de la trompette à coulisse à la busine de plus de deux mètres dont il assemble avec plaisir les tuyaux.


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker

Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker


Pas seulement cérémonieux ou majestueux, les morceaux peuvent êtres très mélodieux, pas forcément virtuoses, mais simples et ensorcelants, avec de belles variations qui, une fois présentées se retrouvent reprises par les autres instruments au fur et à mesure et avec bonheur.


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker


Quelques mélodies plus dansantes nous chatouillent les pieds et des airs qui ressemblent à des marches et fanfares de fêtes, un mariage peut-être, joyeuses, gaies et plein d'entrain nous apportent une bonne énergie avant, funérailles obligent, des airs plus tristes avec les cloches qui résonnent longtemps dans cette église nous indiquent la fin dans une semi-obscurité. 


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker


Il faut noter le beau travail d'ambiance lumière de Christian Peuckert avec des effets de couleur et de relief qui s'appuient sur la grande oeuvre en papier froissé crée par Véronique Thiéry-Grenier qui fait office de fond de scène et qui apporte un peu de couleur dans cette collégiale Saint-Martin et Saint Arbogast, la plus ancienne église romane d'Alsace.


Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker

Voix et Route Romane - Into the Winds - Le Grand Embrasement - Photo: Robert Becker

Le concert aura permis de découvrir des pages peu connues du répertoire de musique ancienne - et sans voix mais avec un entrain et une énergie que l'ensemble "Dans les vents" a su insuffler à l'auditoire qui a bien sûr eu droit à un bis bien enlevé dans les airs et joyeusement interprétés avec un bonheur contagieux.


La Fleur du Dimanche


Rendez-vous pour la suite:

Samedi 14 septembre à 20h00 à Strasbourg - Chapelle Saint-Etienne avec Discantus e& Triopolycordes

Dimanche 15 septembre à 18h00 à Rosheim - Eglise Saint Pierre-et-Paul avec Per-Sonat

Le programme complet du Festival Voix & Route Romane est ici.


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